Texte intégral
Je commencerai mon propos en replaçant la France - et l'action que j'ai l'honneur de mener - dans le contexte des profondes mutations que nous connaissons aujourd'hui.
L'invitation de quinze chefs d'État au sommet des BRICS - Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud -, qui se tient en ce moment à Durban, montre tout d'abord qu'une forte coopération sud-sud se met en place. Même si l'on est encore loin d'accords de libre-échange, des liens pragmatiques se nouent autour de projets ponctuels. Les BRICS, qui représentent 43 % de la population mondiale et 25 % du PIB, ont ainsi affiché leur ambition de créer leurs propres institutions, dont une banque. D'après une dépêche tombée en début d'après-midi, un accord aurait été trouvé sur ce dernier point. Ils ambitionnent également de relancer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le processus de Doha, tout en réformant le Conseil de sécurité des Nations unies.
En Asie, on observe une multiplication des accords de libre-échange, qui sont soit déjà conclus, tels que l'ASEAN ou les accords entre, d'une part, la Corée du Sud et l'Inde et, d'autre part, entre ce dernier pays et le Japon, soit en cours de négociation, comme l'accord entre la Chinée, la Corée du Sud et le Japon, qui vient d'être relancé.
Quant aux États-Unis, ils s'efforcent très activement de structurer le TPP - le Partenariat trans-Pacifique -, qui pourrait regrouper douze pays : les États-Unis, l'Australie, Brunei, le Chili, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, le Vietnam, la Corée, le Mexique, le Canada, auxquels le Japon devrait se joindre prochainement. Un nouveau bloc pourrait donc émerger.
En Afrique, le «continent de demain», on s'attend à une croissance du marché agro-alimentaire de 45 % d'ici à 2020. Les populations urbaines s'y développent aussi à grande vitesse : en 2016, 500 millions d'Africains vivront en ville. Aujourd'hui, 81 % de la consommation africaine se concentre dans un petit nombre de pays - Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Angola, Ghana, Nigeria, Éthiopie et Ghana.
Cette recomposition du paysage s'accompagne d'une panne du multilatéralisme, après un regain consécutif à la chute du mur de Berlin. La volonté affirmée des BRICS de relancer les négociations à l'OMC se heurte en particulier à leur propre refus de prendre des responsabilités égales à leur puissance commerciale. Le nouveau round de négociations qui aura lieu lors de la conférence de Bali est peut-être l'une des dernières chances du multilatéralisme.
Partant de ce constat, l'Union européenne s'est engagée dans un cycle de négociations bilatérales. Plusieurs accords ont déjà été signés, avec la Corée ou encore avec la Colombie et le Pérou, et d'autres sont presque finalisés, notamment avec le Canada. Les discussions ont également commencé lundi avec le Japon, par voie téléphonique - un déplacement à Tokyo a dû être remis à plus tard en raison de la crise chypriote. Quant au projet d'accord avec les États-Unis, les discussions ont commencé sur le mandat de négociation.
Si l'Union européenne - et la France avec elle - peuvent tirer leur épingle du jeu dans ce monde multipolaire, c'est que nous sommes la première force de marché, devant les États-Unis. Avec une population de 500 millions d'habitants et un PIB de 12 600 milliards d'euros, l'Union européenne est le premier exportateur de biens et de services. Son excédent en matière de produits industriels a triplé en dix ans, et elle est aussi excédentaire en matière de services et de produits agricoles et agro-alimentaires.
L'Union européenne doit négocier avec les autres puissances, notamment la Chine, qui est devenue le deuxième exportateur mondial. Je me félicite de la création de votre mission d'information sur ce pays, où je me suis rendue au mois de janvier et où je retourne à la fin du mois dans le cadre du voyage d'État du président de la République. Je suis prête à venir m'exprimer devant vous. L'Inde et le Brésil, qui sont des pays difficiles, doivent aussi ouvrir leurs marchés.
Ce que la France ne peut obtenir seule, l'Union européenne le peut. Tous veulent signer un accord de libre-échange avec elle, à l'instar du Japon. Nous avons âprement négocié le mandat donné à la Commission européenne pour les négociations avec ce pays. Si le mandat est fragile, en effet, les difficultés que l'on a voulu occulter au début des négociations refont surface à la fin. C'est ce que l'on constate aujourd'hui avec le Canada : la Commission souhaitait conclure les négociations à la fin de l'année dernière, mais cela n'a pas été possible pour diverses raisons - la nature fédérale du Canada, qui complique les négociations, ou encore des blocages persistants sur les indications géographiques. L'exemple du Canada est important, car cet accord préfigure en quelque sorte celui qui pourrait être conclu avec les États-Unis.
En ce qui concerne le Japon, la France a porté l'exigence d'une baisse des barrières réglementaires au même rythme que celle des barrières tarifaires. Les Japonais ont donné des signes positifs, en acceptant notamment l'ouverture de leur marché ferroviaire et la reprise des exportations européennes de viande bovine. Il reste beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les barrières dans le domaine sanitaire.
Les grands émergents, après avoir bousculé les règles du commerce, doivent maintenant contribuer au bien public mondial. Nous avons engagé une discussion sur ce sujet au sommet du G20 de Los Cabos, en juillet dernier. J'ajoute que les pays du Sud ne donnent plus l'impression de former un bloc homogène : il appartient maintenant aux grands émergents d'assumer leurs responsabilités, et des émergents de taille intermédiaire, les CIVETS - Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, Turquie et Afrique du Sud - sont apparus.
Pour ce qui est de l'accord avec les États-Unis, j'ai rendu public hier la consultation avec les entreprises, qui a été un vrai succès - nous avons reçu cinq fois plus de réponses que pour l'accord avec le Japon, ce qui montre l'intérêt des entreprises françaises. Vingt ONG ont également apporté une réponse, et je rencontrerai bientôt la Confédération européenne des syndicats (CES). Nous savons que les syndicats américains sont plutôt favorables à cet accord, mais j'aimerais aussi connaître l'avis de leurs homologues européens.
Nous avons certainement intérêt à un accord avec les États-Unis, mais l'importance des échanges avec ce pays, qui représentent 40 % du commerce mondial, exige une attention toute particulière. Cet accord servira de référence au plan mondial. Nous devons donc donner un bon mandat à la Commission, à la fois clair, précis et ferme. Nos lignes rouges sont connues : l'exception culturelle et certaines préférences collectives, concernant par exemple le boeuf aux hormones et les OGM. On peut certes espérer un accord lors du sommet du 14 juin, comme la présidence irlandaise le souhaite, mais il n'y a pas lieu de se précipiter. La discussion doit s'engager sur de bonnes bases avec les États-Unis, qui ont encore beaucoup recours à des mesures protectionnistes. Il faut obtenir une baisse des barrières non tarifaires et un rapprochement des réglementations par le haut.
Du fait de l'importance des échanges avec les États-Unis, cet accord pourrait paradoxalement conduire à une relance du multilatéralisme. Afin de compenser l'axe Europe-États-Unis, de nombreux pays chercheront en effet à revitaliser l'OMC.
Pour ce qui est de la France en particulier, notre pays a une voix qui porte au sein de l'Union européenne. Elle doit l'utiliser, en formant des coalitions à géométrie variable en fonction de ses intérêts, afin d'aboutir à une politique commerciale européenne plus équilibrée. La France doit aussi tirer parti des atouts liés à son histoire. Nous devons profiter de notre relation particulière avec certains pays pour renforcer notre coopération économique, industrielle et commerciale avec eux. Je rappelle que nous conservons avec les pays méditerranéens des parts de marché situées entre 12 et 14 %, bien au-delà de notre moyenne mondiale de 3,1 %.
Il faut conforter cette relation en trouvant de nouveaux débouchés. Il faut notamment développer une Méditerranée des projets. On sait que les débouchés vont être importants dans les secteurs de l'agroalimentaire et de la ville durable. Il faut renforcer nos liens. Je suis allée déjà deux fois au Maroc et j'y retourne la semaine prochaine avec le président de la République qui y effectue une visite d'État. J'ai mis en avant - après d'autres - le concept de co-localisation, c'est-à-dire l'intérêt bien compris du développement de ces pays comme de notre croissance et de nos emplois en France.
En Algérie, le bon climat instauré par le président de la République lors de sa visite d'État se vérifiera, je le souhaite, lors du forum économique qui se tiendra à Paris le 2 avril et que je co-présiderai avec le ministre algérien de l'industrie et du commerce, M. Rahmani. Je pense que les relations d'autorité politique à autorité politique sont très importantes, mais, pour que les liens soient durables et réguliers, il est peut-être encore plus important que les communautés d'affaires se parlent et se voient, d'entreprise à entreprise, même lorsqu'il s'agit d'entreprises d'État.
Avec l'Afrique, notre relation doit être tournée vers l'avenir et redéfinie pour accompagner l'émergence du continent. Il faut nous mettre sur un pied d'égalité avec les pays africains et placer au premier plan nos relations économiques. Nous devons privilégier l'axe du développement économique partagé ; ce fut d'ailleurs le sens de l'allocution du président de la République à Kinshasa en octobre dernier.
Je me suis rendue au Kenya et j'irai bientôt en Éthiopie. Le plan export que j'ai présenté le 3 décembre 2012 met en avant les relais de croissance sur ce continent. La croissance se concentre dans quelques pays d'Afrique, notamment en Afrique anglophone et en Afrique lusophone. Ces pays sont donc des priorités. Je pense notamment à l'Afrique du Sud, au Nigeria, où je me rendrai, et à la Côte d'Ivoire. Notre objectif est de consolider nos positions en Afrique francophone et de conquérir des parts de marchés en Afrique australe et en Afrique de l'Est, qui ne sont pas nos marchés habituels mais vers lesquels nos grandes entreprises se déplacent petit à petit, ce qui est plutôt bon signe -signe que le marché a été bien analysé et que derrière, des entreprises plus modestes peuvent suivre. J'ai vu que nous avions des entreprises conquérantes au Kenya, qui n'est pas notre jardin naturel. Je pense par exemple à L'Oréal.
Sur l'accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Europe, le Parlement français a été saisi le 19 mars. Le projet de mandat a été transmis conformément à l'article 88-4 de la Constitution. Vous savez donc que vous pouvez vous saisir de cette négociation et donner votre avis au travers de propositions de résolutions.
L'Europe est notre marché de proximité - nous y faisions en 2012 encore 59 % de notre commerce extérieur -, mais nous commençons à voir nos entreprises se déplacer vers des pays plus lointains, notamment vers l'Asie. Compte-tenu de la mutation du monde, de ces pays en croissance qui s'organisent et sont des marchés pour nous - même s'ils sont parfois lointains -, et compte tenu également d'une certaine difficulté de croissance en Europe, j'ai réorganisé nos instruments de politique commerciale en confiant aux régions le soin de piloter l'internationalisation des entreprises depuis leurs territoires, parce que je pense qu'être bien organisé en France augmente les chances de l'être à l'étranger. Les régions vont ainsi piloter des plans régionaux d'internationalisation des entreprises - les premiers devraient commencer à m'arriver à partir de la fin du mois de mars. J'étais vendredi à Angers avec le Premier ministre ainsi qu'avec Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement (BPI). Dans les pays de Loire, nous avons régionalisé pour la première fois la BPI, qui est un outil stratégique et va apporter tous les financements qui concourent au développement et à la croissance de nos entreprises.
J'avais confié il y a quelques mois une mission à l'Inspection générale des finances sur la réorganisation de nos financements à l'export ; j'en présenterai les conclusions très rapidement. Notre offre actuelle est en effet un peu confuse. La BPI va distribuer à la fois les produits Coface, l'accompagnement d'Ubifrance et les produits financiers d'exportation proprement dits. En même temps, nous avons lancé avec CDC-entreprise, qui va se retrouver au sein de la BPI, un appel à projet pour constituer des fonds pour l'apport de capitaux propres -parce que pour tenir le coup à l'export, il faut avoir des fonds propres solides. Nous avons ainsi déjà délégué 150 millions destinés à des fonds de cette nature. La place des régions comme pilotes de l'export devrait donc être consacrée dans le projet de loi de décentralisation que ma collègue Marylise Lebranchu présentera le 6 avril en conseil des ministres et dont vous aurez à débattre en séance plénière. L'attribution de cette compétence de pilotage aux régions est logique : les régions ont déjà la compétence pour le développement économique et elles seront confortées dans l'innovation - et M. Lellouche le sait bien, on exporte d'autant plus facilement que l'on innove.
Dans le Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi que nous avons présenté en novembre, Ubifrance a reçu pour objectif de recentrer son action sur l'accompagnement des PME dans la durée. Son président est là et peut en témoigner : 1000 PME innovantes devront être accompagnées pendant au moins trois ans. Ubifrance va déployer son plan progressivement : 250 entreprises cette année, 600 l'année prochaine et 1000 en 2015. Dans le même temps, nous redéployons nos forces et ouvrons de nouveaux bureaux Ubifrance à l'étranger : au Kenya, en Birmanie... Cette zone, l'ASEAN, est d'ailleurs une priorité politique et économique du gouvernement français. Je suis allée avec le Premier ministre à Singapour et en Thaïlande, en Inde, au Vietnam et en Indonésie. Nous avons beaucoup de choses à améliorer dans cette région qui n'est pas une zone d'influence naturelle de la France. Au Vietnam par exemple, nous sommes seulement à 1 % de part de marché alors que nous y avons beaucoup investi.
Dans le Pacte de compétitivité, nous avons également fixé un objectif concernant les volontaires internationaux en entreprise (VIE), qui sont très utiles aux entreprises. Il y a actuellement seulement 7400 VIE pour 40 000 demandes annuelles. Notre objectif est d'augmenter leur nombre de 25 %. Ce dispositif fonctionne bien, mais n'est pas assez connu et utilisé par les PME.
Compte-tenu de la demande mondiale, qui se concentre dans 47 pays, j'ai déterminé quatre familles de produits où nos entreprises sont bien placées : mieux se nourrir ; mieux vivre en ville - ce qui englobe toute la gamme ayant trait à la ville durable - ; mieux se soigner ; enfin mieux communiquer, qui englobe le secteur du numérique et des nouvelles technologies, où nous avons une offre assez intéressante. Je rappelle que dans ce secteur, nous disposons de pôles de compétitivité qui sont une réussite et qu'il faut porter à l'étranger. Nous savons que notre faiblesse, on le dit souvent, est d'être insuffisamment regroupés. Je pense que ces familles permettront aux entreprises de se regrouper au travers d'offres intelligentes. Je nommerai d'ailleurs en avril quatre grands fédérateurs - deux hommes et deux femmes - qui animeront ces familles et m'aideront à organiser les entreprises françaises afin qu'elles conquièrent de nouveaux marchés.
Nos entreprises sont performantes. On ne le sait pas assez et, en France, on pratique facilement l'autodénigrement. Je vois beaucoup d'entreprises qui se battent et s'en sortent. Quelquefois, je vois des entreprises être en difficulté sur leur marché de proximité mais réussir à l'export. L'un n'empêche pas l'autre. Pour mon équipe et moi, il n'y a absolument pas de contradiction entre défendre la compétitivité des entreprises à l'exportation et défendre l'attractivité du territoire. Nous avons en France 20 000 entreprises étrangères qui produisent sur notre territoire. Nous sommes le premier pays à accueillir des investissements étrangers dans des centres industriels. À partir de ces entreprises étrangères, nous réexportons des biens et nous sommes souvent très performants. De nombreux pays nous font confiance et il faut le dire.
Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une entreprise s'internationalise qu'elle oublie son territoire. En général, une entreprise qui exporte travaille pour l'emploi et la croissance en France. C'est pourquoi je m'efforce de dire à tous mes interlocuteurs, qu'il s'agisse de fonds souverains ou de fonds privés : «venez investir en France, vous y serez bien accueillis.»
(Interventions des parlementaires)
S'agissant de la Corée, la France a demandé l'an dernier au mois d'août, dans la foulée de la présentation du plan automobile, à la Commission européenne, qui a rendu un avis négatif, de regarder si la clause de surveillance de l'accord pouvait être activée. Nous sommes sévèrement affectés par ce qui se passe en Italie et en Espagne, traditionnellement des bons marchés pour nous et aujourd'hui à l'arrêt. La Commission a estimé que nous n'avions pas à nous plaindre et ce n'est pas faux sur le plan quantitatif car beaucoup de voitures sont construites en Europe. Avec la Corée, nous sommes excédentaires, pour la première fois, en 2011.
Il y a peu de chances que l'on vende des voitures françaises au Japon. Cela nous a beaucoup servi pour demander fermement à la Commission de réserver le secteur automobile comme un secteur sensible, ce que nous avons obtenu au Conseil du 29 novembre avec un accord de l'Allemagne pour appuyer ma demande de rédaction. On peut donc arriver à faire valoir ses vues, même si c'est difficile à 27, bientôt 28, et l'on songe évidemment aux difficultés qui s'annoncent pour l'accord avec les États-Unis.
Vous avez mentionné la santé et le rôle de nos hôpitaux et vous avez raison. Je me suis aperçue qu'il existe une demande en la matière, notamment lorsque je me suis rendue au Qatar et au Koweït, où j'ai emmené une partie de la famille «mieux se soigner». Beaucoup de personnels soignants avaient fait des études en France, des Franco-libanais et des Franco-syriens notamment. Tout le secteur de la santé, les hôpitaux, la recherche et l'innovation, a vraiment besoin de structurer une offre. J'ai parlé de ce sujet à Marisol Touraine car on ne perçoit pas intuitivement qu'il existe une demande. Au Vietnam, nous déployons une aide de la réserve pays émergents, qui est une aide liée de Bercy. Il y a une aide technique à apporter et au-delà des marchés à remporter.
(...)
Concernant notre diplomatie économique, j'ai salué l'initiative du ministre des affaires étrangères, présentée lors de la Conférence des ambassadeurs, de mobiliser le corps diplomatique sur la priorité économique. Il a décidé de nommer des représentants spéciaux : plus nous sommes nombreux à travailler pour le commerce extérieur, mieux c'est. Cela dit, je revendique la conduite de la diplomatie économique de terrain et il n'est pas utile de refaire au ministère des affaires étrangères ce que celui des finances fait et sait faire. Je mobilise les PME, je les emmène, j'organise des conférences régionales - 17 se sont déjà tenues. Il ne faudrait pas rendre illisible l'action de la France, même si cela se passe très bien avec certains de ces représentants, notamment avec Jean-Pierre Raffarin et Jean-Pierre Chevènement, qui font un travail formidable.
Pour répondre à Michel Destot, nous avons signé avec certains pays, dont les BRICS, des partenariats stratégiques, c'est-à-dire des partenariats forts, et même parfois mis en place des commissions mixtes, comme avec la Russie, ce qui permet tous les ans de passer en revue ce qui a été fait l'année passée et de se donner une feuille de route. C'est très important et c'est pourquoi nous allons faire à nouveau vivre notre partenariat stratégique avec les Indiens en relançant l'enceinte commune. Avec ces grands pays émergents, se pose le problème du ticket d'entrée pour nos entreprises qui doivent s'implanter ; c'est le problème des «offsets». Je compte sur vous pour faire comprendre que l'arrivée dans un pays ne se limite plus à placer ses produits, mais qu'il y a un ticket d'entrée ; c'est l'internationalisation des entreprises. Une entreprise n'arrive pas en terrain conquis : la concurrence est vive et ces pays demandent à bénéficier de la mondialisation, ils veulent des implantations.
La balance commerciale ce sont des biens, pas des services. J'ai dans mon bureau un fac-similé de la balance de 1792 : c'est la même structure que celle d'aujourd'hui. En revanche, l'industrie d'aujourd'hui n'est plus la manufacture mais intègre le design, le marketing, tous les services et il est donc très difficile de distinguer les biens des services. Ce sont cependant les services intégrés qui font la différence. Par exemple, s'il s'agit de vendre une locomotive, nous ne serons pas les seuls à proposer un matériel performant, et l'atout de compétitivité que nous devons valoriser, c'est le fait que notre TGV fonctionne bien depuis trente ans et n'a jamais connu d'accident grave. C'est d'ailleurs comme cela que nous avons remporté le marché du métro de Quito. J'avais emmené une délégation et le maire de Quito avait assuré que «l'Europe remporterait quelque chose», mais l'Europe, en Amérique latine, c'est aussi l'Espagne. La France a remporté le marché car elle a su présenter une offre globale. C'est en tous les cas ce que je m'efforce de faire avec les quatre familles précitées.»
Mon travail est en résumé de structurer une offre pour la mettre en face d'une demande. Cela n'empêche pas que mon collègue Arnaud Montebourg structure plus classiquement les industries, comme le faisait Christian Estrosi, c'est-à-dire en menant un travail vertical. Ce n'est pas contradictoire et j'essaie pour ma part de récolter les bons exemples de portage, car il y en a. En Chine, le chantier nucléaire c'est 85 PME autour d'Areva et EDF. Or, si l'on sait faire de la robinetterie pour le nucléaire on sait en faire pour tout, ce qui met ces entreprises en bonne position pour d'autres marchés.
M. Mallé a parlé des produits en provenance des colonies israéliennes. Je veux préciser que la législation européenne distingue, d'une part, les catégories de produits pour lesquelles l'indication de l'origine géographique est obligatoire (notamment les cosmétiques et les produits alimentaires) et, d'autre part, celles pour lesquelles l'étiquetage est facultatif. La législation européenne implique que si l'origine est indiquée, obligatoire ou volontaire, elle ne doit pas induire le consommateur en erreur. Les conclusions du conseil des affaires étrangères du 20 décembre 2012 ont rappelé l'engagement de l'Union européenne et de ses États membres à faire pleinement appliquer la législation existante en matière de produits des colonies. Il y a eu un arrangement technique entre Israël et les Palestiniens en décembre 2004 à ce sujet.
S'agissant de l'euro, il n'est bien sûr pas souhaitable qu'il s'apprécie trop. Mais comme on peut le constater notamment avec la crise chypriote, les taux de change vont et viennent. En tout état de cause, le niveau de l'euro ne doit pas nous servir d'excuse pour ne pas mener les réformes nécessaires.
La compétitivité repose sur un couple qualité/prix. Le coût du travail n'est déterminant que dans certains secteurs, comme le textile et le cuir. En fait, la grande force de l'Allemagne ces dernières années, c'est d'avoir été en phase avec la mondialisation. Les nouveaux pays émergents ont une grande demande de matériels et de machines et le fait est que, lorsque l'on voyage à l'étranger et que l'on regarde d'où viennent les machines, c'est généralement d'Allemagne, de l'Italie, du Japon ou de Suède. Cependant, une deuxième phase de la mondialisation commence dans les grands pays émergents, avec la montée des classes moyennes, qui veulent consommer et vivre dans un environnement agréable. Je pense que c'est une chance pour la France qui a des entreprises performantes pour répondre à cette demande. J'ai notamment été en Turquie où j'ai pu constater le développement de la consommation et le souhait d'améliorer la vie dans les villes ; j'y avais emmené nos entreprises spécialisées dans ce secteur.
La question des normes a été évoquée. C'est un point essentiel et nous devons mieux nous organiser, car celui qui fixe une norme tient le marché correspondant. Il faut vraiment que nous soyons plus présents dans toutes les instances de normalisation.
Le coût de l'énergie est également un facteur important. Aux États-Unis, les coûts énergétiques ont diminué de 18 %. C'est une question qui devra être prise en compte dans les négociations de l'Union européenne avec ce pays.
Je serai plus prudente sur la notion de «protectionnisme sélectif». Le protectionnisme n'est pas une solution et le gouvernement a choisi de miser sur la compétitivité avec des mesures telles que l'extension du crédit impôt-recherche et le crédit d'impôt compétitivité-emploi. Cela dit, il ne faut pas être naïf dans nos relations avec nos partenaires et, en particulier, nous devons exiger la réciprocité dans l'ouverture des marchés. Aux États-Unis, il faut savoir que 13 des États ne reconnaissent pas les accords internationaux passés par l'État fédéral sur les marchés publics. Il faut également savoir qu'il est impossible de vendre dans ce pays un uniforme à une administration, et je ne parle pas seulement des uniformes militaires. C'est pour cela que j'ai dit que je rêvais d'un Buy Transatlantic Act.
Le Japon de son côté a enfin fait une concession en autorisant des importations de boeuf européen. Par ailleurs, deux entreprises françaises, Alstom et Thalès, ont été présélectionnées pour un marché de signalisation ferroviaire ; c'est la première fois que nos entreprises ont une chance d'accéder à un marché ferroviaire depuis 1999. Enfin, il semble que nous allons enfin, peut-être, vendre des Airbus au Japon...
S'agissant de la conduite des négociations des accords de libre-échange, il est clair qu'il faut absolument piloter la Commission européenne. Les mandats doivent être très précis. Le Parlement européen, qui est maintenant associé à la procédure, nous a bien aidés en ce qui concerne le mandat pour la négociation avec le Japon. Pour ce qui est du mandat pour la négociation avec les États-Unis, je pense qu'il ne faut pas aller trop vite. En effet, je me méfie des commissions en fin de mandat, qui sont souvent soucieuses d'avoir des résultats à leur actif. Cela dit, les perspectives de croissance étant meilleures aux États-Unis qu'en Europe, je crois que nous avons intérêt à négocier cet accord.
Pour ce qui est de l'organisation des soutiens au commerce extérieur, le rôle des régions est de fédérer les acteurs. Elles ont pris en septembre dernier ce que j'appelle l'engagement de l'Élysée en ce qui concerne l'export. Les régions disposent d'instruments efficaces et ont leur rôle à jouer, mais ne doivent pas entrer en concurrence avec les chambres de commerce et d'industrie. C'est la même chose pour l'organisation du dispositif à l'étranger : il faut éviter les situations de concurrence entre Ubifrance et les chambres de commerce internationales.
La rénovation de l'hôpital de Minsk a été évoquée : le problème a été réglé ce week-end ; la garantie de la Coface est acquise. La question des droits de l'homme ne fait pas partie des attributions du ministère du commerce extérieur. Pour autant, je suis attachée à un haut niveau d'exigence sociale et environnementale. Nous avons tout à gagner à l'introduction de critères de cette nature dans les grands marchés publics, afin que ce ne soit plus systématiquement les moins-disant qui les remportent.
Pour ce qui est du Vietnam et du métro d'Hanoï, l'aide publique qui a été accordée était une aide liée gérée par le ministère des finances. Il n'y a donc pas eu de problème.
Je répondrai à M. Bui que l'on sait pourquoi les Allemands ont pris les marchés dans l'agroalimentaire : c'est parce qu'en amont ils ont regroupé leurs usines de production, pratiquant la méthanisation très tôt, et qu'en plus ils ont recours à des contrats de prestations. Nous ne paierons en France jamais un ouvrier trois ou quatre euros de l'heure dans nos abattoirs. Il nous faut donc faire des réformes d'innovation. Les Allemands sont, nous le savons, très actifs avec ce que l'on appelait les pays d'Europe centrale et orientale : ils vont chercher les personnels de façon organisée et ordonnée, y compris des jeunes ingénieurs, avec une présence physique, des bureaux et une politique d'immigration très offensive. La Commission européenne veut se pencher sur ces pratiques déloyales. Nous ne demandons que ça.
Vous avez évoqué les diasporas et vous avez raison. Je pense aux enfants de la deuxième ou de la troisième génération d'immigrés asiatiques, qui parlent généralement le cantonais, ce qui est très important. Ces jeunes biculturels sont formidables et il faudrait plus nous appuyer davantage sur eux. Pour ma part, je défends beaucoup la démocratisation des VIE pour recruter des «bac+2» ou des jeunes diplômés des IUT qui ont des profils intéressants. Je pense notamment à l'image plus dynamique de la France que l'on pourrait ainsi donner au Maroc ou en Algérie.
Sur la conférence de Bali, il s'agit d'un rendez-vous extrêmement important. La question posée est celle de la facilitation des échanges. Je reçois tous les jours des candidats à la succession du directeur de l'OMC, qui viennent de tous horizons, et je leur pose toujours la même question, compte tenu des enjeux : qu'attendez-vous de Bali ?
Concernant l'accord de libre-échange avec les États-Unis, le Parlement peut se saisir de la question et déposer une résolution. Quant à la conclusion de l'accord plurilatéral sur les services, ce serait une initiative intéressante et je serai attentive aux propositions que feraient la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes.
Les chambres de commerce internationales ont leur rôle à jouer et il nous faut avoir à l'étranger la complémentarité requise. Ces chambres sont cependant inégales. Certaines sont très dynamiques, organisent des évènements, des forums, et je le répète je travaille avec tous les acteurs : chambres de commerce, Medef international, etc., mais avec l'idée qu'il ne faut pas de concurrence entre opérateurs nationaux à l'étranger. Nous essayons de définir une marque France. La France, ce n'est pas que les châteaux de la Loire et les fromages, ce sont aussi des inventeurs, des entrepreneurs, de l'innovation. Je suis frappée par la dispersion des représentants français dans les salons internationaux, alors que l'on y repère immédiatement les stands regroupés et bien identifiables des Allemands, des Italiens et maintenant des Turcs. Par ailleurs, j'ai engagé une mission d'évaluation de notre dispositif à l'exportation, car si tout le monde est individuellement formidable, le déficit commercial de la France dénote un problème collectif. J'ai des idées sur les causes des probl??mes, mais il faut laisser la mission travailler ; son rapport sera remis en juin au Premier ministre.
Source http://www;diplomatie.gouv.fr, le 5 avril 2013