Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "RTL" le 29 mars 2013, sur la stratégie gouvernementale pour réduire les déficits et relancer la croissance économique.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

LAURENT BAZIN
Ministre de l’Economie et des Finances. Il y a beaucoup de scepticisme, vous l’avez sans doute entendu ce matin, sur RTL, à la fois chez vos adversaires politiques, chez certains de vos alliés, le Parti communiste, chez les auditeurs aussi. Vous saviez que François HOLLANDE n’était pas attendu comme le messie ?
PIERRE MOSCOVICI
Il y avait une attente forte, je pense qu’en réalité, on peut avoir tel ou tel panel, il n’a pas été déçu. Car le président de la République, c’est vrai…
LAURENT BAZIN
C’est la déception qu’on entend ce matin au 32.10 sur RTL ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense pour ma part que les Français auront vu le président de la République, tel qu’il est, avec sa volonté, avec sa capacité de mobilisation, avec son calme, avec son sang-froid, avec aussi une perspective. C’est vrai que ce n’était pas de la sueur, sur sang, des larmes. C’était quelque chose de très concret, qui montrait comment nous allions d’abord inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année 2013, puis ensuite retrouver une perspective de croissance, sans laquelle le chômage ne peut pas reculer de façon durable. Et j’entendais ce que disait Jean-François COPE, l’opposition est comme toujours, parce qu’elle est dans la crise, parce qu’il y a eu je ne sais quel coup monté dans l’agressivité, dans le mépris. Vous savez, il ne s’agit pas de refaire la carrosserie, il s’agit bien de réparer le moteur. Et la boîte à outils, elle sert à ça ! Ce qui se passe, nous sommes une grande économie, la France est la 5ème puissance économique du monde, mais qu’en même temps, cette économie a été dégradée au cours des 10 dernières années, par la montée des déficits, par la montée de la dette, par la montée du chômage, par la dégradation de la compétitivité, par la désindustrialisation…
LAURENT BAZIN
On enregistre ce matin encore, Pierre MOSCOVICI des chiffres qui sont plus mauvais que prévus sur 2012. 2012 c’est moitié/moitié, si j’ose dire…
PIERRE MOSCOVICI
Vous parlez du déficit ?
LAURENT BAZIN
Je parle du déficit, 4,8 % du Produit Intérieur Brut et de la dette, 90 % de la richesse nationale, je donne le chiffre quand même, 1833 milliards d’euros.
PIERRE MOSCOVICI
Eh oui ! Eh oui ! Mais ça, vous savez, ça ne s’est pas fait en un an. Et les 600 milliards d’euros de dettes publiques qui ont été accumulés pendant les 5 années où monsieur COPE, monsieur FILLON, monsieur SARKOZY étaient aux responsabilités, eh bien, ceux-là, ils pèsent sur les Français. Alors je reviens sur le chiffre déficit, puisque vous m’interrogez là-dessus, il faut savoir que s’il n’y avait pas eu une mesure correctrice, celle que nous avons prise cet été, le déficit avec une croissance qui était au final une croissance nulle en 2012, 0 %, ce déficit aurait été supérieur à 5,5 % du PIB. Nous avons fait cet effort, qui est un effort dit structurel, qui est celui d’ailleurs qu’attendait la Commission européenne, la réduction du déficit structurel, c'est-à-dire hors des effets justement, du ralentissement de la croissance, qui est de 1,2 point. Et c’est nous qui l’avons fait ! Et j’ajoute qu’il faut bien lire ce chiffre, c’est 4,8, en réalité c’est 4,7 avec 0,1 point qui est lié à des évènements exceptionnels, c'est-à-dire la résolution d’une banque, la banque DEXIA, là encore, ça a été à nous de le faire. Nous sommes sur la bonne voie, mais comme…
LAURENT BAZIN
On n’est pas en train de déraper ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, au contraire, on est en train de réduire les déficits et comme l’a dit le président de la République hier, il ne veut pas ajouter l’austérité à la récession, c’est d’ailleurs, la raison pour laquelle en 2013, nous ne ferons pas les 3 %, il ne s’agit pas de mettre l’économie française à la cape, il faut lui garder ses ressorts de croissance, donc ce sera un chiffre qui sera à préciser avec la Commission européenne. Elle dit 3,7 ce sera autour de ça ! Et puis en 2014, nous poursuivrons, cela a été dit, la réduction des déficits, avec une novation que le président de la République a annoncé hier, pour la première fois en 2014, le budget de l’Etat devrait être moins important, devrait être moins dépensier de 1,5 milliards d’euros. Parce que nous pensons que la dépense publique doit être maintenant, parce que les Français c’est vrai, sont attachés et même parfois touchés, par le niveau des prélèvements obligatoires. Ca doit être davantage les économies qui doivent être appelées et concernées. Et nous faisons cet effort qui est un effort considérable.
LAURENT BAZIN
Fini les hausses d’impôts a dit François HOLLANDE pour 2013/2014, mais on annonce : un plafonnement partiel des allocations familiales, des cotisations retraites qui vont sans doute augmenter, des retraites en partie désindexées, en tout cas, ce n’est pas exclu. Pourquoi pas une hausse de la TVA ! Tout ça, c’est du pouvoir d’achat en moins ? Alors on n’augmente pas les impôts, mais en vérité, il y a du pouvoir d’achat en moins ?
PIERRE MOSCOVICI
La politique fiscale, c’est une politique qui doit jouer avec des plus et des moins.
LAURENT BAZIN
Mais vous reconnaissez que le pouvoir d’achat des Français ne va pas augmenter ?
PIERRE MOSCOVICI
Le pouvoir d’achat des Français, il a été touché, atteint, en 2012, nous avons maintenant, les chiffres. C’était moins 0,4 pour l’année dernière. Mais nous, nous nous attachons à travers notre politique, notamment la politique fiscale, à faire en sorte, et c’est l’impact par exemple de la réforme de l’impôt sur le revenu qui a été faite en 2012, nous, nous attachons à faire en sorte que ce soit ceux qui ont les revenus les plus élevés, ceux qui ont la richesse la plus forte, qui soient davantage mis à contribution. Et que les couches moyennes et les couches populaires, parce que le pouvoir d’achat doit être conçu non pas comme une moyenne, mais aussi comme des cibles de consommation….
LAURENT BAZIN
Donc votre priorité, c’est maintenir le pouvoir d’achat des couches populaires et moyennes, c’est ce qu’on comprend ? Et les riches paieront ?
PIERRE MOSCOVICI
Pour deux raisons, pour deux raisons. Ils paieront davantage…
LAURENT BAZIN
C’est qui les riches ? C’est à combien les riches ?
PIERRE MOSCOVICI
Je vais prendre un exemple, je ne vais pas entrer dans cette….
LAURENT BAZIN
Sur le plafonnement des allocations familiales, par exemple, le député Gérard BAPT a dit : 4500 euros.
PIERRE MOSCOVICI
Il y a une tranche d’impôts à 45 %, qui a été créé l’an dernier. Voilà ! C’est comme ça qu’il faut juger ce qu’est la richesse. Ce n’est pas à partir de tel ou tel seuil. Quant aux allocations familiales, ce qu’a dit le président de la République, c’est qu’il refusait la fiscalisation, c’est qu’il voulait l’universalité des prestations et c’est qu’il demandait qu’il y ait un plafonnement. Pourquoi tout ça ? Parce qu’on ne peut pas à la fois dire, il y a un effort à faire, il y a des déficits et de la dette et vous le dites vous-mêmes et en même temps, ne pas faire l’effort collectif, national, pour permettre de résoudre ces déficits et cette dette…
LAURENT BAZIN
Un dernier mot…
PIERRE MOSCOVICI
Et le président de la République a souligné que l’opposition était quand même dans l’indécence, quand elle ne cessait de dire faites des économies. Et chaque fois que nous en proposons, sur chaque sujet, que ce soit les allocations familiales, que ce soit la Défense nationale, qui sera préservée, cela a été dit. Chaque fois, c’est : non, non, non. Vraiment, c’est une politique d’apprenti-sorcier qu’il nous propose. Nous, nous agissons et encore une fois, ce cap est là, et il sera tenu.
LAURENT BAZIN
Un dernier mot…
PIERRE MOSCOVICI
Et les résultats prendront sans doute, un peu de temps, à être atteints. Mais c’est vrai que l’inversion de la courbe du chômage, est l’objectif mobilisateur, qu’a fixé le président de la République au gouvernement et au pays.
LAURENT BAZIN
La taxe à 75 % qui portera sur les salaires, on croit le comprendre, ou les revenus de plus d’un million d’euros sera acquittée par les entreprise. Ce sera rétroactif ? Ca s’applique sur les revenus de 2013 ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, c’est à partir de 2014, que les choses seront mises en place.
LAURENT BAZIN
Combien de gens concernés ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, je n’ai pas là, les chiffres, parce qu’il faut encore que nous calibrions la mesure, c’était hier une annonce du président de la République, c’est au gouvernement de mettre en oeuvre. Mais ce qu’il a dit hier, c’est deux choses ! D’abord il est logique que quand on gagne beaucoup d’argent, on contribue de façon exceptionnelle, dans une situation exceptionnelle, pour une durée exceptionnelle de deux ans. Et la deuxième chose, c’est que dès lors qu’il n’était plus possible de faire une taxe qui avait un impact symbolique et politique fort sur les revenus. C’est à l’entreprise de le faire. Mais c’est une taxe dite « comportementale » c’est au fond, si vous choisissez de rémunérer fortement dans cette période de deux ans, au-dessus d’un million d’euros, il n’y a pas tant d’entreprises qui le font, il n’y a pas tant de salariés, ce sera quelques milliers au plus, eh bien, voilà, il est logique que vous vous acquittiez de cette taxe. C’est la solidarité nationale. Et encore une fois, ce n’est pas quelque chose qui vise à atteindre les entreprises, parce que les entreprises, elles sont le coeur de notre politique. Quand nous décidons qu’il y aura des assises entrepreneuriales avec par exemple, une baisse des droits de cessions et quand nous voulons faire en sorte un crédit d’impôt compétitivité emploi, quand nous finançons l’économie, tout ça, c’est pour quoi ? C’est pour que les entreprises investissent et embauchent. Nous menons une politique pour et avec les entreprises.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2013