Déclaration de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, à Paris le 17 avril 2013.

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Circonstance : Ouverture de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, à Paris le 17 avril 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J’ouvre cette journée en pensant aux jeunes qui ont pris ce matin le chemin de nos écoles à l’étranger. Ils étaient plus de 310 000 dont près de 120 000 Français. Cette journée leur est dédiée. Ils sont au centre de nos travaux.
En lançant cette consultation sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, le gouvernement concrétise l’engagement du Président de la République de mettre l’éducation et la jeunesse au coeur de son action. Je m’inscris pleinement dans ce projet. Je tiens à faire de la réussite éducative de tous les élèves, au coeur de la refondation de l’école voulue par le Ministre de l’Education nationale, un axe fondamental de notre réflexion.
Notre objectif est d’apporter à ces centaines de milliers d’enfants le meilleur de notre éducation afin que, devenus citoyens, ils s’épanouissent pleinement, plus forts des valeurs et des principes qui leur auront été transmis.
Je souhaite également, en préambule, rendre un hommage appuyé aux équipes éducatives et administratives des établissements ainsi qu’aux parents et leurs représentants. Je les sais tous très impliqués dans la vie scolaire avec souvent encore plus d’intensité à l’étranger qu’en France. Il n’y a pas de projet éducatif qui tienne sans une mobilisation collective autour d’un projet de nature humaniste.
C’est pour cela que nous nous retrouvons réunis aujourd’hui, élus, représentants des parents, des personnels, des administrations mais aussi du monde associatif et des entreprises, nous qui avons tous à coeur la réussite scolaire de ces enfants.
Nos écoles ont des statuts divers, qu’elles dépendent directement de l’opérateur public AEFE, qu’elles soient conventionnées avec ce dernier ou simplement partenaires ; établissements isolés ou faisant partie d’un réseau tel que celui de la Mission Laïque Française ou encore de l’Alliance Israélite Universelle.
Pourtant nos établissements ne sont pas si différents de ces écoles, de ces collèges, de ces lycées de France si chers à Ferdinand Buisson. Ils ont certes des missions supplémentaires à remplir :
- En assurant une sensibilisation à notre langue et à notre culture, nos établissements projettent notre système éducatif hors de nos frontières et sont devenus un élément essentiel de notre diplomatie de rayonnement.
- Ce réseau d’enseignement est aussi au service de notre diplomatie économique. Il sert nos entreprises petites et grandes qui souhaitent développer leurs activités à l’étranger. Nous devons, en effet, les accompagner à l’international et la présence d’un établissement scolaire est souvent une condition indispensable à l’expatriation de leurs personnels.
Confier ses enfants à un système éducatif qui n’est pas le sien n’est jamais un choix anodin : c’est un geste de confiance dont nous devons mesurer la portée à sa juste valeur.
Aujourd’hui, ce sont ainsi près de 200 000 familles étrangères qui font le choix d’une éducation en français pour leurs enfants. Pourquoi le font-elles en si grand nombre dans un contexte de grande concurrence entre les offres éducatives ?
- Elles recherchent assurément une grande qualité de l’enseignement dispensé ;
- La maitrise d’une langue étrangère qui compte dans le monde et dont l'Abbé Grégoire rêvait qu'elle puisse universellement unifier les coeurs.
- Mais aussi, et peut être surtout, une méthode de formation intellectuelle, basée sur le raisonnement déductif et l’héritage de Descartes ; cet héritage que revendiquait Jean-Jacques Rousseau en affirmant que :
« L’éducation française, dans sa marche éclairée et méthodique facilite l'expression de la pensée et lui donne un caractère de raison et de probité »
Cette excellence et cette mixité de notre réseau constituent de formidables atouts pour notre pays. Elles attirent une partie des élites mondiales dans nos écoles, les sensibilisant voire les attachant à notre pays à tout jamais. Nous devons non seulement préserver cet extraordinaire avantage mais tout faire pour le valoriser et le développer.
En juillet 1990 était votée la loi qui allait donner naissance à l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger. Cette création est un tournant dans notre diplomatie. Elle allait en effet structurer un réseau de qualité homogène autour d’établissements très divers, le transformant en un formidable outil au service de nos communautés expatriées, de notre économie et du rayonnement de notre pays.
20 ans après le vote de cette loi, le succès est éclatant. Ce sont ainsi près de 500 000 élèves qui ont fréquenté nos établissements. Des anciens élèves qui ont grandi dans notre langue et qui sont des amis de la France.
Cet outil, il s’agit aujourd’hui
- de le préserver, il n’y a aucune ambigüité à cet égard,
- de l’adapter aux nouveaux besoins qui émergent,
- et le préparer aux multiples défis auxquels il est et sera confronté.
C’est tout l’esprit de la lettre de mission que m’a confiée le Ministre des Affaires étrangères.
Cinq ans après les travaux initiés sous la présidence de l’Ambassadeur Yves Aubin de la Messuzieres, actuellement président de la Mission Laïque et dont je salue la présence aujourd’hui, nous devons renouveler un exercice de réflexion prospective.
Pourquoi ? Parce que depuis 2008, notre environnement international a rapidement évolué.
- Des nouveaux besoins émergent dans certaines régions du monde stimulant ainsi la demande d’une éducation internationale à laquelle l’éducation française doit être en mesure de répondre.
Si cette bataille vaut la peine d’être menée, quelles certifications, quels examens devons-nous préparer dans nos établissements ? Devons-nous adapter nos méthodes et contenus d’enseignement ? Ces questions renvoient également à l’acte d’homologation par lequel un établissement ou un niveau d’enseignement devient partie prenante de notre réseau.
- La donne économique a, elle aussi, radicalement changé. On ne peut pas envisager, même si nous l’appelons de nos voeux, un financement public unique pour notre enseignement. La gratuité, même limitée aux seuls élèves français, est insoutenable comme nous en avons connu l’amère expérience avec la mise en oeuvre de la PEC.
J’ai conscience de l’augmentation des frais de scolarité qui peuvent rendre à présent parfois difficile l’accès à nos établissements. Vous aurez également à vous pencher sur le modèle économique de notre réseau.
Au delà de ces facteurs externes, nos communautés elles aussi évoluent :
- dans leur sociologie,
- dans leur implantation géographique,
- mais aussi leurs attentes.
Je le constate à chacun de mes nombreux déplacements.
Ouverts sur le monde, les parents, font de plus en plus le choix du système local d’enseignement. Je rappelle à cet égard qu’une large majorité des enfants français à l’étranger n’est pas scolarisée dans nos écoles. Nous avons le devoir républicain de tout mettre en oeuvre pour rapprocher la langue et la culture françaises de ces jeunes concitoyens afin de leur permettre de grandir dans leur identité même loin de nos frontières.
Des réponses que je voudrais amplifier, existent pour ces familles. Elles passent par exemple par le développement de filières bilingues. Le label FrancEducation en est un outil probant que je souhaite développer. J’ai pu ainsi observer aux Etats-Unis le développement d’une offre éducative diversifiée et qui répond de manière assez intéressante aux besoins d’une communauté multiforme. Il nous faut par ailleurs explorer les voies de l’enseignement en français non homologué, non pour concurrencer les établissements du réseau mais pour répondre à d’autres besoins qui ne s’exprimaient pas jusqu’ici.
Mesdames et Messieurs,
Les sujets que vous aborderez aujourd’hui sont multiples. Ils touchent tous les aspects de notre enseignement. Je vous demande de travailler le plus librement possible. C’est d’ailleurs dans les mêmes termes que j’ai invité les membres du comité de pilotage à travailler. Ils se présenteront à vous dans quelques instants. Je compte sur leur capacité à mener une concertation dans la confiance afin de proposer des recommandations qui permettront à notre offre d’enseignement d’être pleinement adapté au futur qui se dessine.
L’enjeu est important. Le Gouvernement est déterminé à avancer sur ce sujet. Mes collègues Vincent Peillon et Laurent Fabius sont convaincus de la nécessité de nous mobiliser pour faire émerger l’enseignement Français à l’étranger du XXI° siècle. Votre rôle est donc majeur et crucial. Je sais pouvoir compter sur vous, sur votre expérience, sur vos talents, sur votre engagement. Soyez certains que ce travail que vous aller mener sera suivit d’effets. Je m’y engage. Bon travail à tous.
Source http://www.helene-conway.com, le 18 avril 2013