Déclaration de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur la création contemporaine et le patrimoine en matière de photographie, Paris le 19 avril 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 44èmes Rencontres d'Arles le 19 avril 2013

Texte intégral

Je me réjouis de vous accueillir ici au ministère de la Culture et de la Communication pour cette conférence de presse de la 44e édition des Rencontres d’Arles.
Les Rencontres constituent l’un de nos grands festivals d’envergure internationale. Un des rares exclusivement consacré à la photographie. Créé en 1970, il se renouvelle chaque année en déployant sa très riche programmation dans toute la ville d’Arles.
Au cœoeur de la création contemporaine et du patrimoine, les Rencontres ont toujours su mener un dialogue fécond entre les œoeuvres de notre mémoire collective et les créations les plus récentes, souvent inédites. Cette année, avec la thématique que vous avez choisie, Noir et Blanc, vous nous réservez, cher François Hébel, quelques très belles découvertes autour de ce que beaucoup d’entre nous croyaient révolu avec l’essor de la couleur et du numérique. Vous nous en dévoilerez les perles principales tout à l’heure.
Au-delà du succès formidable que rencontre le festival auprès d'un large public d'amateurs et de professionnels, les Rencontres d’Arles développent un véritable savoir-faire en matière d’éducation à l’image et accueillent de très nombreux élèves en particulier lors de la Rentrée en Images. Avec la diffusion du jeu «Pause-Photo-Prose», qui permet d’initier de façon ludique les jeunes à la lecture de photographies, nul doute que vous saurez convaincre de très nombreux professeurs et parents de la nécessité de développer ces démarches. Vous savez combien j’y suis attachée.
Je tiens particulièrement à saluer l'équipe des Rencontres d’Arles. Chaque année, vous faites preuve d’une énergie incroyable pour réussir le pari de la mise en œoeuvre du festival.
Je voudrais m’arrêter un instant sur la relation que le festival entretient avec le territoire d’Arles. La transformation de son nom est significative. Il n’est plus besoin de qualifier le festival – plus d’allusion à la photographie ni à son caractère international – cela est devenu évident, et l’identité d’Arles est attachée à son festival, comme celle d’Avignon, l’est à son festival. Aujourd’hui, le territoire arlésien est partie prenante de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture. Cette année est aussi capitale pour Arles car les projets de l’École Nationale Supérieure de la Photographie, de la Fondation Luma et de la Fondation Van Gogh vont se concrétiser. Je salue l’engagement constant de Maja Hoffmann et le magnifique projet qu’elle porte avec Franck Gehry en faveur de la création contemporaine. Et je félicite Bice Curiger pour sa nomination à la direction artistique de la fondation Van Gogh. C’est par l’alliance intelligente de tous ses acteurs culturels qu’Arles deviendra bien plus qu’un grand rendez-vous de la photographie et pourra s’inscrire au rang des cités internationales de la création et de l'image. Je sais combien il vous tient à coeœur M. le Maire qu'Arles s'affirme dans l'économie culturelle et créative. Je comprends ainsi le projet de développement que le Président et le Directeur des Rencontres ont présenté récemment. Non pas comme un projet concurrent ou comme un projet hégémonique mais comme une ambition pour Arles qui associerait tous les acteurs culturels dans une complémentarité organisée. Monsieur le Maire et Monsieur le Président de la Région, je suis prête, si vous le souhaitez, à accompagner cette dynamique en confiant à l'Inspection Générale des Affaires Culturelles une mission d’accompagnement qui faciliterait, en étroite coordination avec vous, la mise en œoeuvre d'un projet cohérent et concerté.
Revenons à la photographie.
La photographie est un mode d'expression qui a pris une ampleur considérable. Elle concerne aussi bien les pratiques amateurs que les professionnels. Le secteur subit des mutations considérables à l’heure du numérique qui révolutionne les usages mais aussi les modes de production.
Je tiens en quelques mots à vous dire quelles sont mes priorités.
Tout d’abord, les conditions d’exercice de la profession de photographe, qui, je l'ai dit, sont considérablement bouleversées par le numérique notamment.

J'ai lancé plusieurs chantiers dont les conclusions me seront présentées prochainement :
- Celui de la protection sociale des artistes-auteurs, avec une mission conjointe de l’IGAC et de l’IGAS que j'ai lancée avec Marisol Touraine et Bernard Cazeneuve et dont l’objet est notamment d’optimiser le service rendu aux artistes-auteurs et d’étendre le champ de leur protection. J’ai demandé à l’inspection d’être particulièrement attentive à la profession des photographes. Le rapport me sera remis le 1er juin.
- Autre chantier, celui de la mission Lescure, qui étudie notamment les conditions de rémunération des créateurs à l'ère du numérique. S’agissant des photographes, la mission, dont les conclusions me seront rendues au début du mois prochain, devrait proposer des éléments de diagnostic, d’une part, sur la question des droits réservés - pratique aujourd’hui devenue courante, voire dévoyée puisqu’elle ne concerne plus les seules «photographies orphelines», dont l’auteur ne peut être identifié – et d’autre part, sur les «micro stocks», ces banques d’images à bas prix qui fragilisent l’exercice professionnel du métier de photographe.
- Par ailleurs, je suis avec attention les travaux engagés par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a lancé plusieurs missions, notamment une réflexion sur les «outils de référencement des œuvres de l’esprit sur internet». Ce qui est visé, cette fois-ci, c’est le référencement et l’indexation par les moteurs de recherche, qui permettent ensuite de visualiser et de copier des images fixes, sans que les créateurs perçoivent de droit d’auteur, alors que ces mêmes moteurs se rémunèrent par le biais de la publicité. Les conclusions de ces travaux seront en principe présentées à l’été prochain.
- Enfin, je souhaite avoir une attention particulière pour les photo-journalistes.
Je me félicite que l’offre de reprise de l’agence SIPA Press retenue par le tribunal de commerce fin mars soit celle qui conserve la liaison essentielle entre le fond photographique et une activité réelle d’agence de presse.
En s’inspirant du code des usages en matière d'illustration photographique dans l'édition conclu en 1993, je souhaite également, qu’un code des bonnes pratiques puisse être conclu entre les agences de presse photographiques et les éditeurs de presse papier et numérique. Il permettrait de protéger les agences de presse de certaines pratiques qui se sont développées en l'absence de tout contrat formel lors de la commercialisation des photographies et ainsi de viabiliser leur activité. Si les professionnels concernés en sont d’accord, une médiation confiée à Francis Brun Buisson peut être organisée sous l’égide du Ministère, l’État se proposant de jouer le rôle du tiers de confiance qui bien souvent permet de rapprocher les points de vue. Cette discussion pourrait commencer dans les prochaines semaines.

Ma deuxième priorité, porte sur l’éducation artistique et l’enseignement supérieur.
- Je veillerai à ce que l’éducation à l’image soit développée dans le cadre des parcours d’éducation artistique que nous mettons en place avec Vincent Peillon.
- Je souligne par ailleurs que j'ai décidé que le projet de l’École Nationale Supérieure de la Photographie serait lancé cette année alors même que le budget de mon ministère subit la contrainte que vous connaissez tous. Je suis convaincue que cette école va contribuer non seulement à former de grands professionnels de la photographie (artistes, conservateurs, commissaires d'exposition...), mais aussi à confirmer Arles comme territoire d'éducation et de recherche sur l'image.

Enfin, troisième priorité, je prolongerai les efforts accomplis pour la valorisation du patrimoine photographique.
- Je souhaite que l'ensemble des institutions patrimoniales publiques dépendant du ministère de la culture, qu'il s'agisse des archives, des bibliothèques ou des musées, continue de s'impliquer dans la collecte, la conservation et la communication des fonds photographiques. Il existe parfois une tentation de regrouper l'ensemble de ces fonds au sein d'une institution unique. Mais cette hypothèse ne me semble ni réaliste ni souhaitable, car la diversité institutionnelle permet de répondre à la variété des souhaits des donateurs privés, dont la préférence ira tantôt aux archives, tantôt aux bibliothèques, tantôt aux musées. En revanche, l'unité doit être recherchée dans les procédures de traitement des fonds et dans leur diffusion à des fins culturelles.
- J'ai par ailleurs demandé à la RMN-GP de poursuivre le travail mené sur le portail Arago, qui donne accès à chacun aux grandes collections photo publiques mais aussi privées.
Sur tous ces sujets, la Mission Photo assume un rôle transversal en relation avec tous les services de mon ministère. Je veillerai à ce que son rôle d'impulsion et de coordination soient consolidés.
Avant de vous céder la parole, Messieurs, je souhaiterais évoquer un programme que je souhaiterais mettre en œuvre.
Vous le savez, j’ai décidé de ne pas développer de nouveaux très grands projets. Ce n'est pas seulement pour des raisons budgétaires, mais c'est aussi parce que je pense que ce n'est pas par l'accumulation de nouveaux équipements que l'on conçoit une politique culturelle aujourd'hui. Cependant, nous avons le devoir de mieux valoriser les richesses exceptionnelles dont nous disposons. Et je pense qu'il faut les offrir aux gens, là où ils se trouvent.

C’est cela mon projet.
C’est cela le nouveau pacte culturel que je veux passer avec la nation.
J'aurai l'occasion de vous présenter prochainement les propositions que j'entends développer dans le cadre d’un programme qui jouerait ce rôle de «révélateur». Je souhaite d'ores et déjà vous dire que la photographie y jouera un rôle important.
La photographie a ce pouvoir de révéler ce que le regard, les autres sens ou l’intelligence ne perçoivent pas toujours, notamment sur les territoires, les paysages, les espaces de vie et les gens.
En étroite collaboration avec les acteurs professionnels de la photographie, parmi lesquels j’associerai le Centre National des Arts Plastiques et le Jeu de Paume, mais aussi l’École Nationale Supérieure de la Photographie et les Rencontres d’Arles, j’initierai des projets auxquels je souhaite donner une importante dimension contributive et de partage via les réseaux sociaux.
Je suis convaincue que ces projets qui s’appuient sur la photographie sont porteurs de sens et d’espoir pour notre pays et nos concitoyens qui ont plus que jamais besoin de retrouver confiance dans leur capacité à aborder l’avenir.
Je vous remercie.

Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 29 avril 2013