Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à France 2 le 25 avril 2013, sur la situation de l'emploi, les chiffres du chômage et l'égalité salariale.

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Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ROLAND SICARD
On connaitra tout à l’heure les chiffres du chômage, ça sera encore mauvais ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, nous allons évidemment les accueillir avec toute l’attention qu’ils réclament, c’est quand même notre sujet principal pour le gouvernement, vous vous souvenez de l’engagement que nous avons pris d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année. Ces chiffres je ne peux pas vous les commenter pour le moment, ils ne sont pas connus, mais en tout cas nous nous préparons en tout état de cause et j’entendais évoquer sur votre plateau tout à l’heure…
ROLAND SICARD
Vous vous préparez à quelque chose de mauvais, à un chiffre mauvais.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A un chiffre qui, compte tenu en effet de la croissance atone ne devrait pas être bon et vous savez, quand on pense à la situation des individus, c’est-à-dire de ceux qui aujourd'hui sont au chômage ou qui craignent d’y tomber demain, de toute façon les chiffres sont toujours mauvais. Et ce que les pouvoirs publics doivent faire c’est à la fois accompagner ceux qui sont d’ores et déjà au chômage et je veux dire à nouveau que les moyens de POLE EMPLOI ont été renforcés pour que l’accompagnement des chômeurs soit meilleur. Je veux dire à nouveau que le président de la République s’est engagé…
ROLAND SICARD
Mais ça ne s’améliore pas pour autant.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
… s’est engagé à ce que les chômeurs puissent bénéficier de formations afin qu’ils reviennent plus facilement sur le marché du travail. Un chômeur sur deux devra se voir proposer une formation en deux mois, c’est vraiment une nouveauté qui aidera au retour sur le marché et puis tout ce qui est fait sur la relance de l’activité, le crédit d’impôt compétitivité emploi mais aussi par exemple le fait d’avoir baissé la TVA dans le secteur du bâtiment qui va soutenir ce secteur, qui est fortement créateur d’emplois. Donc nous mettons tout en oeuvre pour relancer l’emploi dans ce pays.
ROLAND SICARD
Est-ce que malgré ça, le record de 97 sera battu ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous verrons, écoutez attendons d’abord d’avoir les chiffres, on disait déjà ça il y a un mois que le record de 97 serait battu, je veux dire même s’il était battu, il n’y a évidemment aucun plaisir à en tirer. Aujourd'hui le gouvernement a conscience d’une chose, c’est que le pays traverse, et ce depuis plusieurs années, une crise aiguë, une crise économique, une crise sociale et qu’il nous faut tous nous retrousser les manches et mettre tout en oeuvre pour prévenir, pour éviter les licenciements, c’est l’objet de l’accord sur le marché du travail qui est adopté en ce moment même par le Parlement…
ROLAND SICARD
C’est fait il a été adopté !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eviter les licenciements, mieux former… voilà, mieux former, enfin il reste encore quelques jours pour qu’il le soit tout à fait, mais, mieux former les individus pour qu’ils puissent se reconvertir plus facilement et puis surtout, travailler sur l’avenir, ouvrir des perspectives, travailler sur les filières d’avenir, soutenir les secteurs comme par exemple l’innovation, le numérique, il y a un certain nombre de secteurs qui sont créateurs d’emplois et donc le gouvernement est en train d’y travailler.
ROLAND SICARD
Mais est-ce qu’il ne faut pas changer de politique comme le demande finalement, beaucoup de socialistes ? En finir avec l’austérité.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vais vous dire, dans la tempête je ne recommande jamais de changer de cap ou de braquet, au contraire il faut tenir bon…
ROLAND SICARD
Même si le cap n’est pas bon ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais le cap est bon, le cap est excellent. Le cap, quel est-il ? Il est précisément de nous donner les moyens de relancer la croissance tout en redressant nos comptes car les déficits de nos comptes depuis maintenant 30 ans, je ne dis pas simplement ces dix dernières années, n’ont cessé de grever précisément notre croissance et nos marges de manoeuvre pour investir sur ce qui est important. Et nous nous voulons investir…
ROLAND SICARD
Mais cette austérité, elle ne nuit pas à la croissance ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous, nous ne faisons pas d’austérité, déjà ne tombons pas dans l’écueil qui nous est tendu, dans le piège qui nous est tendu par les opposants à notre politique, nous ne faisons pas de l’austérité, mais du sérieux budgétaire. Pourquoi est-ce que le sérieux budgétaire est essentiel ? parce qu’il nous permet de récupérer des marges de manoeuvre au lieu de payer les intérêts de la dette puisque c’est aujourd'hui le premier budget de l’Etat, nous récupérons ces marges de manoeuvre pour investir dans l’éducation, pour recréer des postes d’enseignants qui vont mieux former les élèves, les enfants à s’insérer dans le monde du travail. Pour soutenir les entreprises avec 20 milliards d’allégement de charges sur les salaires, qui vont mieux les inciter à embaucher. Pour faire les contrats de génération qui vont permettre à des jeunes de moins de 25 ans de trouver enfin une place dans le monde du travail alors que ça fait des années qu’ils galèrent, quel que soit d’ailleurs leur niveau de diplôme. Voilà ce que nous faisons. Nos priorités elles sont là et donc il nous faut les financer et pour les financer nous avons besoin de nous désendetter.
ROLAND SICARD
On parlait tout à l’heure de l’inversion de la courbe du chômage, vous y croyez encore ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais vous savez, ce n’est pas une question de foi, on n’est pas en religion quand on dit ça, on est dans une question de volontarisme politique. Volontarisme politique ça veut dire à la fois avoir des engagements et notre engagement, notre objectif, notre priorité, notre obsession même pour tout vous dire, aujourd'hui c’est de lutter contre le chômage et de s’en donner les moyens. Et les moyens, c’est tout ce que je viens d’évoquer, la compétitivité pour les entreprises, le fait de les soutenir à l’export, le fait de les soutenir à l’innovation, le fait d’augmenter l’employabilité des Françaises et des Français, c’est tout cela qui nous aidera à sortir de la nasse.
ROLAND SICARD
Alors autre sujet, c’est aujourd’hui le jour de l’égalité salariale, pourquoi aujourd’hui d’ailleurs ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce qu’on est le 25 avril et que chaque année figurez-vous, au niveau européen est décidé notamment par la Commission européenne, le jour qui correspond au jour où les femmes gagnent enfin autant que les hommes sur l’année qui vient de s’écouler. Pour dire les choses autrement, il faut aux hommes 365 jours pour gagner X, eh bien pour gagner la même somme, les femmes doivent travailler 444 jours, soit 79 jours de plus. Ce qui en dit long sur les écarts de rémunérations persistants entre les hommes et les femmes partout en Europe, y compris dans notre pays.
ROLAND SICARD
Et pourtant, il y a une loi qui existe.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et pourtant dans notre pays plusieurs lois existent depuis une quarantaine d’années, c’est une dizaine de lois qui ont été adoptées mais qui sont restées inappliquées, incroyablement inappliquées. La dernière loi date de 2010, elle est sévère pour les entreprises de plus de 50 salariés qui ne prennent pas de disposition en faveur de l’égalité salariale eh bien, elles pouvaient se voir sanctionner jusqu’à 1% de leur masse salariale sauf que, aucun contrôle, aucune sanction qui n’est tombé depuis 2010. Quand je suis arrivée aux responsabilit??s il y avait à peine deux entreprises qui avaient été simplement mises en demeure, ça veut dire alertées…
ROLAND SICARD
Est-ce que ça va changer ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien ça a changé, ça a commencé déjà à changer puisque dès mon arrivée j’ai décidé d’abord de mobiliser totalement les inspecteurs du travail, les services déconcentrés de l’emploi, de mobiliser aussi les entreprises que nous avons d’abord accompagnées avec des outils qui ont été mis en place, une plate-forme Internet pour expliquer les démarches, comment on fait l’égalité professionnelle en son sein. Avec des grandes entreprises qui se sont mouillées pour venir en appui de leur PME fournisseur et sous-traitant et leur mettre à disposition les outils d’égalité professionnelle. Donc de l’accompagnement mais en même temps une procédure de contrôle resserrée, après tout la loi est faite pour être appliquée, donc les entreprises qui n’appliquent pas, les entreprises qui ne nous envoient pas leur plan égalité professionnelle se voient averties, c’est ce qu’on appelle la mise en demeure. Donc lorsqu’il y a une mise en demeure, les entreprises ont six mois pour se mettre en conformité, celles qui ne le font pas sont sanctionnées et aujourd'hui on est dans une situation où deux d’entre elles sont sanctionnées parce qu’elles ne se sont pas mises en conformité…
ROLAND SICARD
C'est la première fois ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est la première fois en France que des entreprises sont sanctionnées pénalement, financièrement, des pénalités financières…
ROLAND SICARD
Sanctions lourdes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sont des sanctions assez importantes puisque c’est plusieurs milliers d’euros par mois, tant que les entreprises en question ne se mettent pas en conformité, donc ça peut durer longtemps mais elles ont tout intérêt évidemment à se mettre en conformité rapidement. Mais surtout c’est en effet un moment important parce qu’au fond la sanction trouve enfin une forme de réalité qu’elle ne semblait pas avoir jusqu’à présent. Or vous savez, la vertu d’une sanction ce n’est pas seulement son montant, c’est aussi la plausibilité qu’elle tombe un jour. Et je pense que les entreprises doivent comprendre que le sujet de l’égalité professionnelle n’est pas un sujet périphérique qu’on traite par-dessus la jambe.
ROLAND SICARD
Est-ce que c’est bon pour les entreprises cette égalité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est très bon pour les entreprises l’égalité, c’est en effet aussi comme ça qu’il faut le présenter, ça n’est pas simplement une question de principe l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est aussi une question de performance économique. Les entreprises ont tout intérêt à avoir en leur sein des équipes cohérentes dans la cohésion, et la cohésion au fond, ça passe par le sentiment des salariés d’être traités équitablement, d’être traités justement. Lorsque vous traitez injustement les femmes par rapport aux hommes, il y a une motivation qui se perd, une énergie qui se perd et donc moins de performance. La performance pour les entreprises ça passe par le fait de trouver les meilleurs profils à mettre aux meilleurs postes. Pour faire cela il ne faut pas avoir de préjugés à l’égard des femmes, il en faut pas partir du principe qu’un homme sera mieux placé qu’une femme. Donc vous voyez que tout plaide pour l’égalité professionnelle.
ROLAND SICARD
Merci.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mai 2013