Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le marché du travail frontalier entre la France et l'Allemagne et la coopération entre les deux régions, Kehl le 26 février 2013.

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Circonstance : Signature de l'accord cadre de coopération pour le placement franco allemand et l'inauguration du bureau de Kehl le 26 février 2013

Texte intégral


Chaque discours mêlant la France et l’Allemagne commence en général par un propos d’histoire rappelant les oppositions lointaines et l’amitié refaite.
Je veux dépasser cela, ne plus faire références aux blessures anciennes pour montrer qu’elles sont vraiment surmontées. Mon propos ne s’ancre pas dans le passé spécifique qui nous relie, mais au contraire dans la pleine normalité des relations de deux partenaires qui sont alliés parce que cela a une utilité aujourd’hui, et non seulement par dette d’histoire.
1. Nos deux marchés du travail se combinent utilement
Dans cette optique, il est presque naturel, logique et évident que la France et l’Allemagne se retrouvent. Prenez le contexte démographique de nos deux pays et vous comprendrez l’importance de ce rapprochement, des partenariats que nous nouons aujourd’hui et que nous développerons demain.
Oui, nos deux pays ont beaucoup à faire ensemble.
D’un côté, en France, des travailleurs sur un marché qui peine à leur fournir à tous un emploi ; de l’autre un besoin de main d’œuvre dans les Länder allemands frontaliers de la France, dont le niveau de chômage est au plus bas. Au milieu, une frontière qu’il est possible d’enjamber ! D’ailleurs 30 000 lorrains travaillent déjà aujourd’hui en Sarre-Rhénanie-Palatinat et 23 300 alsaciens en Bade-Wurtemberg, tandis que 1 500 Allemands travaillent quotidiennement en Lorraine et en Alsace.
S’il fallait une preuve supplémentaire, elle est sous nos yeux. Oui, je le redis, nos deux pays ont beaucoup à faire ensemble, au-delà des symboles, dans le concret de l’action socio-économique, car nos deux marchés de l’emploi sont complémentaires.
2. 50 ans après le traité de l’Elysée, une commémoration concrète
Je veux féliciter Pôle emploi Alsace et Lorraine et l’Agence fédérale pour l’emploi de Bade-Wurtemberg, ainsi que celle de Sarre/Rhénanie-Palatinat, pour la signature de l’accord-cadre de coopération pour le placement franco-allemand.
Je veux féliciter Pôle emploi Strasbourg et l’Agence pour l’emploi d’Offenburg pour la signature de la 1ère convention locale découlant de cet accord cadre qui créé le service de placement transfrontalier, Strasbourg-Ortenau à Kehl. Nous avons inauguré le lieu ensemble ce matin même.
Nous célébrons cette année le 50ème anniversaire du Traité de l’Élysée et de l’amitié franco-allemande. Pour cela, nous avions organisé un Conseil des Ministres franco-allemand le 22 janvier dernier. C’était un temps fort, mais je dois dire qu’aujourd’hui est un temps encore plus fort, celui du concret de l’action, celui d’une réalisation sortie de terre. Le Conseil des Ministres franco-allemands du 22 janvier dernier avait adopté une déclaration commune. Elle précisait : « l’intention [de nos deux pays] de développer des outils franco-allemands d’aide à la recherche d’emploi » « avec l’objectif de l’intégration de nos marchés du travail, et pour donner à tous les citoyens des chances optimales sur le marché du travail européen (…). La coopération déjà existante entre Pôle emploi et l’Agentur für Arbeit sera amplifiée par la création d’une première agence franco-allemande pour l’emploi en zone frontalière, qui aura son bureau dans la ville de Kehl, avec pour objectif, à terme, le développement d’un réseau d’agences franco-allemandes dans l’espace frontalier. » Nous y sommes. Ce n’étaient pas seulement des mots prononcés à l’occasion d’un anniversaire, c’était une véritable feuille de route. Il nous faut maintenant construire le réseau d’agences du même type.
Cette étape est donc un pas supplémentaire dans la coopération entre Pôle emploi et l’Agence fédérale. Elle approfondira les connaissances et le partage d’informations sur les évolutions du marché du travail dans les bassins transfrontaliers franco-allemands. Elle élargira aussi les possibilités d’embauche de nombreux travailleurs. D’autres réalisations du même type (bureau commun) suivront dans chaque agence transfrontalière en Allemagne et en France, sur la ligne Bade-Wurtemberg, Sarre/Rhénanie-Palatinat, Alsace et Lorraine.
4 missions pour ce bureau commun
- Renseigner sur la situation du marché du travail dans la région transfrontalière ;
- Permettre l’accès aux prestations proposées par les deux services publics pour l’emploi ;
- Faciliter la recherche d’emploi et la prise de fonction dans le pays voisin ;
- Proposer un accompagnement personnalisé dans le processus de recrutement.
Outre le placement des demandeurs d’emplois, la formation et la mobilité professionnelle des jeunes entreront également un domaine où la coopération entre nos deux pays sera amenée à se développer dans les années à venir.
3. Une corde de plus à notre arc
Le chômage, en particulier celui des jeunes est au cœur de nos politiques publiques. Les emplois d’avenir, destinés aux jeunes qui se trouvent sans diplôme, sans emploi et sans formation, ont constitué une première réponse d’urgence, prise dans le mouvement de notre arrivée aux responsabilités. Puis est venu le contrat de génération – désormais adopté par le Parlement – qui modifiera le regard porté sur les jeunes et leur ouvre dès à présent une place nouvelle dans l’entreprise. Voici, pour les jeunes, et les moins jeunes – mais je sais que la mobilité attire souvent les jeunes, aux attaches moindres et à la recherche d’expériences professionnelles – une possibilité nouvelle d’emploi, un bassin nouveau dans lequel, éventuellement, une opportunité se présentera. C’est une corde supplémentaire à notre arc, et la preuve d’un engagement total contre le chômage. « La bataille pour l’emploi » n’est pas une expression vaine et destinée seulement à remplir les colonnes des journaux. C’est une mobilisation de tous les instants qui nous fait chercher partout des leviers pour faire reculer le chômage, notamment celui des jeunes. Ainsi, si l’on a tout dit sur le chômage, preuve en est que tout n’a pas été essayé. C’est notre tâche, nous la prenons avec détermination.
Ajoutons l’engagement du gouvernement de mettre en place, d’ici le mois de septembre prochain, une « garantie jeunes », dispositif inspiré d’expériences européennes et qui s’inscrira dans le cadre de l’effort européen en cours pour apporter une solution aux jeunes sortis sans qualification de l’école (près de 140 000 en France chaque année).
Je veux, pour conclure, dire un mot plus global. L’Europe, ce n’est pas une conviction abstraite, ni seulement un grand marché économique incapable de faire plus, notamment de se doter d’un contenu social. L’Europe est à l’un de ses nombreux tournants. Il ne s’agit plus seulement d’améliorer la fluidité du marché du travail, de mettre les marchés financiers et l’économie au service du développement humain, mais aussi de maintenir la capacité de travail, d’améliorer l’employabilité et d’accroître durablement les places de formation et l’emploi. Aujourd’hui, nous montrons ensemble que l’échelle de l’Europe est aussi une échelle pertinente contre le chômage et quoi de mieux que l’inauguration d’une agence franco-allemande de placement des demandeurs d’emplois pour l’affirmer ?
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 13 mai 2013