Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre des affaires européennes, sur les relations franco-allemandes, la réduction du déficit budgétaire français et sur la politique de relance au sein de l'Union européenne, à Paris le 10 mai 2013.

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Circonstance : Point de presse conjoint avec son homologue allemand, M. Michael Link, à Paris le 10 mai 2013

Texte intégral

Bonjour,
Pardonnez notre retard, lié à l'intensité des travaux que nous avons eus Michael Link et moi-même ce matin, et félicitations pour votre présence car c'est le seul endroit où l'on travaille aujourd'hui à Paris avec le pont. L'Europe n'attend pas et c'est pour cela que nous sommes l'un et l'autre devant vous.
Je voudrais simplement vous dire que j'ai le plaisir d'accueillir Michael Link à qui j'ai rendu visite il y a quelques semaines à Berlin. Je voudrais vous dire aussi qu'il ne se passe pas une semaine sans que nous ne soyons en conversation l'un et l'autre, soit de visu lors de rencontres bilatérales comme aujourd'hui, soit à l'occasion de rencontres multilatérales (Conseils européens, Conseils des ministres), soit au téléphone. Lorsqu'il y a une interrogation, une explication à donner sur la position de l'autre, elles se font en direct.
Si je vous dis cela, c'est que nous avions malgré nos explications et nos échanges téléphoniques coutumiers, un ordre du jour chargé ce matin, qui était une réunion de travail. C'était un ordre du jour sur lequel nous avons fait avancer les positions entre la France et l'Allemagne sur des questions telles que le cadre financier pluri-annuel dans la perspective du vote du Parlement européen, nous l'espérons en juillet prochain. Il fallait voir quelles étaient nos positions respectives et faire un point sur l'évolution de la fiscalité, puisqu'au Conseil européen du 22 mai la coopération fiscale et la lutte contre la fraude et l'évasion seront, avec l'énergie, un des deux points importants.
Nous avons aussi beaucoup échangé sur les avancées en matière d'union économique et monétaire. Nous avons aussi vu des sujets plus restreints comme par exemple la traçabilité, l'étiquetage de l'origine des produits, que nos consommateurs respectifs réclament. Nous avons aussi élargi nos réflexions au partenariat oriental dans la perspective de la présidence lituanienne qui sera effective à l'été prochain, et aussi, par exemple, au contenu des discussions que nous allons continuer à avoir dans le cadre de l'élaboration d'un accord de libre échange entre l'Union européenne et les États-Unis.
Ce sont des questions multilatérales dont ils nous semblaient important qu'elles soient inscrites à notre ordre du jour aujourd'hui. Ce qui n'excluait pas des travaux dans un cadre plus bilatéral sur, par exemple, la coopération transfrontalière comme les suivis des manifestations commémoratives du 50ème anniversaire du Traité de l'Élysée qui se termineront par deux journées, le 5 et 6 juillet prochains à Paris.
Voilà quelques dossiers qui nous ont pris beaucoup de temps ce matin et pour lesquels nous avons le plaisir de vous rejoindre ici, dans la galerie de la Paix, à côté du Salon de l'Horloge dans lequel Robert Schuman a prononcé en 1950 un discours qui a porté sur les fonts baptismaux l'Union européenne à travers la Communauté de l'Europe du charbon et de l'acier, accord historique entre nos deux pays qui continue aujourd'hui d'être le ferment de l'Union européenne et donc de cette collaboration franco-allemande essentielle pour faire avancer l'Europe. Nous nous revoyons lundi pour un déplacement avec une forte portée symbolique. Nous nous rendrons tous les deux à Zagreb, en Croatie, pour porter un message commun de l'Europe envers un pays, la Croatie, qui rejoindra l'Union européenne le 1er juillet prochain. Nous nous reverrons à Berlin le 5 juin prochain où je me rendrai dans le cadre de l'opération MIXART. Il y aura des réunions sur la coopération transfrontalière entre nos équipes respectives durant le mois de juin, et je me retrouverai toujours à ses côtés mi-juillet à Sarrebruck, puis à Heilbronn, dans le cadre un peu plus large du triangle de Weimar, avec notre ami Piotr Serafin, représentant la Pologne, et d'ici là nous nous serons retrouvés les 5 et 6 juillet prochain à Paris.
Vous le voyez, la relation franco-allemande est riche et productive.
Q - (sur la décision de la commission de l'UE concernant la réduction des déficits français)
R - Ces mesures prises par le gouvernement français pour retrouver une solidité budgétaire ne doivent pas être liées à une explication européenne dictée par une institution, fût-elle aussi honorable et importante que la Commission. C'était une obligation pour la France de conforter à l'égard des marchés internationaux la crédibilité dont elle jouit pour relancer l'économie française. Il ne faut pas toujours chercher dans telle ou telle inflexion demandée, telle ou telle orientation qui serait dictée par je ne sais qui, une origine à la décision que nous devions prendre compte tenu de la situation dans laquelle nous avons trouvé notre pays. Et j'observe que les mesures prises en matière de sérieux budgétaire et d'assainissement de nos finances publiques se traduisent aujourd'hui par une reconnaissance y compris sur les marchés financiers internationaux. Depuis quelques jours, la France peut se refinancer à un taux de 1,70 % sur 10 ans, taux historiquement le plus bas. C'est aussi le fruit de cette reconnaissance des marchés financiers. Nous en avons besoin.
Par ailleurs, le sérieux budgétaire n'est pas incompatible avec des mesures favorables à la relance économique. Je voudrais citer quelques dispositions, que l'on a tendance à oublier, qui ont été prises depuis ces douze derniers mois et qui tentaient de redonner du pouvoir d'achat ou de l'emploi à certains de nos concitoyens. Il s'agit par exemple, des revalorisations du SMIC qui ont été faites dès l'arrivée au pouvoir de François Hollande, ou de la revalorisation des aides personnelles au logement faites au 1er janvier dernier. Ce sont aussi les mesures du crédit d'impôt-compétitivité-emploi qui visent à diminuer le coût du travail. Ce sont les dispositions qui visent à favoriser les contrats de travail pour les plus jeunes de nos concitoyens, soit dans le secteur non concurrentiel avec les emplois d'avenir, soit dans le secteur concurrentiel avec le contrat de générations.
Le sérieux budgétaire, il faut le poursuivre, nous sommes dans une trajectoire où nous n'allons pas faiblir et je me réjouis de l'analyse de la commission européenne et de M. Schäuble disant que la France a avancé dans une direction qui leur semble positive. Mais la détermination des mesures appropriées appartient ensuite au gouvernement français pour, entre autres, approfondir tel ou tel effort. Ce n'est pas à la Commission ni à un quelconque responsable étranger de dire quelle est la mesure qui lui semble la plus appropriée. Il n'y a pas d'ambigüité là-dessus entre nous.
Le dialogue entre Français et Allemands est franc sur les nombreux dossiers que nous avons vus ce matin. Nous avons acté le fait qu'il y a encore du travail à faire pour converger vers des solutions en commun, c'est naturel. Sauf que dans le jeu politique, certains observateurs ou responsables politiques ont tendance à grossir ce qui, au début de la conversation, nous sépare alors qu'à la fin du travail nous parviendrons à un compromis qui, par ailleurs, aura des chances à rassembler les autres pays de l'UE. On sait effectivement que les accords entre la France et l'Allemagne sont souvent la base d'un compromis pour l'UE. Dialogue franc et sans tabou et dans un esprit constructif pour apporter à chaque fois une pierre à l'édification de l'UE même si, parfois, nous pouvons avoir quelques divergences, ce qui est salutaire.
Q - (inaudible)
R - Je voudrais vous dire que nous sommes dans la perspective affirmée d'une politique de relance. Ces dispositions peuvent être prises sur un plan national et certaines auront une application aussi l'an prochain, comme le crédit impôt-compétitivité-emploi dont vous savez qu'il aura une deuxième lame. À compter du 1er janvier 2014 la baisse du coût du travail sera de 6%, après 4% cette année. C'est un élément pour renforcer la compétitivité de nos entreprises et leur permettre de retrouver des marges. D'autres mesures seront aussi prises.
Nous avons une nouvelle méthode à laquelle nos tenons énormément en France, celui du dialogue social, qui a fait ses preuves. La dernière grande conférence sociale qui a été organisée a permis, par exemple, l'adoption de cet accord du 11 janvier national interprofessionnel dans lequel il y a de nombreuses avancées. Il y aura une seconde conférence les 20 et 21 juin qui reprendra des thématiques déjà vues lors de la première table ronde. Il y aura une nouvelle thématique sur l'Europe sociale que j'aurai l'honneur d'animer. À l'issue de cette grande rencontre avec les partenaires sociaux, qui représentent les entreprises ou les salariés, le gouvernement fera, comme il l'a fait en janvier dernier, un certain nombre de propositions qui pourront être inscrites à l'ordre du jour de nos assemblées législatives d'ici à la fin de l'année, par exemple sur la réforme des retraites qui est un point attendu.
Parce ce que je suis ministre chargé des affaires européenne, nous attendons, y compris dans des décisions prises à l'échelle de l'Europe, qu'il y puisse y avoir des éléments qui concourent dans chaque pays à la relance. Par exemple, le pacte européen pour la croissance et emploi de 120 milliards d'euros, décidé en juin 2012, prévoit notamment une augmentation du capital de la BEI de 10 milliards d'euros, permettant l'octroi de 60 milliards d'euros de crédits supplémentaires. Ceci va permettre à la France en 2013, 2014 et 2015 de bénéficier d'un accompagnement de 7 milliards d'euros par an de la part de la Banque européenne d'Investissement (BEI). C'est une avancée significative, cette somme annuelle va servir à accompagner les collectivités locales qui ont des projets d'investissement sans avoir en face les disponibilités financières qu'elles trouvaient dans le réseau classique des banques qui, compte tenu de leurs difficultés, ne sont plus en mesure de leur répondre positivement. Nous allons trouver auprès de la BEI cet argent pour les collectivités locales. Et nous allons trouver aussi cet argent pour les entreprises qui ont besoin d'investir dans la recherche et dans l'appareil productif.
Et cet argent de la BEI, et je vous remercie de me donner l'opportunité d'éclaircir un point, cet argent de l'Europe souvent n'est pas visible sur le terrain. Car l'argent de la BEI sera amené à transiter, entre autre, par la Banque publique d'Investissement (BPI), récemment créée par les autorités françaises. La BPI va être partiellement dotée avec cet argent européen, et les fonds de la BEI vont aussi passer par le réseau bancaire classique. Nos banques de territoire vont ainsi prêter aux PME.
Cela, c'est une décision prise à l'échelle européenne qui concourt à une politique de relance. J'espère aussi qu'une fois le cadre de dépenses pluriannuel voté cet été, nous bénéficierons d'une partie des 6 milliards d'euros destinés à des régions où le taux de chômage de jeunes dépasse 25 %, afin d'accompagner des actions de formation pour des jeunes qui ont du mal à accéder à l'emploi. Ce sont les dispositions qui seront prises le 22 mai prochain au conseil de ministres où nous allons parler énergie et compétitivités des entreprises.
Ce qui montre bien que ce discours, porté par un certain nombre de chefs d'État en Europe, peut trouver des actes concrets. J'imagine que ce sera l'un des sujets discutés le 15 mai quand le président de la République partagera, à l'invitation du président Barroso, un déjeuner de travail avec le collège de commissaires européens. Ce qui n'empêche pas que, sur un plan national, nous prenions des décisions pour une politique de relance.
Les choses sont un peu difficiles et la décision sur les 120 milliards d'euros a été prise en juin 2012. Depuis quelques semaines, l'argent est disponible auprès de la BEI. Auparavant il a fallu procéder à une augmentation du capital de cette banque de 10 milliards d'euros en faisant appel à différents pays, ce qui prend du temps. Il faut le reconnaître, entre la décision et les mesures effectives, il peut se passer plusieurs mois. D'où une certaine impatience qui peut s'exprimer.
Q - (inaudible)
R - Comme nous l'avons affirmé, nous plaiderons pour que dans l'évolution de l'union économique et monétaire puissent émerger, à terme, des évolutions en matière de prise en compte de situations sociales différentes d'un pays à l'autre. C'est pour cela que nous plaidons, et nous continuerons à expliquer l'intérêt de cette démarche, pour qu'il y ait, par exemple, la construction d'indicateurs sociaux qui puissent faire l'objet de discussions et d'objectifs dans les politiques européennes. À terme, qu'il y ait une réunion d'un Eurogroupe social et la mise en place d'un socle de garanties sociales pour renforcer les droits et la protection des travailleurs. Ce sont des choses sur lesquelles nous pouvons avancer. Je porte aussi des espoirs pour que nous ayons, un jour, un statut d'apprenti européen, avec un socle de compétences européen reconnu et transférable d'un pays à l'autre. Je souhaite que la directive sur la mobilité des travailleurs puisse garantir qu'il n'y ait pas de concurrence déloyale entre les économies nationales. Les marges d'avancées, y compris sur ces questions sociales, existent. Simplement, il faut les faire avancer à 27, et à 28 à partir du 1er juillet. Nous avons l'ambition de faire avancer ces questions. Je pense que c'est par le dialogue et la compréhension mutuelle que nous parviendrons à faire avancer les politiques européennes. Il faut éviter de lier ces questions à des échéances électorales.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2013