Texte intégral
GUILLAUME NAUDIN
On connaîtra, aujourd'hui ou demain donc, le nom du nouveau directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce, en remplacement de Pascal LAMY, qui va partir au mois de juillet. Quelle est l'importance, pour vous, du fait que le directeur général de l'OMC soit issu d'un pays émergeant, soit brésilien, soit mexicain ?
NICOLE BRICQ
On a deux bons candidats, tous les deux très aguerris dans le milieu du commerce mondial, mais ils auront des défis à relever. Celui qui sera choisi... je les ai tous reçus moi, j'ai reçu les neuf candidats qui émergeaient, les uns après les autres, quelquefois deux fois, et je me suis enquise auprès d'eux de quelques questions, de quelques réponses, notamment j'ai demandé quels sont les défis que vous avez devant vous et comment vous allez les affronter ? Et c'est vrai que le cycle de Doha est en panne, et il faut à la fois que les émergeants, les grands émergeants, assument leurs responsabilités, quand on prétend, comme la Chine, être le premier pays commercial dans le monde, on a des responsabilités, il en va de même pour le Brésil, comment on assume leurs responsabilités vis-à-vis notamment des pays en développement, mais aussi vis-à-vis des puissances plus traditionnelles que sont l'Europe et les Etats-Unis.
GUILLAUME NAUDIN
Et ce n'est pas un petit peu inquiétant que des membres de pays émergeants, des ressortissants de pays émergeants, viennent prendre une place qui jusque-là était plus ou moins dévolue aux pays développés ?
NICOLE BRICQ
Non, c'est normal. Ils arrivent à une phase de leur développement qui les font être très émergés, s'agissant du Brésil et de la Chine, pour ne citer qu'eux, ils s'organisent eux-mêmes, et en même temps je crois qu'il faut ramener à la table des discussions les Américains du Nord, les grands émergeants, et bien sûr tous les pays. Et paradoxalement je crois que les grands accords de libre-échange bilatéraux, qui sont en train, ou qui pourraient être en phase de négociation active, je pense
GUILLAUME NAUDIN
Comme l'accord entre l'Union Européenne et les Etats-Unis.
NICOLE BRICQ
Voilà, je pense Union européenne/ Etats-Unis, et bien sûr ce qu'essaient de faire les Etats-Unis avec le Trans-Pacific Partners, qui va structurer aussi un grand morceau du monde, avec le Japon dans les deux, si je ne sais pas si vous l'avez remarqué, je pense que ça va plutôt donner envie, ça peut donner envie, à beaucoup de se réfugier sous l'aile du multilatéralisme. En tout cas, pour ce qui est de la France, nous défendrons toujours le multilatéralisme.
GUILLAUME NAUDIN
On attend aujourd'hui, là dans quelques minutes, d'ici une vingtaine de minutes, les chiffres du commerce extérieur de la France pour le mois dernier. Alors, vous les avez sans doute déjà, est-ce qu'on peut s'attendre à ce qu'ils soient dans une bonne dynamique, ou pas ?
NICOLE BRICQ
Alors, pour le mois de mars, ils sont plutôt bons, avec un excédent commercial, mais le mois de mars ne suffira pas à combler le déficit du début de l'année. Nous avons beaucoup pâti, à la fin de l'année dernière, de la chute de la demande dans des pays européens comme l'Italie et l'Espagne, ça a été particulièrement aigu dans le domaine de l'automobile, et nous ne compensons ces pertes de début d'année, ça fait un demi-milliard en moins, donc en plus de déficit par rapport au début de l'année, mais je crois que la décision de la Commission Européenne qui consiste à desserrer le calendrier du sérieux budgétaire, eh bien peut aider à ce qu'il y ait une petite reprise en Europe qui fait que nous pourrions retrouver des chiffres positifs en 2013.
GUILLAUME NAUDIN
La Commission Européenne, d'ailleurs, s'apprête, semble-t-il, à peut-être surtaxer, cette semaine, les importations de panneaux solaires chinois, est-ce que, dans le cadre d'échanges de commerce extérieur entre les deux grands blocs que sont la Chine et l'Union Européenne, c'est une bonne solution ça, tout simplement de faire un petit peu de protectionnisme ?
NICOLE BRICQ
La Commission Européenne a été saisie par un consortium d'entreprises, essentiellement allemandes, par rapport au dumping sur les panneaux solaires qui sont fabriqués en Chine, donc elle fait un travail technique, d'expertise, elle rendra sa proposition au vu de ce travail technique. Je crois que c'est un instrument de défense commerciale, comme on l'appelle dans le jargon, il ne faut pas que l'Europe s'en prive, nous attendons la décision de la Commission. Je ne crois pas qu'on peut dire que ce soit du protectionnisme parce qu'on accuse quelquefois, trop souvent, l'Europe d'être ouverte, trop ouverte, donc je crois que c'est une mesure, elle a le droit de le faire, la Commission, elle a été saisie par un consortium, elle va rendre son avis bientôt.
GUILLAUME NAUDIN
Dimanche soir le Premier ministre, à la télévision, a annoncé que l'État était prêt à céder une partie de ses participations dans certaines entreprises publiques, est-ce que c'est le retour de privatisations plus ou moins cachées ?
NICOLE BRICQ
Il ne faut pas priver des outils qui sont mis à la disposition de l'État. Il peut effectivement libérer des participations, comme il peut aussi en prendre, c'est notamment le travail du FSI, donc je crois qu'il ne faut pas se priver de ces outils. Alors, il faut le faire à bon escient, bien sûr, il faut trouver la bonne fenêtre de tir, et puis surtout se poser la question de ce qu'on fait avec, et c'est là où les arbitrages doivent être très sérieux. Donc je pense qu'il faut une certaine souplesse dans la gestion des participations de l'État, mais il faut effectivement le faire à bon escient et au bon moment.
GUILLAUME NAUDIN
Est-ce qu'on n'est pas en train de brader les derniers bijoux de famille pour rapiécer un petit peu le manteau budgétaire qui est un peu troué ?
NICOLE BRICQ
Non, je ne crois pas, parce que ça ne doit pas, effectivement, aller à des dépenses de fonctionnement, c'est évident, ça doit aller à non seulement de l'investissement, mais des dépenses en capital, ça c'est très important, et c'est là où l'État doit avoir une gestion fine de ses participations.
GUILLAUME NAUDIN
Hier, à l'issue du séminaire gouvernemental, le président de la République aussi bien que le Premier ministre ont dit qu'il fallait accélérer les réformes. Accélérer les réformes, la réforme, pour les Français depuis plusieurs années c'est un peu synonyme de position amère, est-ce que ça va être encore plus dur dans l'année qui vient ?
NICOLE BRICQ
Il a demandé des résultats, il a dit l'année 2013 doit être des résultats. Je prends un exemple. Il a parlé d'un choc de simplification, le Premier ministre, bien sûr, fait travailler ses ministres, moi je dois remettre des copies et, comme d'autres de mes camarades ministres, il faut que j'accélère des procédures qui facilitent la vie des entreprises, il faut que je mette - notamment pour les douanes, j'ai beaucoup de choses à faire avec l'administration douanière, je m'y emploie, et en même temps il faut que nos financements à l'exportation soient plus simples, plus lisibles et moins paperassiers.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mai 2013