Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux dêtre avec vous. Cest un retour très modeste vis-à-vis de Jacques Delors et de tout ce quil ma apporté dans ma vie politique.
Aujourdhui, je voudrais vous parler dun sujet qui tient particulièrement à coeur au ministre de la Défense et à lEuropéen convaincu que je suis : lEurope de la défense.
La France vient de se doter dun nouveau Livre blanc, validé ces derniers jours par le président de la République. Quatre points méritent particulièrement dêtre retenus. Tout dabord, malgré les difficultés budgétaires, le président de la République a souhaité maintenir le niveau de leffort national et lampleur de notre outil de défense. Il sagit dune décision forte. Ensuite, nous maintenons le triptyque fondamental de notre politique de défense : protection de notre population, dissuasion nucléaire et intervention extérieure. En outre, nous maintenons notre souveraineté par lexistence de lindustrie de défense française et européenne. Enfin, nous fixons lobjectif dune relance pragmatique de lEurope de la défense.
Je parle de lEurope de la défense et non de la défense européenne par réalisme. Le second concept, plus incantatoire, na jamais donné de résultats tangibles. Pour ma part, le concept dEurope de la défense mapparaît nettement plus pragmatique. Cest une logique plus humble. Mais sil on veut quelle prenne une forme de réalité, il faut abandonner les postures idéologiques pour agir concrètement à deux, à trois, à cinq, à vingt-sept voire bientôt à 28, en fonction des possibilités qui nous sont offertes et des opportunités que nous pouvons saisir.
Je veux le croire car, en toute objectivité, nous n'avons pas le choix. C'est pourquoi la France entend continuer à être un promoteur actif du renforcement de l'Europe de la défense. Si, par le passé, une telle ambition a pu être perçue par certains de nos partenaires comme utopique, voire dogmatique, aujourd'hui - plus que jamais -, cet objectif s'impose à nous car il sagit dune nécessité historique.
Ce qui guide en premier lieu cette nécessité, cest le rééquilibrage de la politique américaine de défense. Les Européens doivent saisir leur responsabilité face à la stratégie du pivot des Etats-Unis.
La deuxième nécessité, cest la contrainte budgétaire des uns et des autres qui limite les développements capacitaires avec, parfois, des coupes fortes et significatives, à quelques exceptions près. Il faudra bien mutualiser, partager, trouver des points de cohérence. Sinon, lEurope se déclassera stratégiquement. Il sagirait dun renoncement terrible.
Troisièmement, la permanence des menaces et des risques est réelle : larc sud, les fragilités à lest, la mondialisation avec la généralisation des flux terroristes, du gangstérisme lié à la drogue ou du fondamentalisme religieux.
Progressivement, je suis convaincu que les Etats membres en prendront conscience. Sinon, cest à une perte de souveraineté collective que nous sommes condamnés.
Il faut commencer par cela avant de reprendre les discours théoriques ou purement projectifs qui naboutiront pas à des résultats concrets. Cest dans ce sens quil faut préparer le prochain Conseil européen de décembre 2013. La position de la France sera de renouveler cela et dassurer la régularité annuelle de nos rencontres sur ces sujets.
Alors que les questions de sécurité et de défense sont au coeur de son mandat, le Conseil européen ne sest pourtant plus exprimé sur ces sujets depuis décembre 2008. Cette situation est incompréhensible.
Aujourdhui, nous nous trouvons dans une conjoncture favorable à une nouvelle impulsion pour la construction de lEurope de la défense. Nous entendons profiter pleinement du rendez-vous de décembre 2013 proposé lannée dernière par le Président Van Rompuy. Cest un signal politique fort. Cette opportunité doit être saisie.
Pour commencer, soyons pragmatiques dans le domaine opérationnel. Il est urgent que lUnion européenne mette enfin en oeuvre une véritable approche globale de la gestion des crises. Je veux le dire ici avec force, ceci ne sera pas possible tant que les institutions européennes ne seront pas capables dadapter et doptimiser leur façon de travailler, de mettre un terme, aux cloisonnements institutionnels qui persistent entre la Commission et le Service européen d'action extérieure (SEAE), et entravent la mobilisation rapide, cohérente et efficace de l'ensemble des instruments de l'UE.
Depuis plus d'un an, la France a attiré sans relâche l'attention de ses partenaires sur la dangerosité de la situation sécuritaire au Mali. Les faits ne nous ont pas démentis, justifiant notre intervention nationale. Aujourdhui, nous sommes entrés dans une phase de stabilisation. La mise en place dEUTM Mali sest révélée efficace mais particulièrement longue, alors quil ne sagit que dune mission de formation militaire. La mission EUTM ne constitue dailleurs pas la seule réponse à la crise malienne. LEurope a lavantage de proposer des solutions globales, comme elle le montre aujourdhui par exemple dans le cadre de la conférence sur le développement du Mali.
Au-delà, nous devons également progresser dans le champ capacitaire. Nous le faisons avec les Britanniques. Mais les projets peuvent être ouverts à deux, à trois ou à plus dEtats volontaires. Avec la volonté politique, et sans remettre en cause la souveraineté des Etats, nous pouvons faire avancer plusieurs sujets concrets et simples comme le transport aérien logistique. LEATC a fonctionné au Mali. Ces mécanismes peuvent être ouverts à dautres Etats et à dautres domaines. Je pense notamment au ravitaillement en vol ou au domaine spatial.
Enfin, concertant lindustrie, je suis convaincu de la nécessité de maintenir la base industrielle technologique européenne de défense. Il nest sans doute pas opportun de louvrir aujourdhui aux quatre vents. La bonne manière consiste à anticiper les programmes à venir pour que les Etats membres susceptibles dy participer se portent volontaires pour éviter la concurrence intra-européenne. Je pense par exemple aux drones comme un sujet pour une coopération industrielle à moyen terme.
Voici les quelques propos que je souhaitais partager avec vous sur lEurope de la Défense, objectif au cur de notre politique de défense et explicité dans le nouveau Livre blanc.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 mai 2013