Texte intégral
Q - La conférence internationale des donateurs qui se tient aujourd'hui à Bruxelles doit permettre de lever des fonds pour assurer le développement au Mali sur le long terme. Quelles sont vos priorités ?
R - La priorité numéro un de la France est de mobiliser la communauté internationale à la hauteur des demandes du Mali, à savoir autour de deux milliards d'euros. Les Maliens eux-mêmes ont chiffré le plan de développement des deux prochaines années à quatre milliards d'euros. Ils apporteront eux-mêmes les deux milliards restant.
Q - Est-ce faisable ?
R - Je suis confiant.
Q - À quelle hauteur contribuera la France ?
R - Un chiffre a été évoqué par des sources diplomatiques (280 millions d'euros, ndlr). Je ne confirme pas, c'est à l'Élysée de l'annoncer mais le montant ne sera pas très éloigné.
Q - Cette aide va-t-elle s'ajouter à celle débloquée en février de l'ordre de 150 millions d'euros ?
R - En février, on était sur le déblocage d'une aide qui avait été gelée, et bien évidemment on va aller au-delà. L'aide annoncée mercredi sera additionnelle.
Q - Quelle forme prendra-t-elle ?
R - Il y aura du don et du prêt. Et c'est vrai aussi pour la communauté internationale dans son ensemble. L'Union européenne fera essentiellement du don. Nous allons annoncer un chiffre en bilatéral, mais il faut savoir que 20% du chiffre européen c'est de l'argent du contribuable français.
On ne peut donc pas limiter le simple chiffre de la France à cette aide bilatérale. C'est pour cela qu'on ne va pas rentrer dans une course à l'échalote. Nous sommes dans une logique collective de mobilisation de la communauté internationale pour qu'à la fin il y ait deux milliards d'euros d'engagement.
Q - Avez-vous déjà reçu des promesses ?
R - Oui bien sûr, et chacun fera ses annonces aujourd'hui.
Q - Quelles sont les priorités sur le terrain ?
R - Il y a d'abord la garantie de la traçabilité de l'aide. Car c'est très bien de mobiliser la communauté internationale encore faut-il que l'aide soit engagée au bénéfice des projets des populations et ne fasse pas l'objet d'un détournement et d'une mauvaise gouvernance comme cela a pu être le cas dans le passé. Nous avons donc décidé de mettre en place, de manière pilote, un dispositif qui assure la transparence totale de notre aide bilatérale en permettant un système de contrôle citoyen décentralisé. Ainsi, sur un site Internet, chaque Malien aura accès à ce que la France a financé et au calendrier et pourra constater la réalisation du projet. Il pourra envoyer un SMS à une hotline si ce n'est pas le cas. Les donateurs seront donc alertés et pourront entrer en contact avec les autorités maliennes.
Cela va renforcer l'efficacité de l'aide et renforcer l'appropriation par les Maliens de cette dernière. C'est une priorité qualitative. C'est une exigence que nous devons aux Maliens et aux contribuables français. C'est selon moi, la manière la plus puissante et la moins coûteuse d'assurer la transparence de notre aide.
Ensuite, il nous faut répondre aux demandes des Maliens dans la diversité des projets : il y a le retour du service public en matière de santé, d'éducation, d'eau, d'électricité, la construction d'infrastructures, de routes, de centrales électriques, des investissements dans l'agriculture... et cela dans toutes les régions du Mali. Notre équation est claire et c'est ce que je dis depuis toujours : il n'y a pas de développement sans sécurité et il n'y a pas de sécurité sans développement. C'est pour cela qu'il fallait intervenir, mais la solution ne peut pas être que militaire.
Q - Le déblocage de ces sommes est adossé au respect de la feuille de route adoptée par Bamako qui comprend notamment la tenue d'élections en juillet et un processus de réconciliation. Or plusieurs voix laissent entendre qu'il est encore trop tôt...
R - Pour nous le déblocage de ces sommes est en effet adossé à la feuille de route. C'est un message extrêmement clair et c'est un message sur lequel la France est totalement rejointe par ses partenaires. Je précise même que certains pays, je pense aux États-Unis, ne reprendront leur aide que lorsque les élections auront lieu.
Nous sommes sur une logique différente qui consiste à dire que par la reprise de notre aide, nous allons consolider le retour de l'État, des services publics et des administrations notamment au Nord. Ce qui renforcera la légitimité de l'État. L'une des causes de la crise au Mali a été l'affaiblissement de cet État, notamment sur certains territoires. En renforçant les services publics et en travaillant directement avec les collectivités locales (car nous souhaitons qu'une partie de l'aide passe directement par les collectivités locales) on renforce le processus politique de décentralisation dont on sait qu'il est l'une des clés de la réconciliation politique.
On est dans une logique de cercle vertueux : enclencher une dynamique pour accroître la sécurité, le développement et la réconciliation politique.
Q - La tenue d'élections fin juillet est-elle tenable, et même souhaitable ?
R - Nous y travaillons. Un appel d'offre pour les fichiers électoraux a été passé il y a dix jours, le HCR travaille pour que le scrutin puisse se tenir dans les camps de réfugiés car tout le monde ne sera pas rentré, on travaille aussi pour que les élections puissent se tenir partout, y compris au Nord, et nous discutons du cas de Kidal (toujours tenu par les forces rebelles du MNLA, la France et le Tchad, ndlr). Mais aujourd'hui rien ne nous permet de dire qu'il est techniquement impossible que ces élections n'aient pas lieu le 28 juillet.
Les arguments qui consistent à dire qu'il est trop tôt seront utilisés en août, en septembre et ainsi de suite... Quand est-ce que ce ne sera pas trop tôt ? Il y a aujourd'hui un déficit de crédibilité de la parole politique au Mali, il est donc essentiel de rester sur cette feuille de route parce qu'une fois que vous vous en éloignez, vous allez où ? La date des élections est fondamentale.
Q - La crise malienne s'inscrit dans une crise plus globale qui touche la zone sahélienne. Est-ce que la conférence a pour vocation de discuter aussi de cette question-là ?
R - Aujourd'hui, la conférence est centrée sur le Mali, même si nous sommes les premiers à dire que les enjeux de développement, d'impact du changement climatique, du développement agricole, de lutte contre tous les trafics sont des enjeux régionaux.
Mais au Mali, il y a de réels problèmes internes à régler.
En revanche, il existe un autre processus qui aboutira à la rentrée, piloté par Romano Prodi, qui lui résonne sur l'ensemble du Sahel. Il n'y a pas d'opposition entre les deux processus, il y a une complémentarité.
De notre côté, je suis fier aujourd'hui d'annoncer que nous allons allouer une partie de la taxe française sur les transactions financières (30 millions d'euros) à une initiative qui va permettre l'accès au soin gratuit à deux millions d'enfants au Sahel, au Niger, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mali et en Mauritanie.
Q - La France est à l'initiative de cette conférence internationale des donateurs. Paris continue de rester en première ligne...
R - Nous jouons un rôle de premier plan, tout le monde le sait, mais nous ne jouons pas notre propre partition, nous jouons collectif. Notre valeur ajoutée est de mobiliser la communauté internationale, et cela a un impact financier plus important que notre simple action bilatérale.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2013
R - La priorité numéro un de la France est de mobiliser la communauté internationale à la hauteur des demandes du Mali, à savoir autour de deux milliards d'euros. Les Maliens eux-mêmes ont chiffré le plan de développement des deux prochaines années à quatre milliards d'euros. Ils apporteront eux-mêmes les deux milliards restant.
Q - Est-ce faisable ?
R - Je suis confiant.
Q - À quelle hauteur contribuera la France ?
R - Un chiffre a été évoqué par des sources diplomatiques (280 millions d'euros, ndlr). Je ne confirme pas, c'est à l'Élysée de l'annoncer mais le montant ne sera pas très éloigné.
Q - Cette aide va-t-elle s'ajouter à celle débloquée en février de l'ordre de 150 millions d'euros ?
R - En février, on était sur le déblocage d'une aide qui avait été gelée, et bien évidemment on va aller au-delà. L'aide annoncée mercredi sera additionnelle.
Q - Quelle forme prendra-t-elle ?
R - Il y aura du don et du prêt. Et c'est vrai aussi pour la communauté internationale dans son ensemble. L'Union européenne fera essentiellement du don. Nous allons annoncer un chiffre en bilatéral, mais il faut savoir que 20% du chiffre européen c'est de l'argent du contribuable français.
On ne peut donc pas limiter le simple chiffre de la France à cette aide bilatérale. C'est pour cela qu'on ne va pas rentrer dans une course à l'échalote. Nous sommes dans une logique collective de mobilisation de la communauté internationale pour qu'à la fin il y ait deux milliards d'euros d'engagement.
Q - Avez-vous déjà reçu des promesses ?
R - Oui bien sûr, et chacun fera ses annonces aujourd'hui.
Q - Quelles sont les priorités sur le terrain ?
R - Il y a d'abord la garantie de la traçabilité de l'aide. Car c'est très bien de mobiliser la communauté internationale encore faut-il que l'aide soit engagée au bénéfice des projets des populations et ne fasse pas l'objet d'un détournement et d'une mauvaise gouvernance comme cela a pu être le cas dans le passé. Nous avons donc décidé de mettre en place, de manière pilote, un dispositif qui assure la transparence totale de notre aide bilatérale en permettant un système de contrôle citoyen décentralisé. Ainsi, sur un site Internet, chaque Malien aura accès à ce que la France a financé et au calendrier et pourra constater la réalisation du projet. Il pourra envoyer un SMS à une hotline si ce n'est pas le cas. Les donateurs seront donc alertés et pourront entrer en contact avec les autorités maliennes.
Cela va renforcer l'efficacité de l'aide et renforcer l'appropriation par les Maliens de cette dernière. C'est une priorité qualitative. C'est une exigence que nous devons aux Maliens et aux contribuables français. C'est selon moi, la manière la plus puissante et la moins coûteuse d'assurer la transparence de notre aide.
Ensuite, il nous faut répondre aux demandes des Maliens dans la diversité des projets : il y a le retour du service public en matière de santé, d'éducation, d'eau, d'électricité, la construction d'infrastructures, de routes, de centrales électriques, des investissements dans l'agriculture... et cela dans toutes les régions du Mali. Notre équation est claire et c'est ce que je dis depuis toujours : il n'y a pas de développement sans sécurité et il n'y a pas de sécurité sans développement. C'est pour cela qu'il fallait intervenir, mais la solution ne peut pas être que militaire.
Q - Le déblocage de ces sommes est adossé au respect de la feuille de route adoptée par Bamako qui comprend notamment la tenue d'élections en juillet et un processus de réconciliation. Or plusieurs voix laissent entendre qu'il est encore trop tôt...
R - Pour nous le déblocage de ces sommes est en effet adossé à la feuille de route. C'est un message extrêmement clair et c'est un message sur lequel la France est totalement rejointe par ses partenaires. Je précise même que certains pays, je pense aux États-Unis, ne reprendront leur aide que lorsque les élections auront lieu.
Nous sommes sur une logique différente qui consiste à dire que par la reprise de notre aide, nous allons consolider le retour de l'État, des services publics et des administrations notamment au Nord. Ce qui renforcera la légitimité de l'État. L'une des causes de la crise au Mali a été l'affaiblissement de cet État, notamment sur certains territoires. En renforçant les services publics et en travaillant directement avec les collectivités locales (car nous souhaitons qu'une partie de l'aide passe directement par les collectivités locales) on renforce le processus politique de décentralisation dont on sait qu'il est l'une des clés de la réconciliation politique.
On est dans une logique de cercle vertueux : enclencher une dynamique pour accroître la sécurité, le développement et la réconciliation politique.
Q - La tenue d'élections fin juillet est-elle tenable, et même souhaitable ?
R - Nous y travaillons. Un appel d'offre pour les fichiers électoraux a été passé il y a dix jours, le HCR travaille pour que le scrutin puisse se tenir dans les camps de réfugiés car tout le monde ne sera pas rentré, on travaille aussi pour que les élections puissent se tenir partout, y compris au Nord, et nous discutons du cas de Kidal (toujours tenu par les forces rebelles du MNLA, la France et le Tchad, ndlr). Mais aujourd'hui rien ne nous permet de dire qu'il est techniquement impossible que ces élections n'aient pas lieu le 28 juillet.
Les arguments qui consistent à dire qu'il est trop tôt seront utilisés en août, en septembre et ainsi de suite... Quand est-ce que ce ne sera pas trop tôt ? Il y a aujourd'hui un déficit de crédibilité de la parole politique au Mali, il est donc essentiel de rester sur cette feuille de route parce qu'une fois que vous vous en éloignez, vous allez où ? La date des élections est fondamentale.
Q - La crise malienne s'inscrit dans une crise plus globale qui touche la zone sahélienne. Est-ce que la conférence a pour vocation de discuter aussi de cette question-là ?
R - Aujourd'hui, la conférence est centrée sur le Mali, même si nous sommes les premiers à dire que les enjeux de développement, d'impact du changement climatique, du développement agricole, de lutte contre tous les trafics sont des enjeux régionaux.
Mais au Mali, il y a de réels problèmes internes à régler.
En revanche, il existe un autre processus qui aboutira à la rentrée, piloté par Romano Prodi, qui lui résonne sur l'ensemble du Sahel. Il n'y a pas d'opposition entre les deux processus, il y a une complémentarité.
De notre côté, je suis fier aujourd'hui d'annoncer que nous allons allouer une partie de la taxe française sur les transactions financières (30 millions d'euros) à une initiative qui va permettre l'accès au soin gratuit à deux millions d'enfants au Sahel, au Niger, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mali et en Mauritanie.
Q - La France est à l'initiative de cette conférence internationale des donateurs. Paris continue de rester en première ligne...
R - Nous jouons un rôle de premier plan, tout le monde le sait, mais nous ne jouons pas notre propre partition, nous jouons collectif. Notre valeur ajoutée est de mobiliser la communauté internationale, et cela a un impact financier plus important que notre simple action bilatérale.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2013