Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre des affaires européennes, en réponse à des questions sur la construction européenne, à l'Assemblée nationale le 15 mai 2013.

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Circonstance : Questions d'actualité à l'Assemblée nationale, le 15 mai 2013

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, sous l'autorité du Premier ministre, nous agissons pour mettre en oeuvre la réorientation de la construction européenne souhaitée par le président de la République. Avec la lutte contre la fraude fiscale et la politique de l'énergie, nous accomplissons de nouvelles étapes de cette réorientation. Nous le faisons au bénéfice de la croissance en régulant la finance, en assurant le financement de l'économie réelle et en mettant l'Europe au service de nos concitoyens.
Aujourd'hui même, le président de la République est à Bruxelles pour s'entretenir avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le collège des commissaires. Cela illustre son implication personnelle, en concertation étroite avec les institutions européennes.
Le sommet du 22 mai prochain sera l'occasion de réaliser de nouvelles avancées en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Ce combat est important pour l'équité entre les contribuables. Le gouvernement y travaille, au niveau européen, depuis douze mois ; il est d'ailleurs regrettable que cet effort n'ait pas été engagé plus tôt. Lorsque la Commission a présenté en décembre dernier, à notre demande, sa stratégie de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, nous l'avons soutenue, tout en soulignant la nécessité de faire davantage encore.
Nous voulons systématiser l'échange automatique d'informations fiscales entre les États membres, pour mettre fin au secret bancaire et à la dissimulation des avoirs. À cet égard, le gouvernement souhaite également que ce Conseil européen soit l'occasion de renforcer les obligations en matière de transparence au niveau européen dans d'autres domaines. À notre demande, la Commission européenne se prépare à proposer, dans les prochaines semaines, que les grandes entreprises publient la liste de leurs filiales, pays par pays, ainsi que leur chiffre d'affaires sur une base agrégée. Elle devrait aussi proposer la publication des effectifs de ces grandes entreprises et des impôts qu'elles payent.
En matière de lutte contre le blanchiment d'argent, une révision ambitieuse de la directive européenne est en préparation. Il nous faut cependant aller encore plus loin. L'harmonisation fiscale de la zone euro est une dimension essentielle de l'approfondissement du marché intérieur européen. Nous sommes donc mobilisés sur l'harmonisation de la fiscalité des entreprises, mais aussi sur la taxe sur les transactions financières.
Ce Conseil européen sera aussi consacré à l'énergie, dans le but de progresser vers une communauté européenne de l'énergie. Pour cela, nous devons développer une politique énergétique européenne favorable à la compétitivité, à la croissance et à l'emploi. L'énergie est une source de croissance ; c'est aussi un enjeu de compétitivité industrielle. Il est donc important de favoriser le développement de capacités de production d'énergie : nous mobiliserons les financements de la Banque européenne d'investissement et les fonds structurels à cet effet, sans oublier le contenu du cadre financier pour les années 2014 à 2020.
Nous devons aussi veiller à ce que les prix de l'énergie demeurent supportables pour les industries et les familles modestes, de manière à préserver à la fois l'emploi et le pouvoir d'achat. Le prix de l'énergie est en effet un facteur essentiel de notre compétitivité, mais aussi de la cohésion sociale de notre pays. Pour relever ce double défi, nous avons besoin que les prix de l'énergie soient abordables pour les consommateurs comme pour les industries électro-intensives.
Enfin, la troisième priorité que nous entendons promouvoir concerne la lutte contre le changement climatique. Nous voulons préparer activement la Conférence climatique internationale de 2015, pour l'organisation de laquelle la France s'est portée candidate. Cela passe par de nouveaux progrès dans la voie d'une transition énergétique.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, la position que la France entend promouvoir lors du Conseil européen du 22 mai prochain. Mes Chers Collègues, les membres du gouvernement sont disponibles pour répondre à vos éventuelles questions.
* Lutte contre l'évasion fiscale
Madame la Députée, nous avons conscience du scepticisme d'une partie de nos concitoyens. Nous devons y répondre non pas par de grands discours abstraits, mais par des mesures compréhensibles. Voilà ce qu'attendent nos concitoyens ! C'est ce que l'Europe fera ; c'est ce qu'elle fait déjà. C'est d'ailleurs le sens de la réorientation de la construction européenne en faveur de la croissance et de l'emploi que promeut la France.
Pour répondre précisément à votre question la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, Madame la Députée, je vous indique que le Conseil Écofin est parvenu, hier, à un consensus. Les États membres ont décidé à l'unanimité de confier un mandat à la Commission européenne pour négocier des accords fiscaux avec les pays tiers que vous avez cités. C'est positif, et cela permet d'entrevoir un accord sur les autres textes législatifs aujourd'hui en discussion : je pense notamment à la directive sur la fiscalité de l'épargne. En tout état de cause, et même s'il y a encore des réticences de la part de deux États, la réunion du prochain Conseil européen permettra de réaliser des avancées en matière de fiscalité.
Vous avez également évoqué le volet énergétique de ce prochain Conseil européen. Notre objectif est qu'un vrai débat ait lieu, pour une transition vers une économie sobre en carbone, préservant des prix de l'énergie abordables pour tous nos concitoyens, mais aussi pour les entreprises, de manière à renforcer la compétitivité des entreprises.
Enfin, vous avez mentionné la question du gaz de schiste. Vous connaissez la position du gouvernement français à ce sujet : elle est constante. Les avis de nos partenaires européens sont parfois divergents sur ce sujet, mais les États membres gardent en tout état de cause la liberté, garantie par les traités, de choisir leur mix énergétique.
Comme vous le voyez, l'ensemble de ces efforts contribue à répondre aux aspirations de nos concitoyens en matière d'emploi et d'environnement. C'est comme cela que nous convaincrons les eurosceptiques !
* Bilan de la réorientation européenne
Madame la Députée, vous avez raison de dire que l'élection du président François Hollande a suscité, à l'échelle de l'Union européenne, un engouement un dynamisme, pour faire bouger les lignes et pour déterminer une nouvelle politique européenne en faveur de la croissance et de l'emploi ! Comme vous l'avez souligné, cela s'est traduit, en juin 2012, par l'adoption d'un premier pacte de relance de 120 milliards d'euros. Chacun, sur les bancs de cet hémicycle, devrait se réjouir du fait que la France, cette année, l'an prochain et l'année d'après, bénéficiera de la part de la Banque européenne d'investissement de 7 milliards d'euros pour accompagner les collectivités locales dans leurs projets et les entreprises dans leurs investissements pour, sur le terrain, construire et créer des emplois grâce à l'aide apportée par l'Union européenne.
Dois-je aussi rappeler l'accord qui est sur le point d'aboutir sur le cadre financier pluriannuel qui, grâce à 50 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la période 2007-2013, nous permettra d'investir sur la période 2014-2020 tout en préservant les intérêts de la PAC, sans oublier le retour sur les fonds structurels qui irrigueront nos territoires.
C'est aussi, Madame la Députée, et je veux insister sur cette disposition, la création, pour la première fois dans l'histoire du budget de l'Union européenne, d'une ligne de 6 milliards d'euros, ce qui permettra, dans notre pays et dans tous les pays de l'Union européenne, d'accompagner l'insertion professionnelle des jeunes dans toutes les régions où, hélas, le taux de chômage des jeunes est supérieur à la moyenne européenne.
Madame la Députée, vous avez raison de dire que les lignes bougent. Il reste encore beaucoup de travail. Mais je peux vous assurer que, sous l'autorité du Premier ministre, nous continuerons ! Nous sommes de plus en plus écoutés à l'échelle européenne, c'est aussi le résultat de l'orientation que nous avons souhaitée !
* Relations franco-allemandes
Nous avons compris, Monsieur le Député, que vous interrogez le Premier ministre sur la nature du couple franco-allemand. Je souhaiterais vous rassurer : ce couple franco-allemand, il fonctionne, au quotidien. C'est d'ailleurs grâce à la qualité des relations qu'entretiennent nos deux gouvernements que nous avons pu adopter la taxe sur les transactions financières portée par Pierre Moscovici et Wolfgang Schaüble. C'est de même grâce à la qualité du travail entre Michel Sapin et Ursula von der Leyen que va être adoptée au mois de juillet prochain une disposition pour la jeunesse de France et la jeunesse européenne.
Ce n'est pas parce que nous échangeons librement que nous sommes d'accord sur tout. C'est justement dans la confiance que l'on peut confronter les points de vue. Oui, la France et l'Allemagne ont des points de vue différents. Pour autant, le couple franco-allemand a-t-il été malmené au cours des derniers mois ?
Je dois vous dire que non. Cette relation est solide, cette relation est unique. Nulle part ailleurs dans le monde il n'y a des échanges comme ceux que la France et l'Allemagne ont chaque jour. Ce qui nous sépare, c'est vrai, de la droite française, c'est que nous assumons nos différences avec l'Allemagne. Nous ne sommes pas, comme vous l'avez été, dans l'alignement, nous sommes dans un dialogue franc, sincère, et c'est ce dialogue qui a permis de faire avancer l'Union européenne au cours des douze derniers mois. C'est aussi parce que ce couple fonctionne que, par exemple, nos amis croates ont souhaité que mon collègue allemand et moi-même venions ensemble dans leur pays lundi, pour porter la parole de l'Union européenne au nom du couple franco-allemand, pour dire quelle est la direction de l'Europe. C'est ça, la réalité, ce ne sont pas les petites phrases que vous distillez dans la presse pour tenter de glisser des coins entre la France et l'Allemagne.
* Programme européen pour la jeunesse
Merci, Monsieur le Député, pour cette question, car l'emploi des jeunes est de ces combats qui peuvent effectivement, si l'on répond aux aspirations concrètes des citoyens, permettre de réconcilier nos peuples avec l'idée européenne.
C'est une exigence d'autant plus pressante que le chômage des jeunes est, à l'échelle européenne, beaucoup trop élevé ; vous l'avez dit. C'est pourquoi, en France, le président de la République a fait de la jeunesse la priorité du Gouvernement, avec la création, dans les premiers mois de la législature, sous l'autorité du Premier ministre, des emplois d'avenir et des contrats de génération. Eh bien, cette priorité, le président de la République l'a fait porter à l'échelle européenne. À l'occasion du Conseil européen des 7 et 8 février dernier, ont été proposées, vous l'avez également dit, des dispositions spécifiques, sous la dénomination «garantie jeunesse».
Elles permettront d'accompagner une dizaine de régions de France, celles où le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est supérieur à la moyenne européenne. La garantie jeunesse prévoit notamment que soient proposés, dans les quatre mois qui suivront la sortie du système scolaire, un stage, une formation ou un emploi.
Nous pourrons bénéficier d'une partie de ces six milliards d'euros pour accompagner, notamment, les collectivités territoriales, dont les régions. C'est environ une centaine de milliers de jeunes qui, dès cette année, dans une dizaine de régions, bénéficieront de ces mesures financées, je le rappelle, par l'Union européenne.
Vous le voyez, Monsieur le Député, il s'agit d'actions concrètes, positives, déterminantes, qui traduisent aussi une nouvelle orientation de l'Europe en faveur de l'emploi, plus particulièrement de l'emploi des jeunes. Nous obtenons des avancées à l'échelle européenne. C'est la traduction concrète de la politique de réorientation de la construction européenne voulue par le président de la République et portée par l'ensemble des ministres de ce gouvernement.
* Fonds européens et territoires de montagne
Monsieur le Député, je partage comme vous la nécessité d'ancrer l'Europe dans ses territoires. Il faut évidemment, pour ce faire, une bonne gestion des instruments que sont les fonds, une rationalisation de leur utilisation : vous trouverez des outils en ce sens dans le texte que défendra notamment Mme Marylise Lebranchu dans quelques mois.
Comme je vous sais, toutefois, très soucieux du détail de l'utilisation des fonds européens, je veux vous faire part de plusieurs avancées qui seront obtenues lors du vote du prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Les territoires de montagne pourront désormais, dans le cadre du développement rural grâce auquel les acteurs de montagne sont en mesure de porter des projets, financer un même programme opérationnel en additionnant les fonds du FEDER, du FEADER et du FSE.
Bien évidemment, les spécificités de nos territoires de montagne, insulaires ou ultra-marins, auxquels vous connaissez mon attachement, doivent être reconnues.
C'est pour ces territoires que nous avons défendu et obtenu, grâce à Stéphane Le Foll, le maintien de l'indemnité compensatoire du handicap naturel, qui permet d'allouer une enveloppe à l'agriculture de montagne.
C'est pour ces territoires que nous avons oeuvré, sous la houlette de Victorin Lurel, en faveur du maintien d'une allocation spécifique pour les régions ultrapériphériques dans la prochaine politique de cohésion, et que nous avons obtenu le maintien de l'enveloppe allouée à nos DOM.
C'est pour ces territoires que nous souhaitons permettre à plusieurs régions partageant un même massif de travailler au sein, notamment, de groupements d'intérêt public afin de mettre en oeuvre la politique de cohésion et de tenir compte, par exemple, de la dimension alpine du territoire -pour prendre le cas de votre région, Monsieur le Député.
C'est enfin pour aider ces territoires que nous avons obtenu, dans les arbitrages rendus, des retours en faveur de notre pays à la hauteur de ce qu'il avait obtenu par le passé. Avec des instruments mieux gérés, nous avons la certitude que, dans nos territoires, les sommes seront au rendez-vous.
* Conseil de l'Europe et maintien de l'ordre en France
Monsieur le Député, je m'étonne que vous repreniez à votre compte des prises de position de M. Luca Volontè, député italien de l'Union du centre, très connu pour ses propos homophobes et anti-avortement, plus que pour son engagement en faveur des principes de non-discrimination ou de la liberté individuelle.
Les parcours et les modalités des manifestations en faveur du mariage pour tous ont été définis en lien avec les organisateurs. Des débordements ont pu être constatés qui sont le fait, vous le savez, d'extrémistes qui ont appelé à ne pas respecter la décision interdisant le secteur des Champs-Élysées. Les forces de l'ordre ont fait cesser ces débordements, qui étaient conduits par certains éléments - je ne dis pas que tous les manifestants ont eu cette attitude.
L'action des forces de l'ordre, je le dis en l'absence du garde des sceaux - pardon Madame la garde des sceaux, je voulais dire du ministre de l'intérieur - a été proportionnée et a visé à garantir l'ordre républicain.
De surcroît, les droits des individus, dans notre pays, sont garantis : des plaintes peuvent donc être déposées si certains l'estiment utile. En tout état de cause, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe examinera la question écrite de M. Volontè et préparera des éléments de réponse le 29 mai prochain. À la lumière de ce débat, le Comité des ministres adoptera au cours d'une réunion ultérieure une réponse à cette question, mais il n'y a pas, comme vous le laissez penser, d'émotion particulière au sein de cette instance, je peux en attester.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2013