Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la loi de sécurisation de l'emploi et la lutte contre la précarité, Paris le 14 mai 2013.

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Intervenant(s) : 
  • Michel Sapin - Ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Circonstance : Présentation de la loi de sécurisation de l'emploi au Sénat le 14 mai 2013

Texte intégral

Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et messieurs les sénateurs,
Je suis de nouveau devant vous, au terme d’un processus long et riche qui permettra de donner corps à la sécurisation de l’emploi.
Si près d’aboutir, je veux faire retour sur ces mois de débat et de négociation, je veux mesurer avec vous le chemin parcouru.

Nous n’étions pas si nombreux à croire que nous aboutirions si rapidement à ce texte de progrès quand nous avons décidé d’en appeler à une grande négociation interprofessionnelle sur tous les sujets du marché du travail – oui, tous les sujets en même temps :
- Lutter contre la précarité sur le marché du travail,
- Progresser dans l’anticipation des évolutions de l’activité et des compétences,
- Améliorer les dispositifs de maintien de l’emploi face aux aléas de la conjoncture, pour tourner le dos à cette préférence trop française pour le licenciement.
- Améliorer les procédures de licenciements collectifs, lorsqu’ils n’ont pu être évités par les actions d’anticipation ou d’activité partielle, pour concilier un meilleur accompagnement des salariés et une plus grande sécurité juridique pour les entreprises comme pour les salariés.
Tous ces sujets en même en, donc, à la recherche d’un équilibre global et en ne s’autorisant pas à ne traiter que ce qui est facile en laissant de côté les sujets compliqués. Au terme du parcours, un constat s’impose, ce texte sur la sécurisation de l’emploi est le plus ambitieux depuis 1968 ! Et nous avons conjuré l’échec de la négociation interprofessionnelle de 1984. Oui, notre pays a trouvé ici le progrès par le dialogue social.
Nous n’étions peut être pas si nombreux à être convaincus qu’un équilibre serait trouvé dans cette négociation sociale qui a connu des tensions et des renversements de situation, des séances ajournées et des impasses. Rappelez-vous, c’était à Noël dernier, le délai imparti à la négociation était écoulé et les options des négociateurs paraissaient encore éloignées. Nous avons choisi de nous donner 15 jours de plus à la négociation. Et les partenaires sociaux sont finalement parvenus à un accord le soir du 11 janvier.
Nous étions plus nombreux, mais pas unanimes, à penser que de cet ANI pourrait sortir une loi sans ambiguïté. Nous avons réussi, dans un dialogue plus que constant, quasi permanent, avec les partenaires sociaux, à traduire l’ANI en droit, dans la loyauté vis-à-vis du texte des signataires et dans l’écoute des non signataires qui ont continué à être associés au processus. Dans ces moments de contact permanent, je me suis dit que le dialogue social à la française était en train de s’affirmer comme méthode, de sortir des discours pour entrer dans les faits, dans une pratique concrète et spécifique.
Nous étions nombreux à savoir que le projet de loi passerait le parlement sans que son délicat équilibre ne soit dénaturé. Je reconnais que les parlementaires ont du composer avec ce projet de loi issu du texte des acteurs eux mêmes dans lequel chaque mot a été pesé, équilibré. Mais nous avons montré – vous avez montré – que la démocratie politique savait accueillir en son sein la démocratie sociale, lui faire une place, la respecter.

Cependant, jamais le parlement n’a cédé sa prééminence, jamais la démocratie politique n’a été supplantée. Le travail en commission puis en séance a permis une étude minutieuse de chaque point et des améliorations dans la fidélité. A ceux qui ont dit que le parlement n’était pas une chambre d’enregistrement, vous avez répondu : « c’est tout à fait exact » et vous l’avez prouvé :
- sur la généralisation de la complémentaire santé et sur le lien avec les contrats responsables et solidaires
- sur le contenu et la méthode de mise en œuvre du compte personnel de formation.
- sur l’intégration d’informations de nature environnementale au sein de la base de données économiques et sociales, ainsi que la mention des contrats précaires, stages et emplois à temps partiel.
- sur les droits et la protection des représentants des salariés dans les conseils d’administration,
- sur le régime des coupures au sein de la journée de travail dans le cadre du temps partiel,
- sur les accords de mobilité interne et la protection de la vie personnelle et familiale des salariés, notamment des mesures de limite géographique et d’accompagnement,
- Sur les efforts demandés aux dirigeants et aux actionnaires en cas d’accords de maintien de l’emploi, avec la notion de proportionnalité,
- sur la procédure de validation par l’administration des accords valant PSE.
- sur la suspension du délai de prescription postérieurement au licenciement
Le parlement a joué pleinement son rôle de garant de l’intérêt général. Mais surtout, il a fait de l’accord la loi de tous, allant parfois jusqu’à convaincre, apaiser ou satisfaire des opposants initiaux.
Je tiens à remercier particulièrement le rapporteur de la commission des affaires sociales, Claude Jeannerot, pour son travail, la qualité de celui-ci et l’élégance de l’homme. Je remercie aussi Gaétan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois pour le minutieux travail qui a été le sien sur certains articles, notamment l’article 5. Je veux aussi remercier Catherine Génisson, rapporteure pour la délégation aux droits des femmes, qui a notamment examiné l’article 8 sur le temps partiel puisque celui-ci touche 3,7 millions de Françaises ; et naturellement pour Annie David, présidente de la commission, pour avoir piloté –sans renier ses convictions- ces travaux.
Il y eut des moments difficiles dans le processus, mais nous n’avons jamais lâché l’objectif de sécuriser l’emploi, de conforter le dialogue social et de respecter les équilibres auxquels acteurs économiques et sociaux étaient eux-mêmes parvenus. La loi en est aujourd’hui plus forte.
Je sais que la sécurisation de l’emploi n’évitera pas tous les licenciements, mais j’ai la conviction qu’elle offrira des alternatives à beaucoup d entre eux. La majorité des organisations syndicales ont la même certitude. Faisons confiance aux acteurs, tous les acteurs, signataires ou non de l’ANI, supporters ou opposants de cette loi. Je suis convaincu que tous sauront s’en saisir ! Mesdames et messieurs les sénateurs, j’ai la conviction que ce texte deviendra dans les mois et années qui viennent – quoi que l’on en dise et en pense aujourd’hui – un texte d’apaisement et d’équilibre. Les syndicalistes vont s’en saisir et utiliser les possibilités nouvelles pour négocier des avancées pour les salariés, pour éviter des licenciements, pour peser dans la stratégie de l’entreprise.
Je le dis, ce texte est un acte de confiance dans les syndicats qui ont à gagner dans une culture de négociation, parfois dure, parfois disputée, plutôt que dans une culture de conflit sans dialogue, dont personne ne veut. Trop souvent, notre pays a douté de ses syndicats représentant des salariés : trop conservateurs, trop peu légitimes, trop minoritaires, disaient certains. Ce texte remet les salariés et leurs représentants en position centrale, celle de faire advenir le progrès, celle de pouvoir agir et passer des compromis dans un cadre garanti. Ce texte leur dit : « vous êtes légitimes et c’est à vous de construire un devenir meilleur pour et avec les salariés ». Vous avez maintenant des instruments et des pouvoirs de négocier qui le permettent.
Cette loi mesdames et messieurs les sénateurs apporte cet équilibre, apporte ces opportunités, répond aux exigences de l’heure et aux attentes pour demain.
Je vous remercie.

Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 15 mai 2013