Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, notamment sur la situation en Syrie, en Libye et au Mali, à Paris le 24 mai 2013.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec le ministre des affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne, M. Guido Westerwelle, à Paris le 24 mai 2013

Texte intégral

Bonjour Mesdames et Messieurs, je suis ravi de vous accueillir. Je vais vous dire quelques mots et ensuite, mon ami et collègue Guido Westerwelle vous dira également quelques mots. Après quoi, vous pourrez poser quelques questions si vous le souhaitez.
Je suis extrêmement heureux d'accueillir aujourd'hui le ministre des affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne. En fait, nous avons de nombreuses occasions de nous voir et c'est toujours un plaisir. Nous nous rencontrons dans les réunions internationales, dans les réunions européennes et nous prenons aussi le temps, comme c'est le cas aujourd'hui, d'approfondir un certain nombre de dossiers. Nous veillons toujours, sur les principaux sujets, à nous concerter pour que les choses se passent comme elles doivent se passer. C'est la mise en pratique de la relation franco-allemande comme nous la concevons. Vous connaissez l'importance de cette relation pour nos pays d'abord mais aussi pour l'Union européenne. .
Aujourd'hui, nous avons abordé avec M. Westerwelle toute une série de sujets. Nous avons, je dois dire assez rapidement parler de nos relations car elles sont excellentes et quotidiennes.
Nous avons abordé un certain nombre de sujets qui concernent l'Union européenne mais ces sujets ont été amplement et fort bien traités tout récemment, à la fois par la chancelière Merkel et par le président Hollande. Nous aurons le plaisir d'accueillir la semaine prochaine Angela Merkel ici à Paris.
Il y a eu, dans les jours qui viennent de s'écouler, des avancées intéressantes, par exemple sur l'énergie, la fiscalité et d'autres sujets. En tout cas, nous sommes tout à fait déterminés à progresser et à continuer d'apporter à l'Union européenne des politiques publiques concrètes et efficaces.
Nous avons beaucoup parlé de la situation internationale, de la Syrie bien sûr puisque nous étions ensemble, avant-hier en Jordanie à la réunion des amis du peuple syrien avec des représentants de la coalition. Nous devons nous revoir lundi prochain à Bruxelles pour ce qui concerne l'Union européenne.
S'agissant de la France, vous savez qu'elle apporte un soutien clair à la coalition nationale syrienne d'abord et à la perspective d'une conférence à Genève. Nous faisons en sorte, l'un et l'autre que le succès puisse être au rendez-vous. Nous en avons discuté mercredi soir à Amman et nous en avons parlé aujourd'hui aussi. Nous y reviendrons lundi avec nos collègues de l'Union européenne durant le Conseil affaires étrangères qui abordera à nouveau et également la question de l'embargo sur les armes.
Vous connaissez la position de la France, nous souhaitons qu'il puisse y avoir une solution qui, à la fois consensuelle et qui permette d'apporter à la coalition les moyens de se défendre par rapport aux attaques incessantes du régime de Bachar Al Assad. Mais tous les États membres ne partagent pas nécessairement ce point de vue. Nous travaillerons lundi pour essayer de bâtir un compromis européen.
Nous avons également fait le point sur la question du Sahel et du Mali après la conférence des donateurs qui a eu lieu le 15 mai dernier. Les nouvelles, s'agissant du Mali, sont plutôt encourageantes. Sur le terrain, il y a la mobilisation de la communauté internationale et je veux souligner à quel point l'implication et la contribution de l'Allemagne sont importantes. Sur le plan politique et démocratique, les choses semblent avancer mais la route est encore longue. Personnellement, je me rendrai la semaine prochaine à Bamako pour faire un point d'étape détaillé.
Nous avons également parlé du Niger où vous savez qu'hier se sont produites des attaques extrêmement meurtrières que nous condamnons vigoureusement. J'ai eu l'occasion d'avoir le président du Niger au téléphone.
Bien sûr, nous avons aussi abordé la question de la Libye car, ayant eu là aussi le Premier ministre libyen au téléphone hier, il y a une action importante à mener pour la sécurité de ce pays.
Enfin, nous avons avec mon collègue et ami évoqué un certain nombre de dossiers qui touchent le voisinage de l'Europe notamment le chemin pris par la Serbie et par le Kosovo, avec l'accord qui est intervenu le mois dernier. Ceci constitue pour ces deux pays une étape très importante sur la voie de leur rapprochement avec l'Union européenne. Il y aura des décisions à prendre mais, s'agissant de la France, vous savez qu'elle est très favorable à ce rapprochement.
Et puis, même si nous l'avons fait rapidement, nous avons abordé la question du voisinage oriental de l'Union européenne, sujet sur lequel nous continuons de travailler.
Je voudrais conclure ce court propos en vous disant que c'est une chance quand il y a, à la fois, un partenariat d'une très grande qualité comme c'est le cas entre l'Allemagne et la France et quand ce partenariat se double d'une amitié personnelle entre les titulaires des affaires étrangères. Cela rend le travail, non seulement efficace mais extrêmement agréable. Mon dernier mot sera pour dire en cette circonstance que le partenariat franco-allemand est fondamental pour l'avenir européen et pour l'avenir de nos deux pays.
Q - Pouvez-vous nous préciser où vous en êtes sur la question du Hezbollah ? Vous avez parlé de la Syrie, on sait que le Hezbollah s'implique de plus en plus dans les combats en Syrie. J'aimerais avoir une précision sur cette éventuelle position commune et avec d'autres pays européens.
Deuxième question, ne craignez-vous pas que la France, dans cette affaire, soit plus exposée de par sa présence au Liban, je pense notamment aux soldats français de la FINUL, à d'éventuelles représailles ou d'éventuelles conséquences du placement du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes ?
R - La question du Hezbollah est posée depuis longtemps. Et il y a un certain nombre d'indications évidentes qui conduisent la France à prendre position. D'abord, vous savez que la branche armée du Hezbollah est impliquée dans toute une série d'exactions qui ont été commises à l'étranger. Vous savez, d'autre part - c'est de notoriété publique - que le Hezbollah lui-même a déclaré intervenir et il le fait massivement dans le conflit syrien. Il y a d'autres éléments qui conduisent la France, comme d'ailleurs d'autres pays européens, à considérer que la branche armée du Hezbollah doit être mise sur la liste des Européens au titre de ce qu'on appelle les organisations terroristes. C'est quelque chose qui doit être examiné par les Européens prochainement.
Il est vrai que la France est présente dans toute cette partie du Proche et du Moyen-Orient. Il est vrai aussi que la France est traditionnellement l'amie du Liban, et qu'elle le reste. Il n'y a évidemment aucune contradiction, bien au contraire, entre l'amitié que nous portons au Liban et le fait de demander l'inscription d'un groupe terroriste sur la liste européenne.
Q - Vous avez évoqué la question de la Libye en parlant du Niger, je voulais savoir si vous partagez l'idée, vraisemblablement de certains responsables dans la région, que cette attaque au Niger aurait été menée de la Libye notamment ?
R - Sur la question de la Libye, plusieurs hypothèses ont été émises après ces attaques criminelles. Il faut bien sûr les vérifier et la France est un des pays qui dispose des moyens de le faire. Je ne suis pas en état aujourd'hui de vous dire exactement d'où venaient ces criminels mais parmi les hypothèses qui ont été émises, il y a le sud de la Libye. Mais cela peut aussi être d'autres territoires.
Au-delà de cette affaire extrêmement grave pour laquelle, comme le président de la République française, je redis notre solidarité totale avec nos amis nigériens, il y a en Libye une situation préoccupante. Nous savons tous que le gouvernement libyen fait le maximum pour essayer d'assurer la sécurité mais c'est un territoire très vaste où il reste beaucoup d'armes, où il y a toute une série de tribus, où il y a les séquelles de ce que faisait M. Kadhafi. Donc notre intérêt à tous, je veux dire aussi bien les puissances européennes que les pays limitrophes, est que la sécurité soit pleinement assurée en Libye.
Je vous rappelle, par ailleurs, que l'ambassade de France à Tripoli a fait l'objet, il n'y a pas longtemps, d'un attentat extrêmement grave et qui aurait pu être plus grave encore. Je rappelle - parce que parfois on l'a oublié - qu'il y a de cela quelques semaines - à la demande d'ailleurs des autorités libyennes - nous avions accueilli en France une réunion, une conférence sur comment développer la sécurité en Libye.
Je rappelle aussi que l'Union européenne a décidé d'aider, par une mission, à solidifier les frontières en Libye et que d'autres pays se préoccupent de cette question. Je m'en suis donc entretenu, pas plus tard qu'hier, avec le Premier ministre libyen. Nous sommes sur la même longueur d'ondes et, dans les semaines qui viennent, vous verrez certainement toute une série d'initiatives pour renforcer la sécurité en Libye.
Q - Monsieur le Ministre, on sait que la France a chassé les djihadistes au Mali, mais un problème se pose : la France voudrait amener le Mali aux élections. Or, dans la société civile malienne, des voix s'élèvent pour dire que les élections pour le mois de juillet ne seront pas possibles au Mali. Quels sont les éléments que vous avez pour soutenir cette vision de la France d'amener effectivement le Mali aux élections au mois de juillet ?
R - Ce n'est pas simplement la position de la France, c'est d'abord la position du président du Mali et du gouvernement malien qui, d'une façon tout à fait autorisée, après avoir étudié les éléments techniques, ont fixé en liaison avec l'Assemblée nationale malienne le premier jour de l'élection présidentielle au 28 juillet. C'est également la position de l'Organisation des Nations unies qui considère à juste titre, comme l'Allemagne, comme la France, que tout notre travail au Mali doit reposer sur un triangle. Il y a la question de la sécurité qui est en train d'être traitée, il y a la question du développement économique sur laquelle nous avons eu une réunion très fructueuse récemment à Bruxelles. Et puis, il y a la question de la démocratie, et on ne peut pas dissocier un élément du triangle des autres.
Pour qu'il y ait une démocratie active, il faut bien sûr qu'il y ait des élections et qu'il y ait un dialogue, une réconciliation comme on dit entre le Sud et le Nord et entre les différents groupes de la population. Une commission au dialogue et à la réconciliation a été mise sur pied.
D'autre part, comme vous le savez certainement, des discussions ont lieu en ce moment avec une base internationale et des autorités nationales avec certains éléments de Kidal. Il y a eu un travail technique très avancé qui fait que l'édition, j'entre dans les détails, des cartes électorales a été confiée à une société et que les cartes électorales seront disponibles au mois de juin. Et il y a évidemment tout un travail qui a été fait par l'équivalent du ministère de l'intérieur malien pour faire en sorte que le vote puisse avoir lieu.
Après, évidemment, cela relève des autorités maliennes qui sont en train d'organiser tout cela mais j'ai eu l'occasion moi-même de réunir, la dernière fois que je suis allé à Bamako - c'était il y a quelques semaines -, les présidents des principaux partis et ce sont eux qui sont directement intéressés, bien sûr, et tous m'ont dit qu'ils souhaitaient que les élections aient lieu à cette date et que cela était parfaitement possible. Alors voilà où nous en sommes.
Bien évidemment, le souhait de chacun, dès lors qu'il est démocrate, c'est que les élections aient lieu à leur date et dans de bonnes conditions. Les autorités maliennes comme la société civile, disent- je ne connais pas beaucoup d'exceptions à cela - que c'est parfaitement possible.
Cela dit bien sûr, il reste du travail à faire parce que, quand on passe d'une situation d'occupation par les terroristes à une situation de démocratie. Cela implique un changement extrêmement important mais je pense que, dès lors que nous sommes très vigilants et que le travail est fait par les uns et par les autres, il y a tout lieu d'être confiant.
Quand nous aurons le vote de la population malienne en direction d'une nouvelle présidence, puis des élections législatives en même temps que le dialogue, en même temps que la sécurité, en même temps que les outils du développement économique, que la réinstallation de l'administration malienne dans l'ensemble du territoire, eh bien je pense que du bon travail aura été fait.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mai 2013