Point de presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur la position de l'Union européenne concernant la livraison d'armes à l'opposition en Syrie, à Bruxelles le 27 mai 2013.

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Texte intégral

Ce que nous souhaitons, nous Français, c'est d'abord qu'il y ait une solution de consensus qui puisse être trouvée, parce qu'il nous semble qu'il est très important que l'Europe prenne une position unique sur cette question de la levée de l'embargo.
Ensuite, nous voulons évidemment que les combattants, les résistants puissent disposer des moyens armés pour résister à toutes les attaques du régime de Bachar Al-Assad. Ceci est un deuxième aspect.
Troisièmement, si des armes peuvent être livrées, il faut qu'elles puissent être contrôlées.
À partir de cela, il y avait trois positions au début de la réunion. Il y a eu une discussion. Il n'y avait pas d'accord entre les uns et les autres. La France, par ma voix, a dit qu'elle était favorable à la solution qui permet un amendement à l'embargo actuel mais sous condition, pour qu'à la fois on favorise le consensus européen, que l'on puisse permettre aux résistants d'avoir les armes nécessaires et, en même temps, que ces armes soient contrôlées. Nous attachons beaucoup d'importance à la fois à rendre possible la résistance, bien sûr, et en même temps à ce qu'il y ait un consensus européen. Voilà une première chose que je voulais vous dire.
Deuxièmement, vous savez que la question des armes chimiques est une question très importante. Nous avons été parmi les premiers d'ailleurs à dire que nous avions beaucoup d'inquiétude sur ce sujet, compte tenu du comportement du régime de Bachar Al-Assad. Il semble, d'après les éléments dont nous disposons, que les présomptions d'utilisation d'armes chimiques soient de plus en plus étayées. Nous sommes en train de vérifier tout cela de manière extrêmement précise et nous nous consultons avec nos partenaires pour voir les conséquences concrètes que nous allons en tirer.
Q - Peut-on dire que les lignes rouges sont d'ores et déjà franchies en matière de recours à l'arme chimique ?
R - Je viens de faire référence à cela. Je vous dis qu'il y a des présomptions de plus en plus fortes, de plus en plus étayées d'usage localisé d'armes chimiques. Tout cela demande à être vérifié. Nous le faisons avec d'autres partenaires et nous nous concertons avec ces partenaires pour les conséquences précises à en tirer.
Q - Vous croyez, Monsieur le Ministre, en Genève II ?
R - Nous avons toujours pensé que la solution devait être une solution politique et, donc, de ce point de vue-là, la perspective de Genève II, nous la souhaitons, nous y travaillons. C'est l'objet du dîner de travail que j'aurai ce soir avec le chef de la diplomatie américaine et le chef de la diplomatie russe.
Maintenant, il y a évidemment encore pas mal de progrès à faire parce qu'il faut qu'il y ait à la fois des représentants de l'opposition qui soient là, des représentants du régime ; il faut qu'il y ait des grands pays intéressés directement qui soient là ; il faut aussi que l'agenda soit précis. Il faut aussi et surtout que l'on puisse déboucher sur une solution politique car une conférence qui ne déboucherait pas sur des résultats...
Q - L'Iran ?
R - L'Iran, malheureusement, comme vous le savez, est très directement impliqué dans le conflit syrien puisqu'il y a des armes et des soldats iraniens. L'Iran a montré, malheureusement, qu'il ne souhaitait pas trouver une solution politique à ce conflit. En plus, vous avez vu que, dernièrement, des éléments du Hezbollah ont revendiqué leur présence dans le conflit. Et puis, nous voulons absolument éviter, bien sûr, qu'il y ait une confusion entre le problème syrien et le problème du nucléaire iranien.
Q - Monsieur le Ministre, comment allez-vous choisir un groupe en Syrie pour donner des armes et qui décide ?
R - Il y a des principes qui doivent être respectés et la Coalition a fait connaître ces principes, avec lesquels nous sommes d'accord. Il faut que les résistants en question se battent pour une Syrie libre, une Syrie démocratique, une Syrie dans laquelle chaque communauté aura les mêmes droits quelle que soit par ailleurs son appartenance religieuse. Il faut qu'elle s'engage à respecter les critères de la démocratie. C'est ce qu'a fait la Coalition, alors que d'autres groupes, évidemment, ne sont pas du tout sur les mêmes principes.
Q - Est-ce que vous pensez que vos collègues des 27 vont finalement tomber d'accord ce soir ?
R - Je le souhaite très vivement parce que l'on attend de l'Europe qu'elle soit unie. Le conflit syrien est un conflit tragique, très difficile et on veut que l'Europe soit une puissance de paix et une puissance unie. Évidemment, si, par malheur, nous donnions le spectacle de division, cela serait à la fois contraire à cette notion d'unité et cela réduirait notre poids, y compris dans la future négociation de Genève.
Donc, la position qu'a prise la France est à la fois conforme à la recherche de la paix, conforme à l'intérêt des résistants syriens et conforme à l'unité nécessaire de l'Europe.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mai 2013