Conférence de presse de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur le partenariat économique franco-algérien, Alger le 28 mai 2013.

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Circonstance : Point de presse de la ministre du commerce extérieur en marge du forum de partenariat algéro-français, à Alger le 28 mai 2013

Texte intégral

Nous poursuivons dans la dynamique de la visite présidentielle avec Chérif Rahmani, mon collègue et ami. Le chef de l'État, le président Hollande, quand il était venu en décembre, avait appelé à poursuivre la mobilisation des communautés d'affaires des deux côtés. La journée que nous avons organisée le 2 avril dernier à Paris était la première démonstration et M. Rahmani et moi nous avons dû dire à des entreprises algériennes comme françaises : on ne peut pas vous accepter, il y a trop de monde. Et aujourd'hui, ainsi que la foire d'Alger demain où je me rendrai et le Salon «Pollutech» à Oran où je serai, viennent confirmer ce nouvel élan, ce nouvel âge qu'avait appelé le président Hollande quand il s'était exprimé devant les parlementaires algériens.
Et ce que nous allons faire, ce que nous voulons faire, c'est mettre en place des partenariats industriels et productifs. Ensemble, nous allons bâtir cela. C'est le sens de la déclaration d'Alger signée en décembre dernier. Ce n'était pas un bout de papier. C'est une réalité que nous voulons concrètement mettre en oeuvre. Des projets émergent. Certains ne nous ont pas attendus, du reste, il faut s'en féliciter. Nous avons mis en place un dispositif de suivi, incarné dans une personnalité française M. Jean-Louis Levet qui, je l'ai dit tout à l'heure, a la double particularité de connaître et d'aimer l'Algérie et de connaître et d'aimer l'industrie, des deux côtés de la Méditerranée.
C'est mon travail de mobiliser les petites et moyennes entreprises françaises pour qu'elles viennent et reviennent en Algérie. C'est vraiment mon cheval de bataille et elles ont démontré, dans le cadre du forum d'avril comme de celui d'Alger, qu'elles étaient porteuses de très nombreux projets. Bien sûr il y a les grands, le projet Renault se concrétise, celui de Sanofi également, et une nouvelle implantation de Lafarge, son premier laboratoire africain, sera ici en Algérie. Je rendrai visite du reste je crois à Lafarge demain.
Mais l'appel à la mobilisation des PME a été entendu. Sur les 50 entreprises qui sont présentes aujourd'hui françaises, il y a 80 % de PME. J'en ai cité tout à l'heure, BioJo, qui n'a jamais, je crois, quitté l'Algérie, qui a toujours été présente dans l'agroalimentaire, Medacis à titre d'exemple. Donc le nouvel âge c'est aussi de passer par dessus des contentieux : il y en a eu, il y en aura sans doute encore, parce que c'est normal dans les relations d'affaires, mais il faut qu'ils soient le plus limités possible.
Je sais que le ministre Rahmani s'emploie à ce que le climat des affaires s'améliore et vous nous avez même dit tout à l'heure des choses fort importantes dans votre intervention. Et j'ai noté aussi une expression que je répète et je la répéterai : vous ne voulez pas être le «Show Room» des entreprises étrangères. Cela me plaît beaucoup, vous avez trouvé la une bonne formule, je la répéterai. Donc les contentieux il y en a eus, il y en aura, mais nous avons dépassé ce stade, nous en sommes à l'entente à partir de projets. Il faut lever les blocages administratifs et je sais que, chaque fois que je vous ai dit qu'il y en avait un - j'en ai encore quelques uns, je les réserve pour nos tête-à-tête - ils ont été débloqués à un moment ou à un autre, donc nous avons une ambition commune, c'est là-dessus que je termine, elle est claire, nous Français nous voulons rester les premiers partenaires de l'Algérie, les premiers investisseurs, nous savons qu'il y a de la concurrence mais de la bonne concurrence.
C'est très simple, il faut être les meilleurs et je crois que nous le sommes, l'Algérie est notre premier partenaire en Afrique. Il n'y a pas d'avantage acquis, pas de privilège. On doit se battre et en matière d'innovation, de formation professionnelle, nous avons un grand projet de réorganisation, M. le président Hollande l'a fixé comme un chantier : la réforme de la formation professionnelle. Nous avons trop de jeunes au chômage et je sais qu'en Algérie la formation professionnelle, le sort de la jeunesse, ce sont des soucis permanents du gouvernement. En tout cas, nous les partageons de part et d'autre de la Méditerranée. Donc les projets maintenant, plus de déclarations. On peut en faire, on en fait encore aujourd'hui mais surtout des actions, des actes concrets que nous avons fait ensemble.
Q - Quelle est la place de la culture dans le développement économique ?
R - Aujourd'hui effectivement on parle économie, commerce, mais je ne doute pas qu'il y ait de l'industrie culturelle. Et vous savez qu'en France nous la défendons, je ne sais pas si vous lisez la presse économique. Eh bien nous défendons notre exception culturelle, et je crois que c'est un concept qui peut être partagé aussi par l'Algérie, nous tenons à nos industries culturelles et à notre audiovisuel et nous l'avons dit assez fortement à la Commission européenne qui veut ouvrir une négociation avec les États-Unis et l'Union européenne. Nous avons dit : on ne touche pas à la culture.
Q - Vous avez parlé de plusieurs litiges qu'il y a eu entre la France et l'Algérie, vous avez parlé de plusieurs projets aussi, entre autres, la construction et le bâtiment. Est-ce que les choses sont rentrées dans l'ordre ? Est-ce que maintenant avec ce nouvel élan, il y a des projets dans ce sens là en matière de construction ?
R - M. le Premier ministre Raffarin a fait un travail extrêmement important, pour régler, pour arriver à régler un certain nombre de contentieux. Il y avait celui que vous avez cité. Il est réglé et Bouygues est là. Et justement, tout à l'heure, en ouvrant le forum, j'ai dit que l'on avait raté trop d'occasions compte tenu des projets algériens et non seulement Bouygues est là mais nous avons une autre major française qui m'a fait part, - c'était vendredi, c'était au Kazakhstan du reste, j'ai trouvé la lettre lundi, hier, c'est Vinci pour ne pas le cacher - de l'intérêt que le groupe portait par sa filiale Vinci constructions dans les projets algériens. Et nous avons aujourd'hui aussi des petites et moyennes entreprises, des PME, qui s'intéressent aux projets de développement. On a raté trop d'occasions, c'est fini. Il faut être là et nous sommes là.
Q - Comment développer les échanges sud-nord ?
R - Vous savez, c'est plus compliqué que ça sud/nord, vous avez remarqué qu'il y a sud/sud aussi et est/ouest donc je ne suis pas dans ce schéma classique mondial. On est dans un monde qui est maintenant très multipolaire, on n'est plus dans un monde binaire.
Mais ce que je veux dire pour ce qui concerne l'Algérie et la France - je l'ai dit haut et fort - nous ne sommes pas dans le concept que l'Algérie est un marché. Nous sommes dans le concept que l'Algérie est un partenaire. Quand on parle de partenariat en français ça a un sens. Cela veut dire que l'on est à égalité et M. le ministre Rahmani a utilisé le terme de co-développement, c'est-à-dire que ce qui profite à l'un doit profiter à l'autre dans des investissements croisés, dans des échanges fertiles et moi je suis pour l'équilibre du commerce extérieur comme on dit.
Mais aussi il faut qu'on soit capable - c'est cela l'enjeu des partenariats industriels que nous allons développer - tout au long de la chaîne de valeurs, il faut que chacun y trouve son compte c'est-à-dire que, à un moment donné, il faut accepter que un partenaire dans une chaîne de valeurs donnée soit un jour un concurrent. C'est ça le challenge. Pourquoi pas ? Mais ce qui est très important, c'est aussi de pouvoir se projeter sur des marchés ensemble. Et vous l'avez développé tout à l'heure, la notion de plateforme. L'Algérie a des choses à dire à l'Afrique, vous avez cité dix partenaires et nous voulons le faire ensemble. Je vais vous citer un exemple aussi : j'ai reçu il n'y a pas très longtemps un investisseur canadien en France, nous avons fait un échange croisé pour un grand journal de la PQR de l'ouest de la France et je lui ai dit : «mais pourquoi choisissez-vous la France ?» Il m'a dit : «Parce que la France c'est pour nous, vu du Canada, la porte de l'Afrique.»
Donc cette notion de projection c'est comme cela que l'on réalise un véritable partenariat, donc c'est le but ultime. Peut être qu'on n'en est pas encore là - c'est comme cela qu'on rééquilibre des échanges commerciaux - parce que trop souvent la France, je le sais, investit énormément, et nous sommes souvent les plus gros investisseurs dans beaucoup de pays, mais en face nous n'avons pas les échanges à la hauteur de nos investissements productifs. Donc en Algérie ce que nous voulons, c'est aussi que nos échanges soit aussi à la hauteur de nos investissements productifs. C'est pour cela que nous insistons beaucoup, c'est mon travail, auprès des entreprises pour qu'elles investissent en Algérie, de la même manière qu'il faut aussi que les Algériens investissent en France. C'est très important, la notion d'échange d'investissements. Si on y arrive - on ne va pas y arriver en une année - on aura réussi à la fois le rééquilibre des échanges et aussi le partenariat, qu'il soit industriel ou commercial. Voilà, c'est ça l'objectif.
Q - Combien de logements ont-ils été réalisés en Algérie ?
R - Il y a de nombreux projets en Algérie qui ont été identifiés par nos services économiques sur place et - je vous l'ai dit - il y a deux majors qui reviennent, et en général quand elles reviennent, dans leur sillage, il y a des PME - il y en a qui sont aujourd'hui au forum.
On a pris du retard, il faut le rattraper. Je pense qu'on va le rattraper compte tenu des projets et je crois qu'on a quand même en la matière, pas uniquement dans le bâtiment mais dans tout ce qui va avec, c'est-à-dire l'aménagement urbain, une excellence française qui est reconnue dans le monde entier.
Je visite le monde entier et quand je suis dans un pays d'Asie du sud-est lointain où le ministre de l'investissement et du plan dit, à la fin de la conférence de presse, sans que j'y ai été préparée - mais ce fut une bonne surprise : «Quand je pense aménagement urbain, je pense à la France», c'est un beau compliment dans un grand pays d'Asie du sud-est, important à nos yeux. De la même manière ce qui va avec la mobilité urbaine, c'est ce que j'appelle la ville durable. Donc nous savons que tous les pays qui ont des croissances démographiques ont des problèmes de logement, même nous on en a en France... Quand nous allons faire le Grand Paris, c'est 30 milliards d'investissement, on va se préoccuper, non seulement du grand métro automatique mais on va se préoccuper aussi des bâtiments, des logements. Et on sait aujourd'hui qu'on ne construit plus comme on construisait il y a encore dix ans. L'efficacité énergétique, les réseaux intelligents, tout cela je crois qu'on sait faire, j'en suis même sûre - donc il ne faut pas louper le coche, en Algérie comme ailleurs.
Q - Certaines entreprises étrangères comme Total ont des ambitions qui ne sont pas très honnêtes et dont les méthodes sont contestables en termes de négociations, d'emploi...Et puis la France est en totale récession...
R - Alors je voudrais répondre sur Total si vous le voulez bien, rapidement.
Il y a un gros projet qui nécessite d'énormes investissements, c'est le projet de vapocraquage de Total. Ce sont d'énormes investissements, donc cela nécessite des discussions. À ma connaissance, elles se poursuivent - ce qui est normal pour un projet d'une telle ampleur - c'est normal qu'il y ait des difficultés y compris dans ces discussions.
Alors oui, une autre question. Je voudrais dire que la France n'est pas en totale récession puisque les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles nous sommes en France, c'est une croissance atone. Elle est en récession technique - je connais un petit peu l'économie - parce qu'on a deux trimestres consécutifs qui sont négatifs mais attendons. Les prévisions de croissance sont toujours positives. Elles n'ont pas été révisées par mon collègue Pierre Moscovici. Nous verrons plus clair quand la Commission européenne aura regardé notre copie, que nous avons envoyée à Bruxelles, comme maintenant les traités le prévoient. La commission européenne doit à la fin du mois de mai nous donner son avis sur l'hypothèse macroéconomique.
C'est vrai que l'Europe a des difficultés, la zone euro aussi, donc c'est vrai que cela n'aide pas la France. Mais ce que je veux dire c'est que moi je n'ai absolument pas connaissance de ce que vous dites sur les pratiques des entreprises françaises. Ce que je sais, je l'ai dit et redit, c'est que moi j'appelle les entreprises françaises à être et à rester et à se développer en Algérie et évidemment quand on parle de partenariats, c'est aussi parce qu'on est là aussi pour encourager la main-d'oeuvre.
Moi je vois plein de pays dans le monde - je ne vois pas que l'Algérie même si c'est un de mes partenaires - où c'est bien normal, les autorités disent aux entreprises françaises comme à d'autres entreprises : «d'accord pour que vous veniez, mais en même temps vous devez produire localement, vous devez avoir une main d'oeuvre locale», et nous le faisons.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mai 2013