Texte intégral
Mon Cher Robert,
Mon Cher Vincent,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je vais donc conclure cette petite cérémonie avant que nous puissions dévaster les buffets qui sont tendus et dont je vous suggère de profiter avant que les contraintes budgétaires ne les suppriment définitivement.
Je voulais d'abord remercier Vincent Peillon, le ministre de l'éducation nationale, d'avoir permis l'organisation et le succès de ce concours, et remercier Robert Badinter et le jury d'avoir accepté cette mission extrêmement délicate de choisir et puis, vous remercier toutes et tous, quels que soient vos titres, vos qualités, d'être là ce matin, et au-delà de cette salle, de remercier ceux qui n'ont pas été lauréats. On nous a indiqué les chiffres : plus de 80 établissements, plus de 2.000 participants ; cela signifie que tout un mouvement a été enclenché, s'est déroulé, qui, je crois, est utile.
Lorsqu'on a eu l'idée de ce concours, de cette manifestation : qu'avions-nous à l'esprit ? D'abord, implicitement ce qu'a dit Robert Badinter. Si j'ai un reproche amical à lui faire, parce que Robert Badinter plaidant contre l'éloquence, c'est un philosophe écrivant un gros livre dont le thème est : «Le langage n'existe pas». Il y a une petite contradiction, Mon Cher Robert, que tu as eu l'élégance de surmonter. Mais l'idée était celle-là. Aujourd'hui, c'est vrai, en France, grâce à des combats qui sont venus de loin et, grâce à des hommes qui sont tout près, la peine de mort est abolie. Cela ne fait pas si longtemps et il y a beaucoup de pays où elle ne l'est pas. Pendant très longtemps, il a fallu lutter, lutter... Le nombre des grands esprits qui ont été contre l'abolition est malheureusement considérable. Comme on ne peut, selon la formule bien connue, construire l'avenir qu'en se rappelant le passé, je pense que c'est une très bonne chose, dans nos établissements, Vincent Peillon l'a dit aussi avec éloquence, que l'on rende plus vif le réel ; et le réel, même si la peine de mort est abolie en France, c'est que le combat pour l'abolition n'est pas terminé.
Nous avons pensé qu'en vous incitant à réfléchir autour de la peine de mort, nous vous inciterions aussi à réfléchir à la vie, au prix de la vie, à ce qu'est la personne humaine. Nous avons pensé aussi, puisque vous êtes jeunes et que le combat reste à porter dans de nombreux pays, que c'est à travers vous que ce combat doit être porté. La France n'est pas repliée sur elle-même, c'est d'ailleurs, je m'en rends compte dans les fonctions que j'exerce, la singularité de la France, souvent répétée. La France est un pays qui n'est pas le plus grand pays du monde - nous n'avons que 65 millions d'habitants - mais qui a cette singularité de porter des messages universels. C'est pour cela que nous sommes entendus quand nous agissons : en Syrie, au Mali, pour défendre des causes économiques, des causes sociales, des causes environnementales. Nous ne nous battons pas pour nous-mêmes mais pour une certaine idée de l'homme, de la femme, une idée universelle, une certaine idée de la paix, de la justice ; cette idée on la retrouve dans le combat pour l'abolition universelle.
Robert Badinter nous a dit qu'il était sceptique sur les faits d'éloquence mais en revanche je sais qu'il est très optimiste sur le sens de la flèche, et c'est vrai que lorsqu'on regarde l'histoire, le nombre des pays qui soit ne pratiquent plus la peine de mort, soit l'ont juridiquement abolie, ne cesse d'augmenter. Il y a peu de temps encore, deux tiers des 193 pays ne l'avaient pas abolie. Dix ans plus tard, il n'y en a plus qu'un tiers qui ne l'ont pas encore abolie, donc le sens est positif, même si 2012 n'est pas une bonne année.
En 2012, il y a toute une série de pays qui pratiquaient ce qu'on appelle un moratoire de fait, parce qu'avant l'abolition il y a une attitude qui juridiquement est incertaine : des pays qui n'ont pas juridiquement aboli la peine de mort, mais qui ne la pratiquent plus, c'est ce qu'on appelle un moratoire. Et en 2012 malheureusement, un certain nombre de pays qui pratiquaient ce moratoire l'ont interrompu, ce qui rend d'autant plus nécessaire de faire campagne, au bon sens du terme, pour l'abolition universelle, car lorsqu'on a franchi ce pas et qu'un pays a décidé juridiquement d'abolir la peine de mort, il n'y a aucun exemple qu'il soit revenu en arrière.
Donc, le sens de la flèche est positif mais il y a des reculs, il y a des combats très importants à mener, on pense à de très grand pays, comme la Chine ou les États-Unis, où les choses progressent, mais on pense aussi, à toute une série de pays au Proche et au Moyen-Orient qui, pour des raisons invoquées souvent liées à la religion, ne franchissent pas le pas.
Comment avancer, c'est à vous de le faire. Nous, nous sommes déjà - je ne parle pas pour Vincent qui est un jeune homme - atteints par les limites de l'âge, ce sont quasiment les derniers mots que nous prononçons, enfin encore quelques semaines. Mais le combat va aller bien au-delà de nous et c'est vous, enfin vous, pas seulement vous qui êtes dans cette salle, mais la jeunesse qui va avancer. Ce que nous avons souhaité par cette initiative, c'est que vous ne trahissiez pas, devenus un peu plus âgés, ce que vous pensez au moment où vous êtes jeunes. Et puis vous voyagerez et donc vous serez très communicatifs en expliquant à d'autres, non pas pour leur donner des leçons, mais à partir de votre conviction que le mouvement qu'a fait la France, très tardivement d'ailleurs, il faut que les autres pays le rejoignent, c'est un peu le sens, c'est même tout à fait le sens de ce mouvement, de ce concours dont je veux féliciter les lauréats.
Le jury a délibéré en toute indépendance, il n'y avait pas besoin de preuves de cette indépendance puisqu'il était présidé par Robert Badinter, mais j'apporte quand même une preuve supplémentaire vu qu'il y avait un lycée de Dieppe. Dieppe c'est en Seine-Maritime et néanmoins, ils n'ont pas gagné, ce qui prouve que c'est indépendant, mais les félicitations vont à l'ensemble des lauréats.
La lauréate, c'est vous, vous allez avoir un moment assez difficile à passer. D'abord parce que tout le monde va vous féliciter, mais ne soyez pas abattue, on n'est pas compromis seulement par des félicitations. Et puis vous allez avoir un moment plus difficile, je ne sais pas si on vous l'a dit, vous allez venir, si toutefois vos parents vous le permettent, avec moi à Madrid où aura lieu au mois de juin le congrès qui va travailler pour l'abolition universelle de la peine de mort. Si vous l'acceptez, Mademoiselle, en tout bien tout honneur, nous siègerons ensemble à ce congrès.
Vous porterez là-bas, à ce congrès, le message et les espoirs, les passions, le militantisme de tous vos camarades ici présents.
Voilà, ce que je voulais vous dire en remerciant à nouveau le ministre de l'éducation nationale, en remerciant à nouveau le président Robert Badinter, en vous remerciant toutes et tous de ce que vous avez fait, et en souhaitant que ce ne soit pas du tout un point d'aboutissement de votre militantisme, mais au contraire que cela vous incite dans la suite de votre vie, de vos activités, à défendre cette belle cause qui triomphera malgré tout et qui est l'abolition universelle de la peine de mort que la France a décidé de choisir comme grande cause, qui est défendue par tous nos ambassadeurs, dans tous les pays du monde.
Lorsqu'on pense à la France, on pense à un certain nombre de grandes réalisations technologiques, on pense à un certain nombre de principes, on pense à un certain nombre de messages, un certain nombre d'actions, il faut aussi qu'on pense que la France est aujourd'hui identifiée au combat pour l'abolition universelle de la peine de mort. Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2013
Mon Cher Vincent,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je vais donc conclure cette petite cérémonie avant que nous puissions dévaster les buffets qui sont tendus et dont je vous suggère de profiter avant que les contraintes budgétaires ne les suppriment définitivement.
Je voulais d'abord remercier Vincent Peillon, le ministre de l'éducation nationale, d'avoir permis l'organisation et le succès de ce concours, et remercier Robert Badinter et le jury d'avoir accepté cette mission extrêmement délicate de choisir et puis, vous remercier toutes et tous, quels que soient vos titres, vos qualités, d'être là ce matin, et au-delà de cette salle, de remercier ceux qui n'ont pas été lauréats. On nous a indiqué les chiffres : plus de 80 établissements, plus de 2.000 participants ; cela signifie que tout un mouvement a été enclenché, s'est déroulé, qui, je crois, est utile.
Lorsqu'on a eu l'idée de ce concours, de cette manifestation : qu'avions-nous à l'esprit ? D'abord, implicitement ce qu'a dit Robert Badinter. Si j'ai un reproche amical à lui faire, parce que Robert Badinter plaidant contre l'éloquence, c'est un philosophe écrivant un gros livre dont le thème est : «Le langage n'existe pas». Il y a une petite contradiction, Mon Cher Robert, que tu as eu l'élégance de surmonter. Mais l'idée était celle-là. Aujourd'hui, c'est vrai, en France, grâce à des combats qui sont venus de loin et, grâce à des hommes qui sont tout près, la peine de mort est abolie. Cela ne fait pas si longtemps et il y a beaucoup de pays où elle ne l'est pas. Pendant très longtemps, il a fallu lutter, lutter... Le nombre des grands esprits qui ont été contre l'abolition est malheureusement considérable. Comme on ne peut, selon la formule bien connue, construire l'avenir qu'en se rappelant le passé, je pense que c'est une très bonne chose, dans nos établissements, Vincent Peillon l'a dit aussi avec éloquence, que l'on rende plus vif le réel ; et le réel, même si la peine de mort est abolie en France, c'est que le combat pour l'abolition n'est pas terminé.
Nous avons pensé qu'en vous incitant à réfléchir autour de la peine de mort, nous vous inciterions aussi à réfléchir à la vie, au prix de la vie, à ce qu'est la personne humaine. Nous avons pensé aussi, puisque vous êtes jeunes et que le combat reste à porter dans de nombreux pays, que c'est à travers vous que ce combat doit être porté. La France n'est pas repliée sur elle-même, c'est d'ailleurs, je m'en rends compte dans les fonctions que j'exerce, la singularité de la France, souvent répétée. La France est un pays qui n'est pas le plus grand pays du monde - nous n'avons que 65 millions d'habitants - mais qui a cette singularité de porter des messages universels. C'est pour cela que nous sommes entendus quand nous agissons : en Syrie, au Mali, pour défendre des causes économiques, des causes sociales, des causes environnementales. Nous ne nous battons pas pour nous-mêmes mais pour une certaine idée de l'homme, de la femme, une idée universelle, une certaine idée de la paix, de la justice ; cette idée on la retrouve dans le combat pour l'abolition universelle.
Robert Badinter nous a dit qu'il était sceptique sur les faits d'éloquence mais en revanche je sais qu'il est très optimiste sur le sens de la flèche, et c'est vrai que lorsqu'on regarde l'histoire, le nombre des pays qui soit ne pratiquent plus la peine de mort, soit l'ont juridiquement abolie, ne cesse d'augmenter. Il y a peu de temps encore, deux tiers des 193 pays ne l'avaient pas abolie. Dix ans plus tard, il n'y en a plus qu'un tiers qui ne l'ont pas encore abolie, donc le sens est positif, même si 2012 n'est pas une bonne année.
En 2012, il y a toute une série de pays qui pratiquaient ce qu'on appelle un moratoire de fait, parce qu'avant l'abolition il y a une attitude qui juridiquement est incertaine : des pays qui n'ont pas juridiquement aboli la peine de mort, mais qui ne la pratiquent plus, c'est ce qu'on appelle un moratoire. Et en 2012 malheureusement, un certain nombre de pays qui pratiquaient ce moratoire l'ont interrompu, ce qui rend d'autant plus nécessaire de faire campagne, au bon sens du terme, pour l'abolition universelle, car lorsqu'on a franchi ce pas et qu'un pays a décidé juridiquement d'abolir la peine de mort, il n'y a aucun exemple qu'il soit revenu en arrière.
Donc, le sens de la flèche est positif mais il y a des reculs, il y a des combats très importants à mener, on pense à de très grand pays, comme la Chine ou les États-Unis, où les choses progressent, mais on pense aussi, à toute une série de pays au Proche et au Moyen-Orient qui, pour des raisons invoquées souvent liées à la religion, ne franchissent pas le pas.
Comment avancer, c'est à vous de le faire. Nous, nous sommes déjà - je ne parle pas pour Vincent qui est un jeune homme - atteints par les limites de l'âge, ce sont quasiment les derniers mots que nous prononçons, enfin encore quelques semaines. Mais le combat va aller bien au-delà de nous et c'est vous, enfin vous, pas seulement vous qui êtes dans cette salle, mais la jeunesse qui va avancer. Ce que nous avons souhaité par cette initiative, c'est que vous ne trahissiez pas, devenus un peu plus âgés, ce que vous pensez au moment où vous êtes jeunes. Et puis vous voyagerez et donc vous serez très communicatifs en expliquant à d'autres, non pas pour leur donner des leçons, mais à partir de votre conviction que le mouvement qu'a fait la France, très tardivement d'ailleurs, il faut que les autres pays le rejoignent, c'est un peu le sens, c'est même tout à fait le sens de ce mouvement, de ce concours dont je veux féliciter les lauréats.
Le jury a délibéré en toute indépendance, il n'y avait pas besoin de preuves de cette indépendance puisqu'il était présidé par Robert Badinter, mais j'apporte quand même une preuve supplémentaire vu qu'il y avait un lycée de Dieppe. Dieppe c'est en Seine-Maritime et néanmoins, ils n'ont pas gagné, ce qui prouve que c'est indépendant, mais les félicitations vont à l'ensemble des lauréats.
La lauréate, c'est vous, vous allez avoir un moment assez difficile à passer. D'abord parce que tout le monde va vous féliciter, mais ne soyez pas abattue, on n'est pas compromis seulement par des félicitations. Et puis vous allez avoir un moment plus difficile, je ne sais pas si on vous l'a dit, vous allez venir, si toutefois vos parents vous le permettent, avec moi à Madrid où aura lieu au mois de juin le congrès qui va travailler pour l'abolition universelle de la peine de mort. Si vous l'acceptez, Mademoiselle, en tout bien tout honneur, nous siègerons ensemble à ce congrès.
Vous porterez là-bas, à ce congrès, le message et les espoirs, les passions, le militantisme de tous vos camarades ici présents.
Voilà, ce que je voulais vous dire en remerciant à nouveau le ministre de l'éducation nationale, en remerciant à nouveau le président Robert Badinter, en vous remerciant toutes et tous de ce que vous avez fait, et en souhaitant que ce ne soit pas du tout un point d'aboutissement de votre militantisme, mais au contraire que cela vous incite dans la suite de votre vie, de vos activités, à défendre cette belle cause qui triomphera malgré tout et qui est l'abolition universelle de la peine de mort que la France a décidé de choisir comme grande cause, qui est défendue par tous nos ambassadeurs, dans tous les pays du monde.
Lorsqu'on pense à la France, on pense à un certain nombre de grandes réalisations technologiques, on pense à un certain nombre de principes, on pense à un certain nombre de messages, un certain nombre d'actions, il faut aussi qu'on pense que la France est aujourd'hui identifiée au combat pour l'abolition universelle de la peine de mort. Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2013