Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Alors, enchaînons sur ce que vient de raconter évidemment Guillaume TABARD, comment vous expliquez cette volonté dune partie des socialistes de mettre la barre à gauche toute et surtout, vous qui avez été ministre des Affaires européennes, dinstaller une sorte de gigantesque désordre entre la France, lAllemagne, et finalement à lintérieur de lUnion européenne, mais quest-ce quils veulent exactement ?
BERNARD CAZENEUVE
On na pas besoin, pour être à gauche, de vouloir la confrontation avec lAllemagne.
GUILLAUME DURAND
Mais quest-ce quils veulent, eux ?
BERNARD CAZENEUVE
Eh bien posez-leur la question. Ce que je peux vous dire cest ce que le gouvernement fait, ce que le président de la République a défini comme orientation, les objectifs que nous voulons atteindre. Ce que nous voulons faire cest dabord faire notre devoir, parce que cest lengagement que nous avons pris devant les Français, rétablir nos comptes, non pas parce que lEurope nous limpose, mais parce que si nous ne faisons pas ce travail de rétablissement de nos comptes nous devront affronter, comme dautres pays sur les marchés, des taux dintérêts qui obèreront les chances de croissance. donc, le premier point sur lequel je voudrais insister, cest que le rétablissement des comptes, qui est le travail qui ma été confié, dans un contexte économique très difficile, est un objectif que nous nous sommes assigné à nous-mêmes parce que cest bon la croissance, cest nécessaire pour notre pays. Deuxièmement, nous serons dautant plus forts, en faisant ce travail, en faisant les réformes structurelles, et nous aurons plus daudience, en Europe, pour changer une politique, au sein de lUnion européenne, qui ne nous convient pas. il faut aller plus loin dans la mise en oeuvre de lUnion bancaire, il faut davantage dinitiatives pour des investissements structurants de compétitivité qui permettraient dès à présent de faire de la croissance, nous devons aller plus loin, plus vite, dans la lutte contre les paradis fiscaux, cette réorientation de lEurope nous lappelons de nos voeux. Et troisièmement, nous navons pas besoin, pour faire tout cela, dune confrontation avec lAllemagne, nous avons besoin, au contraire, avec lAllemagne, dinitiatives communes, je pense par exemple que la politique énergétique, où lAllemagne a décidé de sortir du nucléaire avec des investissements très coûteux à faire, nous avons nous-mêmes une transition énergétique à mener, nous pouvons redonner à lEurope du souffle, du sens, et de la force politique, cest cela notre agenda.
GUILLAUME DURAND
Gilles LECLERC.
GILLES LECLERC
Justement, quand même, dans ce contexte il y a un débat chez les socialistes, mais quand même, quand un ministre, qui cohabite avec vous à Bercy déclare
GUILLAUME DURAND
Arnaud MONTEBOURG.
GILLES LECLERC
Arnaud MONTEBOURG déclare dans LE POINT, qui sort ce matin, je le cite : « il faut ouvrir les hostilités, non pas avec lAllemagne » dit-il, « mais avec lUnion européenne en se comparant à un toréro. » Cest quand même un ministre important du gouvernement, vous en pensez quoi ?
BERNARD CAZENEUVE
Je pense quil faut vraiment que nous comprenions que si nous voulons atteindre lobjectif de la réorientation de lEurope, il faut changer de vocabulaire, ce vocabulaire-là est un vocabulaire qui aboutit à lexact contraire de ce à quoi on prétend, c'est-à-dire la réorientation de lEurope. La réorientation de lEurope elle se fait dans un climat de confiance, elle se fait dans la crédibilité, elle se fait dans la volonté dune vision pour lEurope qui sexprime
GILLES LECLERC
Des propos comme ça, ça porte tort au gouvernement et à François HOLLANDE ?
BERNARD CAZENEUVE
Je pense que, je lai dit dailleurs à Arnaud MONTEBOURG, nous avons des relations amicales et franches, je pense que ce type de propos ne sont pas des propos qui aident à la réorientation de lEurope. Si nous voulons une réorientation de lEurope
GUILLAUME DURAND
Et pourquoi on ne les sanctionne pas ? Pardonnez-moi.
BERNARD CAZENEUVE
Chacun a son tempérament, nous ne sommes pas non plus un gouvernement monolithique, il y a des caractères qui sexpriment, il y a des sensibilités qui disent ce quelles ont à dire, moi je ne suis pas non plus favorable à ce quil y ait un gouvernement où il ny aurait que des ministres disant la même chose, sur le même ton, de la même manière. Ce qui compte cest la cohérence de la politique que nous menons, et la cohérence de la politique que nous menons cest ce que je viens de vous dire. Un, rétablir nos comptes, deux, réorienter lEurope, trois, le faire dans une relation franco-allemande refondée autour dun agenda qui soit un agenda porteur davenir. Jai parlé de la transition énergétique, je pourrai parler de la lutte contre les paradis fiscaux, nous sommes ensemble, sur la taxe sur les transactions financières, nous sommes ensemble, sur lUnion bancaire, bien que des désaccords se soient fait jour au début, nous sommes aujourdhui plutôt dans le compromis, il faut accélérer la mise en oeuvre de lUnion bancaire. Moi je suis résolument européen et je considère que dans le contexte qui prévaut nous devons être non seulement déterminés à changer lEurope, mais responsables et crédibles dans les voies que nous choisissons pour le faire.
GILLES LECLERC
Est-ce que le débat, tout de même, sur le fond, rigueur/ relance, est-ce que cest un vrai et un débat que vous estimez utile ?
BERNARD CAZENEUVE
Cest surtout un faux débat, et je vais vous dire pourquoi. Parce que, parmi les ministres qui, comme moi, souhaitent que nous maintenions notre trajectoire de rétablissement des comptes, parce que cest un engagement que nous avons pris, et que cest bon pour léconomie, vous ne trouverez pas un ministre qui ne soit pas désireux de réorienter lEurope sur le chemin de la croissance, et parmi ceux qui souhaitent la réorientation de lEurope vers davantage de croissance, vous nen trouverez pas un qui préconise quon abandonne la stratégie de redressement. Donc, il y a dans tout cela beaucoup de postures, beaucoup, parfois de manifestations narcissiques, et beaucoup moins de politique quon ne le pense.
GILLES LECLERC
Mais cest ce qui mine cette première année de la présidence ?
GUILLAUME DURAND
Cest notamment ce qui mine la première année de la présidence de François HOLLANDE.
BERNARD CAZENEUVE
Je pense, Monsieur DURAND, et je vous le dis de façon extrêmement franche, que lorsque lon est investi dune responsabilité ministérielle dans un contexte de crise et de tempête comme celui qui prévaut, il faut quon ait chacun à lesprit, chaque jour, que ce que nous sommes est infiniment moins important que la mission qui nous a été confiée, et quil ne serait pas mauvais que nos petites personnes seffacent parfois devant la mission qui nous a été confiée. En tous les cas cest ma déontologie de laction publique, cest la manière dont je vis le travail qui est le mien aujourdhui, et je pense que les Français nattendent pas des manifestations de narcissisme, ils nattendent pas des états dâme, ils attendent des états de service.
GUILLAUME DURAND
Alors deux questions sur la journée dhier à lElysée vis-à-vis des chefs dentreprise, et sur les sondages qui sont défavorables. Dabord sur la journée dhier, est-ce que vous considérez que ce qui a été annoncé est de nature à rassurer les chefs dentreprise qui sont quand même, LE MONDE la écrit hier, dans une situation de défiance à légard du chef de lEtat ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui mais, regardons les faits. Il peut y avoir des campagnes de presse, il peut y avoir des émotions, regardons les faits, ce qui compte ce sont les faits. Ce que nous faisons, depuis maintenant 10 mois, cest le rétablissement des comptes de notre pays avec des premiers résultats. Lorsque le déficit structurel diminue de 1,2% en 2012, que nous nous proposons de le faire diminuer de 1,8% en 2013, alors quentre 2007 et 2012 il avait augmenté de près de 2 points. Lorsque pour la première fois, depuis quasiment le début de la Vème République, les dépenses de lEtat diminuent de 300 millions deuros en 2012, et que je suis en train délaborer un budget pour 2014 qui conduira les dépenses de lEtat à diminuer de 1,5 milliard. Lorsque que jindique que, pour 2014, nous voulons équilibrer le budget par les économies et lajuster marginalement par limpôt si cest nécessaire. En faisant de cette doctrine de léquilibrage des budgets par les économies, celle qui prévaudra pour les années qui viennent, et lorsque
GUILLAUME DURAND
Oui, mais vous savez Bernard CAZENEUVE, vous savez que les chefs dentreprise, ce quils vous reprochent, cest de considérer que justement, pour rééquilibrer ce budget, ce quils vous reprochent depuis le début et depuis laffaire des 75%, plus les « Pigeons », cest que vous allez leur cest ce quils disent vous allez leur faire les poches pour rééquilibrer le budget de la France.
BERNARD CAZENEUVE
Je poursuis le raisonnement. Nous faisons 20 milliards deffort pour les entreprises à travers le crédit dimpôt compétitivité emploi, nous mettons en place laccord sur la sécurisation des parcours professionnels. Ce qua annoncé le président de la République, au terme des Assises de lentreprenariat hier, est majeur pour la réconciliation de ce pays avec lentreprise, car que les gouvernements soient de droite
GILLES LECLERC
Vous dites vous-même « réconciliation », donc il y avait besoin de se réconcilier ? Est-ce que ce discours, au fond, narrive pas un peu tard ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, mais ce besoin de réconciliation il ne date pas de la gauche. Ce pays est un pays qui na jamais vraiment aimé ses entreprises. La droite a souvent réduit le discours sur lentreprise à un discours sur le profit, et la gauche la parfois réduit à un discours sur lexploitation, il est rare quon tombe amoureux dune entreprise dans laquelle le profit est le seul sujet, et dun lieu dans lequel lexploitation est la seule question. Donc, il faut quon réhabilite lentreprise, il faut quon réconcilie les Français avec lentreprise, cest fondamental. Pourquoi est-ce que lAllemagne arrive à faire de bons compromis sociaux, tout simplement parce que les forces sociales et patronales allemandes considèrent quautour de la défense de lentreprise, en Allemagne, il ny a pas de concession à faire, que cest fondamental pour le pays. Il faut que nous arrivions à réconcilier les Français avec lentreprise. Et ce qui a été décidé hier, par le président de la République, c'est-à-dire faire en sorte quil puisse y avoir à luniversité, en accompagnent les jeunes qui le veulent, une possibilité offerte de créer une entreprise. Lorsque nous décidons de mettre en place une fiscalité simplifiée, pour ceux qui prennent des risques afin de créer des entreprises et de les développer, cest la mise en place dun dispositif extrêmement simple, qui vise à imposer les plus-values à partir du barème de limpôt sur le revenu, en mettant en place des abattements très incitatifs selon la durée de détention des actions. Lorsque le président de la République annonce la création, avec la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, dun fonds pour les entreprises socialement innovantes, nous sommes dans la volonté de faire en sorte que la croissance soit possible par des réformes structurelles, par un rééquilibrage de nos comptes, par une réconciliation des Français avec lentreprise. Et cela nous voulons le faire pourquoi ? nous voulons le faire parce que nous devons créer les conditions dun redressement qui ne peut pas se réduire au rétablissement des comptes, il faut quil y ait aussi, de la croissance, de linnovation, du transfert de technologies, et nous étions hier, avec Pierre MOSCOVICI, Fleur PELLERIN, Arnaud MONTEBOURG, ensemble aux côtés du président de la République, pour défendre cette orientation, et par ailleurs nous devons faire aussi en sorte, au sein de lUnion Européenne, quil y ait une politique industrielle qui permette de promouvoir nos filières dexcellence et de faire en sorte que ce que nous faisons pour lentreprise, en France, puisse aussi, dans la relation franco-allemande, au sein de lUnion Européenne, trouver une déclinaison ambitieuse et pertinente.
GUILLAUME DURAND
Alors deux questions pour terminer, malheureusement il nous manque beaucoup de temps. Le fait que les sondages et les simulations de premier tour, aujourdhui, montrent lélimination de François HOLLANDE au premier tour derrière le Front national, derrière Nicolas SARKOZY, est-ce que ce nest quand même pas une source dinquiétude, non pas économique, mais politique, forte ? Est-ce quil est possible quil y ait un redressement politique ?
BERNARD CAZENEUVE
Dabord je nai pas compris quil y avait une élection
GUILLAUME DURAND
Oui, mais cest une simulation, cest une photo.
BERNARD CAZENEUVE
Et deuxièmement, je pense que nous menons une politique, dans un contexte extraordinairement difficile, qui nous a été légué, qui est une politique qui vise à redresser le pays et qui nest pas une politique qui vise à plaire.
GUILLAUME DURAND
Et ce nest pas de la défiance des Français à légard de François HOLLANDE ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, le courage politique, dans un contexte de crise, ça suscite peut-être, au début, des interrogations, avant que les résultats ne commencent à susciter de ladhésion. Et moi je pense quil vaut mieux être courageux, sans chercher à plaire au début du quinquennat, plutôt que de vouloir plaire en oubliant dêtre courageux, et en laissant le pays continuer à aller à la dérive. Encore une fois je veux rappeler que la situation qui nous a été laissée, doublement de la dette, creusement des déficits, effondrement de notre compétitivité avec 75 milliards de déficit du commerce extérieur, un pays profondément divisé, tout cela ne se répare pas en quelques mois.
GUILLAUME DURAND
On va prendre une minute supplémentaire Gilles, car vous vouliez poser une question sur limpôt.
GILLES LECLERC
Oui, une dernière question sur la fiscalité. A votre place, Bruno LE ROUX il y a quelques jours, disait que finalement il faut remettre sur la table une vraie réforme fiscale, disait-il, et notamment la fameuse fusion IR/ CSG. Vous en pensez quoi ?
GUILLAUME DURAND
Ce que je pense cest que la réforme fiscale nous lavons engagée. Lorsque nous rétablissons la progressivité de limpôt sur la fortune, lorsque nous créons une nouvelle tranche à 45% de limpôt sur le revenu, lorsque nous alignons la fiscalité du travail sur la fiscalité du capital, lorsque nous modifions les plafonds sappliquant aux droits de succession, lorsque nous essayons de faire converger la fiscalité des grands groupes sur celle des PME pour faire en sorte que les PME qui innovent soient davantage aidées que les grands groupes, cela sappelle comment ? Jappelle cela une réforme fiscale. Est-ce quil y a un Grand soir fiscal au lendemain duquel tout sarrête ? Non, la réforme fiscale cest quelque chose de continu, cest un processus constant, cest un effort dadaptation en permanence du droit fiscal aux réalités de la société et de léconomie pour que léconomie soit plus performante. Donc la réforme fiscale cest en permanence, elle a commencé, elle a été ample, nous allons la poursuivre, et nous allons la poursuivre en essayant de faire en sorte que la réforme fiscale ne signifie pas plus dimpôts, parce que demain, si nous voulons redresser léconomie, il faut faire davantage déconomies.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mai 2013
Alors, enchaînons sur ce que vient de raconter évidemment Guillaume TABARD, comment vous expliquez cette volonté dune partie des socialistes de mettre la barre à gauche toute et surtout, vous qui avez été ministre des Affaires européennes, dinstaller une sorte de gigantesque désordre entre la France, lAllemagne, et finalement à lintérieur de lUnion européenne, mais quest-ce quils veulent exactement ?
BERNARD CAZENEUVE
On na pas besoin, pour être à gauche, de vouloir la confrontation avec lAllemagne.
GUILLAUME DURAND
Mais quest-ce quils veulent, eux ?
BERNARD CAZENEUVE
Eh bien posez-leur la question. Ce que je peux vous dire cest ce que le gouvernement fait, ce que le président de la République a défini comme orientation, les objectifs que nous voulons atteindre. Ce que nous voulons faire cest dabord faire notre devoir, parce que cest lengagement que nous avons pris devant les Français, rétablir nos comptes, non pas parce que lEurope nous limpose, mais parce que si nous ne faisons pas ce travail de rétablissement de nos comptes nous devront affronter, comme dautres pays sur les marchés, des taux dintérêts qui obèreront les chances de croissance. donc, le premier point sur lequel je voudrais insister, cest que le rétablissement des comptes, qui est le travail qui ma été confié, dans un contexte économique très difficile, est un objectif que nous nous sommes assigné à nous-mêmes parce que cest bon la croissance, cest nécessaire pour notre pays. Deuxièmement, nous serons dautant plus forts, en faisant ce travail, en faisant les réformes structurelles, et nous aurons plus daudience, en Europe, pour changer une politique, au sein de lUnion européenne, qui ne nous convient pas. il faut aller plus loin dans la mise en oeuvre de lUnion bancaire, il faut davantage dinitiatives pour des investissements structurants de compétitivité qui permettraient dès à présent de faire de la croissance, nous devons aller plus loin, plus vite, dans la lutte contre les paradis fiscaux, cette réorientation de lEurope nous lappelons de nos voeux. Et troisièmement, nous navons pas besoin, pour faire tout cela, dune confrontation avec lAllemagne, nous avons besoin, au contraire, avec lAllemagne, dinitiatives communes, je pense par exemple que la politique énergétique, où lAllemagne a décidé de sortir du nucléaire avec des investissements très coûteux à faire, nous avons nous-mêmes une transition énergétique à mener, nous pouvons redonner à lEurope du souffle, du sens, et de la force politique, cest cela notre agenda.
GUILLAUME DURAND
Gilles LECLERC.
GILLES LECLERC
Justement, quand même, dans ce contexte il y a un débat chez les socialistes, mais quand même, quand un ministre, qui cohabite avec vous à Bercy déclare
GUILLAUME DURAND
Arnaud MONTEBOURG.
GILLES LECLERC
Arnaud MONTEBOURG déclare dans LE POINT, qui sort ce matin, je le cite : « il faut ouvrir les hostilités, non pas avec lAllemagne » dit-il, « mais avec lUnion européenne en se comparant à un toréro. » Cest quand même un ministre important du gouvernement, vous en pensez quoi ?
BERNARD CAZENEUVE
Je pense quil faut vraiment que nous comprenions que si nous voulons atteindre lobjectif de la réorientation de lEurope, il faut changer de vocabulaire, ce vocabulaire-là est un vocabulaire qui aboutit à lexact contraire de ce à quoi on prétend, c'est-à-dire la réorientation de lEurope. La réorientation de lEurope elle se fait dans un climat de confiance, elle se fait dans la crédibilité, elle se fait dans la volonté dune vision pour lEurope qui sexprime
GILLES LECLERC
Des propos comme ça, ça porte tort au gouvernement et à François HOLLANDE ?
BERNARD CAZENEUVE
Je pense que, je lai dit dailleurs à Arnaud MONTEBOURG, nous avons des relations amicales et franches, je pense que ce type de propos ne sont pas des propos qui aident à la réorientation de lEurope. Si nous voulons une réorientation de lEurope
GUILLAUME DURAND
Et pourquoi on ne les sanctionne pas ? Pardonnez-moi.
BERNARD CAZENEUVE
Chacun a son tempérament, nous ne sommes pas non plus un gouvernement monolithique, il y a des caractères qui sexpriment, il y a des sensibilités qui disent ce quelles ont à dire, moi je ne suis pas non plus favorable à ce quil y ait un gouvernement où il ny aurait que des ministres disant la même chose, sur le même ton, de la même manière. Ce qui compte cest la cohérence de la politique que nous menons, et la cohérence de la politique que nous menons cest ce que je viens de vous dire. Un, rétablir nos comptes, deux, réorienter lEurope, trois, le faire dans une relation franco-allemande refondée autour dun agenda qui soit un agenda porteur davenir. Jai parlé de la transition énergétique, je pourrai parler de la lutte contre les paradis fiscaux, nous sommes ensemble, sur la taxe sur les transactions financières, nous sommes ensemble, sur lUnion bancaire, bien que des désaccords se soient fait jour au début, nous sommes aujourdhui plutôt dans le compromis, il faut accélérer la mise en oeuvre de lUnion bancaire. Moi je suis résolument européen et je considère que dans le contexte qui prévaut nous devons être non seulement déterminés à changer lEurope, mais responsables et crédibles dans les voies que nous choisissons pour le faire.
GILLES LECLERC
Est-ce que le débat, tout de même, sur le fond, rigueur/ relance, est-ce que cest un vrai et un débat que vous estimez utile ?
BERNARD CAZENEUVE
Cest surtout un faux débat, et je vais vous dire pourquoi. Parce que, parmi les ministres qui, comme moi, souhaitent que nous maintenions notre trajectoire de rétablissement des comptes, parce que cest un engagement que nous avons pris, et que cest bon pour léconomie, vous ne trouverez pas un ministre qui ne soit pas désireux de réorienter lEurope sur le chemin de la croissance, et parmi ceux qui souhaitent la réorientation de lEurope vers davantage de croissance, vous nen trouverez pas un qui préconise quon abandonne la stratégie de redressement. Donc, il y a dans tout cela beaucoup de postures, beaucoup, parfois de manifestations narcissiques, et beaucoup moins de politique quon ne le pense.
GILLES LECLERC
Mais cest ce qui mine cette première année de la présidence ?
GUILLAUME DURAND
Cest notamment ce qui mine la première année de la présidence de François HOLLANDE.
BERNARD CAZENEUVE
Je pense, Monsieur DURAND, et je vous le dis de façon extrêmement franche, que lorsque lon est investi dune responsabilité ministérielle dans un contexte de crise et de tempête comme celui qui prévaut, il faut quon ait chacun à lesprit, chaque jour, que ce que nous sommes est infiniment moins important que la mission qui nous a été confiée, et quil ne serait pas mauvais que nos petites personnes seffacent parfois devant la mission qui nous a été confiée. En tous les cas cest ma déontologie de laction publique, cest la manière dont je vis le travail qui est le mien aujourdhui, et je pense que les Français nattendent pas des manifestations de narcissisme, ils nattendent pas des états dâme, ils attendent des états de service.
GUILLAUME DURAND
Alors deux questions sur la journée dhier à lElysée vis-à-vis des chefs dentreprise, et sur les sondages qui sont défavorables. Dabord sur la journée dhier, est-ce que vous considérez que ce qui a été annoncé est de nature à rassurer les chefs dentreprise qui sont quand même, LE MONDE la écrit hier, dans une situation de défiance à légard du chef de lEtat ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui mais, regardons les faits. Il peut y avoir des campagnes de presse, il peut y avoir des émotions, regardons les faits, ce qui compte ce sont les faits. Ce que nous faisons, depuis maintenant 10 mois, cest le rétablissement des comptes de notre pays avec des premiers résultats. Lorsque le déficit structurel diminue de 1,2% en 2012, que nous nous proposons de le faire diminuer de 1,8% en 2013, alors quentre 2007 et 2012 il avait augmenté de près de 2 points. Lorsque pour la première fois, depuis quasiment le début de la Vème République, les dépenses de lEtat diminuent de 300 millions deuros en 2012, et que je suis en train délaborer un budget pour 2014 qui conduira les dépenses de lEtat à diminuer de 1,5 milliard. Lorsque que jindique que, pour 2014, nous voulons équilibrer le budget par les économies et lajuster marginalement par limpôt si cest nécessaire. En faisant de cette doctrine de léquilibrage des budgets par les économies, celle qui prévaudra pour les années qui viennent, et lorsque
GUILLAUME DURAND
Oui, mais vous savez Bernard CAZENEUVE, vous savez que les chefs dentreprise, ce quils vous reprochent, cest de considérer que justement, pour rééquilibrer ce budget, ce quils vous reprochent depuis le début et depuis laffaire des 75%, plus les « Pigeons », cest que vous allez leur cest ce quils disent vous allez leur faire les poches pour rééquilibrer le budget de la France.
BERNARD CAZENEUVE
Je poursuis le raisonnement. Nous faisons 20 milliards deffort pour les entreprises à travers le crédit dimpôt compétitivité emploi, nous mettons en place laccord sur la sécurisation des parcours professionnels. Ce qua annoncé le président de la République, au terme des Assises de lentreprenariat hier, est majeur pour la réconciliation de ce pays avec lentreprise, car que les gouvernements soient de droite
GILLES LECLERC
Vous dites vous-même « réconciliation », donc il y avait besoin de se réconcilier ? Est-ce que ce discours, au fond, narrive pas un peu tard ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, mais ce besoin de réconciliation il ne date pas de la gauche. Ce pays est un pays qui na jamais vraiment aimé ses entreprises. La droite a souvent réduit le discours sur lentreprise à un discours sur le profit, et la gauche la parfois réduit à un discours sur lexploitation, il est rare quon tombe amoureux dune entreprise dans laquelle le profit est le seul sujet, et dun lieu dans lequel lexploitation est la seule question. Donc, il faut quon réhabilite lentreprise, il faut quon réconcilie les Français avec lentreprise, cest fondamental. Pourquoi est-ce que lAllemagne arrive à faire de bons compromis sociaux, tout simplement parce que les forces sociales et patronales allemandes considèrent quautour de la défense de lentreprise, en Allemagne, il ny a pas de concession à faire, que cest fondamental pour le pays. Il faut que nous arrivions à réconcilier les Français avec lentreprise. Et ce qui a été décidé hier, par le président de la République, c'est-à-dire faire en sorte quil puisse y avoir à luniversité, en accompagnent les jeunes qui le veulent, une possibilité offerte de créer une entreprise. Lorsque nous décidons de mettre en place une fiscalité simplifiée, pour ceux qui prennent des risques afin de créer des entreprises et de les développer, cest la mise en place dun dispositif extrêmement simple, qui vise à imposer les plus-values à partir du barème de limpôt sur le revenu, en mettant en place des abattements très incitatifs selon la durée de détention des actions. Lorsque le président de la République annonce la création, avec la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, dun fonds pour les entreprises socialement innovantes, nous sommes dans la volonté de faire en sorte que la croissance soit possible par des réformes structurelles, par un rééquilibrage de nos comptes, par une réconciliation des Français avec lentreprise. Et cela nous voulons le faire pourquoi ? nous voulons le faire parce que nous devons créer les conditions dun redressement qui ne peut pas se réduire au rétablissement des comptes, il faut quil y ait aussi, de la croissance, de linnovation, du transfert de technologies, et nous étions hier, avec Pierre MOSCOVICI, Fleur PELLERIN, Arnaud MONTEBOURG, ensemble aux côtés du président de la République, pour défendre cette orientation, et par ailleurs nous devons faire aussi en sorte, au sein de lUnion Européenne, quil y ait une politique industrielle qui permette de promouvoir nos filières dexcellence et de faire en sorte que ce que nous faisons pour lentreprise, en France, puisse aussi, dans la relation franco-allemande, au sein de lUnion Européenne, trouver une déclinaison ambitieuse et pertinente.
GUILLAUME DURAND
Alors deux questions pour terminer, malheureusement il nous manque beaucoup de temps. Le fait que les sondages et les simulations de premier tour, aujourdhui, montrent lélimination de François HOLLANDE au premier tour derrière le Front national, derrière Nicolas SARKOZY, est-ce que ce nest quand même pas une source dinquiétude, non pas économique, mais politique, forte ? Est-ce quil est possible quil y ait un redressement politique ?
BERNARD CAZENEUVE
Dabord je nai pas compris quil y avait une élection
GUILLAUME DURAND
Oui, mais cest une simulation, cest une photo.
BERNARD CAZENEUVE
Et deuxièmement, je pense que nous menons une politique, dans un contexte extraordinairement difficile, qui nous a été légué, qui est une politique qui vise à redresser le pays et qui nest pas une politique qui vise à plaire.
GUILLAUME DURAND
Et ce nest pas de la défiance des Français à légard de François HOLLANDE ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, le courage politique, dans un contexte de crise, ça suscite peut-être, au début, des interrogations, avant que les résultats ne commencent à susciter de ladhésion. Et moi je pense quil vaut mieux être courageux, sans chercher à plaire au début du quinquennat, plutôt que de vouloir plaire en oubliant dêtre courageux, et en laissant le pays continuer à aller à la dérive. Encore une fois je veux rappeler que la situation qui nous a été laissée, doublement de la dette, creusement des déficits, effondrement de notre compétitivité avec 75 milliards de déficit du commerce extérieur, un pays profondément divisé, tout cela ne se répare pas en quelques mois.
GUILLAUME DURAND
On va prendre une minute supplémentaire Gilles, car vous vouliez poser une question sur limpôt.
GILLES LECLERC
Oui, une dernière question sur la fiscalité. A votre place, Bruno LE ROUX il y a quelques jours, disait que finalement il faut remettre sur la table une vraie réforme fiscale, disait-il, et notamment la fameuse fusion IR/ CSG. Vous en pensez quoi ?
GUILLAUME DURAND
Ce que je pense cest que la réforme fiscale nous lavons engagée. Lorsque nous rétablissons la progressivité de limpôt sur la fortune, lorsque nous créons une nouvelle tranche à 45% de limpôt sur le revenu, lorsque nous alignons la fiscalité du travail sur la fiscalité du capital, lorsque nous modifions les plafonds sappliquant aux droits de succession, lorsque nous essayons de faire converger la fiscalité des grands groupes sur celle des PME pour faire en sorte que les PME qui innovent soient davantage aidées que les grands groupes, cela sappelle comment ? Jappelle cela une réforme fiscale. Est-ce quil y a un Grand soir fiscal au lendemain duquel tout sarrête ? Non, la réforme fiscale cest quelque chose de continu, cest un processus constant, cest un effort dadaptation en permanence du droit fiscal aux réalités de la société et de léconomie pour que léconomie soit plus performante. Donc la réforme fiscale cest en permanence, elle a commencé, elle a été ample, nous allons la poursuivre, et nous allons la poursuivre en essayant de faire en sorte que la réforme fiscale ne signifie pas plus dimpôts, parce que demain, si nous voulons redresser léconomie, il faut faire davantage déconomies.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 mai 2013