Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la "conférence de la méthode" en vue de la préparation de la conférence sociale des 20 et 21 juin, à Paris le 22 mai 2013.

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Circonstance : Réunion du Premier ministre et des partenaires sociaux, à l'hôtel de Matignon le 22 mai 2013

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Présidents et Secrétaires généraux,
Nous sommes réunis ce jour pour ce que nous avons appelé l'an passé la "conférence de méthode".
C'est une étape importante dans la démarche de dialogue social approfondi qui, je crois, est souhaitée par chacun autour de cette table.
Nous aurons l'occasion lors de la conférence sociale de dresser un bilan de la première feuille de route sociale. Mais permettez-moi dès à présent de saluer votre implication passée et à venir.
Nous avons à mon sens fait avancer de très nombreux chantiers. Certains sont plus connus que d'autres et il sera important de détailler leur bilan, non pas pour nous, mais parce que les résultats produits par le dialogue social ne sont pas encore une évidence pour les Français. A nous, collectivement, de faire la preuve, que nous avons choisi là la bonne méthode, pour remettre en marche notre pays.
Je tiens à vous remercier pour la grande qualité de nos rencontres du 13 mai dernier.
Soyez assurés qu'avec les ministres présents, nous avons entendu vos attentes, vos alertes parfois, et vos propositions.
Cette deuxième conférence sociale doit ouvrir de nouvelles perspectives et répondre aux enjeux de notre pays comme aux attentes de nos concitoyens.
Votre volonté de poursuivre la méthode du dialogue social et de tenir une deuxième conférence sociale sous le signe de l'ambition est d'ailleurs le premier enseignement que je retire de nos échanges.
Le deuxième élément qui est apparu de façon évidente est que cette deuxième conférence doit être guidée par une priorité majeure : l'emploi. C'est donc une "grande conférence sociale pour l'emploi" que nous devons préparer ensemble.
Je commencerai donc par ce sujet.
1) Emploi et formation professionnelle
La table ronde "emploi –formation professionnelle" devra traduire la volonté de tous les acteurs (Etat, partenaires sociaux, collectivités territoriales) de mobiliser ensemble tous les leviers pour lutter contre le chômage.
Je réunirai demain les ministres concernés par la mobilisation des outils de la politique de l'emploi. Pas moins de 20 secteurs ministériels sont concernés. De la même façon, tous les acteurs publics et privés doivent poursuivre leur mobilisation et veiller à déclencher de véritables dynamiques de terrain. La table ronde devra permettre de faire le point sur les actions à renforcer pour maintenir les salariés en emploi et déployer tous les outils favorisant l'accès ou le retour à l'emploi.
J'ai bien noté la demande de plusieurs d'entre vous que notre conférence "parle aux Français" et en particulier à ceux qui sont confrontés aux effets les plus durs du chômage, notamment quand il est de longue durée. Un regard particulier devra donc être porté sur la prise en charge, l'accompagnement et la formation des demandeurs d'emploi. Je pense notamment au lien entre assurance chômage, politiques de solidarité et accompagnement des demandeurs d'emploi. Je sais que la négociation de l'assurance chômage sera un moment important entre partenaires sociaux et je respecte ce temps du paritarisme. Pour autant, la complexité des liens entre les systèmes relevant de l'Etat ou des partenaires sociaux doit être notre problème, et non pas celui des personnes déjà placées dans des situations difficiles. A nous de savoir répondre collectivement à des situations telles que les fins de droit.
Ces réflexions contribueront à alimenter les objectifs d'une réforme ambitieuse de la formation professionnelle, réorientant davantage de moyens vers les demandeurs d'emploi et les salariés qui en ont le plus besoin et contribuant à la compétitivité des entreprises pour les doter des compétences adaptées.
2) Conditions de travail et santé au travail
Donner la priorité à l'emploi suppose aussi d'aborder la situation des salariés. Il nous est apparu essentiel qu'une table ronde puisse se porter sur la question du travail, des conditions de travail et de la santé au travail, en tenant compte de l'avancée de vos négociations.
A cet égard, et tout en respectant l'autonomie de la négociation collective, je ne peux que souligner les avantages que verrait le gouvernement à ce que la négociation en cours sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail soit aboutie avant cette 2ème conférence sociale.
Derrière les conditions de travail, nous pensons nécessaire d'aborder les questions de prévention des risques professionnels et la définition des objectifs de politiques publiques et conventionnelles en la matière.
Les questions de santé au travail devront aussi y trouver toute leur place, avec un lien entre santé au travail et santé publique et environnementale.
3) Filières d'avenir
Développer l'emploi, c'est bien sûr anticiper les évolutions de notre économie. Depuis un an, des avancées majeures ont été mises en œuvre, pour réaffirmer et élargir le rôle des filières professionnelles comme moteur de la croissance de l'industrie.
A partir de l'analyse des grands enjeux pour la France, à l'horizon 2020/2030, il nous faudra réfléchir à l'évolution des filières industrielles, et plus globalement aux emplois de demain.
Qu'il s'agisse des quatre priorités fixées par le Président de la République - le numérique, la transition énergétique, la santé et les grandes infrastructures de transport – des nouvelles filières émergentes ou des filières dites matures, l'important est d'éclairer et de renforcer leur potentiel de croissance. Ce sera un des objets du plan d'investissements que le gouvernement présentera à l'été pour les dix ans qui viennent.
Mais évidemment, les métiers de demain ne se trouvent pas que dans l'industrie. Nous souhaitons aussi échanger (et ce n'est pas contradictoire) sur les services, sur l'économie sociale et solidaire, sur tous les secteurs porteurs d'avenir.
4) Retraites
Si la question de l'avenir des retraites n'est pas le sujet central de cette 2ème conférence sociale d'abord tournée vers l'emploi, il est évident qu'elle représente un enjeu essentiel.
La quatrième table ronde sera d'abord l'occasion de faire le point sur la mise en œuvre de la feuille de route de la 1ère conférence sociale, qui comportait deux volets : retraites et financement de la protection sociale.
Sur le financement de la protection sociale, le haut conseil du financement de la protection sociale doit rendre des premières conclusions début juin. Il doit ensuite poursuivre ses travaux sur les besoins de financement à moyen et long terme et identifier les évolutions possibles des ressources des différentes branches, pour en assurer un financement adéquat.
Compte tenu de ce calendrier, la table ronde pourrait donc cette année être centrée sur la seule question des retraites. La commission pour l'avenir des retraites présidée par Mme Moreau doit rendre son rapport début juin. La table ronde permettra d'échanger sur ses propositions.
5) Services publics et modernisation de l'action publique
Notre service public n'est pas une charge mais une fierté. Sa modernisation doit contribuer au redressement de notre pays. C'est tout l'objet de la démarche de modernisation de l'action publique (MAP). Vous avez souhaité y être associés. J'ai entendu votre demande et nous y consacrerons une table ronde.
Ses travaux permettront de définir les modalités de l'association des partenaires sociaux à cette démarche et notamment en termes de présence des services publics sur les territoires. Vous pourrez également échanger sur des thématiques déjà engagées par des actions programmées dans le cadre de la MAP, notamment l'accès aux services publics ou encore les simplifications des procédures et des démarches pour les usagers, citoyens et entreprises.
6) Europe sociale
De nos échanges, je retiens enfin un intérêt à la fois fort et partagé sur les enjeux de l'Europe sociale.
Une table ronde pourrait donc y être consacrée. Outre les sujets touchant à l'actualité législative de l'Europe sociale, comme la directive "détachement", elle permettrait :
- d'échanger sur les initiatives en cours de préparation, en particulier en ce qui concerne l'emploi des jeunes ;
- d'aborder l'avenir des politiques sociales européennes, notamment la réflexion sur la dimension sociale de l'union économique et monétaire et sur la mise en place d'un salaire minimum au sein des Etats membres de l'Union ;
- de réfléchir à une meilleure association des partenaires sociaux à l'élaboration des politiques européennes.
La deuxième conférence sociale se tiendra quelques jours avant le Conseil européen et elle pourrait ainsi donner encore plus de force à la position française.
Voilà les propositions que nous vous faisons aujourd'hui.
Michel Sapin va maintenant vous présenter plus en détail le déroulé de ces deux jours et notamment de la première matinée qui vous est réservée et qui pourra porter à la fois sur le bilan de la 1ère conférence sociale, sur le contexte économique, ainsi que sur le dialogue social.
A cet égard, je tiens à vous dire que nous sommes attachés à disposer en amont du 20 juin des propositions demandées aux organisations patronales sur leur représentativité, et, lors de la conférence sociale, à approfondir les conditions et moyens du dialogue social. C'est, vous le savez, la "marque de fabrique" de mon gouvernement.
Source http://www.gouvernement.fr, le 23 mai 2013