Texte intégral
« LAlgérie nest pas un marché, cest un partenaire économique essentiel ».
Entretien réalisé par Nadjia Bouzeghrane le 28 mai 2013
- « Je ne viens pas ici pour faire du commerce, je viens ici devant vous pour marquer un temps nouveau » , affirmait le président Hollande devant les parlementaires algériens en décembre dernier. Vous qui êtes ministre du Commerce extérieur, quel contenu donnez-vous à ce « temps nouveau » proclamé par le président François Hollande ?
La visite dEtat du président de la République en Algérie fut un moment fort, qui a permis, je le crois, dinitier un nouvel âge des relations entre nos deux pays.
A loccasion de son discours devant les deux chambres du Parlement algérien, le chef de lEtat a trouvé les mots justes pour évoquer le passé, dire la vérité et se tourner vers lavenir. Nous avons rétabli la confiance, le respect et la sérénité, nous nous inscrivons dans la durée. LAlgérie nest pas un marché, cest un partenaire économique essentiel, notre premier en Afrique en 2012 dailleurs.
- Quelle est la traduction concrète, sur le terrain, des textes signés en décembre 2012 à Alger par les présidents Bouteflika et Hollande tels le document-cadre de partenariat ; le mémorandum de coopération financière ; la convention de partenariat et de coopération dans les domaines de lagriculture, du développement rural et de lagroalimentaire ; la déclaration conjointe pour un partenariat industriel et productif ?
Le soufflé de la visite dEtat nest pas retombé. Le président de la République est dailleurs très vigilant quant au respect des engagements pris.
Pour prendre les exemples que vous citez, sagissant du mémorandum de coopération financière que javais signé avec le ministre des Finances, M. Djoudi, un accord a été signé en mars dernier à Paris entre la Direction générale des finances publiques et son homologue algérienne.
Concernant laccord agricole, le comité mixte sest réuni pour la première fois le 11 avril dernier. Enfin, sagissant des partenariats industriels, nous organisons ce grand forum de partenariat, tenons notre première réunion du comité mixte économique franco-algérien et avons nommé, avec M. Montebourg, un expert de haut niveau, M. Levet, pour mener à bien cette mission. Plusieurs projets concrets, dentreprises, sont déjà sur la table.
Et dautres accords sont en cours ou vont être lancés dans les prochains jours. Sur tous les plans, je suis frappée par la densité des échanges, leur qualité, le bon avancement des dossiers.
- Quel est létat davancement de lusine Renault implantée à Oran ? De la construction dun complexe de vapocraquage déthane entre Total et Sonatrach ?
Concernant lusine Renault, la préparation du site piloté par la SNVI est en cours et sera terminée dici quelques semaines. En parallèle, les démarches administratives se poursuivent afin que, dès le début du mois de septembre, Renault Algérie Production puisse débuter les travaux de construction et daménagement nécessaires à la mise en place des installations de production. Par ailleurs, des réunions de travail avec les autorités en charge de lemploi ont déjà eu lieu afin de préparer les processus de recrutement et de formation.
A ce jour, avec le concours de tous les partenaires impliqués dans ce challenge, le planning du projet devrait être respecté et la première Renault Symbol devrait être produite en novembre 2014. Voici un bel exemple de partenariat industriel.
Pour Total, il sagit dun investissement industriel majeur de plusieurs milliards de dollars. Il était prévu, lors de la signature en 2007, que ce vapocraqueur soit alimenté par de léthane fourni par Sonatrach. Fin 2012, Sonatrach a demandé que Total investisse également dans les installations dextraction déthane, en amont du vapocraqueur. Total demeure intéressé par ce projet et a demandé à Sonatrach les conditions contractuelles permettant dévaluer cette nouvelle proposition.
- Où en est la réalisation des accords commerciaux que vous avez signés portant notamment sur la construction par Sanofi-Aventis dune usine de produits pharmaceutiques à Sidi Abdallah ; la création dune coentreprise franco-algérienne de développement de systèmes dinformation hospitaliers pour équiper le CHU dOran ; la mise en place dune société conjointe de fabrication de sutures chirurgicales basée à Tizi Ouzou ?
Tous ces projets, dont jai parrainé la signature en décembre dernier, avancent bien. Ils illustrent le nouvel état desprit que je mentionnais. Nous avons, en grande partie, dépassé le temps des contentieux.
Concernant Sanofi-Aventis, les travaux de lusine de produits pharmaceutiques pourront démarrer dès lobtention du permis de construire dans tous les prochains mois, et la levée des dernières contraintes, notamment celles liées à la déviation de la route traversant le site.
De leur côté, les groupes Medasys et Hasnoui ont créé une entreprise spécialisée dans les solutions de système dinformation clinique. Il sagit dun exemple de partenariat industriel, puisque cette entreprise opérera depuis lAlgérie, qui ne dispose pas dune telle technologie à ce jour, pour exporter ensuite vers lAfrique.
Ce sont des projets créateurs demplois, 10 à 15 personnes pourront être recrutées dès la première année.
Autre exemple de partenariat, la mise en place dune société conjointe de fabrication de sutures par les entreprises françaises Peters Surgical et algérien Vicralys. Les produits qui seront fabriqués ici et qui renforceront lemploi en France comme en Algérie, seront de grande qualité.
- « Je veux que la destination Algérie devienne une évidence pour les entreprises de tous les secteurs, quil sagisse dagroalimentaire, dindustrie, de nouvelles technologies, de services », avez-vous déclaré à Alger en septembre 2012. Pour constater que « depuis une décennie, la position de la France en Algérie, qui demeure élevée, sérode ». Pourquoi lengouement des entreprises françaises pour lAlgérie reste, malgré vos incitations, modéré ? Les investisseurs français invoquent la « lourdeur » de ladministration algérienne. A votre sens les obstacles qui retardent ou rendent complexe lacte dinvestissement français en Algérie ont-ils été levés ?
Je ne sais pas alors quand il faut parler dengouement. Plus de 1000 entreprises françaises se rendent en Algérie chaque année, notamment lors de salons et de missions collectives, mais pas seulement. La France demeure le premier investisseur hors hydrocarbures et comptabilise de nouveaux investissements : Lafarge, Bel, etc.
Lorsque nous avons organisé la Journée Algérie début avril à Paris, avec le ministre de lIndustrie, M. Rahmani, plus de 250 entreprises françaises étaient présentes : nous avons dû refuser du monde. Je métais fixé cet objectif de remobilisation des PME françaises, les exemples de réussite que je citais précédemment sont portés par des entreprises de cette taille. Je crois que nous avons commencé à inverser la tendance.
Je me déplace beaucoup, dans toutes les régions du monde, et je ne connais pas de pays « faciles ». Les investisseurs français comme tous les investisseurs étrangers évoquent quelquefois les difficultés afférentes au climat des affaires : nous nous félicitons à ce titre de la création du comité national pour lamélioration des affaires, qui vise justement à faciliter le travail des entreprises.
- En quoi le premier forum de partenariat franco-algérien qui se tiendra à Alger les 28 et 29 de ce mois se distingue-t-il de celui qui sest tenu en mai 2011 ?
Le précédent forum était un forum daffaires multisectoriel, à la fois commercial et industriel.
Il sagit cette fois dun forum dédié aux partenariats productifs et industriels, dans la logique de la déclaration intergouvernementale que nous avons signée en décembre dernier. Une cinquantaine dentreprises françaises ont été sélectionnées, ciblées sur quatre filières prioritaires, qui mettent en regard les demandes algériennes et loffre française, correspondant en grande partie à celles que nous avions déjà identifiées : lindustrie agroalimentaire, lindustrie pharmaceutique, le BTP, la sous-traitance automobile et mécanique.
- Le marché économique algérien devient plus concurrentiel et des entreprises dautres pays de lEurope en crise veulent y prendre une part active
Oui, nous sommes conscients de la concurrence, qui est naturelle et même saine, à partir du moment où elle nest pas déloyale. Il est légitime que lAlgérie souhaite diversifier son économie, et être moins dépendante des hydrocarbures. Nous pensons justement que cette démarche coproductive contribuera à la réalisation de ce double objectif pour lAlgérie et pour la France de demeurer des partenaires de premier plan, tout en contribuant à la modernisation et à la diversification du tissu productif algérien.
- Quelles mesures préconise le gouvernement français pour favoriser linvestissement dentreprises algériennes en France ? Y a-t-il, à votre connaissance, des cas concrets dentreprises algériennes ayant fait cette démarche ?
Il ne nous appartient pas de préconiser des mesures particulières, mais, comme lavait indiqué le président de la République en décembre dernier, les entreprises algériennes sont les bienvenues pour investir en France.
Notre pays est lune des toutes premières destinations des investissements productifs étrangers. Il dispose datouts majeurs, et propose des dispositifs incitatifs pour faciliter les investissements étrangers.
Je comprends que les autorités algériennes souhaitent pour linstant privilégier les investissements des entreprises algériennes sur le territoire national.
Nous respectons cela. Mais je souhaite, à terme, que nous parvenions à créer cette dynamique dinvestissements croisés qui sera laboutissement de la logique de partenariat industriel.
Source http://www.ambafrance-dz.org, le 13 juin 2013