Interview de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, à RTL le 29 avril 2013, sur le débat suscité par le manifeste du courant "Maintenant la gauche" du PS concernant la politique économique menée en Europe et la polémique à propos de l'installation de radars, mobiles notamment, sur les routes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez répondu fermement hier dans LE PARISIEN au dirigeant du Parti socialiste qui dénonce l'égoïsme d'Angela MERKEL et aussi au président de l'Assemblée nationale, Claude BARTOLONE qui souhaite une confrontation avec l'Allemagne sur la politique économique suivie en Europe. Des propos – je vous cite – irresponsables, démagogiques et nocifs. Réponse de Claude BARTOLONE hier, parce qu'il y a des feuilletons dans ce dossier, que les ministres se concentrent plutôt sur l'état d'avancement de leur travail. Pourquoi un tel ton dans la majorité ? Aucun débat possible sur l'Allemagne ?
MANUEL VALLS
Moi, je suis totalement concentré, évidemment, sur ma mission, la lutte contre l'insécurité, la lutte contre la délinquance et notamment dans le département de la Seine-Saint-Denis, le département de Claude BARTOLONE, qui salue régulièrement l'action qui est la mienne, évitons donc les faux débats. Oui, qu'il y ait un débat avec non seulement l'Allemagne, mais au sein de l'Europe, sur le nécessaire équilibre à trouver entre la réduction des déficits publics et le soutien à la croissance, c'est un débat légitime, il a lieu d'ailleurs actuellement. Il y a quelques mois, le débat, c'était : comment sauver l'euro ? Ce débat est en partie derrière nous, précisément, grâce aux engagements, à l'action de François HOLLANDE. Aujourd'hui, il faut avoir ce débat. Mais il faut l'avoir…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais alors, qu'est-ce que vous répondez…
MANUEL VALLS
Mais il faut l'avoir avec mesure, il ne s'agit pas de chercher un bouc-émissaire qui aura les traits d'Angela MERKEL, le bouc-émissaire serait l'Allemagne pour cacher nos propres insuffisances, et pour ne pas dire quels seront les efforts, quels sont les efforts que nous devons mener dans notre pays, et surtout, pour nous expliquer qu'il faut un tournant de la politique économique. Il y a un cap qui est déterminé depuis un an par le président de la République, c'est lui qui fixe ce cap, il ne faut pas en changer.
JEAN-MICHEL APHATIE
La confrontation avec l'Allemagne, vous n'y croyez pas ?
MANUEL VALLS
Je ne crois pas à ces mots, l'Europe, ça n'est pas la confrontation, la relation entre la France et l'Allemagne, c'est le compromis, sans ce compromis, on ne peut pas avancer, sans un compromis sur la croissance, sur l'union bancaire, sur la lutte contre les paradis fiscaux, nous ne pourrons pas avancer le dialogue avec l'Allemagne, oui, le débat, bien entendu, mais pas la confrontation, et avec des mots qui – je crois – ne correspondent pas à ce qu'est l'idéal européen des socialistes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et selon vous, ce débat en cache un autre, ceux qui veulent mener ce débat à gauche, au sein du Parti socialiste, veulent en fait changer de politique économique, c'est ce que vous dites ?
MANUEL VALLS
Mais j'ai l'impression que oui, et donc pour cela, il faut sans doute des clarifications, nous gouvernons dans des moments extrêmement difficiles, parce que nous sommes face à une crise économique, mais aussi une crise d'identité, les Français ont le sentiment de vivre un déclassement personnel et collectif, à une crise culturelle, qui touche notre pays, mais beaucoup de pays d'Europe. Et pour cela, nous devons pleinement assumer la responsabilité, c'est ce que les Français nous ont confié il y a un an. Et donc il ne faut pas revenir aux vieilles lunes, à l'idée de la dépense publique, au fait que nous pourrions avoir une politique économique uniquement dans notre pays, et pas au niveau de l'Union européenne…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ceux qui disent…
MANUEL VALLS
Nous sommes dans un monde qui a changé. Donc quand la gauche, elle gouverne, elle doit regarder la réalité en face, elle doit faire preuve de responsabilité et de cohérence…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ceux qui disent que l'austérité nous tue à petit feu, vous leur répondez quoi, Manuel VALLS ?
MANUEL VALLS
Que ça n'est pas faux, une politique d'austérité, elle risque effectivement de mettre à mal tout retour à la croissance, mais il n'y a pas de politique d'austérité en France. Quand on crée 60.000 emplois dans l'Education nationale, quand on crée 5.000 emplois dans la justice, quand on crée 5.000 emplois dans la police pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Quand on crée 4.000 emplois à Pôle Emploi, pour permettre aux chômeurs, demain, de trouver, dans des conditions meilleures, un travail, ça n'est pas l'austérité. En revanche, le sérieux budgétaire, il est indispensable, vous-même, tous les observateurs, les Français d'abord, considèrent que la dépense publique pose un problème pour l'avenir dans notre pays, il faut lutter contre l'endettement public, contre l'endettement privé, contre une dépense publique qui tue à petit feu, qui nous pose un problème de souveraineté nationale. François HOLLANDE l'a dit pendant la campagne, ceux qui l'ont soutenu connaissent son cap, son projet et son programme, qui ne déviera pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et pourtant, ça n'a pas l'air de porter bonheur à François HOLLANDE, qui est très bas dans les sondages. Un an après sa prise de fonction, 25% de Français sont satisfaits de sa politique.
MANUEL VALLS
Parce que c'est difficile, et en même temps, il ne faut pas changer de cap, comment, un an après notre victoire, alors que nous avons engagé cet effort de réduction des déficits, mais surtout, cet effort considérable de soutien à la compétitivité, voilà, Claude BARTOLONE a dit cette semaine une chose très juste : il faut renouer davantage avec les entreprises, c'est ce qui va être fait aujourd'hui autour du président de la République, parce que les entrepreneurs, les PMI, les PME, les TPE, les commerçants, les artisans ont besoin davantage de soutien, il y a un problème de coût du travail, donc nous devons soutenir la compétitivité et la croissance pour l'emploi. Mais là aussi, il faut regarder la société en face telle qu'elle est.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous, ministre de l'Intérieur, vous intervenez dans tous ces débats, on va dire : tiens, il pense à autre chose, Manuel VALLS…
MANUEL VALLS
Non, quand l'essentiel est en jeu, moi, je suis – je vous l'ai dit il y a un instant – totalement consacré à ma mission, ma mission, c'est : la sécurité, c'est la sécurité civile, c'est la politique d'immigration, c'est la relation avec des cultes, je suis le ministre de l'Etat, des préfectures et des sous-préfectures. Mais quand l'autorité du président de la République est mis en cause par des interventions qui sont fausses, quand la crédibilité du pays et sa politique économique, budgétaire et financière sont attaquées, quand la loyauté vis-à-vis du président n'est pas au rendez-vous, je crois que c'est important que ce qui compte dans ce gouvernement, ce qui compte au sein du Parti socialiste, ce qui compte dans le pays prenne la parole et dise : attention, attention, il en va de l'essentiel.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est dit. On va penser que décidément, vous avez beaucoup de soucis de défendre le président de la République, mieux que ne le font d'autres.
MANUEL VALLS
Non, mais c'est mon rôle, je vous rappelle que j'étais candidat à la primaire, que je suis engagé depuis le début derrière François HOLLANDE, que je suis dans ce gouvernement pour que la France réussisse. Il faut que nous ayons cela en tête, nous devons réussir, pas pour nous-mêmes, mais pour la France et pour nos compatriotes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les Français, Manuel VALLS, et parmi eux, les conducteurs, sont favorables à l'installation de radars, ils savent que cela contribue à la sécurité routière, mais ils s'étonnent, et donc quelquefois, ils le dénoncent, de la présence de certains radars dans les descentes, au feu rouge, à des endroits où le danger paraît très faible, 72 radars inutiles dit l'association « 40 Millions d'Automobilistes. » C'est uniquement fait pour rentrer de l'argent, disent-ils. Que leur répondez-vous ?
MANUEL VALLS
Grâce à l'action de Jacques CHIRAC, il y a dix ans, on est passé de 8.000 à 4.000 morts sur les routes. Et je me suis fixé pour les années qui viennent, d'ici à 2020, de passer de 4.000 à 2.000 morts, et grâce notamment à la limitation des vitesses. La limitation de la vitesse n'a qu'un seul objectif : sauver des vies.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais est-ce qu'il y a des radars inutiles ?
MANUEL VALLS
La vitesse excessive est la cause principale des accidents mortels.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il y a des radars inutiles et pièges…
MANUEL VALLS
Peut-être, mais il y a 66% de morts en moins à proximité des radars. Donc je ne faiblirai pas, je ne baisserai pas la garde, on peut s'adresser à la Commission nationale de sécurité routière si on estime qu'il y a un abus. Je regarderai avec intérêt évidemment les propositions qui aujourd'hui sont faites, mais attention, nous ne pouvons pas baisser la garde dans ce domaine-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous êtes ouvert à une discussion sur quelques radars, 4.000 radars en France, l'association dit : 72 qui sont mal placés…
MANUEL VALLS
4.047…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas beaucoup, 72…
MANUEL VALLS
4.047 radars mobiles, ça rapporte 730 millions d'euros, ça sauve des vies, si là ou ici ou là, on peut regarder un radar qui serait inutile, pourquoi pas, mais attention à ce débat, les Français parfois reconnaissent – un quart d'entre eux – ne pas respecter des limitations, soit parce qu'ils sont pressés, soit parce qu'ils pensent que la route le permet ; encore une fois, nous ne devons pas baisser la garde face à tout ce qui provoque des accidents, à la fois la vitesse, mais aussi la consommation d'alcool ou de stupéfiants.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 mai 2013