Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les principes appelés à guider la réforme du système de retraite ("la continuité et la justice"), à Paris le 14 juin 2013.

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Circonstance : Remise du rapport de la commission présidée par Yannick Moreau sur l'avenir des retraites, à l'hôtel de Matignon le 14 juin 2013

Texte intégral

Bonjour mesdames, messieurs, j'ai reçu ce matin le rapport de la Commission présidée par Yannick Moreau. C'est un rapport riche, dense et utile et, surtout, d'une grande lucidité, qui laisse au gouvernement toute liberté de choix sur un sujet aussi essentiel que l'avenir de notre système de retraite. Mais la retraite, ce n'est pas un élément parmi d'autres de notre système social, chaque Français en est profondément convaincu. Je crois que la France s'est dotée au fil des générations d'un système de retraite qui ouvre un nouvel âge de la vie, c'est pour ça que les Français y sont si attachés. Et en même temps, je crois que si nous savons faire preuve de courage et de lucidité, et surtout rester fidèles aux valeurs qui ont fondé ce régime de retraite par répartition, nous pouvons parfaitement affronter les difficultés qui se présentent à nous.
Je crois en effet que nous avons le devoir de vérité, et je comprends l'inquiétude des Français, je comprends même aussi l'inquiétude des jeunes qui disent parfois : nous, nous n'aurons pas de retraite. Je voudrais rassurer sur un point essentiel, c'est que la France a une chance formidable par rapport à d'autres pays, par rapport à des pays voisins, c'est notre démographie qui est une démographie dynamique et qui, en elle-même dans la durée, garantit le système de retraite par répartition. Ce que dit le rapport Moreau, c'est donc une chance pour la France, mais par contre il y a une difficulté, c'est le devoir de vérité, c'est que le problème de financement se pose entre maintenant et les 20 ans qui viennent, pour une raison simple que chacun comprend bien, c'est qu'après la guerre la France a connu une démographie très dynamique qu'on appelle le baby-boom. Et donc beaucoup de personnes arrivent aujourd'hui à l'âge de la retraite, et cette situation va durer encore plusieurs années. Il faut donc financer la retraite de ces personnes, de ces Françaises et de ces Français. Et puis il y a une chose qui joue mais qui est une chance pour chacun et chacune d'entre nous, c'est l'espérance de vie qui augmente, c'est-à-dire que la durée de vie à la retraite est plus longue qu'autrefois.
Donc c'est face à cela que nous devons nous situer pour traiter ce problème avec courage et efficacité. Mais cette réforme, elle est totalement à notre portée, j'en suis sûr. Il y aura des efforts à faire, mais ces efforts ne sont pas écrasants, simplement il faut faire le choix. Et ils seront guidés par deux principes, la continuité et la justice. La continuité, c'est assurer le financement dans la durée, pas seulement pour les 20 ans qui viennent mais pour les générations à venir du financement de notre système de retraite par répartition. Et le deuxième principe, je l'ai dit, c'est la justice, et là je pense aux petites retraites, je pense aux femmes, je pense à ceux qui ont – à travers leur carrière – cotisé à plusieurs régimes de retraite, je pense aussi aux travailleurs qui ont eu des travaux pénibles et qui sont défavorisés par rapport à la durée de leur retraite, et puis je pense aux jeunes qui entrent et qui entreront plus tardivement dans la vie active.
C'est ces problèmes qu'il faut traiter, nous allons les traiter mais il y a une méthode pour y parvenir, c'est la concertation, c'est le dialogue avec les partenaires sociaux. Je souhaite que cette concertation soit dense, qu'elle soit riche et qu'elle soit en même temps sincère, en partant d'abord des constats que nous pouvons partager et puis en confrontant les différentes solutions, mais avec une ambition qui doit être la nôtre et qui doit être collective, qui doit être celle des Françaises et des Français, c'est d'assurer la retraite de tous pour aujourd'hui, pour demain et pour après-demain.
C'est la clé même de la confiance dans notre pacte social. Moi je veux être le garant d'une concertation réussie, d'une concertation utile et surtout, je voudrais faire une mise en garde, je refuserai toute opposition entre les jeunes et les retraités, entre les actifs et les retraités et aussi entre les différents régimes. Ça serait une mauvaise méthode qui rendrait la concertation beaucoup plus difficile. Ce qui est essentiel, c'est d'aller rechercher – et j'y contribuerai avec Marisol Touraine et les autres membres du gouvernement qui vont conduire cette concertation – tout ce qu'il y a de commun et d'essentiel que nous pouvons partager, et qui sera – une fois que cette réforme sera réalisée – un plus pour la France, un élément supplémentaire de la cohésion nationale et de la cohésion sociale.
Ça demande beaucoup de travail, j'en suis convaincu, la concertation commence maintenant, le dialogue aura lieu à la conférence sociale et puis ensuite, de nombreuses rencontres bilatérales et je m'impliquerai avec les autres ministres pour que cette concertation aille le plus loin possible. Et ensuite – et c'est ma responsabilité, c'est celle du gouvernement – à la fin de l'été le gouvernement présentera un projet qui sera ensuite soumis au Parlement. Merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 17 juin 2013