Déclaration de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, sur les grandes lignes de son projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, Paris le 28 mai 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence parlementaire sur l'économie sociale et solidaire, à Paris le 28 mai 2013 (Maison de la Chimie)

Texte intégral

Madame la Sénatrice,
Madame la Députée,
Monsieur le Député,
Mesdames, Messieurs,
Le but premier de la loi relative à l’économie sociale et solidaire est de fixer un cadre pour permettre à l’ESS de changer d’échelle :
- Un cadre de reconnaissance pour ce secteur important à la fois en termes économiques, mais aussi en termes de lien social.
- Un cadre de structuration dans le respect de la diversité des familles de l’ESS ;
- Un cadre de développement enfin, car si les entreprises de l’ESS se sont montrée plus « résilientes » face à la crise que les entreprises « classiques » (« marchandes »), il faut leur donner les moyens de se développer face à la concurrence du secteur « marchand », et lever les freins qui peuvent encore exister à la diffusion de ce modèle particulier d’entreprendre.
Le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 17 juillet et sera discuté au Parlement à la session extraordinaire de septembre.
Je le disais, le projet de loi poursuit trois grands objectifs : (i) reconnaître, (ii) structurer et (iii) développer l’ESS.
1/ Premier objectif : reconnaître et conforter les spécificités de l’ESS en tant que modèle.
- Au-delà de la grande diversité des acteurs, des activités et des formes d’entreprendre, il s’agira d’abord, et pour la première fois, de définir le périmètre de l’ESS autour des valeurs communes sur lesquelles elle se fonde.
- J’ai voulu un périmètre qui soit le plus inclusif possible. Il intègrera non seulement les acteurs « historiques » (coopératives, mutuelles, associations) qui ont contribué au développement de ce secteur, mais aussi de nouvelles entreprises qui en partagent les valeurs et les principes mais pas forcément les statuts.
- Ces deux modes d’entreprendre concourent aujourd’hui en France à créer non seulement de l’activité mais aussi de l’emploi et à articuler activité économique et utilité sociale.
- Il n’y aura pas à proprement parler de « labellisation », mais les entreprises devront se déclarer comme respectant les critères définissant l’économie sociale et solidaire, si elles souhaitent bénéficier des droits (financements) qui s’y attachent.
- Les critères définissant l’ESS que devront respecter les nouveaux entrants dans l’ESS sont les suivants :
• Une gestion démocratique, c’est-à-dire permettant la participation des parties prenantes de l’entreprise aux réalisations de l’entreprise, qu’il s’agisse de ses salariés, de ses sociétaires ou de ses bénéficiaires ;
• La poursuite d’un but autre que de partager des bénéfices ;
• Une gestion conforme à des principes fondés sur le réinvestissement majoritaire des bénéfices dans l’activité de l’entreprise, sur le caractère impartageable des réserves, et sur la rémunération encadrée du capital.
- Nous proposerons aux acteurs l’élaboration d’une charte de l’économie sociale et solidaire qui détaillerait les grands objectifs (dialogue social, partage des bénéfices, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, etc.) qui rassemblent le secteur.
- La loi va également rénover l’agrément « solidaire » que je souhaite réformer pour mieux reconnaître et inclure les entreprises dont l’activité à forte utilité sociale pèse de manière significative sur leur rentabilité et qui, de ce fait, ont besoin de financements « renforcés ». Continueront bien sûr à en faire partie, de droit, les entités de l’IAE.
2/ Deuxième objectif : structurer l’ESS dans les territoires et au niveau national.
- Le projet de loi rénovera le cadre « institutionnel » actuel de l’ESS pour inscrire l’ESS comme un acteur et un interlocuteur à part entière de la vie économique de notre pays, au niveau national comme au niveau territorial.
- Les chambres régionales de l’ESS verront leurs missions reconnues et élargies. Le Conseil Supérieur sera reconnu comme un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, puisque j’entends l’ériger en organe consultatif du Gouvernement sur toutes les questions relatives à l’ESS.
- Une conférence nationale triennale rassemblera l’ensemble des acteurs du secteur (y compris des représentants des assemblées parlementaires et des élus locaux) pour tirer le bilan et tracer les perspectives de l’action publique dans le domaine de l’ESS.
- Au niveau local et sur le modèle de la conférence nationale, des conférences régionales seront également mises en place, impliquant l’ensemble des acteurs locaux qui permettront l’échange et le partage des expériences locales, dont le rôle sera ainsi reconnu et soutenu.
- La reconnaissance légale des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) permettra aussi de donner un cadre sécurisé à ces initiatives qui mettent en synergie les moyens et les actions des acteurs publics et privés dans les territoires.
3/ la dernière priorité du projet de loi, bien sûr, c’est le développement de l’ESS.
Car j’entends donner à l’ESS les moyens de son développement.
* Les moyens financiers d’abord,
- Un meilleur « fléchage » des différents outils de financement (BPI, finance solidaire, fonds propres, prêts) sera mis en place grâce au cadre fixé par les définitions contenues dans la loi ;
- En outre, il s’agira de faciliter l’accès des acteurs de l’ESS à la commande publique : en anticipation de la directive européenne sur les marchés publics, la loi posera le principe de la possibilité, pour les acheteurs publics de réserver une part de leurs marchés aux entreprises de l’IAE.
- Par ailleurs, nous demanderons aux acheteurs publics nationaux et locaux d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. Ce schéma devra comporter des objectifs de passation de marchés comportant des éléments à caractère social et concourant à l’intégration des travailleurs handicapés ou défavorisés.
- La loi devrait également permettre au monde associatif de diversifier et sécuriser ses sources de financement, en sécurisant tout d’abord la notion juridique de subvention, ce qui devrait contribuer à une meilleure lisibilité du cadre juridique de la subvention et en permettre une meilleure appropriation par l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités locales.
* La loi rénovera également la gouvernance des grands acteurs de l’ESS, et en particulier des coopératives. En fait, c’est un véritable choc coopératif que je souhaite engager.
- La SCOP d’amorçage permettra à titre transitoire, en cas de reprise en SCOP d’une entreprise, à un investisseur de détenir la majorité capital de la SCOP, tout en laissant aux salariés la majorité des droits de vote, et donc le pouvoir de décision sur la vie de leur entreprise.
- La révision coopérative sera mise en place pour l’ensemble des familles coopératives. La loi clarifiera les missions des réviseurs (en les recentrant sur la vérification du respect des principes coopératifs) et renforcera leur indépendance.
Au-delà de ce projet de loi, je suis conscient qu’il faudra d’abord s’assurer de son application effective et rapide. A cet égard, les textes d’application seront pris sans tarder.
Il faudra ensuite assurer le « service après-vente », informer, communiquer sur les différents outils et notamment les outils financiers, au service de ce développement. Et je compte sur l’implication des acteurs eux-mêmes mais aussi des élus locaux et nationaux pour m’aider dans ce travail d’information et de diffusion de la « culture » de l’ESS.
Source http://www.fegapei.fr, le 18 juin 2013