Texte intégral
Chers amis,
Nous nous connaissons depuis longtemps, et vous m'avez fait confiance pour représenter notre mouvement aux prochaines élections présidentielles. Cette confiance, je tâcherai d'en être digne. Aujourd'hui, je voudrais prendre devant vous des engagements sur quatre thèmes :
sur le rôle du candidat,
sur le positionnement de cette campagne,
sur les thèmes de cette campagne,
et enfin, sur l'organisation, les rythmes, les premiers pas de cette campagne.
D'abord, sur le rôle du candidat. Mon engagement, c'est de mener une campagne qui soit celle de tous les Verts.
Cette campagne doit être d'abord l'occasion de renforcer la cohésion et la force de notre mouvement, et d'élargir l'audience de nos idées.
Je ne suis ni sourd ni aveugle, et je sais que la polémique créée par certaines de mes déclarations, cet été, a semé le trouble. Je n'ai pas l'habitude de biaiser, d'ignorer mes responsabilités, je reconnais mes erreurs lorsque j'en commets, et ce fut le cas. Maintenant, sur ce sujet, la Corse, qui a occupé une place disproportionnée dans nos débats, les choses sont claires : la position de notre mouvement a été très clairement indiquée par notre secrétaire nationale ; elle sera précisée par une résolution du CNIR à la fin de cette semaine. C'est ma position.
Je serai demain un candidat porte- parole de tous les Verts
Quel est le rôle du candidat des Verts à l'élection présidentielle ? C'est celui, difficile, d'un porte-parole, un peu particulier, très exposé, de nos idées, du programme défini par les débats de notre mouvement.
La campagne présidentielle du candidat des Verts ne peut en aucun cas être une aventure individuelle.
Pas seulement parce que je ne serais pas de taille à conduire une telle aventure, pas seulement parce que cela serait contraire à notre façon de concevoir l'action politique ; mais aussi, tout simplement, en raison de la place que nous occupons dans le champ politique.
Ne racontons pas d'histoires : même si on peut le regretter, le prochain président de la République ne sera pas Vert. Ce n'est pas en faisant semblant d'y croire que nous convaincrons nos concitoyens.
Et cela a des conséquences très directes sur les raisons qui conduisent les électeurs à choisir tel ou tel candidat. Les électeurs choisiront au second tour une personne pour être président de la République. La personnalité du candidat, son aptitude à l'exercice de ce type de responsabilités, en tout cas ce que les électeurs en perçoivent, occuperont alors une place déterminante dans le choix des électeurs.
Cette dimension personnelle est moins importante au premier tour. Le premier tour, c'est le moment de la compétition dans lequel peuvent être mis en avant les programmes et les idées. C'est sur le programme et les idées des Verts, sur l'expérience collective acquise au travers d'années de militantisme, de participation aux responsabilités, pour un nombre de plus en plus grand d'entre nous que je veux m'appuyer pour conduire cette campagne.
Ce que je suis en train de dire doit trouver une traduction organisationnelle précise. Le pilotage politique de la campagne devrait être assuré par notre collège exécutif, élargi au porte-parole des députés français, à un représentant des députés européens, aux ministres et à votre candidat, de façon à ce que les différentes paroles politiques, articulées par chacun d'entre nous dans le cadre de ses responsabilités, soient cohérentes.
Il n'y a pas à multiplier les lieux de décisions et de coordination.
La campagne des Verts à l'élection présidentielle doit être définie quant à sa stratégie par l'instance exécutive normale de notre mouvement, quitte à en élargir la composition pour tenir compte de la réalité de ce que nous avons à faire.
L'équipe de campagne que je constituerai agira dans ce cadre politique, arrêté collectivement chaque début de semaine. Pour rendre tout cela possible, l'équipe de campagne partagera les locaux dans lesquels l'équipe nationale des Verts s'installera dans les semaines qui viennent.
C'est une campagne menée par l'ensemble des Verts, à laquelle je compte participer. Un réseau de correspondants régionaux de l'équipe de campagne sera constitué, qui permettra de faire circuler l'information dans les deux sens aussi rapidement que possible. Le site Houeb [web] de la campagne a d'ailleurs été conçu pour permettre une appropriation-participation par toutes les instances régionales de notre mouvement.
Et puis, au-delà, c'est une campagne ouverte sur la société que nous allons faire. Nous n'allons pas assener nos solutions aux citoyens ébahis, comme le font trop de responsables politiques, et depuis trop longtemps. Il nous faudra renforcer ensemble un véritable débat avec les acteurs sociaux sur les grands sujets environnementaux et sociétaux. A l'image de ce qui a été entrepris dans les Etats généraux de l'Ecologie politique. Oui, c'est avec toutes les femmes et les hommes qui, aujourd'hui, travaillent à retisser les liens sociaux, réconcilier notre société et ses territoires, que nous allons enrichir notre réflexion et nos propositions.
Je voudrais maintenant évoquer les orientations stratégiques de la campagne. C'est-à-dire les buts poursuivis et les moyens d'y parvenir
Nous militons pour une société solidaire qui assure la préservation de la planète et de ses ressources, qui garantisse aux femmes et aux hommes qui l'habitent la qualité de vie à laquelle ils aspirent, qui en finisse avec la fracture Nord-Sud.
Et nous nous souvenons tous de la formidable régression organisée par Chirac et Juppé à laquelle seule une puissante mobilisation sociale avait pu mettre un coup d'arrêt.
Nous voyons jour après jour les conséquences terribles pour les Etats-Unis et le reste du monde de la politique de Bush junior, et nous avons crié notre indignation contre la violence de la police de Berlusconi déchaînée contre les manifestants de Gênes.
Alors, nous n'avons aucun doute, pour assurer la réalisation de nos objectifs à long terme, nous devons d'abord assurer la victoire de la gauche en 2002. Nous ne sommes ni naïfs, ni idiots : nous savons que la participation à la majorité plurielle n'est pas un long fleuve tranquille. Nous devrons nous battre pour être respectés et entendus. Mais nous savons aussi qu'avec la droite, le ministère de l'environnement, c'était le ministère de l'impossible, comme Corine Lepage l'a elle-même écrit en titre de son bilan. Avec Dominique Voynet et Yves Cochet, dans l'alliance avec la gauche, il est devenu le ministère du possible.
La stratégie que nous avons choisie en 1995 et mise en oeuvre en 1997, celle de la majorité plurielle, n'était pas une posture de circonstance comme l'a rappelé Dominique mercredi matin. Le débat que nous avons eu, cette semaine, avec les représentants des autres composantes de la majorité a montré qu'il restait encore beaucoup de travail à faire pour arriver à un accord qui refonde notre alliance pour la prochaine législature.
Les instances dirigeantes de notre mouvement y travaillent ; nous avons bon espoir qu'elles y parviennent ; car notre stratégie n'a pas changé, et c'est dans ce cadre que s'inscrit notre campagne présidentielle.
Le candidat à la présidence des Verts n'entretient pas l'ambiguïté sur sa position au second tour. Ce serait à la fois incompréhensible et impossible. Les Verts ne peuvent pas en même temps participer au gouvernement, négocier un accord avec le PS et les autres partenaires en vue des législatives, et expliquer que le sort du candidat de gauche le mieux placé dans la compétition présidentielle nous est indifférent.
Je me situe donc clairement au sein de la majorité plurielle.
Mon objectif sera à la fois de faire gagner la gauche et de faire progresser nos idées dans la population, pour que nos solutions soient mieux prises en compte par la nouvelle majorité plurielle, dans l'hypothèse où elle l'emporterait.
C'est à nous, les Verts, qu'il reviendra de redonner du contenu à l'espoir, de remobiliser l'électorat quand les partis traditionnels, à bout de souffle, peinent à le faire. C'est à nous, particulièrement, les Verts qu'il reviendra de mener la bataille contre la droite qui est notre véritable adversaire et de donner force à l'espérance.
Et je le dis avec force : c'est dans la mesure même où ces solutions seront reprises par la majorité plurielle, dans la mesure où les électeurs du premier tour lui donneront une tonalité résolument écologiste, que la majorité plurielle a le plus de chances de l'emporter au second tour.
Je ne serai donc pas en compétition avec les candidats de la gauche de la gauche, sur le terrain de la surenchère et de la critique stérile. C'est en menant campagne sur nos idées, sur les propositions des Verts pour transformer la société que nous pourrons gagner les voix de ceux qui pourraient être tentés de manifester leur insatisfaction en s'abstenant ou en votant pour l'extrême gauche.
La campagne présidentielle sera, en fin de compte, l'occasion d'en appeler aux électrices et électeurs pour qu'ils créent les conditions d'une prise en compte plus décisive par la gauche plurielle des propositions défendues par les écologistes. L'articulation entre la campagnes, présidentielle et législative, me paraît dès lors assez évidente. Les électeurs exprimeront au premier tour de l'élection présidentielle leur préférence pour le programme des Verts. Ils leur donneront les moyens de se faire entendre et de peser sur les décisions au Parlement et dans le pays, en créant les conditions d'un bond en avant des Verts aux élections législatives.
Je voudrais maintenant évoquer plus précisément les thèmes de la campagne
Le premier thème sur lequel nous aurons à faire entendre fortement notre voix, nous qui voulons " sauver notre planète ", c'est celui de l'environnement. Ca peut paraître évident, un peu curieux de devoir le rappeler, et pourtant ce sera plus difficile qu'il n'y paraît ; car les Verts n'intéressent pas les médias lorsqu'ils parlent d'environnement, mais uniquement lorsqu'ils polémiquent avec les autres partis, surtout ceux de la coalition à laquelle ils sont liés, d'ailleurs !
Pourtant, cet engagement fort sur les thèmes environnementaux, les problèmes qui y sont liés, les paysages et la nature, est indispensable.
Ils correspondent à la raison d'être de notre mouvement ; ils répondent à une forte aspiration des gens ; ils sont la pelote à partir de laquelle nous pouvons dévider la critique de toute société productiviste et libérale. Ils sont le terrain sur lequel nous pourrons mobiliser les réseaux militants et associatifs.
Ce n'est pas la première fois que tous les partis se découvrent écologistes à la veille d'une élection. C'était la même chose en 1993 par exemple. Ce n'est pas un handicap pour nous. C'est même un avantage : l'électeur préfère toujours l'original à la copie. Encore faut-il ne pas se borner à faire des constats, sur lesquels tout le monde paraît d'accord, mais faire des propositions. Tous les Français sont désormais convaincus que l'environnement est une chose importante et qu'il faut faire quelque chose. Ce n'est pas en faisant un constat plus catastrophiste que les autres de la situation actuelle que les Verts se distingueront. C'est en proposant des solutions qui paraîtront réalisables et acceptables, et j'ajouterai conviviales et pourquoi pas joyeuses !
L'élection présidentielle doit être l'occasion de dire et de convaincre qu'il n'y aura pas d'écologie sans les écologistes. Ce n'est pas parce qu'il est devenu " politiquement correct " de parler d'environnement que les Verts ont gagné la majorité culturelle. La protection de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles sont au coeur de nos propositions politiques. Le reste en découle : l'organisation de la ville et du territoire, de l'économie, la politique des transports, de l'énergie, de l'éducation...
Tout le monde est d'accord pour agir dans le futur contre des menaces dont personne ne nie plus la réalité. Mais seuls les écologistes agissent pour préserver l'environnement sans attendre qu'une crise vienne en signaler la dégradation irréversible. Nous ne sommes plus seulement les vigies du futur. Nous n'en sommes plus seulement à réparer les dégâts du passé : nous voulons désormais orienter l'avenir pour prévenir les catastrophes. Seuls les Verts font prévaloir en toutes circonstances le long terme sur le court terme ; eux seuls se battent pour que l'on ne recoure pas à une technologie nouvelle quand elle comporte plus de risques que d'avantages démontrés, comme les OGM par exemple.
De même, la solidarité entre les générations, c'est aussi ne pas laisser à nos enfants le poids des questions que nous n'aurons pas su ou pas voulu résoudre. C'est une des raisons de notre opposition au nucléaire.
Car le second thème, bien sûr, c'est la solidarité.
Nous avons besoin de recoudre une " société déchirée ".
Les Verts ont à réinventer, avec les syndicats et les associations les termes d'une nouvelle solidarité sociale. Nous sommes pour la défense des services publics. Mais nous sommes convaincus de la nécessité de les réformer pour mieux les défendre. Nous savons que le soin de les réformer ne peut pas être laissé à ceux qui veulent les supprimer. Et nous sommes persuadés du potentiel de rénovation de notre société que représente le tiers secteur. Le service de la communauté par la communauté, elle-même organisée en coopératives, mutuelles, et associations.
La croissance économique, qui donne des signes d'essoufflement, n'assurera pas seule le retour au plein emploi. Depuis des siècles, depuis 1997 surtout, et demain encore, c'est le partage du travail qui a permis l'intégration sociale d'une population sans cesse plus nombreuse. Il en sera de même demain.
La question de la redistribution des richesses produites domine toutes les autres. Il faudra bien un jour tordre le cou aux idées reçues selon lesquelles la législation sociale protectrice et les minimas sociaux seraient responsables du chômage, alors que les écarts entre les salariés et leurs dirigeants ne cessent d'augmenter. Au contraire, la solidarité dans la répartition conditionne la solidarité dans l'emploi.
Enfin, la solidarité entre générations passe par la défense du régime de retraites par répartition, et l'opposition à l'allongement des durées de cotisations. Il n'y aurait aucun sens à allonger la durée d'activité d'un côté pour la réduire de l'autre.
Ensuite, le troisième thème : réduire la fracture entre Nord et Sud de la planète.
La solidarité ne s'arrête pas aux frontières : les Verts combattent la mondialisation libérale. Ils sont pour la solidarité avec les pays en développement. La lutte pour la régularisation des sans-papiers, l'action internationale contre le changement climatique dont les pays en développement seront les premières victimes, le combat pour l'annulation de la dette du tiers monde, ne sont pas les suppléments d'âme du combat écologiste. Ils sont au coeur même de notre engagement, et de notre vision d'un monde, qui lie étroitement les problèmes locaux et les problèmes globaux. Penser globalement, agir localement, oui ! Mais aussi agir globalement. Pour réguler l'économie mondiale, pour mieux vivre là où nous sommes.
Enfin, le développement soutenable est inséparable de la rénovation de la démocratie.
Notre République a besoin d'être profondément réformée, en commençant par l'instauration du scrutin proportionnel, pas pour assurer des postes à tel ou tel parti, mais tout simplement pour que toutes nos institutions représentent réellement la société. La loi sur la parité a été un premier succès.
Nous voulons régionaliser la France et fédéraliser l'Europe pour que la démocratie vive effectivement à toutes les échelles géographiques où s'organise notre vie quotidienne.
Après l'échec du sommet de Nice, la France doit retrouver un rôle moteur dans la construction d'une Europe vraiment démocratique, en abandonnant enfin sa nostalgie pour le fonctionnement intergouvernemental de naguère.
Mes amis, voilà rapidement présentés les grands thèmes de notre campagne. Il faudra évidemment aller plus loin, présenter nos solutions, pas seulement sous forme incantatoire en invoquant un horizon lointain, mais en disant ce qui peut être fait tout de suite, et ce qui doit être fait plus tard. Ne restons pas dans une posture purement protestataire : à nous de dire comment changer les choses et le chemin à suivre pour réaliser ce changement. Un travail collectif considérable nous attend donc. Ce travail, nous le ferons tous ensemble. J'ai déjà parlé de la mobilisation des réseaux et des associations. J'invite aussi les jeunes Verts à jouer un rôle particulièrement actif dans cette campagne.
Nous le savons tous, la campagne sera longue
Je ne vais donc pas m'engager dans ce marathon au rythme du 100 mètres sous peine d'épuisement, non seulement de moi-même, mais de la campagne elle-même.
Le mois de septembre doit être consacré à préciser notre stratégie de campagne, pas seulement son contenu, mais aussi la façon dont nous voulons dire ce que nous avons à dire, la stratégie de communication.
Dans une première phase, la campagne doit permettre de réunir un comité de soutien digne de ce nom, de mobiliser nos amis, les réseaux qui nous soutiennent, et de peaufiner les thèmes, arguments et discours de campagne.
Ne vous formalisez donc pas si je ne réponds pas à toutes vos demandes de déplacement, ce ne sera pas possible, je serai obligé de faire des choix.
Dans l'immédiat, l'urgence des urgences pour lancer cette campagne, c'est de recueillir les promesses de parrainages de ma candidature. Il faut, tous, nous mobiliser, en septembre pour aller chercher ces signatures de grands électeurs. N'attendons pas que les autres candidats aient achevé leur " démarchage " dans ce sens. Tout dépend de vous et de votre mobilisation, dans ce domaine comme dans les autres.
Tous ensemble, dans les mois qui viennent, nous allons montrer que nous sommes capables de répondre à l'espoir que des millions de gens placent en nous. A nous de transformer cette sympathie en dialogue, en soutien, en engagement, en votes. A nous de montrer que l'espoir peut encore exister et pas seulement l'espace d'un discours ou d'une campagne. Nos responsabilités sont considérables : elles sont à la mesure des attentes de la société qui ne pourront pas rester indéfiniment sans réponse.
Nous allons faire une grande et belle campagne, nous allons partager nos idées, nous allons renforcer le nombre de nos militants et l'unité de notre mouvement.
Tous ensemble, nous allons renforcer la position des Verts dans une majorité plurielle et victorieuse.
(source http://lipietz2002.net, le 3 septembre 2001)
Nous nous connaissons depuis longtemps, et vous m'avez fait confiance pour représenter notre mouvement aux prochaines élections présidentielles. Cette confiance, je tâcherai d'en être digne. Aujourd'hui, je voudrais prendre devant vous des engagements sur quatre thèmes :
sur le rôle du candidat,
sur le positionnement de cette campagne,
sur les thèmes de cette campagne,
et enfin, sur l'organisation, les rythmes, les premiers pas de cette campagne.
D'abord, sur le rôle du candidat. Mon engagement, c'est de mener une campagne qui soit celle de tous les Verts.
Cette campagne doit être d'abord l'occasion de renforcer la cohésion et la force de notre mouvement, et d'élargir l'audience de nos idées.
Je ne suis ni sourd ni aveugle, et je sais que la polémique créée par certaines de mes déclarations, cet été, a semé le trouble. Je n'ai pas l'habitude de biaiser, d'ignorer mes responsabilités, je reconnais mes erreurs lorsque j'en commets, et ce fut le cas. Maintenant, sur ce sujet, la Corse, qui a occupé une place disproportionnée dans nos débats, les choses sont claires : la position de notre mouvement a été très clairement indiquée par notre secrétaire nationale ; elle sera précisée par une résolution du CNIR à la fin de cette semaine. C'est ma position.
Je serai demain un candidat porte- parole de tous les Verts
Quel est le rôle du candidat des Verts à l'élection présidentielle ? C'est celui, difficile, d'un porte-parole, un peu particulier, très exposé, de nos idées, du programme défini par les débats de notre mouvement.
La campagne présidentielle du candidat des Verts ne peut en aucun cas être une aventure individuelle.
Pas seulement parce que je ne serais pas de taille à conduire une telle aventure, pas seulement parce que cela serait contraire à notre façon de concevoir l'action politique ; mais aussi, tout simplement, en raison de la place que nous occupons dans le champ politique.
Ne racontons pas d'histoires : même si on peut le regretter, le prochain président de la République ne sera pas Vert. Ce n'est pas en faisant semblant d'y croire que nous convaincrons nos concitoyens.
Et cela a des conséquences très directes sur les raisons qui conduisent les électeurs à choisir tel ou tel candidat. Les électeurs choisiront au second tour une personne pour être président de la République. La personnalité du candidat, son aptitude à l'exercice de ce type de responsabilités, en tout cas ce que les électeurs en perçoivent, occuperont alors une place déterminante dans le choix des électeurs.
Cette dimension personnelle est moins importante au premier tour. Le premier tour, c'est le moment de la compétition dans lequel peuvent être mis en avant les programmes et les idées. C'est sur le programme et les idées des Verts, sur l'expérience collective acquise au travers d'années de militantisme, de participation aux responsabilités, pour un nombre de plus en plus grand d'entre nous que je veux m'appuyer pour conduire cette campagne.
Ce que je suis en train de dire doit trouver une traduction organisationnelle précise. Le pilotage politique de la campagne devrait être assuré par notre collège exécutif, élargi au porte-parole des députés français, à un représentant des députés européens, aux ministres et à votre candidat, de façon à ce que les différentes paroles politiques, articulées par chacun d'entre nous dans le cadre de ses responsabilités, soient cohérentes.
Il n'y a pas à multiplier les lieux de décisions et de coordination.
La campagne des Verts à l'élection présidentielle doit être définie quant à sa stratégie par l'instance exécutive normale de notre mouvement, quitte à en élargir la composition pour tenir compte de la réalité de ce que nous avons à faire.
L'équipe de campagne que je constituerai agira dans ce cadre politique, arrêté collectivement chaque début de semaine. Pour rendre tout cela possible, l'équipe de campagne partagera les locaux dans lesquels l'équipe nationale des Verts s'installera dans les semaines qui viennent.
C'est une campagne menée par l'ensemble des Verts, à laquelle je compte participer. Un réseau de correspondants régionaux de l'équipe de campagne sera constitué, qui permettra de faire circuler l'information dans les deux sens aussi rapidement que possible. Le site Houeb [web] de la campagne a d'ailleurs été conçu pour permettre une appropriation-participation par toutes les instances régionales de notre mouvement.
Et puis, au-delà, c'est une campagne ouverte sur la société que nous allons faire. Nous n'allons pas assener nos solutions aux citoyens ébahis, comme le font trop de responsables politiques, et depuis trop longtemps. Il nous faudra renforcer ensemble un véritable débat avec les acteurs sociaux sur les grands sujets environnementaux et sociétaux. A l'image de ce qui a été entrepris dans les Etats généraux de l'Ecologie politique. Oui, c'est avec toutes les femmes et les hommes qui, aujourd'hui, travaillent à retisser les liens sociaux, réconcilier notre société et ses territoires, que nous allons enrichir notre réflexion et nos propositions.
Je voudrais maintenant évoquer les orientations stratégiques de la campagne. C'est-à-dire les buts poursuivis et les moyens d'y parvenir
Nous militons pour une société solidaire qui assure la préservation de la planète et de ses ressources, qui garantisse aux femmes et aux hommes qui l'habitent la qualité de vie à laquelle ils aspirent, qui en finisse avec la fracture Nord-Sud.
Et nous nous souvenons tous de la formidable régression organisée par Chirac et Juppé à laquelle seule une puissante mobilisation sociale avait pu mettre un coup d'arrêt.
Nous voyons jour après jour les conséquences terribles pour les Etats-Unis et le reste du monde de la politique de Bush junior, et nous avons crié notre indignation contre la violence de la police de Berlusconi déchaînée contre les manifestants de Gênes.
Alors, nous n'avons aucun doute, pour assurer la réalisation de nos objectifs à long terme, nous devons d'abord assurer la victoire de la gauche en 2002. Nous ne sommes ni naïfs, ni idiots : nous savons que la participation à la majorité plurielle n'est pas un long fleuve tranquille. Nous devrons nous battre pour être respectés et entendus. Mais nous savons aussi qu'avec la droite, le ministère de l'environnement, c'était le ministère de l'impossible, comme Corine Lepage l'a elle-même écrit en titre de son bilan. Avec Dominique Voynet et Yves Cochet, dans l'alliance avec la gauche, il est devenu le ministère du possible.
La stratégie que nous avons choisie en 1995 et mise en oeuvre en 1997, celle de la majorité plurielle, n'était pas une posture de circonstance comme l'a rappelé Dominique mercredi matin. Le débat que nous avons eu, cette semaine, avec les représentants des autres composantes de la majorité a montré qu'il restait encore beaucoup de travail à faire pour arriver à un accord qui refonde notre alliance pour la prochaine législature.
Les instances dirigeantes de notre mouvement y travaillent ; nous avons bon espoir qu'elles y parviennent ; car notre stratégie n'a pas changé, et c'est dans ce cadre que s'inscrit notre campagne présidentielle.
Le candidat à la présidence des Verts n'entretient pas l'ambiguïté sur sa position au second tour. Ce serait à la fois incompréhensible et impossible. Les Verts ne peuvent pas en même temps participer au gouvernement, négocier un accord avec le PS et les autres partenaires en vue des législatives, et expliquer que le sort du candidat de gauche le mieux placé dans la compétition présidentielle nous est indifférent.
Je me situe donc clairement au sein de la majorité plurielle.
Mon objectif sera à la fois de faire gagner la gauche et de faire progresser nos idées dans la population, pour que nos solutions soient mieux prises en compte par la nouvelle majorité plurielle, dans l'hypothèse où elle l'emporterait.
C'est à nous, les Verts, qu'il reviendra de redonner du contenu à l'espoir, de remobiliser l'électorat quand les partis traditionnels, à bout de souffle, peinent à le faire. C'est à nous, particulièrement, les Verts qu'il reviendra de mener la bataille contre la droite qui est notre véritable adversaire et de donner force à l'espérance.
Et je le dis avec force : c'est dans la mesure même où ces solutions seront reprises par la majorité plurielle, dans la mesure où les électeurs du premier tour lui donneront une tonalité résolument écologiste, que la majorité plurielle a le plus de chances de l'emporter au second tour.
Je ne serai donc pas en compétition avec les candidats de la gauche de la gauche, sur le terrain de la surenchère et de la critique stérile. C'est en menant campagne sur nos idées, sur les propositions des Verts pour transformer la société que nous pourrons gagner les voix de ceux qui pourraient être tentés de manifester leur insatisfaction en s'abstenant ou en votant pour l'extrême gauche.
La campagne présidentielle sera, en fin de compte, l'occasion d'en appeler aux électrices et électeurs pour qu'ils créent les conditions d'une prise en compte plus décisive par la gauche plurielle des propositions défendues par les écologistes. L'articulation entre la campagnes, présidentielle et législative, me paraît dès lors assez évidente. Les électeurs exprimeront au premier tour de l'élection présidentielle leur préférence pour le programme des Verts. Ils leur donneront les moyens de se faire entendre et de peser sur les décisions au Parlement et dans le pays, en créant les conditions d'un bond en avant des Verts aux élections législatives.
Je voudrais maintenant évoquer plus précisément les thèmes de la campagne
Le premier thème sur lequel nous aurons à faire entendre fortement notre voix, nous qui voulons " sauver notre planète ", c'est celui de l'environnement. Ca peut paraître évident, un peu curieux de devoir le rappeler, et pourtant ce sera plus difficile qu'il n'y paraît ; car les Verts n'intéressent pas les médias lorsqu'ils parlent d'environnement, mais uniquement lorsqu'ils polémiquent avec les autres partis, surtout ceux de la coalition à laquelle ils sont liés, d'ailleurs !
Pourtant, cet engagement fort sur les thèmes environnementaux, les problèmes qui y sont liés, les paysages et la nature, est indispensable.
Ils correspondent à la raison d'être de notre mouvement ; ils répondent à une forte aspiration des gens ; ils sont la pelote à partir de laquelle nous pouvons dévider la critique de toute société productiviste et libérale. Ils sont le terrain sur lequel nous pourrons mobiliser les réseaux militants et associatifs.
Ce n'est pas la première fois que tous les partis se découvrent écologistes à la veille d'une élection. C'était la même chose en 1993 par exemple. Ce n'est pas un handicap pour nous. C'est même un avantage : l'électeur préfère toujours l'original à la copie. Encore faut-il ne pas se borner à faire des constats, sur lesquels tout le monde paraît d'accord, mais faire des propositions. Tous les Français sont désormais convaincus que l'environnement est une chose importante et qu'il faut faire quelque chose. Ce n'est pas en faisant un constat plus catastrophiste que les autres de la situation actuelle que les Verts se distingueront. C'est en proposant des solutions qui paraîtront réalisables et acceptables, et j'ajouterai conviviales et pourquoi pas joyeuses !
L'élection présidentielle doit être l'occasion de dire et de convaincre qu'il n'y aura pas d'écologie sans les écologistes. Ce n'est pas parce qu'il est devenu " politiquement correct " de parler d'environnement que les Verts ont gagné la majorité culturelle. La protection de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles sont au coeur de nos propositions politiques. Le reste en découle : l'organisation de la ville et du territoire, de l'économie, la politique des transports, de l'énergie, de l'éducation...
Tout le monde est d'accord pour agir dans le futur contre des menaces dont personne ne nie plus la réalité. Mais seuls les écologistes agissent pour préserver l'environnement sans attendre qu'une crise vienne en signaler la dégradation irréversible. Nous ne sommes plus seulement les vigies du futur. Nous n'en sommes plus seulement à réparer les dégâts du passé : nous voulons désormais orienter l'avenir pour prévenir les catastrophes. Seuls les Verts font prévaloir en toutes circonstances le long terme sur le court terme ; eux seuls se battent pour que l'on ne recoure pas à une technologie nouvelle quand elle comporte plus de risques que d'avantages démontrés, comme les OGM par exemple.
De même, la solidarité entre les générations, c'est aussi ne pas laisser à nos enfants le poids des questions que nous n'aurons pas su ou pas voulu résoudre. C'est une des raisons de notre opposition au nucléaire.
Car le second thème, bien sûr, c'est la solidarité.
Nous avons besoin de recoudre une " société déchirée ".
Les Verts ont à réinventer, avec les syndicats et les associations les termes d'une nouvelle solidarité sociale. Nous sommes pour la défense des services publics. Mais nous sommes convaincus de la nécessité de les réformer pour mieux les défendre. Nous savons que le soin de les réformer ne peut pas être laissé à ceux qui veulent les supprimer. Et nous sommes persuadés du potentiel de rénovation de notre société que représente le tiers secteur. Le service de la communauté par la communauté, elle-même organisée en coopératives, mutuelles, et associations.
La croissance économique, qui donne des signes d'essoufflement, n'assurera pas seule le retour au plein emploi. Depuis des siècles, depuis 1997 surtout, et demain encore, c'est le partage du travail qui a permis l'intégration sociale d'une population sans cesse plus nombreuse. Il en sera de même demain.
La question de la redistribution des richesses produites domine toutes les autres. Il faudra bien un jour tordre le cou aux idées reçues selon lesquelles la législation sociale protectrice et les minimas sociaux seraient responsables du chômage, alors que les écarts entre les salariés et leurs dirigeants ne cessent d'augmenter. Au contraire, la solidarité dans la répartition conditionne la solidarité dans l'emploi.
Enfin, la solidarité entre générations passe par la défense du régime de retraites par répartition, et l'opposition à l'allongement des durées de cotisations. Il n'y aurait aucun sens à allonger la durée d'activité d'un côté pour la réduire de l'autre.
Ensuite, le troisième thème : réduire la fracture entre Nord et Sud de la planète.
La solidarité ne s'arrête pas aux frontières : les Verts combattent la mondialisation libérale. Ils sont pour la solidarité avec les pays en développement. La lutte pour la régularisation des sans-papiers, l'action internationale contre le changement climatique dont les pays en développement seront les premières victimes, le combat pour l'annulation de la dette du tiers monde, ne sont pas les suppléments d'âme du combat écologiste. Ils sont au coeur même de notre engagement, et de notre vision d'un monde, qui lie étroitement les problèmes locaux et les problèmes globaux. Penser globalement, agir localement, oui ! Mais aussi agir globalement. Pour réguler l'économie mondiale, pour mieux vivre là où nous sommes.
Enfin, le développement soutenable est inséparable de la rénovation de la démocratie.
Notre République a besoin d'être profondément réformée, en commençant par l'instauration du scrutin proportionnel, pas pour assurer des postes à tel ou tel parti, mais tout simplement pour que toutes nos institutions représentent réellement la société. La loi sur la parité a été un premier succès.
Nous voulons régionaliser la France et fédéraliser l'Europe pour que la démocratie vive effectivement à toutes les échelles géographiques où s'organise notre vie quotidienne.
Après l'échec du sommet de Nice, la France doit retrouver un rôle moteur dans la construction d'une Europe vraiment démocratique, en abandonnant enfin sa nostalgie pour le fonctionnement intergouvernemental de naguère.
Mes amis, voilà rapidement présentés les grands thèmes de notre campagne. Il faudra évidemment aller plus loin, présenter nos solutions, pas seulement sous forme incantatoire en invoquant un horizon lointain, mais en disant ce qui peut être fait tout de suite, et ce qui doit être fait plus tard. Ne restons pas dans une posture purement protestataire : à nous de dire comment changer les choses et le chemin à suivre pour réaliser ce changement. Un travail collectif considérable nous attend donc. Ce travail, nous le ferons tous ensemble. J'ai déjà parlé de la mobilisation des réseaux et des associations. J'invite aussi les jeunes Verts à jouer un rôle particulièrement actif dans cette campagne.
Nous le savons tous, la campagne sera longue
Je ne vais donc pas m'engager dans ce marathon au rythme du 100 mètres sous peine d'épuisement, non seulement de moi-même, mais de la campagne elle-même.
Le mois de septembre doit être consacré à préciser notre stratégie de campagne, pas seulement son contenu, mais aussi la façon dont nous voulons dire ce que nous avons à dire, la stratégie de communication.
Dans une première phase, la campagne doit permettre de réunir un comité de soutien digne de ce nom, de mobiliser nos amis, les réseaux qui nous soutiennent, et de peaufiner les thèmes, arguments et discours de campagne.
Ne vous formalisez donc pas si je ne réponds pas à toutes vos demandes de déplacement, ce ne sera pas possible, je serai obligé de faire des choix.
Dans l'immédiat, l'urgence des urgences pour lancer cette campagne, c'est de recueillir les promesses de parrainages de ma candidature. Il faut, tous, nous mobiliser, en septembre pour aller chercher ces signatures de grands électeurs. N'attendons pas que les autres candidats aient achevé leur " démarchage " dans ce sens. Tout dépend de vous et de votre mobilisation, dans ce domaine comme dans les autres.
Tous ensemble, dans les mois qui viennent, nous allons montrer que nous sommes capables de répondre à l'espoir que des millions de gens placent en nous. A nous de transformer cette sympathie en dialogue, en soutien, en engagement, en votes. A nous de montrer que l'espoir peut encore exister et pas seulement l'espace d'un discours ou d'une campagne. Nos responsabilités sont considérables : elles sont à la mesure des attentes de la société qui ne pourront pas rester indéfiniment sans réponse.
Nous allons faire une grande et belle campagne, nous allons partager nos idées, nous allons renforcer le nombre de nos militants et l'unité de notre mouvement.
Tous ensemble, nous allons renforcer la position des Verts dans une majorité plurielle et victorieuse.
(source http://lipietz2002.net, le 3 septembre 2001)