Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE
La Conférence sociale, gouvernement + partenaires sociaux, ouverte hier à Paris, se poursuit aujourd'hui, vous y présidez la table ronde sur lemploi, un défi qui nous concerne tous, a dit hier le président de la République, mais un défi perdu, si on en croit lINSEE, qui dans une prévision, rendue publique elle aussi hier, pronostique, contrairement aux propos du président, laugmentation du chômage jusquà la fin de lannée. LINSEE voit-elle juste, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Eh bien lINSEE fait des prévisions.
JEAN-MICHEL APHATIE
Etayées, hein, ce n'est pas
MICHEL SAPIN
Mais évidemment, étayées
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas le doigt mouillé, c'est construit.
MICHEL SAPIN
Evidemment, c'est normal, c'est un organisme qui est sérieux, il fait des prévisions, un peu comme ici on a lhabitude de faire des prévisions sur le résultat dun match.
JEAN-MICHEL APHATIE
Euh oui.
MICHEL SAPIN
Et pour autant, on n'est pas forcement certain que sa prévision, c'est le résultat, et donc c'est toute la différence entre
JEAN-MICHEL APHATIE
Je naurais pas pris les matchs comme référence, voyez, par exemple
MICHEL SAPIN
Non, mais je prends ça, parce quon est
JEAN-MICHEL APHATIE
On essaie de prévoir lévolution des marchés publicitaires et on se dit « on ne peut pas être optimiste cette année, parce que ça ne va pas », et donc on essaie dêtre sincère.
MICHEL SAPIN
Mais il vous arrive aussi de vous tromper dans votre prévision, de faire des prévisions, comment dirais-je, modestes, pour éviter davoir une mauvaise nouvelle, donc c'est un peu ce qui se passe aujourd'hui, mais la grande différence entre ceux qui font des prévisions, et c'est leur travail, je le respecte totalement, et un gouvernement, c'est que les uns prévoient et les autres agissent. Et lobjectif dun gouvernement, et c'est lobjectif dailleurs de la Conférence ouverte hier, qui se continue aujourd'hui c'est de voir quelles sont les actions de décision, qui vont peser sur la réalité, qui vont faire bouger la réalité. Si nous ne faisions rien, oui la prévision se réaliserait, si nous accélérons, si nous mettons le turbo dans la lutte contre le chômage, oui, la courbe du chômage sinversera.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va parler des décisions ou des mesures, mais juste avant, il faut que la parole publique soit crédible, un individu, fut-il président de la République, ne peut pas dire, seul contre tous, « le chômage va baisser à la fin de lannée ».
MICHEL SAPIN
Je pense que c'est le rôle dun président de la République que de nêtre pas, les bras ballants, à regarder couler leau dans le fleuve.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes daccord.
MICHEL SAPIN
Et c'est Eh oui, en sens inverse
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il faut quil soit crédible. Il faut quil soit crédible.
MICHEL SAPIN
Jean-Michel APHATIE, un président de la République qui vous dirait : « Quoi quon fasse, quoi quon décide, quoi que vous vouliez, le chômage va augmenter et va augmenter sans cesse », que diriez-vous de ce président de la République ? Que diriez-vous de ce gouvernement ? Que diriez-vous de cette majorité ? Et vous auriez raison de dire
JEAN-MICHEL APHATIE
On saluerait son discours de vérité, peut-être.
MICHEL SAPIN
Non, on dirait : « A quoi ça sert quil soit là ? Pourquoi est-ce quon la élu ? ». Bien. Donc, nous sommes là pour agir et faire bouger les lignes, et faite bouger les réalités et c'est ce que nous faisons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Parmi les actions, si on regarde bien, et de ce point de vue, la Conférence sociale ne semble pas apporter grand-chose, pour remplacer par exemple les emplois industriels, qui sont détruits, on utilise la vielle méthode des emplois aidés, subventionnés. Ce n'est pas un peu déprimant, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Mais non ce n'est pas déprimant. Dans toutes les périodes où il y a eu beaucoup de chômage, ça a été vrai avec la gauche, lorsque nous avons passé les 3 millions de chômeurs, ça a été fait avec la droite, au moment de la grande crise de 2008/2009, dans toutes ces situations, il est du devoir de lEtat doffrir des possibilités demploi pour un certain nombre de gens, particulièrement les jeunes, qui sont en très grandes difficultés. Ce quil faut, c'est que le système soit intelligent, que ce ne soit pas faire pour faire baisser les statistiques du chômage, mais que ce soit fait pour redonner une chance. Une chance, c'est quoi ? Cest une expérience professionnelle et c'est une formation. La formation, c'est décisif, parce que c'est le capital de chacun, celui qui a une meilleure formation
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on ne crée plus demploi, lindustrie ne crée plus demploi, c'est ça qui nous manque aujourd'hui.
MICHEL SAPIN
Mais il ny a pas que lindustrie en France
JEAN-MICHEL APHATIE
Les services
MICHEL SAPIN
Il y a aussi les services.
JEAN-MICHEL APHATIE
Tout le monde détruit des emplois.
MICHEL SAPIN
Mais, tout le monde détruit des emplois, mais dautres en créent. Lobjectif c'est de faire en sorte quil y ait plus de créations demploi quil ny a de destructions demploi. Aujourd'hui il y a plus de destructions que de créations. C'est une politique industrielle, c'est une politique dencouragement à lemploi, c'est lutilisation du Crédit impôt compétitivité emploi, qui doit permettre aux entreprises, si elles ont une opportunité, de prendre une décision rapidement, plus rapidement quavant, et plus fortement quavant, et ce sont ces politiques dites politiques de lemploi, on peut les appeler traitement social du chômage, ça ne me gêne pas, parce que nous sommes dans une urgence social, et il faut répondre aussi à cette urgence sociale. Mais ce dispositif, il n'est pas encore suffisant, et la grande conférence, elle travaille là-dessus, elle travaille avec tous, pour donner un coup de turbo à lensemble de nos politiques, en faveur de lemploi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez débloquer des crédits supplémentaires ?
MICHEL SAPIN
Il y aura des crédits supplémentaires, et si
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pouvez les chiffrer ?
MICHEL SAPIN
Nous sommes en train de discuter de cela avec le ministre du Budget, qui lui a aussi dautres équations parfaitement légitimes, mais disons les choses simplement, comme la dit le président de la République, le budget de lemploi sera un budget prioritaire. Moi je ne demande quune seule chose, c'est que les moyens du budget de lemploi diminuent, parce que ça voudra dire ce jour-là que le chômage aura diminué.
JEAN-MICHEL APHATIE
En mai, on connaitra les chiffres du chômage la semaine prochaine, la tendance sera toujours mauvaise ?
MICHEL SAPIN
Le président de la République a dit un discours de vérité, le chômage va continuer à augmenter, et augmenter jusque vers la fin de lannée, au moment où à la fois une meilleure situation économique, une capacité à recréer des emplois, et une montée en puissance de lensemble de nos dispositifs en faveur de la lutte contre le chômage, aura provoqué des effets.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous répondez à la question du mois de mai, ça ne sera pas un bon chiffre.
MICHEL SAPIN
Non, ça ne sera pas un bon chiffre, et le président de la République la dit hier, pendant encore plusieurs mois, le chômage va augmenter, même sil naugmentera peut-être pas aussi fortement quil a pu augmenter par le passé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi le Crédit dimpôt ne marche pas ?
MICHEL SAPIN
Il ne faut pas dire quil ne marche pas, mais
JEAN-MICHEL APHATIE
Il marche mal, moins que vous ne le pensiez.
MICHEL SAPIN
Il date dil y a quelques semaines. Jadore tous ceux qui voudraient que des décisions prises il y a quelques semaines ou il y a quelques mois, aient des résultats avant même quelles ne soient appliquées. Donc, que voulez-vous, il faut quune politique soit conçue, quelle soit appliquée, quelle soit connue, et quelle porte à ce moment-là ses fruits. C'est ce qui se passe.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les chefs dentreprise disent : « Cest trop compliqué ».
MICHEL SAPIN
Non, c'est pas vrai, parce que les chefs dentreprise qui lont utilisé, et jen ai vu plein autour de la table hier
JEAN-MICHEL APHATIE
5 000, jusquà présent, c'est pas beaucoup.
MICHEL SAPIN
Les chefs dentreprise qui lont utilisé, ou les responsables de grandes organisations représentant les employeurs, disent : c'est simple. Monsieur ROUBAUD, président de la CGPME, il représente ces Petites et moyennes entreprises, il dit, il répète et il le fait publiquement, quil na jamais connu un dispositif aussi simple que celui-ci. Simplement, il faut avoir le besoin de lutiliser. Ils ne vont pas mobiliser de largent pour redéposer largent en banque. Ils vont mobiliser de largent sil y a un investissement, sil y a un emploi à créer, et c'est cela aussi quil faut aider.
JEAN-MICHEL APHATIE
Lautre grand chantier, ce sont les retraites, le président de la République a évoqué, hier, pas de surprise, lallongement de la durée des cotisations. On se dit : tiens, Nicolas SARKOZY disait la même chose, allongement de la durée des cotisations.
MICHEL SAPIN
Non, la grande différence c'est que
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, il y en a une ?
MICHEL SAPIN
Oui, il y en beaucoup dautres, mais il y en a une sur ce point, c'est que Nicolas SARKOZY disait : « Il faut reporter lâge de départ à la retraite », ce qui a comme conséquence, chacun le voit bien, que ce sont ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt qui en feront les frais. Donc Nicolas SARKOZY avait typiquement, dans ce domaine-là, une politique quon qualifierait dinjuste. Il est juste dallonger les durées de cotisations
JEAN-MICHEL APHATIE
Les durées de cotisations.
MICHEL SAPIN
Il est injuste de bouger lâge des départs à la retraite. Vous le savez bien, il y a plein de Français qui ont la totalité de leurs trimestres, et qui ne peuvent pas partir à la retraite parce quon a repoussé lâge de départ à la retraite. En sens inverse, il y en a dautres qui ont commencé à 22, 23, 24 ans, et qui ne demandent quune seule chose, souvent, souvent, pas toujours, mais souvent, c'est de continuer à travailler.
JEAN-MICHEL APHATIE
Jallais vous poser la question, oui, 24 + 44 ça fait combien ?
MICHEL SAPIN
Eh bien vous avez fait le calcul vous-même.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça fait 68, donc 24, c'est lâge auquel beaucoup de Français rentrent sur le marché du travail
MICHEL SAPIN
Oui, mais jentends beaucoup ce chiffre-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
44 années de cotisations.
MICHEL SAPIN
Mais il ne faut pas toujours oublier quil y a un autre chiffre, c'est quà 67 ans, on peut toujours partir avec la totalité de la pension à laquelle on a droit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si vous étiez, Michel SAPIN, électeur à Villeneuve-sur-Lot, dimanche, vous voteriez UMP ?
MICHEL SAPIN
Oui, évidemment, sans aucune hésitation, et sans même me poser la question que vous venez de me poser.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quel échec pour le Parti socialiste, den arriver là.
MICHEL SAPIN
C'est un échec, évidemment. C'est un échec, donc on voit bien quil est principalement léchec moral, local, léchec
JEAN-MICHEL APHATIE
Et pas que ça. Pas que ça.
MICHEL SAPIN
Bien entendu, c'est dans un contexte politique, mais vous voyez bien aussi, je crois quon peut le dire, très honnêtement, que si le contexte politique n'est pas porteur aujourd'hui pour la gauche et pour le Parti socialiste, il y a eu un fait aggravant, un fait terrible, dans cette circonscription, où évidemment les électeurs, y compris les électeurs de gauche, peuvent se poser des questions sur ce quest un homme politique honnête.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 juin 2013