Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la loi sur la sécurisation de l'emploi et la mobilisation pour l'emploi, Paris le 10 avril 2013.

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Circonstance : Journée de mobilisation pour l'emploi des Direccte et de Pôle emploi à Paris le 10 avril 2013

Texte intégral


Mesdames et messieurs,
Cette journée tombe à point nommé, au lendemain du vote solennel à l’Assemblée Nationale de la loi sur la sécurisation de l’emploi, moment important de la mobilisation pour l’emploi :
• important pas les outils et les changements que cette loi apporte pour sécuriser l’emploi,
• mais important aussi par la confiance que manifestent les partenaires sociaux et les parlementaires à notre ministère, à vous ici présents, pour que l’Etat joue plus fortement son rôle de garant.
Je suis venu ce matin vous porter un merci et un message.
Je vais donc être court et direct. Je sais qu’il y a beaucoup d’autres sujets qui vous intéressent dont j’aurais pu vous parler –comme le projet « ministère fort » par exemple, ou la future réforme de la formation professionnelle, ou la décentralisation – mais ce n’est pas le propos aujourd’hui, dans cette journée tournée vers la mobilisation pour l’emploi. Une mobilisation pour l’emploi dont vous savez qu’elle est votre responsabilité, aujourd’hui comme demain après les lois de décentralisation de la formation professionnelle.
1) Un merci tout d’abord pour votre engagement et celui de vos équipes, depuis 10 mois. Notre pays traverse un moment de grande difficulté, comme beaucoup d’autres en Europe, avec un niveau record du chômage, et vous êtes –nous sommes- en première ligne. Vos équipes font face -celles de Pôle emploi, celles des Direcctes- à une attente énorme de la part des demandeurs d’emploi et des jeunes qui entrent sur le marché du travail, de la part des entreprises qui se restructurent, de la part des élus qui veulent agir sur leur territoire. Et de la part du Ministre que je suis, et de tout le Gouvernement. Ce Gouvernement a une grande ambition pour la politique active de l’emploi, a pris beaucoup d’initiatives depuis 10 mois des emplois d’avenir au contrat de génération, des commissaires au redressement productif à la création de 2000 + 2000 = 4000 CDI à Pôle emploi, de l’accord puis la loi de sécurisation de l’emploi à la future décentralisation.
Le succès de ces initiatives repose sur vous. Sachez que je suis parfaitement conscient des efforts qui vous sont demandés ainsi qu’à vos équipes, et je veux vous témoigner pour cela ma reconnaissance et celle de tout le Gouvernement.
2) Un message, vous n’en serez pas surpris, qui s’inscrit dans le titre de cette journée : mobilisation !
Depuis 10 mois, le Gouvernement agi sur différents fronts et différents horizons.
• Le premier de ces horizons, c’est la réponse à l’urgence sociale et je vais d’abord insister sur cette urgence. L’urgence des 500 000 jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et qui ne sont aujourd’hui ni en emploi ni en formation, c'est-à-dire laissés pour compte. Pour eux, nous avons créé les emplois d’avenir.
Les emplois d'avenir ne sont pas un contrat aidé de plus.
Nous avons tous fait le constat que des contrats de trop courte durée ne sont pas des tremplins durables vers l’emploi. C’est pourquoi, les emplois d’avenir durent jusqu’à 3 ans. Nous avons, nous tous ici, fait un autre constat : s’ils ne délivrent pas une qualification, les contrats aidés ont une utilité limitée, seulement immédiate, alors que nous voulons au contraire lancer les jeunes dans une carrière. C’est pourquoi, la qualification fait partie intégrante des emplois d’avenir.
La montée en charge de ce nouveau dispositif est progressive, c’est normal, et je reste très serein face aux pressions médiatiques sur le thème « ça patine, ça ne marche pas ». La période «de chauffe » se termine cependant, et j’attends maintenant de voir le rythme des prescriptions s’accélérer.
Il faut le faire, cela vous a été dit mais je vous le redis, sans renoncer à l’ambition qualitative des emplois d’avenir et en particulier à la cible des jeunes peu ou pas qualifiés. Des consignes claires ont été données à vos préfets par le Président de la République, le 29 mars, et nous allons leur écrire à chacun avec Manuel Valls pour bien appuyer ce message.
• Dans le prolongement des emplois d’avenir, nous améliorons notre approche des contrats aidés et nos partenariats avec les acteurs de l'insertion. Cet effort qualitatif s’incarne dans l’allongement de la durée des nouveaux contrats CAE pour atteindre une durée moyenne de 12 mois.
Tout doucement, un début de frémissement se fait sentir. Là aussi, je vous le dis ce matin, il devra s’amplifier dans les prochaines semaines. C’est l’intérêt des bénéficiaires, des employeurs et de nous-mêmes.
• Ces mesures apportent autant de solutions individuelles face à l’urgence. Elles sont nécessaires, profondément utiles, mais en aucun cas suffisantes.
Il faut agir aussi sur le collectif de travail, sur les pratiques de gestion des ressources Humaines dans les entreprises, dans les branches, dans les filières d’activité.
C’est votre responsabilité, celle de tout le ministère, dans les pôles « 3E » des direcctes mais aussi dans les pôles « T », dans les DUT, à Pôle emploi, dans les services de l’administration centrale. Vous avez déjà -et vous aurez de plus en plus- des responsabilités dans ce domaine, et des nouveaux outils pour exercer cette responsabilité et exercer cette mission de transformation des pratiques dans un sens favorable à l’emploi.
Trois exemples, évidement pas choisis au hasard :
1. Premier exemple : la gestion des âges avec le contrat de génération.
Nous connaissons le défi à relever : la France se distingue par un taux de chômage élevé chez les jeunes ET chez les seniors ; longtemps la politique de l’emploi a consisté à les opposer, à faire partir les senior en préretraite et recruter des jeunes en contrats aidés ; à l’inverse de cette approche, le contrat de génération solidarise les deux extrémités de la chaîne des âges et permet de lutter contre leurs chômages respectifs.
Il est opérationnel depuis le 18 mars. Il faut désormais que tous les chefs d’entreprise le sachent, particulièrement dans les PME de moins de 300 salariés, notre cible principale. Nous avons besoin de vous pour relayer les messages et faire de la pédagogie auprès des entreprises, comme auprès des organisations professionnelles et des chambres consulaires. Pôle emploi sera au coeur du système pour promouvoir le Contrat de Génération dans sa relation entreprise, et pour mettre en place puis verser l’aide de 4000 € par an –une aide qui couvre l’équivalent du quart du salaire brut du jeune au niveau du SMIC. Il faut le faire savoir !
Dans les grandes entreprises, ce sera votre rôle, les Direcctes, d’exercer votre vigilance sur les accords « contrats de génération » - mais surtout les plan d’action qu’il vous appartiendra de valider, pas d’un coup de tampon mais à partir d’une vraie analyse des engagements pour l’embauche en CDI de jeunes, pour le maintien en emploi des seniors, pour la transmission des compétences.
2. Deuxième exemple, le déploiement des politiques emploi-compétences sectorielles.
En cohérence avec l’action du ministère du Redressement productif, la politique contractuelle qui permet de mobiliser l’ensemble des acteurs d’une filière autour d’un projet commun, doit constituer le volet emploi-compétences des stratégies de filière et des contrats de filière qui émergeront. Son objectif est de promouvoir la GPEC dans les petites entreprises et pour les salariés les plus fragiles.
Cette approche favorise la mise en place des leviers partagés de sécurisation des parcours, au premier rang desquels des dispositifs de reconnaissance des compétences transversales permettant de passer d’une filière à une autre, de certifications inter branches et de mobilité sécurisée, dans la droite ligne de l’ANI du 11 janvier.
Sécuriser l’activité, c’est aussi organiser les transitions professionnelles, entre les secteurs qui croissent et ceux qui déclinent. Comme prévu par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le gouvernement a mis en place, dans des territoires où le tissu économique est en forte mutation, des plateformes d'appui pour aider les TPE/PME à renforcer leur compétitivité et les salariés à s'adapter sans passer par la case chômage.
13 bassins sont concernés par la création de « plates-formes ». Je vous épargne la liste, mais vous savez, chacun, à quel point elles sont essentielles sur vos territoires. C’est une logique nouvelle : agir sur les transitions, de faire en sorte qu’elles ne soient pas des ruptures, mais des progrès, des opportunités, des nouveaux départs.
Les plateformes constituent une réponse à un constat partagé : dans les territoires où l’emploi et les métiers évoluent rapidement, les entreprises – surtout les PME – ont du mal à anticiper ces changements. Parallèlement, les salariés dont l’emploi est fragilisé à court ou moyen terme ne sont pas pris en charge dans le cadre de l’accompagnement classique du service public de l’emploi. Chaque acteur – l’Etat, les Régions, les entreprises, les organisations professionnelles et syndicales, les OPCA et les OPACIF, les universités… – détiennent une partie de la réponse, mais leurs interventions restent insuffisamment coordonnées. Les plateformes seront le maillon qui les lie. Elles doivent permettre aux TPE/PME de mieux anticiper les évolutions économiques pour s'y adapter et avoir toujours un temps d'avance. Pour les salariés, elles ont vocation à sécuriser leurs parcours professionnels par l’adaptation de leurs compétences ou la préparation de leur reconversion, en évitant qu’ils passent par une période de chômage.
3. Enfin troisième exemple, et j’en finirai pas là : la nouvelle procédure de licenciements collectifs issue de l’ANI du 11 janvier et de la loi en examen au Parlement.
Nous sommes en train de réformer le marché du travail. Bien sûr, le texte n’est pas encore passé au Sénat, puis il faudra les décrets d’application, mais enfin, c’est en marche, et si je ne parle que des PSE ce sera applicable au 1er juillet prochain autant dire demain matin..
Cette réforme sera bientôt à vous, entre vos mains, dans l’épreuve de vérité du concret et du terrain. Pour cela, il y aura des directives et un cadrage précis, mais il faut déjà se pénétrer du sens politique de cette réforme profonde : l’accord puis la loi sur la sécurisation de l’emploi change la donne. Plus qu’une loi, c’est en quelque sorte une nouvelle culture de la négociation qui va émerger, pour permettre aux partenaires sociaux de trouver ensemble des solutions pour l’emploi.
Ce modèle qui émerge n’a pas encore de nom, mais cela pourrait être « l’adaptation négociée ». Et cette « adaptation négociée » prendra place partout, dans l’entreprise, la branche, la filière, mais aussi au niveau national interprofessionnel. « Le dialogue social préalable à la loi » entrera prochainement dans la Constitution. Là encore, ce n’est pas un réglage technique, c’est une manière de faire grandir la société en arrimant la démocratie sociale à la démocratie politique.
J’en reviens aux enjeux opérationnels de la sécurisation de l’emploi devant nous, et en particulier aux licenciements collectifs. Le texte voté hier à l’Assemblée nationale vous donne –vous redonne pour les plus anciens- un rôle important, central, stratégique : pour être valide un PSE devra avoir été soit conclu par un accord majoritaire dans l’entreprise, soit avoir été homologué par l’administration du travail, vous les Direcctes. Vous ne vous prononcerez pas sur l’existence du motif économique, mais vous serez les garants de la qualité du dialogue social à travers le contrôle de la procédure, mais aussi les garants de la qualité des reclassements à travers l’homologation des PSE.
Cela implique que vous procédiez demain à une analyse fine de la proportionnalité et de la qualité des mesures de reclassement mises en place en fonction des entreprises. Vous devrez enfin être vigilants dans la mise en oeuvre de ces PSE.
Vous aurez donc demain un nouveau pouvoir, je m’adresse là en particulier aux Direcctes, un grand pouvoir et donc une grande responsabilité, d’autant qu’il n’y aura pas de recours devant le Ministre. Vous serez dotés des directives et des formations adéquates, mais chacun voit ben que les premières décisions seront cruciales et devront être cohérente sur le territoire.
Je sais que ce sujet-comme les autres d’ailleurs de mon intervention, est à l’ordre du jour des ateliers de cette journée, je ne développe pas davantage.
Mesdames et messieurs, voilà l’ambition politique et la manière dont j’entends que notre ministère et ses opérateurs la portent.
Pour cela j’ai besoin de vous tous, à Pôle emploi, dans les Direcctes, dans les DUT, dans les administrations centrales.
Ce qui m'amène à nous, nous tous, car pour mener la bataille de l'emploi, il faut des équipes mobilisées :
• sûres de la cause à défendre –sur ce point je n’ai pas de doute-
• prêtes à s'y engager avec conviction –sur ce point aussi aucun doute
• bien armées, il me semble que vous l’êtes de mieux en mieux, à Pôle emploi avec la nouvelle offre de service « Pôle emploi 2015 » et les renforts de 4000 CDI, avec les nouveaux outils dont j’ai parlé, avec demain cette nouvelle loi sur la sécurisation de l’emploi.
• Enfin des équipes capables de « faire système » dans un ministère que j'ai appelé un "ministère fort", tout simplement parce que c’est ce qu’attendent de nous citoyens et entreprises. Après une première étape dite des "rencontres interrégionales" conclue en décembre dernier, nous sommes dans la phase de l'échange avec les agents. Elle se conclura dans quelques semaines, au début de l’été, par des décisions dont nous aurons l’occasion de reparler.
Pour conclure, je sais que les chantiers sont nombreux et que la période est difficile. Nous devons en même temps être très présents sur les multiples fronts de l’emploi et porter des changements en interne, dans les Direccte comme à Pôle emploi.
Je voudrais vous dire que je suis certain que nous serons -que vous serez- à la hauteur de ces défis.
J’attends de cette journée qu’elle renforce la cohésion indispensable au sein des Direccte et du service public de l’emploi pour mener ces combats de l’emploi. Mon directeur de Cabinet sera là cet après midi pour entendre vos conclusions.
Bon travail !
Je vous remercie.
Source Http://www.emploi.gouv.fr, le 3 juin 2013