Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
François HOLLANDE exige la libération des deux journalistes français disparus en Syrie. Avez-vous la confirmation quils sont entre les mains du régime de Bachar EL-ASSAD ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, nous navons pas cette confirmation, la seule chose que nous pouvons dire, et le président de la République la dit, c'est que nous sommes sans nouvelle de ces deux journalistes
CHRISTOPHE BARBIER
On peut agir ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dabord, il faut la plus grande des prudences, parce que, en la matière la discrétion est souvent gage de réussite. Donc, le président de la République a dit à quel point il était préoccupé, et donc nous allons prendre nos dispositions, mais dans la discrétion.
CHRISTOPHE BARBIER
La mort de Clément MERIC domine encore lactualité. Faut-il dissoudre les groupuscules qui pourraient être impliqués dans cette affaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, dès lors quil est avéré que des groupuscules, en effet, ont porté un message de violence et de haine et ont appelé à ce type dabomination à laquelle on a assisté avant-hier soir, oui, je crois que cela justifie leur dissolution. Le ministre de lIntérieur est en train dy travailler, juridiquement, pour voir dans quelles conditions cela est possible.
CHRISTOPHE BARBIER
Les experts considèrent que c'est inutile, on change de nom et on se retrouve 15 jours après. Est-ce quil ne faut pas changer les règles, durcir les règles de dissolution ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Là où je suis daccord, c'est que la simple dissolution ne peut pas suffire à régler le problème, et la question quon doit se poser, collectivement, dailleurs, cela vaut pour les responsables politiques comme pour les médias, c'est notre part, finalement, de responsabilités dans la façon dont ce type de discours de haine, et donc de passage à lacte, derrière, de la part dun certain nombre desprits influençables, prospère dans notre société. Et donc, nous, les responsables politiques, nous devons dénoncer et condamner avec la plus grande fermeté, chaque fois quil y a une dérive et un dérapage, même simplement lengager, et vous, me semble-t-il, les médias, eh bien, vous devez veiller à ne pas donner plus daudience que de raison, à des groupuscules, justement, qui en profitent pour faire passer des idées insupportables pour la démocratie.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est de la publicité que dinviter Serge AYOUB, mais ça montre aussi aux Français, la réalité de cette violence-là.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cest de la publicité, me semble-t-il, pour les idées du JNR, que de donner en effet une tribune à Serge AYOUB. C'est extrêmement dangereux que de donner la possibilité à ce monsieur, de faire passer des idées auprès de jeunes qui les prennent pour argent comptant. C'est de la publicité que doffrir à Alexandre GABRIAC, que vous connaissez bien, qui est conseillé général en Rhône Alpes, qui a été même évincé du Front national, pour avoir posé sur une photo, avec un salut nazi, et qui aujourd'hui est devenu une espèce de vedette médiatique, que lon narrête pas de retrouver à la télévision ici ou là, pour déverser un flot de paroles de haine et de violence et dappel à la violence.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais, si les propos sont dangereux
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'est de la publicité, je pense quil faut éviter, en effet, quand on est responsable éditorial dun magazine
CHRISTOPHE BARBIER
Dun média.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
dun magazine, dun journal, dun média quelconque, quil faut se poser la question de sa part de responsabilités et du recul que lon prend aussi à légard de ces propos auxquels on donne cette audience.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais est-ce que ce n'est pas au législateur, si les propos sont dangereux, de dire : non, quand on tient ces propos, on va en prison ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr, mais si vous voulez, les choses sont beaucoup plus compliquées que cela, comme vous le savez, c'est-à-dire que le législateur peut intervenir, par exemple, pour dissoudre, cétait votre première question, mais la question c'est aussi celle de la banalisation de ces propos. Et lorsque les propos empruntent des voies plus détournées, qui restent des appels à la violence ou des appels à la haine, de lhomophobie, du racisme, de lantisémitisme, mais en empruntant des mots un peu plus policés, est-ce que pour autant ils sont acceptables ? Et donc, c'est là, me semble-t-il, que les responsables médiatiques ont un rôle à jouer, en faisant la part entre ce qui est acceptable et ce qui ne lest pas, ou du moins, même si on donne la parole à ces gens, en tout cas à laccompagnant dun discours un peu citoyen, pour remettre les chose en exergue et préciser quil y a des choses qui sont intolérables.
CHRISTOPHE BARBIER
Avec la liberté dexpression.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Avec la liberté dexpression qui sarrête là où commence celle des autres, par exemple, et qui, je crois, vraiment dans notre démocratie, la liberté dexpression est à la fois protégée, et en même temps doit être de protéger les individus, et vous voyez bien que lorsquon laisse la liberté dexpression à tout crin, à tout champ, eh bien on arrive aussi à des dérives, des dérapages et des passages à lacte.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour vous, est-ce que les manifs pour tous, contre le mariage pour tous, ont servi dincubateur à cette violence ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On a vu, aux marges de la manif pour tous, en effet, un certain nombre de dérapages et de dérives. Moi je ne veux pas commettre damalgame, je lai toujours dit, il y avait des manifestants dans la manifestation pour tous, qui nont évidemment rien à voir avec ce type dhorreurs, mais en même temps, c'est vrai quil se trouve que c'est en périphérie de cette manifestation pour tous, que lon a vu réapparaitre des groupuscules, quon avait, dune certaine façon, oubliés en France ces dernières décennies.
CHRISTOPHE BARBIER
La violence vient dabord de la loi Taubira, a répondu Frigide BARJOT.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce type de propos, par exemple, lorsquil est présenté, médiatiquement, devrait être accompagné dune explication, dune prise de recul. Voilà, Frigide BARJOT, de temps en temps, devrait réfléchir avant de parler.
CHRISTOPHE BARBIER
Et quand Jean-Luc MELENCHON tweet hier « aux rassemblements, tenez-vous à lécart du PS qui a trop comparé le Parti de gauche à lExtrême droite », que lui répondez-vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que ça n'est pas le moment de polémiquer. Vous savez Non non, je crois que lon est dans le temps du recueillement autour de la mémoire de Clément MERIC, moi je pense à ses parents, je pense à ses proches, je pense à ce jeune-homme, aussi, qui était engagé, qui y a laissé la vie, et je nai vraiment pas envie de polémiquer avec dautres partis.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais quand Jean-Luc MELENCHON traite certains socialistes de salopards, est-ce quil ne participe pas au climat de violence et à cette banalisation de la violence ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est pour ça que jinvoquais la responsabilité, aussi bien des responsables politiques que des médias, c'est-à-dire que nous aussi, nous devons faire très attention aux termes que nous employons. Je pense que linsulte, linjure, na rien à faire dans le champ démocratique, en effet.
CHRISTOPHE BARBIER
Quand Jean-François COPE dit : attention, il y a de la violence à lExtrême droite et à lExtrême gauche, quil faut traiter les deux extrêmes en même temps, est-ce quil a raison ou tort ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il a tort il a absolument tort. Mettre dos à dos une Extrême droite et une Extrême gauche, c'est au fond atténuer la responsabilité, en loccurrence, des agresseurs, même si c'est à la justice détablir les faits, on a vu déjà un certain nombre de témoignages, qui démontrent que, contrairement à ce que racontait monsieur AYOUB, par exemple, sur votre plateau hier soir, qui est allé jusquà prétendre que lagresseur cétait la victime, Clément MERIC, vous voyez, ce type de mise en parallèle de lExtrême droite et de lExtrême gauche, vous arrivez à ce type de conclusion complètement absurde, dans laquelle vous leur faites porter la même responsabilité de cette violence. Eh bien ça n'est pas le cas, ça n'est pas ce qui s'est passé vraisemblablement, donc monsieur COPE, je crois, a perdu là encore une occasion de se taire, oui.
CHRISTOPHE BARBIER
François FILLON, hier, sur FRANCE 2, a déclaré : « Il y a trop démigrés en France, on ne peut pas bien les accueillir, il faut faire des quotas ». Est-ce que vous partagez ce diagnostic ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, ce que je crois, et mon gouvernement s'est engagé, dailleurs, en la matière, c'est que le Parlement doit avoir tout son rôle à jouer, pour régulièrement, annuellement, se prononcer sur la politique dimmigration de la France, pour dire à la fois « voilà où en est létat économique, la situation économique du pays, voilà ce dont nous avons besoin pour notre économie, car il est des filières, des secteurs dactivités dans lesquels nous manquons de main doeuvre, soyons clairs, et puis en même temps, pour construire une politique dimmigration qui soit une politique aussi humaine, juste et qui accueille dans les meilleures conditions possibles, ceux que nous choisissons, que nous décidons daccueillir. Voilà.
CHRISTOPHE BARBIER
La crèche Baby Loup, est obligée de quitter Chanteloup-les-Vignes, harcelée par les islamistes. Le regrettez-vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien, elle va sinstaller dans de meilleures conditions, dans un meilleur cadre, je crois que c'est une
CHRISTOPHE BARBIER
Mais on a déserté Chanteloup.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi je crois quil ne faut jamais déserter, en effet, aucun territoire, donc maintenant c'est à lEtat que se pose la question du savoir comment, avec des services publics de qualité, eh bien on arrive à être présent sur lensemble de ces territoires, des services publics qui garantissent la laïcité, notamment mais c'est vrai que c'est un sujet aujourd'hui.
CHRISTOPHE BARBIER
Le gouvernement ne voulait verser quun mois dindemnités à un ministre qui est dans le gouvernement et non plus six mois après laffaire CAHUZAC, les députés ont décidé de maintenir les six mois. Dites-vous merci ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois que cest mon collègue Alain VIDALIES, qui a eu cette expression que jaime beaucoup, écoutez, « les députés veulent faire le bonheur des ministres malgré eux », donc, vous savez, le gouvernement, à ma connaissance, va redéposer un amendement pour refaire passer la mesure à un mois
CHRISTOPHE BARBIER
Un mois.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
je vous le précise. Mais sur ce projet de loi, de manière plus générale, on est dans la construction, avec les parlementaires, et il ne faut pas que ça surprenne les observateurs, c'est bien naturel que le gouvernement ait des objectifs et quensuite, sagissant des modalités, eh bien on voit ensemble ce qui convient le mieux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juin 2013