Interview de M. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, à "RFI" le 28 juin 2013, sur l'accord politique trouvé, lors du conseil européen, pour le budget européen pour la période 2014-2020, sur l'initiative européenne sur le chômage des jeunes.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

FREDERIC RIVIERE
Un accord a été trouvé hier sur le budget européen pour la période 2014/ 2020, les chiffres sont les mêmes que ceux qui avaient été décidés en février dernier, c'est-à-dire un budget en baisse pour la première fois, mais désormais les sommes non dépensées seront reportées sur l’année suivante et non plus réaffectées aux budgets nationaux, ce qui signifie en termes clairs que l’Europe pourra dépenser plus dans les sept prochaines années. Est-ce que c’est une forme de victoire contre l’austérité ?
BERNARD CAZENEUVE
D’abord ce que nous voulions c’est qu’il y ait davantage de budget pour la croissance, pour les transports de demain, pour la transition énergétique, pour la recherche, pour l’innovation technologique. Les budgets consacrés à la croissance en Europe augmentent, de près de 100%, et lorsque l’on regarde les chiffres du dernier budget, et qu’on les compare aux chiffres du budget actuel, on constate que les sommes qui seront effectivement dépensées, pour la période 2014/ 2020, seront de 50 milliards supérieurs à celles qui ont été dépensées pendant la période précédente. Et par l’effet de ce que l’on appelle la flexibilité, c'est-à-dire la possibilité d’affecter des sommes non dépensées dans une rubrique, dans une politique vers une autre, de reporter les sommes non dépensées d’une année sur l’autre, nous aurons une meilleure mobilisation des fonds européens. C’est donc pour la croissance, c’est donc pour l’Europe, une excellente chose.
FREDERIC RIVIERE
C’est le pacte de croissance de l’Europe ça ?
BERNARD CAZENEUVE
Nous aurions aimé un budget plus ambitieux. nous avons été confrontés pendant la négociation, j’étais à l’époque ministre des Affaires européennes, à des réticences, mais le travail qui a été fait, notamment par le président de la République en lien avec le président du Parlement européen, a permis de créer les conditions d’un accord par le règlement du déficit du budget de l’Union européenne pour la période passée, plus de 10 milliards d’euros, et un accord aussi pour que dans les années qui viennent, par la flexibilité, on soit garanti que l’Europe dépensera bien les sommes qu’elle a votées pour ses politiques.
FREDERIC RIVIERE
Vous parlez de réticences, la Grande-Bretagne était réticente en février, et elle a obtenu, au cours du sommet de ces derniers jours, enfin qui se termine d’ailleurs ce soir, le maintien de son rabais historique, de son chèque, le Premier ministre britannique en avait fait une condition sine qua non pour approuver ce budget, est-ce que vous trouvez que c’est juste ?
BERNARD CAZENEUVE
D’abord le Premier ministre britannique voulait que le budget de l’Union européenne diminue. En réalité, comme nous venons de le dire, il augmentera, les sommes effectivement dépensées seront de 50 milliards supérieurs à celles dépensées dans le précédent budget, et par ailleurs le maintien du rabais britannique s’accompagne par une diminution de la contribution d’un certain nombre d’Etats, dont la France, au financement de ce rabais. Ce qui a donc été décidé hier n’est rien d’autre que la confirmation de ce qui avait été décidé au mois de février dernier, avec un élément nouveau, qui est le règlement du problème du déficit du budget de l’Union européenne dans une relation apaisée et constructive avec le Parlement européen.
FREDERIC RIVIERE
Et la Grande-Bretagne n’est pas un mauvais partenaire ?
BERNARD CAZENEUVE
La Grande-Bretagne a sa singularité, sa spécificité, vous vous souvenez du Conseil européen de Fontainebleau au début des années 80 avec madame THATCHER qui dit au président de la République française, « I want my money back. » Les Anglais ont toujours eu, au sein de l’Union, une position singulière. Mais l’Union européenne a besoin de la Grande-Bretagne, de la même manière que la Grande-Bretagne a besoin de l’Union européenne, et le Premier ministre britannique le sait bien.
FREDERIC RIVIERE
Alors une initiative européenne sur le chômage des jeunes a été lancée, 6 milliards d’euros doivent être consacrés à cette question rapidement. Très concrètement, combien pour la France, 600 millions d’euros, c’est ça ?
BERNARD CAZENEUVE
Juste un petit point. Cette initiative pour le chômage des jeunes, 6 milliards d’euros, qui peuvent faire 8 milliards par l’effet de la flexibilité dont on parlait à l’instant, c’est ce qu’Herman Van ROMPUY a rappelé hier, c’est une initiative franco-allemande qui devient une initiative européenne. Je le dis pour tous ceux qui passent leur temps à expliquer que le moteur franco-allemand ne fonctionne plus, c’est vraiment une initiative portée par le président et la chancelière, à la faveur notamment du 50ème anniversaire du traité de l’Elysée, et qui devient une initiative européenne. Il s’agit de quoi ? il s’agit de faire en sorte que les régions d’Europe qui ont un taux de chômage important, supérieur à 25%, puissent bénéficier de dispositifs d’accompagnement des jeunes vers l’emploi, c’est ça le fonds d’aide au chômage des jeunes, faire en sorte que chaque jeune qui est sur le marché du travail, qui n’arrive pas à trouver un emploi, puisse être accompagné à travers une formation, puisse être accompagné dans sa relation avec l’entreprise, puisse bénéficier d’une aide à l’autonomie qui lui permette d’avoir une chance de commencer sa vie en la réussissant. Pour la France c’est 600 millions d’euros, ce qui n’est pas neutre.
FREDERIC RIVIERE
Un accord a été trouvé par l’Eurogroupe sur le problème des faillites bancaires, ce ne sont plus les Etats, désormais, qui auront – donc les contribuables – à voler prioritairement au secours des banques.
BERNARD CAZENEUVE
Ce sont les banques elles-mêmes.
FREDERIC RIVIERE
Ça c’est sûr, c’est garanti ?
BERNARD CAZENEUVE
Nous voulions un dispositif d’Union bancaire. C’est quoi l’Union bancaire ? Ce sont des banques supervisées, c’est un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts des déposants, vous avez vu ce qui s’est passé à Chypre et le traumatisme que cela a occasionné. Donc nous avons pris des dispositions pour que l’Union bancaire avance. La supervision bancaire c’est acté, les textes doivent sortir dans le courant de l’année 2014, et le reste doit suivre. Et ce qui a été décidé hier, après une réunion du conseil ECOFIN, qui s’est tenu avant le Conseil européen, c’est la mise en place d’un dispositif de résolution des crises bancaires, qui appellera les banques à contribution.
FREDERIC RIVIERE
Alors en France maintenant, la Cour des comptes, hier, s’est montrée relativement alarmiste sur l’état des finances publiques en considérant que le déficit pourrait ne pas être de 3,7% à la fin de l’année, mais plutôt de l’ordre de 4, voire 4,1%. Jean-Marc AYRAULT, le Premier ministre, a estimé que ce que dit la Cour des comptes est vrai, François HOLLANDE a pour sa part considéré que cet avertissement était prématuré. Que dit le ministre du Budget ?
BERNARD CAZENEUVE
D’abord ce que dit la Cour des comptes n’est pas alarmiste, ce que dit la Cour des comptes est mesuré et correspond à la réalité de la situation. Que dit la Cour des comptes ? La Cour des comptes dit ce que j’ai dit moi-même devant la commission des Finances il y a une dizaine de jours. Pour des raisons qui tiennent à la récession, il y a un risque qui pèse sur les recettes. Les recettes de TVA, même s’il y a des incertitudes, ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendions, mais en même temps elles sont très volatiles, les chiffres de mars, les chiffres d’avril, sont très différents. Nous n’avons pas encore d’élément sur l’impôt sur le revenu, c’est normal puisque les Français viennent de faire leur déclaration, prenant en compte les revenus de l’année 2012, ils n’ont donc pas commencé à payer, et pour l’impôt sur les sociétés nous attendons les premiers chiffres. Donc il y a un risque d’aléa baissier. Ce que dit également la Cour des comptes, c’est que la dépense est parfaitement tenue, et qu’il n’y a pas, compte tenu du gel auquel nous avons procédé, compte tenu de l’évolution des dépenses d’Assurance Maladie, de risque qui pèse sur la dépense, contrairement à ce que disait l’opposition. Et enfin, ce que dit la Cour des comptes…
FREDERIC RIVIERE
Mais elle dit aussi qu’il faut aller plus loin en matière d’économies.
BERNARD CAZENEUVE
Je vais y revenir. Ce que dit la Cour des comptes, troisième point, c’est qu’il serait absurde de faire une loi de Finances rectificative, parce qu’elle aurait un effet très récessif. Donc, ce qu’a dit la Cour des comptes dans son rapport hier, qui est juste, ce qui montre d’ailleurs que ce que nous avons engagé avec le Haut Conseil des Finances Publiques, le travail avec la Cour des comptes, est très positif, parce que ça nous conduit, par un dialogue entre nous, à affiner constamment la trajectoire de finances publiques et à faire la transparence sur ces questions. Ce que dit la Cour des comptes, je fais mienne cette doctrine, c’est, un, il y a un aléa sur les recettes, deux, la dépense est parfaitement tenue, elle doit continuer à l’être, trois, il ne faut pas faire de loi de Finances rectificative, ça aurait un effet récessif.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2013