Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à "RTL" le 26 juin 2013, sur la renégociation des mécanismes de la politique agricole commune (PAC).

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous étiez hier et avant-hier au Luxembourg pour renégocier avec vos partenaires européens les mécanismes de la politique agricole commune, c’est compliqué, la PAC. Elle est sauvée, il y a un accord ?
STEPHANE LE FOLL
La PAC elle est sauvée depuis que le président de la République a défendu un budget sur la PAC. Et puis maintenant elle est en train d’être revue et c’est une nouvelle PAC qui est en train de se préparer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi elle et revue ?
STEPHANE LE FOLL
Elle est revue parce que c’était un accord qui est passé avec des objectifs et des distributions d’aide qui vont être différents de ce qui existaient. L’objectif que j’ai poursuivi depuis un an, donc hier soir c’est un an de négociation en fait. C’était d’abord une PAC qui soit plus juste, qui soit plus verte, qui soit plus régulée et qui en plus prenne en compte l’avenir des jeunes agriculteurs. Et donc hier soir cet accord plus juste… il y aura une redistribution des aides. Plus verte évidemment. Plus régulé, je prends les exemples sur la vigne, sur les droits de plantation. Et puis les jeunes, il y aura des mesures spécifiques pour eux à l’échelle européenne qui n’existaient pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est formidable !! Tout va aller mieux ! C’est tellement rare d’entre ça un matin…
STEPHANE LE FOLL
Non, tout ne pas aller mieux, en tout cas c’est déjà une étape extrêmement importante de franchie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Finalement l’Union européenne ça sert à quelque chose. Ça peut répondre à des aspirations populaires.
STEPHANE LE FOLL
Ça peut répondre à des aspirations populaires. Faut-il encore qu’à l’échelle de l’Union européenne il y ait des projets, des perspectives et qu’on ne discute pas uniquement budget. C’est ça l’enjeu. Et là la politique agricole, deux jours et demi… Alors en même temps je regardai tout ça, 27 pays autour d’une table…
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est terrible !!
STEPHANE LE FOLL
Pratiquement trois législateurs, parce que la Commission légiférait aussi. Et je vous à la fois la difficulté que c’est. Deux jours et demi, deux nuits, des attentes, des discussions, des accords, des alliances à faire. De ce côté-là la France… depuis le départ moi j’ai cherché non pas à arriver en disant « voilà ce que je pense et il faut me suivre », j’ai regardé ce qu’on pouvait faire comme alliance. Et c’est ça aussi qui est intéressant, qui est fantastique, c’est qu’on s’aperçoit qu’au bout du compte on a créé des majorités avec des pays parce qu’il y a des conceptions de l’agriculture qui s’expriment en Europe. Et c’est dans ce débat qu’il faut s’inscrire, et c’est comme ça qu’il faut construire.
JEAN-MICHEL APHATIE
J’ai pondu ma phrase compliquée sur les aspirations populaires parce qu’en fait je citais à l’envers Arnaud MONTEBOURG. Finalement…
STEPHANE LE FOLL
J’ai bien compris qu’il y avait quelque chose après.
JEAN-MICHEL APHATIE
Finalement, a-t-il dit, c’est lui qui parle, Arnaud MONTEBOURG il a dit ça dimanche soir : « l’Union européenne ne répond à aucune des aspirations populaires et la montée du Front national est liée à la façon dont l’union populaire exerce aujourd’hui une pression sur les gouvernements démocratiquement élus ». Il dit quelque chose de faux donc Arnaud MONTEBOURG.
STEPHANE LE FOLL
Mais je vois bien quel est le dessein d’Arnaud MONTEBOURG. Il a toujours été sur cette ligne-là. On se souvient de la primaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n’êtes pas sur la même ligne. Par expérience en fait parce qu’au ministère où vous êtes, vous voyez que ce n’est pas exactement…
STEPHANE LE FOLL
Oui et puis parce que J’ai été vice-président du Parlement européen.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce que n’a pas été Arnaud MONTEBOURG. Il n’a pas cette expérience.
STEPHANE LE FOLL
Ce qui est une expérience oui. Ce titre là c’est une expérience. Je sais aussi qu’une majorité au Parlement européen, comme à l’échelle européenne, par exemple sur la politique agricole, avait fait le choix d’une forme de libéralisme avec ce qu’on appelle le fait qu’on donnait des aides à l’hectare sans lien avec ce qui pouvait être produit. On n’en a rien à faire « on vous donne une aide, terminé, débrouillez-vous après ». Avec une logique très libérale. Je sais que pour corriger ça il faut une autre logique, il faut faire de la politique. Ce que je veux dire c’est qu’on n’est pas obligé de considérer que en soi l’Europe est un problème.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a tort de faire de l’Europe…
STEPHANE LE FOLL
On est obligé de considérer que si on veut la changer il faut s’en donner les moyens.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a tort de faire de l’Europe le bouc émissaire de nos problèmes.
STEPHANE LE FOLL
On a tort de penser l’Europe comme un système en soi qui aurait une logique alors que la vraie responsabilité des hommes politiques c’est au contraire de l’investir pour la changer. Parce que sinon… ou alors on dit « on la quitte ». Mais quand on dit « on la quitte » il faudra aller jusqu’au bout. Jamais personne ne donne à comprendre aux Français ce que ça aurait comme conséquence. C’est facile de dire « on a une crise, c’est la faute à qui ? Il y a l’Europe, donc c’est de sa faute. Donc je vous propose mes compatriotes de la quitter, voilà la vraie solution ». Qu’est-ce qui se passe derrière ? Ça, il faudra en parler un jour. Difficile d’imaginer mais à chaque fois la responsabilité – et c’est ce que j’ai fait – c’est de dire dans l’Europe oui il y a une logique libérale aujourd’hui, oui…le débat sur l’austérité et les budgets … moi je l’ai eu au Parlement européen, j’ai trouvé ça insupportable qu’on commence par dire « il faut surtout qu’on explique les fautes qu’on a faites puisqu’on a des déficits qui sont trop grands, donc on va y aller sur les sanctions ». Est-ce que vous vous rendez compte que ce que vous êtes en train de faire on va être obligé de le changer d’ailleurs. Oui il faut être sérieux, c’est mieux, mais en même temps on ne peut pas rester uniquement à cette logique qui est complètement absurde en plus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous en voulez un peu à Arnaud MONTEBOURG de dire « l’Europe est le carburant, ou la Commission européenne est le carburant du front national ».
STEPHANE LE FOLL
Non je n’en veux pas à Arnaud. Non. Je pense qu’il faut, dans ces choses-là, il y a à chercher à comprendre. La question du front national est posée depuis longtemps. Je le répète, qu’est-ce qui dans une crise fait qu’on a du populisme ? Le populisme c’est une capacité à dire : les choses ne sont pas si compliquée que ça. Il y a une solution très simple, c’est ça, et je vous la donne. Regardez c’est très simple ; parce que derrière cette solution il n’y a jamais les conséquences. Donc il faut chercher aussi. Et moi je comprends et la colère qui peut exister, dans une crise comme celle qu’on traverse. Pas facile de dire, vous le disiez tout à l’heure « ah la PAC ça y est c’est fait, tout va bien ». Si vous dites ça ce matin à des agriculteurs qui sont dans la difficulté, ils vont dire « mais ça ne va pas !! ». J’ai pas dit ça, je dis simplement que par rapport à l’enjeu, par rapport aux 10 milliards d’euros qui est la politique agricole commune, je pense qu’avec ce qu’on a fait on a les moyens de redonner et de l’espoir et surtout e faire des choix politiques particuliers pour les éleveurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
L’actualité aujourd’hui c’est Jérôme CAHUZAC à l’Assemblée nationale.
STEPHANE LE FOLL
Oui je sens que ça ne va pas être la politique agricole. Malheureusement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non aujourd’hui non. L’image de Jérôme CAHUZAC revenant à l’Assemblée nationale sera une image assez forte.
STEPHANE LE FOLL
Oui j’ai vu ça, je confirme.
JEAN-MICHEL APHATIE
On imagine que les électeurs de gauche à Villeneuve sur Lot ont voté front national à cause de l’affaire CAHUZAC, mais peut-être pas que pour ça, peut-être aussi déception de la politique gouvernementale, incompréhension du cap…
STEPHANE LE FOLL
Mais de toute façon, là-dessus il faut regarder les choses objectivement, il y a eu une partielle dans l’Oise.
JEAN-MICHEL APHATIE
Déjà au mois de mars oui.
STEPHANE LE FOLL
Toujours regarder les choses franchement. Il y a une difficulté majeure économique qui a des conséquences sociales. On ne peut pas penser qu’avec la difficulté dans laquelle on est et donc l’effort qu’on demande, on va être crédibilisé aujourd’hui. On va dire « c’est parfait, c’est génial », je le vois bien quelle est la conséquence ? C’est qu’il y a une forte abstention d’une partie de l’électorat qui d’ailleurs s’était déplacée en 2012 pour le changement. Il faut le lire aussi comme ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et il y a une déception.
STEPHANE LE FOLL
Oui une déception, et puis il s’ajoute dans cette circonscription, contrairement à ce que j’ai entendu qui était une circonscription qui était de droite…
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle a été de droite et de gauche.
STEPHANE LE FOLL
Elle a été de droite, en 97 elle l’était, en tout il l’a gagnée, il l’a perdue en 2002, il l’a regagnée après…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous parlez de Jérôme CAHUZAC.
STEPHANE LE FOLL
Jérôme CAHUZAC. Dans cette circonscription, il y a eu l’affaire en plus, puisque sur Villeneuve sur Lot, la ville de Jérôme CAHUZAC, le front national est arrivé en tête ; Là il y avait un signal qui était donné très contextuel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dominique STRAUSS-KAHN est au Sénat lui tient aujourd’hui. Il va revenir en politique ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne sais pas, ce n’est pas à moi de dire …
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne savez pas !! Vous ne savez pas tout.
STEPHANE LE FOLL
Non, non, je ne sais pas tout.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2013