Déclaration de M. Thierry Repentin, ministre des affaires européennes, sur les avancées en matière de construction européenne, à l'Assemblée nationale le 3 juillet 2013.

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Circonstance : Audition devant les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes de l'Assemblée nationale, le 3 juillet 2013

Texte intégral


Voilà une semaine, à l'occasion d'une séance de questions d'actualités consacrées au Conseil européen, j'ai eu l'occasion d'indiquer les sujets que nous souhaitions voir inscrits à l'ordre du jour, avec l'espoir que des avancées concrètes soient réalisées. Il m'appartient donc d'évoquer avec vous les conclusions du Conseil des 27 et 28 juin et de tracer les perspectives de travail qui se présentent dans le cadre d'un calendrier précis sur des dossiers qui doivent être approfondis entre les Vingt-huit.
Ce sommet des chefs d'État et de gouvernement a essentiellement contribué à progresser dans trois domaines : l'emploi des jeunes, l'intensification des actions pour la croissance et l'approfondissement de l'union économique et monétaire (UEM).
Nous demandions que la question de l'emploi des jeunes soit examinée en priorité : près de 14 millions de jeunes Européens sont aujourd'hui au chômage ; nombre d'entre eux sont sans formation. En ralliant nos principaux partenaires, nous avons obtenu que soit mis en place un véritable plan, avec des dispositions spécifiques. Pour la première fois, une ligne budgétaire regroupera toutes les mesures visant à accompagner les jeunes de moins de vingt-cinq ans sortis du cursus scolaire ou au chômage depuis plus de quatre mois. Sous le label «Initiatives pour la jeunesse» et sur recommandation de la Commission et des États membres, des emplois aidés, des formations par alternance, des réintégrations dans un circuit d'apprentissage, des offres de stages qualitatifs leur seront proposés.
Les six milliards qui ont été débloqués ne se substituent pas aux efforts qui ont déjà été entrepris dans certains pays, dont la France, mais ils s'y ajoutent. Compte tenu du poids de notre pays dans l'Union, nous pouvons estimer que nous recevrons 600 millions. Avec plusieurs de ses partenaires, la France a demandé que cette somme ne soit pas répartie sur la période couverte par le CFP, de 2014 à 2020, mais qu'elle soit concentrée sur les années 2014-2015.
Ont donc été actés à l'occasion de ce sommet le montant de six milliards, le front loading pour 2014-2015 et, sur demande du Parlement européen, la possibilité de poursuivre cet effort grâce à une flexibilité sur les crédits d'engagements à partir de 2016 de 2,6 milliards d'euros. Ces sommes seront consacrées, par exemple, à des actions de formation professionnelle ou d'apprentissage, décidées par les États. Tel est d'ailleurs l'objet des discussions qui ont lieu cet après-midi même à Berlin avec les vingt-huit ministres du travail de l'Union, mais aussi le président Hollande, la chancelière Merkel et la présidente de la Lituanie, Mme Grybauskaité - qui va présider l'Union pendant six mois - afin d'examiner comment mettre en place ces actions sans tarder, sachant que, dans certains États, des appels d'offres sont parfois nécessaires.
Cette action en faveur de la jeunesse sera concentrée dans les bassins d'emplois où le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est supérieur à 25 %. Des évolutions sont d'ailleurs encore possibles sur ce dernier point, certains pays demandant que ce pourcentage soit abaissé à 20 %. Toutefois, plus la cartographie sera élargie, moins l'effet de levier sera important puisque les sommes dépensées par l'Union européenne sont les mêmes. Si le pourcentage de 25 % est retenu, une douzaine de régions françaises sera éligible, ainsi que l'ensemble des départements d'outre-mer.
De 2007 à 2013, le programme Erasmus a quant à lui bénéficié de 8 milliards. Ce sont désormais 13 milliards qui lui seront consacrés. Non seulement les jeunes bénéficiant de l'aide à la mobilité seront plus nombreux, mais les jeunes en formation professionnelle par alternance dans les entreprises et les jeunes apprentis pourront le suivre.
En outre, dans quelques mois, la Commission européenne devra formuler au Conseil une proposition visant à mettre en place des stages de qualité.
De même qu'Erasmus a donné l'occasion aux États de définir un statut de l'étudiant, son élargissement aux apprentis permettra d'élaborer un statut de l'apprenti à l'échelle européenne. La reconnaissance de ces formations et la mise en place d'une équivalence de diplômes professionnels sont loin d'être secondaires.
La BEI, qui dispose de fonds supplémentaires grâce au pacte de croissance adopté au mois de juin 2012, devra également faire une proposition au Conseil afin de mettre en place des prêts pour les jeunes et pour les jeunes créateurs d'entreprises, lesquels éprouvent parfois des difficultés à obtenir des financements classiques. Les PME qui embauchent des jeunes Européens bénéficieront ainsi d'aides spécifiques.
L'intensification des efforts en faveur de la croissance vise à faire en sorte que le pacte de relance soit pleinement appliqué dans les États sous ses différents aspects : fonds structurels, BEI, project bonds. En juin 2012, 120 milliards avaient été fléchés grâce à ces outils. La réorientation des fonds structurels inutilisés en faveur des collectivités territoriales a été bénéfique, puisque 31 milliards ont été réaffectés. Très peu l'ont été en France, ce qui est à la fois dommage et réjouissant : l'année dernière, le taux de consommation des fonds, notamment, du FEDER, s'élevait à 90 %.
Grâce à cette décision, nous avons augmenté le capital de la BEI à hauteur de 10 milliards, ce qui, par effet démultiplicateur, autorise 60 milliards de prêts à l'échelle européenne. La France, en l'occurrence, disposera chaque année, de 2013 à 2015, de 7 milliards. Nous avons allégé les dispositifs afin que l'utilisation de ces fonds soit plus rapide et nous avons élargi les secteurs éligibles en l'occurrence à l'université - plan Campus - et aux hôpitaux - plan Hôpital 2020.
Comment faire connaître l'existence de ces prêts auprès des élus locaux et des entreprises, la BEI ayant également vocation à aider ces dernières ? Nous avons convié la BEI et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à travailler ensemble. Un accord a été signé le 13 juin. Depuis, la CDC instruit des dossiers de demandes de collectivités locales pour utiliser l'argent que la BEI mettra à sa disposition. Des accords de partenariat ont également été passés avec des banques de proximité, dont la Caisse d'épargne, afin que ces fonds soient mis à disposition des PME. La BEI n'intervient directement que sur des projets de plus de 100 millions, nombre de collectivités locales et d'entreprises ne pouvant donc émarger. Je ne veux plus que l'on dise, sur le terrain, qu'il n'est pas possible d'accéder à ces fonds : désormais, la CDC et la BPI en font leur affaire et les banques de proximité comme la BPI doivent les délivrer. Grâce à cet accord, la CDC et la BEI peuvent financer à 100 % - 50 % pour la première, 50 % pour la seconde - les grandes infrastructures de vos territoires. Les taux de la BEI étant de surcroît inférieurs de trois points de base aux prêts classiques, les perspectives de grands travaux sont réelles.
Dans le cadre du CFP, la ligne budgétaire «Mécanismes d'interconnexions pour l'Europe» sera substantiellement augmentée à partir du 1er janvier 2014, puisqu'elle passera de 8 à 19 milliards. Ces sommes seront consacrées aux infrastructures de transport, mais aussi de lutte transfrontalière contre la précarité énergétique.
Des avancées ont également été réalisées sur le plan de l'UEM. Les objectifs sont limpides : il convient à la fois de définir des systèmes qui permettent à l'Union européenne d'anticiper et de réagir dans l'urgence afin que l'Europe ne traverse plus de crises comparables à celles qu'elle a connues, d'éviter les défaillances bancaires qui ont exposé épargnants et contribuables et, enfin, de disposer d'importants moyens de contrôle et de décisions. Grâce à cet approfondissement de la supervision bancaire, une autorité, à l'échelle de l'Union, disposera d'un droit de regard sur la façon dont les banques nationales sont gérées à travers un certain nombre de critères de sécurité définis selon le principe «mieux vaut prévenir que guérir». Des stress tests seront organisés à l'automne prochain qui mettront les banques nationales en difficultés budgétaires et économiques afin d'observer leurs réactions.
En outre, un système de recapitalisation directe des banques sera mis en place par le biais du mécanisme européen de stabilité, alors que jusqu'ici, en cas de crise bancaire, ce n'étaient pas les banques elles-mêmes qu'aidait l'Europe, mais les États, lesquels aidaient à leur tour les banques nationales mais se retrouvaient en difficulté en raison de l'augmentation de leur endettement.
Tout cela doit se faire dans ce cadre technique et financier identique pour tous qu'est la résolution bancaire, laquelle doit être adoptée avant la fin de l'année. Ce sont avant tout les actionnaires et les créanciers qui doivent payer la mauvaise gestion, les dépôts des épargnants devant être quant à eux épargnés.
Si nombre de moyens financiers nouveaux doivent être sollicités, il convient préalablement que le CFP soit voté. Le Parlement européen, qui a évidemment son mot à dire sur le budget, manifestera-t-il une adhésion pleine et entière ? Aujourd'hui même a été votée à une très large majorité une résolution disposant que le Parlement mettra à son ordre du jour du mois de septembre prochain le vote du CFP 2014-2020, dans lequel figurent les lignes budgétaires dont nous avons parlé : Erasmus, emploi des jeunes, Mécanismes d'interconnexions pour l'Europe, hausse de 40 % du financement de la recherche et développement. Les discussions en cours entre le Parlement, le Conseil et la Commission portant sur quelques centaines de millions seulement, pour un budget de 960 milliards, nous pouvons nous montrer raisonnablement optimistes.
L'adhésion du Parlement a été définitivement emportée grâce aux avancées réalisées par les chefs d'État et de gouvernement la veille et le jour même du Conseil, afin de rendre le CFP plus flexible. Grâce à une plus grande flexibilité des crédits de paiement et d'engagement sur la période 2014-2020, nous avons en effet la quasi-certitude que le budget voté sera le budget consommé. Globalement, nous investirons environ 50 milliards de plus que pendant la période 2008-2013. Cela est évidemment très important pour soutenir les budgets publics et favoriser l'accompagnement de grandes entreprises. Cette action est complémentaire de celle de la BEI : Renault a ainsi bénéficié la semaine dernière d'un prêt de 400 millions de la BEI ; le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne bénéficiera quant à lui d'un prêt de 600 millions.
J'ajoute que, compte tenu de l'évolution de son économie, la Lettonie a été autorisée à rejoindre la zone euro le 1er janvier 2014.
Nous avons également donné mandat pour ouvrir des négociations à partir des mois de décembre ou de janvier prochains en vue de l'adhésion de la Serbie et de l'association du Kosovo. Nous avons demandé qu'elles s'ouvrent en même temps et qu'elles se poursuivent au même rythme pour ces deux pays qui, il y a peu, se déchiraient encore. Ils n'ont d'ailleurs accepté de discuter ensemble qu'en présence des autorités européennes et dans la perspective de ces rapprochements avec l'Union européenne. Alors que certains se demandent si l'Union constitue encore une perspective intéressante, je note que le «désir d'Europe» est bien réel. Plus l'Union est forte, plus elle a d'atouts. J'ai assisté dimanche dernier, à Zagreb, aux manifestations préalables à l'entrée de la Croatie dans l'Union et j'ai vu des gens très heureux à l'idée de la rejoindre.
(Interventions des parlementaires)
Mes propos liminaires ne concernaient que les résultats du Conseil européen, mais il est naturel que l'actualité nous conduise à élargir le champ de nos échanges.
Plusieurs députés se sont ainsi interrogés sur l'élargissement. S'agissant de la Croatie, je me réjouis que le processus soit allé à son terme. Mais je rappelle qu'il avait commencé il y a treize ans - même si les négociations formelles n'ont été entamées qu'en 2005. Beaucoup de temps se passe entre l'expression du souhait de rejoindre l'Union européenne et la possibilité d'une intégration. À partir du moment où une candidature est acceptée, des discussions ont lieu sur les trente-cinq chapitres de l'acquis communautaire. Pour chacun des secteurs considérés, le pays candidat doit montrer qu'il répond à certains critères qualitatifs. Tant que ce n'est pas le cas, il ne peut y avoir d'adhésion.
Enfin, la Croatie est le dernier pays candidat à avoir bénéficié de l'ancienne procédure, plus souple, de ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne. C'est en effet vous-mêmes, parlementaires, qui avez autorisé son adhésion, par un vote dont le caractère unanime a d'ailleurs été remarqué au niveau international. Mais désormais, pour qu'un projet de loi autorisant la ratification d'un tel traité soit adopté par le Parlement, il faudra réunir la majorité des trois cinquièmes dans chacune des chambres, ainsi qu'au Congrès.
J'en viens au partenariat oriental. Du fait de son histoire, celle d'un pays qui n'a pas connu une liberté comparable à la nôtre au cours des dernières décennies, il est compréhensible que la Lituanie, devenue présidente de l'Union, souhaite s'adjoindre des partenaires susceptibles de l'arrimer définitivement dans une Europe élargie à l'Est. En novembre, un sommet sera d'ailleurs organisé à Vilnius sur cette question. On y parlera notamment de la Biélorussie, de l'Ukraine, de la Géorgie, de la Moldavie. Mais nous avons clairement tracé la ligne rouge à ne pas franchir : pour que ce sommet soit un succès pour nos amis lituaniens, il faut que nous connaissions des avancées dans la coopération avec ces pays sans pour autant laisser penser qu'elles pourraient déboucher sur une perspective européenne - c'est-à-dire, pour être clair, sur des adhésions.
Cela étant, il est possible de travailler sur de nombreux sujets : assouplissement de la politique des visas à l'égard de pays ayant connu des avancées sur le plan démocratique, approfondissement des relations commerciales... Mais nous ne sommes pas dans une perspective d'élargissement de l'Union européenne aux États concernés par le partenariat oriental.
Nous devons toutefois raffermir nos liens avec ces pays, si nous ne voulons pas les voir se tourner vers une autre partie du monde et délaisser l'Europe. En effet, chaque fois que des États - notamment dans les Balkans - ont connu des avancées dans leurs relations avec l'Union européenne, on y a vu progresser la démocratie. C'est un phénomène dont on ne peut que se louer. Vitali Klitschko, une des figures de l'opposition ukrainienne, disait lui-même qu'il ne fallait pas leur fermer la porte, car la perspective de rejoindre l'Union est, pour les gouvernements de ces pays, une incitation à adopter des règles plus respectueuses de la démocratie, plus proches des normes européennes.
Cela m'amène à la situation de la Turquie. Bien entendu, tout démocrate ne manque pas d'être interpellé par ce qui s'y passe. Certains ont regretté l'absence de réaction de la France, mais Laurent Fabius, notamment, a eu des mots très fermes, condamnant l'usage excessif de la force à l'encontre des manifestants de la place Taksim. J'ai moi-même dit à mon homologue, M. Egemen Ba???, qu'il ne pourrait y avoir entrée dans l'Union si nous avons le sentiment que son pays, au-delà des réformes économiques qu'il mène depuis quelques années, n'adhère pas aux valeurs de l'Europe, dont font partie la liberté d'expression et le respect de l'État de droit. Je précise que les discussions n'ont pas encore été ouvertes sur ce chapitre ; elles n'ont été ouvertes que sur celui des politiques régionales.
Par ailleurs, au cours du conseil des affaires générales, qui a précédé de deux jours le Conseil européen des chefs d'État, les Vingt-sept ont décidé à l'unanimité - y compris Chypre, donc - de maintenir le dialogue avec la Turquie, afin d'éviter qu'elle ne s'enfonce dans un nationalisme exacerbé. Certains estimaient que les manifestants eux-mêmes, souvent favorables à l'Union, n'accepteraient sans doute pas de voir s'éloigner la perspective européenne. Pour eux, au moins, il convient de ne pas fermer la porte.
Quant à l'affaire PRISM, elle n'était évidemment pas à l'ordre du jour du Conseil européen, mais lundi matin, à l'occasion d'une réunion avec Mme Reding consacrée à la protection des données, j'ai suggéré que le Comité des représentants permanents, qui se tiendra jeudi, soit le lieu d'un dialogue et de l'élaboration d'une expression commune des membres de l'Union sur ce sujet. Il convient en effet de condamner unanimement ces pratiques, inacceptables entre partenaires. Vivian Reding a elle-même jugé nécessaire d'adopter une attitude commune plutôt que de laisser les uns et les autres s'exprimer trop rapidement.
A posteriori, cela donne d'ailleurs raison à la France d'avoir tenu bon sur la question de l'exception culturelle, laquelle va bien au-delà de la culture et concerne également les réseaux de télécommunication.
De même, ce soupçon d'espionnage nous incite à être encore plus vigilants dans le suivi des discussions - qui n'ont pas encore commencé - entre la Commission et les États-Unis sur l'accord de libre-échange. Un état des négociations nous sera ainsi adressé chaque semaine. Nous devons être très fermes.
S'agissant des contrats de compétitivité et de croissance, le dernier Conseil européen ne les a pas encore mis en place. La décision sera prise en décembre, car des questions doivent encore être résolues, portant sur la nature, le contenu et les procédures d'élaboration de ces contrats. Nous voulons qu'ils reposent sur des engagements politiques, et que leur contenu concerne non seulement les réformes, mais aussi les dépenses d'avenir. Les décisions qui seront prises devront par ailleurs avoir fait l'objet de discussions au sein des parlements nationaux. Enfin, il reste à déterminer la forme de soutien financier dont bénéficieront les États dans le cadre de ces contrats, et la nature du fonds sollicité. Cela renvoie à la question de la mise en place de la taxe sur les transactions financières et de son affectation, ou à la création d'une taxe carbone, dont le produit alimenterait un fonds de la zone euro.
Plusieurs questions ont été posées sur le Fonds européen de développement régional - FEDER. Comme je l'ai indiqué, la France a presque atteint en 2012 un taux de consommation de crédits de 90 %. Au vu du montant des crédits programmés pour 2013, soit 2,1 milliards d'euros, on peut estimer que la quasi-totalité des fonds attribués à la France sur la période 2008-2013 a été consommée. Quelques dizaines de milliers d'euros ont pu, toutefois, être réaffectés, au bénéfice presque exclusif du ministère de l'éducation nationale, et en particulier de l'équipement numérique des établissements scolaires. Côté FEDER, il ne reste donc plus rien.
En revanche, du côté de la BEI, d'importants crédits restent disponibles, soit pour le secteur privé, soit pour le secteur public. Je sais, cependant, que leur existence reste méconnue. Le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs prévu d'informer à ce sujet les acteurs du monde économique comme le MEDEF ou le réseau des chambres consulaires.
Par ailleurs, je n'ai pas encore évoqué un autre aspect du pacte européen pour la croissance et l'emploi : les projects bonds, obligations émises au niveau européen pour financer de grands projets. Nous nous situons à cet égard dans une phase pilote. La France a proposé quatre dossiers, instruits par la BEI : deux concernent la numérisation de territoires - Auvergne et Haute-Savoie -, et deux autres des infrastructures autoroutières - un barreau entre Saint-Étienne et Lyon et une autoroute dans la région Poitou-Charentes. La semaine dernière, la BEI a accepté six projets présentés par d'autres pays, dans des domaines très différents, tels que le développement durable, avec le raccordement électrique d'un champ d'éoliennes.
Cela montre que ces fonds ne seront pas consacrés à un seul secteur. La BEI accorde un large financement, mais il appartient aux États de proposer les projets susceptibles de bénéficier de ces nouvelles formes d'aide.
J'en viens au programme européen pour l'aide aux plus démunis, devenu le Fonds européen pour l'aide aux plus démunis - FEAD. En principe, les crédits consacrés à cette politique auraient dû diminuer progressivement jusqu'à atteindre zéro euro le 31 décembre 2013. L'Europe avait en effet pris la décision, lors d'un Conseil européen de 2011, de ne plus intervenir en ce domaine. C'est à la demande expresse de la France, à la toute fin du sommet de février sur le cadre financier pluriannuel, que la question du FEAD a été posée à nouveau. Les discussions ont conduit dans un premier temps à la décision de l'abonder à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Par la suite, les pays hostiles à cette politique ont voulu la rendre facultative, poser de nouvelles conditions, restreindre le public visé aux seuls indigents en excluant les travailleurs pauvres, tout cela dans le but de réduire le financement à la portion congrue. Mais nous avons tenu bon, avec l'aide notable du Parlement européen. Non seulement le montant des crédits a été maintenu, mais la compétence est restée obligatoire. Enfin, depuis les derniers arbitrages effectués entre le Conseil, la Commission et le Parlement, les États ont la possibilité de porter, à titre volontaire, le financement du FEAD à 3,5 milliards d'euros. Cela signifie qu'un membre de l'Union pourra puiser dans le Fonds social européen pour compléter les aides destinées aux associations telles que les Restaurants du coeur, la Croix-Rouge ou le Secours catholique. Le total a été fixé à 3,5 milliards, car tel était le montant des crédits consommés l'an dernier dans le cadre de l'aide européenne aux plus démunis. Dans la mesure où notre pays fait preuve de volontarisme sur cette question, les associations pourront donc poursuivre leurs activités sans difficulté.
Au-dessus du seuil de 2,5 milliards d'Euros, la politique est financée sur l'enveloppe du FSE, et relève donc bien du budget de l'Union. Mais on laisse aux États le soin de décider s'il est nécessaire de recourir à ce fonds pour compléter la partie obligatoire du financement. En France, nous estimons à 150 millions les crédits nécessaires pour assurer aux associations le même niveau de subvention qu'auparavant - ce qui sera le cas, vous pouvez les rassurer sur ce point. De même, contrairement à d'autres pays, nous ne chercherons pas à limiter le public visé, car, malheureusement, certains salariés ont aussi besoin de ces aides.
M. Pueyo s'est plaint, à juste titre, de la complexité des procédures d'accès aux fonds structurels. Le président de la République a décidé de décentraliser totalement la gestion du FEDER. Le partage des responsabilités entre l'État et la région en matière d'instruction des dossiers était en effet source de complexité, et les choses seront sans doute plus aisées avec un seul interlocuteur. C'est du moins le pari que nous faisons. Dès lors, il appartiendra aux régions d'instruire les dossiers, et donc de faire connaître les procédures. L'État, néanmoins, apportera une aide technique sur ces sujets très complexes, afin d'assurer la transition.
En conséquence, bien entendu, les régions seront désormais responsables de la bonne utilisation de ces fonds. Jusqu'à présent, s'il apparaissait, à la suite de contrôles ex post, que les règles n'avaient pas été respectées, l'État devait rembourser les sommes versées. Il appartiendra désormais aux régions d'assumer cette responsabilité. C'est pourquoi nous avons prévu de consacrer un petit pourcentage de ces fonds à l'assistance technique destinée à faciliter le montage des projets.
Quant à la BEI, ses représentants sont la Caisse des dépôts et la Banque publique d'investissement. C'est donc à ces institutions qu'il convient de s'adresser.
En ce qui concerne les stages, la décision prise par le Conseil européen vise à ce qu'ils correspondent partout à un niveau minimal de qualité, qu'il s'agisse des conventions sociales, de la durée de l'engagement ou de la rémunération. C'est le cas en France, mais pas dans certains pays. Le cadre de qualité devra donc, en quelque sorte, étendre à tout le territoire de l'Union nos propres exigences en la matière.
Je précise que des institutions telles que les écoles de la deuxième chance, dès lors qu'elles visent à réinsérer des jeunes dans la vie professionnelle, pourront bénéficier d'une partie des 6 milliards d'euros consacrés à l'initiative pour l'emploi des jeunes, par l'intermédiaire du Fonds social européen.
J'en viens aux questions de M. Myard. Le 26 juin, le conseil Ecofin s'est mis d'accord sur un projet de directive sur la résolution de crises bancaires. Son objectif est de responsabiliser les banques et de mettre leurs actionnaires et leurs créanciers à contribution en cas de crise. C'est donc bien eux qui paieront, avant toute intervention publique, les conséquences des éventuels dysfonctionnements dont ils seraient responsables. Le recours au mécanisme européen de recapitalisation ne pourra avoir lieu qu'après application des principes de la résolution.
Nous comptons en outre parachever l'union bancaire et le processus de responsabilisation des banques grâce à l'adoption d'un conseil de résolution unique avant la fin de la législature. Une fois définies, ces règles s'appliqueront dans tous les États de l'Union.
Si la Lettonie a été autorisée à adopter la monnaie européenne, c'est parce que la Commission et la Banque centrale européenne - cette dernière constituant un évaluateur peu suspect de laxisme - ont jugé qu'elle répondait aux critères requis. L'économie lettone, à force de travail et de volonté, a suffisamment convergé avec celle de l'Europe, et le pays est prêt pour l'échéance du 1er janvier 2014. Contrairement à une idée visiblement répandue, l'Allemagne n'était pas le pays le plus enclin à la voir intégrer la zone euro. Je dis clairement les choses : on peut en effet avoir des divergences avec nos amis d'outre-Rhin.
En ce qui concerne l'agenda numérique, je confirme que le CFP - à travers la ligne budgétaire «Mécanismes d'interconnexions européens» -, le FEDER et la BEI sont trois sources possibles de financement pour des projets de développement des infrastructures. S'agissant de la fiscalité dans le domaine du numérique, nous sommes conscients du travail qui reste à accomplir, même si cette question n'était pas à l'ordre jour du sommet des 27 et 28 juin.
Au sujet de la sécurité du numérique, et en particulier de la protection des données, sur laquelle j'ai eu une longue discussion avec Mme Reding à l'occasion du Conseil sur la justice et les affaires intérieures, la Commission a évolué de façon substantiellement positive. La question était de savoir quelle autorité devrait être saisie : celle du pays dans lequel est rendu le service, ou celle du pays dans lequel l'entreprise est installée ? Vivian Reding a fini par se convaincre de la nécessité de maintenir une autorité de contrôle dans chacun des États. En effet, si l'autorité concernée en matière de protection des données est celle du pays dans lequel se trouve l'entreprise, toutes les sociétés s'installeront là où l'autorité paraîtra la moins fiable, et l'afflux des saisines auprès de la même institution entraînera une thrombose.
La présidence lituanienne va reprendre le dossier, mais nous avançons vers un système dans lequel les citoyens pourront, en cas de défaillance - y compris en matière de droit à l'oubli -, se tourner vers leur autorité nationale, laquelle sera chargée de saisir l'autorité du pays de l'entreprise en cause. Une telle solution répondrait mieux aux préoccupations de la France.
Hélas, la région a toujours été, pour les politiques européennes, la circonscription de référence, et il en est également ainsi dans le cas de l'initiative pour l'emploi des jeunes. Cependant, une part des fonds disponibles, correspondant à 10 % du total, sera laissée à la disposition des autorités nationales pour répondre à des cas particuliers, comme la prise en compte de poches de pauvreté situées dans des régions riches. Pour autant, cela ne doit pas empêcher la région d'intervenir elle-même dans ces zones de façon plus marquée. L'Union européenne peut venir en appui, mais elle n'a pas à se substituer à une solidarité bien pensée, y compris à l'échelle régionale.
Je ne peux répondre à toutes les questions, car j'ai un rendez-vous à dix-neuf heures. Mais je suis disponible pour vous rencontrer plus souvent.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2013