Texte intégral
Lors du débat préalable à ce Conseil européen, j'avais indiqué l'objectif essentiel de la France : renouer avec la compétitivité et la croissance. Lors de cette réunion ainsi que du Conseil des affaires générales et de l'Ecofin qui l'ont précédé de peu, la France, avec d'autres, a donné l'impulsion à des décisions importantes.
Elles concernent l'emploi des jeunes, d'abord, une question majeure avec 14 millions de jeunes européens au chômage qui, pour la plupart, n'ont pas suivi de formation ou d'apprentissage. Cela justifiait d'en faire le premier point de l'ordre du jour, comme la France l'avait voulu, et de donner des réponses fortes.
L'initiative pour la jeunesse sera dotée de 6 milliards d'euros dans le prochain cadre financier pluriannuel, une somme dont l'utilisation sera concentrée sur les deux premières années, 2014 et 2015. La France y tenait beaucoup : c'était la condition pour obtenir un effet levier. Si l'on ne consacrera jamais assez à la jeunesse, notons que, pour la première fois, le Conseil européen a acté financièrement une mesure spécifique. Concrètement, elle représentera une aide de 2 300 euros par jeune et par an. Le signal est important alors que - je réponds à la question - le Parlement européen a, par une résolution votée à une très large majorité hier, indiqué son intention de voter le budget européen en septembre sous réserve de certains correctifs. Entre parenthèses, les adaptations demandées portant sur quelques centaines de millions d'euros pour un montant global de 960 milliards, nous pouvons considérer que l'accord est en passe d'être obtenu.
En France, la mise en oeuvre de l'initiative pour la jeunesse se concrétisera dès janvier 2014 par des dispositifs pilotes dans les bassins d'emploi où le chômage des jeunes de moins de 25 ans dépasse 25 %, soit une dizaine de départements ; préfets et présidents de conseils généraux en ont été informés par un courrier. Nous élargirons ensuite le dispositif à l'ensemble du pays. Avec un retour estimé à 600 millions pour notre pays sur les 6 milliards, dont la moitié est financée par une ligne budgétaire spécifique et l'autre par le Fonds social européen (FSE), nous accompagnerons 300.000 jeunes dans l'emploi.
Autre mesure en faveur des jeunes, l'élargissement d'Erasmus aux apprentis, aux jeunes en alternance et à leurs tuteurs. Certains voulaient débaptiser le programme, nous avons obtenu que ce ne soit pas le cas. Nous aurions aimé l'intituler «Erasmus pour tous», nous devrons nous habituer à «Erasmus plus»... Passons car l'important est la hausse des crédits qui lui sont dédiés : ils passeront de 8 milliards durant les années 2008 à 2013 à plus de 13 milliards. Voilà pour les décisions actées.
En outre, le Conseil européen a aussi commandé à la Commission un travail sur l'encadrement des stages dans l'Union européenne : l'idée est de tirer les stages vers le haut en s'inspirant de l'exemple français. Des réflexions sont en cours sur la mobilisation d'autres outils pour les jeunes : les fonds structurels, le FSE et, surtout, la Banque européenne d'investissement (BEI). Celle-ci, avec sa recapitalisation décidée en juin 2012, jouit de nouvelles disponibilités pour financer ses programmes «Des emplois pour les jeunes» et «Investir dans les compétences». Le Conseil européen l'a invitée à développer les prêts pour les étudiants, les prêts pour les entreprises qui embauchent des jeunes et, ce qui n'existait pas auparavant, les prêts aux jeunes créateurs d'entreprise. Ces pistes représentent de belles avancées pour donner aux jeunes citoyens européens des perspectives d'emploi et de formation.
Mais pour que les jeunes retrouvent espoir, il faut aussi, et c'est le deuxième volet des décisions prises lors de ce Conseil européen, intensifier nos efforts pour la croissance. Fort de cette idée, nous avions engagé l'Union européenne à infléchir sa politique il y a un an et avons défendu le principe d'un plan d'investissement pour un accompagnement des PME plus massif que par le passé.
La BEI, comme l'a souhaité le Conseil européen, ciblera ces entreprises dont les activités sont essentielles pour l'emploi. Je rappelle que, dans le cadre du pacte de relance de juin 2012, il a été décidé de recapitaliser la BEI à hauteur de 10 milliards d'euros afin d'entraîner un effet levier de 60 milliards d'euros sur les économies nationales. Mais encore faut-il que ceux qui peuvent utiliser ces disponibilités en aient connaissance. Or la BEI n'est pas présente dans les territoires et finance les projets à partir d'un plancher de 100 millions d'euros. Pour que ces financements irriguent plus finement notre économie, il fallait mettre au point un système plus opérationnel sur le terrain. Le 13 juin dernier, la BEI et la Caisse des dépôts ont passé un accord : dorénavant, la Caisse des dépôts instruira les dossiers en région. À charge pour elle de mobiliser les fonds dont elle dispose pour soutenir les projets, qu'ils soient publics ou privés, soit directement soit à travers la Banque publique d'investissement (BPI). Ainsi, nous pourrons cibler des projets qui, sans atteindre le plancher des 100 millions, sont importants pour les territoires. J'ajoute que deux nouveaux secteurs sont désormais éligibles aux financements de la BEI : l'hôpital et l'université. Nous aurons de nouvelles ressources pour Hôpital 2020 et le plan Campus. Autre point important : avec l'accord du 13 juin, la Caisse des dépôts pourra financer à 100 % les projets, notamment d'infrastructures, dont 50 % à sa charge et 50 % à la charge de la BEI. En résumé, la BEI est dorénavant en ordre de marche. J'y insiste car certains s'étonnent parfois des délais entre les annonces et la mise en oeuvre ; recapitaliser la banque, modifier ses règles, attendre que chaque État apporte sa quote-part - 1,6 milliard d'euros pour la France qui l'a fait en mars dernier - prend du temps.
Dans ce plan d'investissement, ne négligeons pas les fonds du mécanisme pour l'interconnexion en Europe alloués aux projets d'infrastructures dans les transports, l'énergie et les télécommunications. Ils représenteront 19 milliards d'euros dans la programmation 2014-2020, contre 8 milliards d'euros auparavant.
Dernier volet, l'approfondissement de l'union économique et bancaire, car tous ces efforts ne serviraient de rien si le système européen ne reposait pas sur des bases plus saines. L'union bancaire, en cours de construction, donnera à l'Europe la capacité d'anticiper et de mieux réagir aux crises mais aussi celle d'éviter des défaillances bancaires auxquelles sont exposés en première ligne les contribuables et les épargnants. Nous nous dotons de moyens de contrôle renforcés.
D'abord, un système de recapitalisation directe des banques, dont l'Eurogroupe a dessiné les grandes lignes. Nous éviterons ainsi de créer les situations paradoxales d'autrefois : l'aide était versée à l'État lequel volait au secours de la banque défaillante ; il voyait son endettement aggravé de facto et, donc, sa notation internationale dégradée.
Ensuite, un mécanisme unique de résolution pour les 28 États membres de l'Union. L'idée est d'accompagner la banqueroute d'une banque sans passer par les États, de responsabiliser actionnaires et créanciers en faisant prioritairement appel à leur solidarité, de mieux protéger épargnants et contribuables. Reste à obtenir la validation du Parlement européen.
Enfin, le Conseil européen a demandé à la Commission d'intégrer une dimension sociale dans les politiques économiques sur la base de la contribution franco-allemande du 30 mai dernier. Rendez-vous est pris en octobre pour travailler à la co-construction de critères sociaux, comme nous l'avons fait lors de la grande conférence sociale du 20 et 21 juin dernier où une table ronde était d'ailleurs consacrée à l'Europe sociale. L'évolution de la précarité, le système de formation, le système d'éducation, le système de santé, autant de paramètres à prendre en compte. De même, la question d'un salaire minimal européen est désormais posée ; une bonne chose quand nous étions jusque-là démunis pour lutter contre le dumping social dont la presse décrit actuellement les effets ravageurs sur la filière des abattoirs en Bretagne.
Pour terminer cet exposé introductif, quelques mots de l'élargissement. Ce Conseil européen a autorisé la Lettonie à entrer dans la zone euro le premier janvier prochain et donné son feu vert à l'engagement des négociations visant à l'adhésion de la Serbie et à la signature d'un traité d'association avec le Kosovo. Les débats ont été longs - 48 heures avant l'ouverture du Conseil et trois heures durant le Conseil - avant d'aboutir à un compromis sur le rythme des négociations et la manière de les mener. Après la signature de l'accord du 19 avril dernier sous la conduite de Mme Ashton, la France considérait devoir adresser un signe d'encouragement à l'un et l'autre de ces États courageux qui ont tourné le dos à leur passé sanglant. Traiter ensemble ces deux dossiers est indispensable pour des raisons de calendrier électoral. Certains souhaitaient au contraire repousser les négociations. Je vous épargne le récit des nombreuses suspensions de séances qui ont émaillé les débats pour en venir à la conclusion : le Conseil européen a finalement retenu de se saisir de nouveau du sujet en octobre et de se donner pour date butoir d'ouverture des négociations le premier janvier 2014. Ce compromis était préférable à un échec, qui aurait laissé à penser que l'Union refusait l'adhésion de la Serbie.
(Interventions des parlementaires)
Le Sénat est, sans nul doute, très attaché aux territoires. Dans un contexte budgétaire aussi restrictif, nous pouvons nous réjouir du maintien de l'enveloppe de la cohésion pour la France et de la création des régions en transition, une catégorie intermédiaire entre les régions les moins développées - en pratique, l'outre-mer - et le reste de la France. Dès le 31 décembre prochain, les régions dont le PIB est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne, recevront des aides plus denses. En France, elles sont au nombre de dix : l'Auvergne, la Basse-Normandie, la Corse, la Franche-Comté, le Languedoc-Roussillon, le Limousin, la Lorraine, le Nord-Pas de Calais, la Picardie et le Poitou-Charentes. Les principes gouvernant l'allocation de l'enveloppe sont en cours de définition.
Au-delà, nous devons mieux prendre en compte les spécificités de l'outre-mer et, en nous appuyant sur le rapport de M. Letchimy, convaincre la Commission européenne de faire un meilleur usage de l'article 349 du TFUE. Concrètement, les régions les plus en difficulté, celles d'outre-mer, recevront une part plus importante du FEDER. En contrepartie, les régions métropolitaines bénéficieront davantage du FSE, centré sur l'accompagnement des individus.
Au passage, je signale que le fonctionnement du FSE évolue. Dorénavant, les régions géreront directement 35 % de ses crédits au titre de leur compétence «formation professionnelle». L'État, lui, conservera 65 % en dotation nationale, dont la moitié sera réservée à la politique de l'emploi et l'autre moitié utilisée par délégation par les départements au titre de leur compétence «insertion sociale».
(Interventions des parlementaires)
Le FSE répondra à ces difficultés, étant entendu que l'Europe n'a pas vocation à se substituer à un manque de solidarité intra-régionale.
Une allocation spécifique est prévue pour les régions ultrapériphériques, notamment pour la nouvelle venue au premier janvier : Mayotte. Pour l'île, l'enveloppe devrait être au moins de 200 millions d'euros ; un bilan sera réalisé à mi-parcours pour évaluer si cela suffit et vérifier les capacités d'absorption de ce territoire. Nous continuons de négocier avec la Commission sur l'octroi de mer.
Voici le calendrier pour la mise en oeuvre de la supervision bancaire : après l'accord d'avril dernier sur le mécanisme unique de supervision, nous devrions parvenir à un texte dans quelques semaines. Au préalable, l'Allemagne devait assouplir ses procédures internes. En effet, Mme Merkel doit obtenir une habilitation législative du Bundestag pour chacune des négociations ; ces allers-retours sont assez contraignants... C'est un autre contexte institutionnel... Le texte devrait être adopté en septembre prochain, nous approchons donc du but.
Concernant la garantie des dépôts, l'Ecofin du 26 juin a voulu un système responsabilisant les actionnaires des banques et protégeant les épargnants. Ce n'est pas aux États de courir au chevet des banques à la moindre difficulté. De là une garantie totale des dépôts jusqu'à 100 000 euros, je le confirme, et un pourcentage de garantie par tranche du montant pour les dépôts supérieurs. Le Conseil européen a définitivement statué sur ce point. Il a également appelé à une coordination des fonds nationaux de garantie en fixant pour délai limite décembre 2013 ; vous le voyez, nous avançons à grands pas.
La répartition des fonds du mécanisme pour l'interconnexion en Europe sera la suivante : 13 milliards d'euros pour les transports, 5 milliards pour l'énergie et 1 milliard pour les télécoms.
Enfin, la PAC mériterait à elle seule une réunion avec M. Le Foll. L'essentiel est d'avoir conforté le deuxième pilier et rééquilibré les aides en faveur des territoires les plus handicapés : je pense naturellement à la montagne. Bonne nouvelle, le Parlement européen dans sa résolution d'hier n'a émis aucun commentaire sur la PAC. Les travaux du trilogue ont abouti à un accord que nul ne remet en cause. M. Le Foll vous a certainement annoncé que la réforme de la PAC, contrairement aux autres dispositifs, s'étalerait dans le temps. Et ce, parce que le secteur est complexe et le nombre de règlements particulièrement élevé. L'année 2014 serait une année de transition. La modification des aides à l'hectare n'aboutira qu'en 2020.
(Interventions des parlementaires)
L'Europe est souvent perçue comme un grand machin technico-administratif qui prend des décisions incompréhensibles et intervient seulement dans les périodes de crise. En réalité, elle est présente dans la vie quotidienne de nos concitoyens et le sera de plus en plus avec les retombées sonnantes et trébuchantes sur l'économie de nos territoires des politiques que vient d'adopter ce Conseil européen. À nous de mieux l'expliquer dans nos campagnes et dans nos villes au lieu de tenir le discours confortable consistant à la désigner comme responsable de tout ce qui ne va pas, même dans les domaines où sa responsabilité n'est pas engagée.
Balayons donc devant notre porte et montrons que le Fonds d'aide aux démunis finance les Restos du coeur, le Secours populaire et le Secours catholique et que nous l'avons sauvé. Il sera doté de 2,5 milliards de crédits et, à la demande du Parlement européen, de 1 milliard supplémentaire sur la base du volontariat et s'adressera à tous les publics qui en ont besoin, qu'ils travaillent ou non. Certains voulaient restreindre son emploi aux chômeurs, la France a fait valoir que les travailleurs pauvres ont également besoin de cette aide.
Vous qui êtes élus locaux, vous connaissez le problème du dumping social. La France est très allante sur la directive «Détachement des travailleurs». Savez-vous quelle est la deuxième nationalité des travailleurs détachés en France après les Polonais ? Les Français ! Ils s'inscrivent dans une agence d'intérim de l'autre côté de nos frontières... Nous avons là un combat à mener, de même que sur la directive «Marchés publics», pour donner la possibilité d'écarter les offres anormalement basses parce qu'elles ne respectent pas des conditions sociales et environnementales. L'idée est bien de tirer vers le haut les règles sociales au sein de l'Union. L'introduction d'indicateurs sociaux, un salaire minimal européen ne sont plus des questions taboues.
Cette évolution est sans doute en partie liée au débat politique interne dans certains pays. Profitons-en pour placer des cliquets. Avancer n'est pas simple car nous avons chacun notre histoire, notre droit du travail, notre droit social et nos intérêts propres. D'ailleurs, je ne le dirai pas à Sciences-po mais ici on me comprendra : les réunions européennes ressemblent beaucoup à celles des intercommunalités, on y pense d'abord en termes de retombées sur son territoire. Pour autant, le sens de l'histoire, et c'est vrai pour l'intercommunalité comme pour l'Europe, est d'aller vers plus d'intégration. L'Europe, pour se faire entendre dans le concert international, doit être plus puissante.
Les ressources propres représentent 20 % du budget de l'Union ; nous sommes favorables à l'augmentation de leur part, d'autres y sont totalement hostiles. La partie est difficile car la règle de l'unanimité prévaut. Grâce aux travaux du Parlement européen, chefs d'État et de gouvernement évoluent cependant : ils ont décidé de créer un groupe de travail tripartite, qui présentera une première évaluation fin 2014, et de réunir une conférence interparlementaire en 2016 ; le tout dans la perspective de la prochaine programmation financière. D'ici là, à chacun de se montrer imaginatif : une taxe sur les transactions financières, une taxe carbone aux frontières ou que sais-je encore. Dans tous les cas, les discussions seront longues et ardues en raison de la règle de l'unanimité.
L'avenir de l'Europe ? Il a tenu une bonne place dans la conférence de presse du Président de la République du 16 mai ; et la plateforme du 30 mai signée par Angela Merkel et François Hollande contient des orientations précises sur le renforcement de l'Union économique et monétaire, avec un président à temps plein, un budget spécifique pour la zone euro et des priorités très marquées pour la préparation de l'avenir : emploi jeunes, investissements d'avenir, communauté européenne de l'énergie... Nous sommes favorables à l'union politique, mais il faut en définir progressivement le contenu ; le président de la République estime qu'il faudra sans doute deux ans de travail approfondi sur la question. Il faut arrêter la polémique : et l'Allemagne, et la France savent que de la qualité de leurs relations dépendent les avancées en Europe. Même en cas de désaccord, les deux pays savent qu'ils sont contraints au compromis pour que les autres acceptent de discuter un compromis plus large.
(Interventions des parlementaires)
Il n'y a pas que les fonds structurels à prendre en compte : les mécanismes d'interconnexion européenne vont alimenter les territoires ; la ligne «recherche et développement au bénéfice des entreprises» augmente de 40 %.
Les prêts de la BEI ne sont pas encore opérationnels ; elle doit aussi financer la création de lieux de formation : les centres de formation d'apprentis seront désormais éligibles.
En fait, il faudrait consolider tous les moyens mis à la disposition des territoires ; ce serait un bon moyen de communiquer ! Il faut ainsi ajouter la ligne nouvelle «accompagnement de la politique des jeunes».
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2013
Elles concernent l'emploi des jeunes, d'abord, une question majeure avec 14 millions de jeunes européens au chômage qui, pour la plupart, n'ont pas suivi de formation ou d'apprentissage. Cela justifiait d'en faire le premier point de l'ordre du jour, comme la France l'avait voulu, et de donner des réponses fortes.
L'initiative pour la jeunesse sera dotée de 6 milliards d'euros dans le prochain cadre financier pluriannuel, une somme dont l'utilisation sera concentrée sur les deux premières années, 2014 et 2015. La France y tenait beaucoup : c'était la condition pour obtenir un effet levier. Si l'on ne consacrera jamais assez à la jeunesse, notons que, pour la première fois, le Conseil européen a acté financièrement une mesure spécifique. Concrètement, elle représentera une aide de 2 300 euros par jeune et par an. Le signal est important alors que - je réponds à la question - le Parlement européen a, par une résolution votée à une très large majorité hier, indiqué son intention de voter le budget européen en septembre sous réserve de certains correctifs. Entre parenthèses, les adaptations demandées portant sur quelques centaines de millions d'euros pour un montant global de 960 milliards, nous pouvons considérer que l'accord est en passe d'être obtenu.
En France, la mise en oeuvre de l'initiative pour la jeunesse se concrétisera dès janvier 2014 par des dispositifs pilotes dans les bassins d'emploi où le chômage des jeunes de moins de 25 ans dépasse 25 %, soit une dizaine de départements ; préfets et présidents de conseils généraux en ont été informés par un courrier. Nous élargirons ensuite le dispositif à l'ensemble du pays. Avec un retour estimé à 600 millions pour notre pays sur les 6 milliards, dont la moitié est financée par une ligne budgétaire spécifique et l'autre par le Fonds social européen (FSE), nous accompagnerons 300.000 jeunes dans l'emploi.
Autre mesure en faveur des jeunes, l'élargissement d'Erasmus aux apprentis, aux jeunes en alternance et à leurs tuteurs. Certains voulaient débaptiser le programme, nous avons obtenu que ce ne soit pas le cas. Nous aurions aimé l'intituler «Erasmus pour tous», nous devrons nous habituer à «Erasmus plus»... Passons car l'important est la hausse des crédits qui lui sont dédiés : ils passeront de 8 milliards durant les années 2008 à 2013 à plus de 13 milliards. Voilà pour les décisions actées.
En outre, le Conseil européen a aussi commandé à la Commission un travail sur l'encadrement des stages dans l'Union européenne : l'idée est de tirer les stages vers le haut en s'inspirant de l'exemple français. Des réflexions sont en cours sur la mobilisation d'autres outils pour les jeunes : les fonds structurels, le FSE et, surtout, la Banque européenne d'investissement (BEI). Celle-ci, avec sa recapitalisation décidée en juin 2012, jouit de nouvelles disponibilités pour financer ses programmes «Des emplois pour les jeunes» et «Investir dans les compétences». Le Conseil européen l'a invitée à développer les prêts pour les étudiants, les prêts pour les entreprises qui embauchent des jeunes et, ce qui n'existait pas auparavant, les prêts aux jeunes créateurs d'entreprise. Ces pistes représentent de belles avancées pour donner aux jeunes citoyens européens des perspectives d'emploi et de formation.
Mais pour que les jeunes retrouvent espoir, il faut aussi, et c'est le deuxième volet des décisions prises lors de ce Conseil européen, intensifier nos efforts pour la croissance. Fort de cette idée, nous avions engagé l'Union européenne à infléchir sa politique il y a un an et avons défendu le principe d'un plan d'investissement pour un accompagnement des PME plus massif que par le passé.
La BEI, comme l'a souhaité le Conseil européen, ciblera ces entreprises dont les activités sont essentielles pour l'emploi. Je rappelle que, dans le cadre du pacte de relance de juin 2012, il a été décidé de recapitaliser la BEI à hauteur de 10 milliards d'euros afin d'entraîner un effet levier de 60 milliards d'euros sur les économies nationales. Mais encore faut-il que ceux qui peuvent utiliser ces disponibilités en aient connaissance. Or la BEI n'est pas présente dans les territoires et finance les projets à partir d'un plancher de 100 millions d'euros. Pour que ces financements irriguent plus finement notre économie, il fallait mettre au point un système plus opérationnel sur le terrain. Le 13 juin dernier, la BEI et la Caisse des dépôts ont passé un accord : dorénavant, la Caisse des dépôts instruira les dossiers en région. À charge pour elle de mobiliser les fonds dont elle dispose pour soutenir les projets, qu'ils soient publics ou privés, soit directement soit à travers la Banque publique d'investissement (BPI). Ainsi, nous pourrons cibler des projets qui, sans atteindre le plancher des 100 millions, sont importants pour les territoires. J'ajoute que deux nouveaux secteurs sont désormais éligibles aux financements de la BEI : l'hôpital et l'université. Nous aurons de nouvelles ressources pour Hôpital 2020 et le plan Campus. Autre point important : avec l'accord du 13 juin, la Caisse des dépôts pourra financer à 100 % les projets, notamment d'infrastructures, dont 50 % à sa charge et 50 % à la charge de la BEI. En résumé, la BEI est dorénavant en ordre de marche. J'y insiste car certains s'étonnent parfois des délais entre les annonces et la mise en oeuvre ; recapitaliser la banque, modifier ses règles, attendre que chaque État apporte sa quote-part - 1,6 milliard d'euros pour la France qui l'a fait en mars dernier - prend du temps.
Dans ce plan d'investissement, ne négligeons pas les fonds du mécanisme pour l'interconnexion en Europe alloués aux projets d'infrastructures dans les transports, l'énergie et les télécommunications. Ils représenteront 19 milliards d'euros dans la programmation 2014-2020, contre 8 milliards d'euros auparavant.
Dernier volet, l'approfondissement de l'union économique et bancaire, car tous ces efforts ne serviraient de rien si le système européen ne reposait pas sur des bases plus saines. L'union bancaire, en cours de construction, donnera à l'Europe la capacité d'anticiper et de mieux réagir aux crises mais aussi celle d'éviter des défaillances bancaires auxquelles sont exposés en première ligne les contribuables et les épargnants. Nous nous dotons de moyens de contrôle renforcés.
D'abord, un système de recapitalisation directe des banques, dont l'Eurogroupe a dessiné les grandes lignes. Nous éviterons ainsi de créer les situations paradoxales d'autrefois : l'aide était versée à l'État lequel volait au secours de la banque défaillante ; il voyait son endettement aggravé de facto et, donc, sa notation internationale dégradée.
Ensuite, un mécanisme unique de résolution pour les 28 États membres de l'Union. L'idée est d'accompagner la banqueroute d'une banque sans passer par les États, de responsabiliser actionnaires et créanciers en faisant prioritairement appel à leur solidarité, de mieux protéger épargnants et contribuables. Reste à obtenir la validation du Parlement européen.
Enfin, le Conseil européen a demandé à la Commission d'intégrer une dimension sociale dans les politiques économiques sur la base de la contribution franco-allemande du 30 mai dernier. Rendez-vous est pris en octobre pour travailler à la co-construction de critères sociaux, comme nous l'avons fait lors de la grande conférence sociale du 20 et 21 juin dernier où une table ronde était d'ailleurs consacrée à l'Europe sociale. L'évolution de la précarité, le système de formation, le système d'éducation, le système de santé, autant de paramètres à prendre en compte. De même, la question d'un salaire minimal européen est désormais posée ; une bonne chose quand nous étions jusque-là démunis pour lutter contre le dumping social dont la presse décrit actuellement les effets ravageurs sur la filière des abattoirs en Bretagne.
Pour terminer cet exposé introductif, quelques mots de l'élargissement. Ce Conseil européen a autorisé la Lettonie à entrer dans la zone euro le premier janvier prochain et donné son feu vert à l'engagement des négociations visant à l'adhésion de la Serbie et à la signature d'un traité d'association avec le Kosovo. Les débats ont été longs - 48 heures avant l'ouverture du Conseil et trois heures durant le Conseil - avant d'aboutir à un compromis sur le rythme des négociations et la manière de les mener. Après la signature de l'accord du 19 avril dernier sous la conduite de Mme Ashton, la France considérait devoir adresser un signe d'encouragement à l'un et l'autre de ces États courageux qui ont tourné le dos à leur passé sanglant. Traiter ensemble ces deux dossiers est indispensable pour des raisons de calendrier électoral. Certains souhaitaient au contraire repousser les négociations. Je vous épargne le récit des nombreuses suspensions de séances qui ont émaillé les débats pour en venir à la conclusion : le Conseil européen a finalement retenu de se saisir de nouveau du sujet en octobre et de se donner pour date butoir d'ouverture des négociations le premier janvier 2014. Ce compromis était préférable à un échec, qui aurait laissé à penser que l'Union refusait l'adhésion de la Serbie.
(Interventions des parlementaires)
Le Sénat est, sans nul doute, très attaché aux territoires. Dans un contexte budgétaire aussi restrictif, nous pouvons nous réjouir du maintien de l'enveloppe de la cohésion pour la France et de la création des régions en transition, une catégorie intermédiaire entre les régions les moins développées - en pratique, l'outre-mer - et le reste de la France. Dès le 31 décembre prochain, les régions dont le PIB est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne, recevront des aides plus denses. En France, elles sont au nombre de dix : l'Auvergne, la Basse-Normandie, la Corse, la Franche-Comté, le Languedoc-Roussillon, le Limousin, la Lorraine, le Nord-Pas de Calais, la Picardie et le Poitou-Charentes. Les principes gouvernant l'allocation de l'enveloppe sont en cours de définition.
Au-delà, nous devons mieux prendre en compte les spécificités de l'outre-mer et, en nous appuyant sur le rapport de M. Letchimy, convaincre la Commission européenne de faire un meilleur usage de l'article 349 du TFUE. Concrètement, les régions les plus en difficulté, celles d'outre-mer, recevront une part plus importante du FEDER. En contrepartie, les régions métropolitaines bénéficieront davantage du FSE, centré sur l'accompagnement des individus.
Au passage, je signale que le fonctionnement du FSE évolue. Dorénavant, les régions géreront directement 35 % de ses crédits au titre de leur compétence «formation professionnelle». L'État, lui, conservera 65 % en dotation nationale, dont la moitié sera réservée à la politique de l'emploi et l'autre moitié utilisée par délégation par les départements au titre de leur compétence «insertion sociale».
(Interventions des parlementaires)
Le FSE répondra à ces difficultés, étant entendu que l'Europe n'a pas vocation à se substituer à un manque de solidarité intra-régionale.
Une allocation spécifique est prévue pour les régions ultrapériphériques, notamment pour la nouvelle venue au premier janvier : Mayotte. Pour l'île, l'enveloppe devrait être au moins de 200 millions d'euros ; un bilan sera réalisé à mi-parcours pour évaluer si cela suffit et vérifier les capacités d'absorption de ce territoire. Nous continuons de négocier avec la Commission sur l'octroi de mer.
Voici le calendrier pour la mise en oeuvre de la supervision bancaire : après l'accord d'avril dernier sur le mécanisme unique de supervision, nous devrions parvenir à un texte dans quelques semaines. Au préalable, l'Allemagne devait assouplir ses procédures internes. En effet, Mme Merkel doit obtenir une habilitation législative du Bundestag pour chacune des négociations ; ces allers-retours sont assez contraignants... C'est un autre contexte institutionnel... Le texte devrait être adopté en septembre prochain, nous approchons donc du but.
Concernant la garantie des dépôts, l'Ecofin du 26 juin a voulu un système responsabilisant les actionnaires des banques et protégeant les épargnants. Ce n'est pas aux États de courir au chevet des banques à la moindre difficulté. De là une garantie totale des dépôts jusqu'à 100 000 euros, je le confirme, et un pourcentage de garantie par tranche du montant pour les dépôts supérieurs. Le Conseil européen a définitivement statué sur ce point. Il a également appelé à une coordination des fonds nationaux de garantie en fixant pour délai limite décembre 2013 ; vous le voyez, nous avançons à grands pas.
La répartition des fonds du mécanisme pour l'interconnexion en Europe sera la suivante : 13 milliards d'euros pour les transports, 5 milliards pour l'énergie et 1 milliard pour les télécoms.
Enfin, la PAC mériterait à elle seule une réunion avec M. Le Foll. L'essentiel est d'avoir conforté le deuxième pilier et rééquilibré les aides en faveur des territoires les plus handicapés : je pense naturellement à la montagne. Bonne nouvelle, le Parlement européen dans sa résolution d'hier n'a émis aucun commentaire sur la PAC. Les travaux du trilogue ont abouti à un accord que nul ne remet en cause. M. Le Foll vous a certainement annoncé que la réforme de la PAC, contrairement aux autres dispositifs, s'étalerait dans le temps. Et ce, parce que le secteur est complexe et le nombre de règlements particulièrement élevé. L'année 2014 serait une année de transition. La modification des aides à l'hectare n'aboutira qu'en 2020.
(Interventions des parlementaires)
L'Europe est souvent perçue comme un grand machin technico-administratif qui prend des décisions incompréhensibles et intervient seulement dans les périodes de crise. En réalité, elle est présente dans la vie quotidienne de nos concitoyens et le sera de plus en plus avec les retombées sonnantes et trébuchantes sur l'économie de nos territoires des politiques que vient d'adopter ce Conseil européen. À nous de mieux l'expliquer dans nos campagnes et dans nos villes au lieu de tenir le discours confortable consistant à la désigner comme responsable de tout ce qui ne va pas, même dans les domaines où sa responsabilité n'est pas engagée.
Balayons donc devant notre porte et montrons que le Fonds d'aide aux démunis finance les Restos du coeur, le Secours populaire et le Secours catholique et que nous l'avons sauvé. Il sera doté de 2,5 milliards de crédits et, à la demande du Parlement européen, de 1 milliard supplémentaire sur la base du volontariat et s'adressera à tous les publics qui en ont besoin, qu'ils travaillent ou non. Certains voulaient restreindre son emploi aux chômeurs, la France a fait valoir que les travailleurs pauvres ont également besoin de cette aide.
Vous qui êtes élus locaux, vous connaissez le problème du dumping social. La France est très allante sur la directive «Détachement des travailleurs». Savez-vous quelle est la deuxième nationalité des travailleurs détachés en France après les Polonais ? Les Français ! Ils s'inscrivent dans une agence d'intérim de l'autre côté de nos frontières... Nous avons là un combat à mener, de même que sur la directive «Marchés publics», pour donner la possibilité d'écarter les offres anormalement basses parce qu'elles ne respectent pas des conditions sociales et environnementales. L'idée est bien de tirer vers le haut les règles sociales au sein de l'Union. L'introduction d'indicateurs sociaux, un salaire minimal européen ne sont plus des questions taboues.
Cette évolution est sans doute en partie liée au débat politique interne dans certains pays. Profitons-en pour placer des cliquets. Avancer n'est pas simple car nous avons chacun notre histoire, notre droit du travail, notre droit social et nos intérêts propres. D'ailleurs, je ne le dirai pas à Sciences-po mais ici on me comprendra : les réunions européennes ressemblent beaucoup à celles des intercommunalités, on y pense d'abord en termes de retombées sur son territoire. Pour autant, le sens de l'histoire, et c'est vrai pour l'intercommunalité comme pour l'Europe, est d'aller vers plus d'intégration. L'Europe, pour se faire entendre dans le concert international, doit être plus puissante.
Les ressources propres représentent 20 % du budget de l'Union ; nous sommes favorables à l'augmentation de leur part, d'autres y sont totalement hostiles. La partie est difficile car la règle de l'unanimité prévaut. Grâce aux travaux du Parlement européen, chefs d'État et de gouvernement évoluent cependant : ils ont décidé de créer un groupe de travail tripartite, qui présentera une première évaluation fin 2014, et de réunir une conférence interparlementaire en 2016 ; le tout dans la perspective de la prochaine programmation financière. D'ici là, à chacun de se montrer imaginatif : une taxe sur les transactions financières, une taxe carbone aux frontières ou que sais-je encore. Dans tous les cas, les discussions seront longues et ardues en raison de la règle de l'unanimité.
L'avenir de l'Europe ? Il a tenu une bonne place dans la conférence de presse du Président de la République du 16 mai ; et la plateforme du 30 mai signée par Angela Merkel et François Hollande contient des orientations précises sur le renforcement de l'Union économique et monétaire, avec un président à temps plein, un budget spécifique pour la zone euro et des priorités très marquées pour la préparation de l'avenir : emploi jeunes, investissements d'avenir, communauté européenne de l'énergie... Nous sommes favorables à l'union politique, mais il faut en définir progressivement le contenu ; le président de la République estime qu'il faudra sans doute deux ans de travail approfondi sur la question. Il faut arrêter la polémique : et l'Allemagne, et la France savent que de la qualité de leurs relations dépendent les avancées en Europe. Même en cas de désaccord, les deux pays savent qu'ils sont contraints au compromis pour que les autres acceptent de discuter un compromis plus large.
(Interventions des parlementaires)
Il n'y a pas que les fonds structurels à prendre en compte : les mécanismes d'interconnexion européenne vont alimenter les territoires ; la ligne «recherche et développement au bénéfice des entreprises» augmente de 40 %.
Les prêts de la BEI ne sont pas encore opérationnels ; elle doit aussi financer la création de lieux de formation : les centres de formation d'apprentis seront désormais éligibles.
En fait, il faudrait consolider tous les moyens mis à la disposition des territoires ; ce serait un bon moyen de communiquer ! Il faut ainsi ajouter la ligne nouvelle «accompagnement de la politique des jeunes».
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2013