Déclaration de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, notamment sur les relations franco-espagnoles, à Madrid le 14 juillet 2013.

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Circonstance : Déplacement à Madrid (Espagne), les 14 et 15 juillet 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants du pouvoir judiciaire et des forces armées,
Monsieur le Député des Français de l'étranger,
Mesdames et Messieurs les Élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Amis,
Chers Compatriotes,
De Saint-Pétersbourg où il m'était donné voici quelques heures encore de consulter sa correspondance, Voltaire écrivait que lorsqu'il se forme une grande révolution dans l'esprit humain, il faut mettre de belles colonnes à cet édifice nécessaire. Eh bien ces colonnes existent. Il s'agit de la «sainte devise de nos pères», de cette trilogie révolutionnaire qui depuis 1880 nous rassemble symboliquement en ce beau jour d'été.
Le 14 juillet, c'est en effet le jour de la Nation, le jour où le peuple français s'unit pour prendre en main son destin, pour construire une démocratie autour des valeurs universelles des droits de l'Homme, énoncées dans une déclaration sans pareil dont l'inspiration nous porte encore aujourd'hui et qui, depuis deux siècles, identifie la France avec les idéaux qu'elle porte.
Parce qu'aujourd'hui, il semble plus difficile de construire les révolutions plutôt que de les rêver ou de les faire, je souhaite tout d'abord dire quelques mots de cette devise dont l'actualité reste fondée dans un monde éclaté.
Liberté, pour garantir une démocratie qui protège les droits de chacun,
Égalité, pour que tous les citoyens participent ensemble à l'oeuvre commune,
Fraternité, pour que nous nous sentions solidaires et construisions une société plus juste dans laquelle la recherche de l'efficacité s'allie à la volonté de donner à chacun sa dignité et ses droits.
Mesdames, Messieurs, Mes Amis,
Vous qui vivez à l'étranger et qui avez le souci que la distance ne se transforme pas en fossé, vous savez que l'essentiel est de préserver les fondements de notre unité nationale.
Quelle que soit l'expérience vécue, quels que soient les choix personnels, quelle que soit l'idée que chacun se fait de l'intérêt du pays, vous savez qu'il est heureusement un certain nombre de domaines et de moments où nous savons tous ensemble de quelle façon il convient d'agir dans les contradictions du monde où nous sommes. Notre réunion ce soir dans cette belle résidence de France où je vous remercie de nous accueillir, Monsieur l'Ambassadeur, en atteste.
Je suis heureuse d'être à vos côtés ce soir, en tant que ministre chargée des Français de l'étranger, mais aussi en tant que Représentante du gouvernement français devant nos amis espagnols après un précédent déplacement effectué voici presque un an aux côtés du président de la République, François Hollande.
À toutes et à tous, je porte son message d'amitié ainsi que celui du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius. Amitié pour le peuple espagnol et son gouvernement, avec lequel nous travaillons quotidiennement, main dans la main, pour sortir notre Europe commune de la crise. Amitié à l'égard des Français d'Espagne que vous représentez ici ce soir, notre cinquième communauté dans le monde.
Chers Amis,
Les relations entre la France et l'Espagne sont marquées par une atmosphère unique. Elle se manifeste par la confiance qui préside aux rapports entre le président de la République et le président du gouvernement espagnol.
Cette confiance elle se manifeste avant tout dans les dossiers européens. François Mitterrand le déclarait en 1986 : «L'Espagne apporte à la famille européenne, au sein de laquelle l'Histoire lui a toujours réservé une place éminente, la richesse et la diversité de sa culture, la vitalité, le courage et l'intelligence de son peuple». Eh bien ces atouts, la France et l'Europe en ont tout autant besoin aujourd'hui qu'hier.
C'est en effet d'abord pour relancer l'Europe de la croissance et de l'emploi que nous travaillons ensemble. Le dernier Conseil européen a permis des décisions importantes :
- Décisions pour l'emploi des jeunes, avec ce fonds de 6 milliards d'euros destiné en priorité aux régions les plus touchées. Leur spontanéité, leur capacité à se dresser et imaginer le futur d'un vieux continent, d'un continent qui a fait l'Histoire du monde, doit nous conduire à en faire, toujours, notre priorité ;
- Décisions sur le financement de l'économie, en particulier des PME, qui en ont un besoin absolument vital pour accéder de nouveau au crédit afin de financer leur activité ;
- Progrès dans la réalisation de l'union bancaire, dont les différents éléments se mettent en place.
C'est cela l'Europe et c'est cela la volonté de François Hollande, cette volonté qui a eu pour effet de démontrer qu'il n'y a pas de fatalité en politique : des décisions concrètes pour la croissance, l'emploi et la solidarité qui doivent nous permettre de poursuivre l'ajustement nécessaire de nos comptes, sans risquer de nous plonger dans une situation difficile où la situation des uns affectera les autres.
La raison nous dicte, Français et Espagnols, de nous concerter et de nous entendre plutôt que de nous lancer dans des concurrences néfastes. En Espagne, vous savez mieux que quiconque les difficultés que la nécessité de la stabilisation, puis du redressement, entraînent pour les peuples. Et dans cette épreuve, la solidarité ne peut être une notion creuse : la France est aux côtés de l'Espagne, aux côtés de la Grèce, aux côtés du Portugal, comme elle était aux côtés de l'Irlande hier. Et pour avoir vécu trente ans dans ce dernier pays, je puis vous dire l'importance, intime, affective, que cette solidarité représente.
Et puis vous le devinez, Mes Amis, il faut que nous acquérions des réflexes européens qui seront le signe d'autant de solidarités spontanées ; qui seront le signe de notre capacité à faire vivre cette Europe qui doit être l'horizon de nos rêves.
Cette ambition, il me semble, Mesdames et Messieurs les Ministres, que la relation entre la France et l'Espagne la fait vivre, la fait vivre pleinement tant les questions communes que traitent nos deux pays le sont dans un esprit de fraternité.
Nous avons construit au fil des ans une coopération de sécurité exemplaire en matière de lutte contre le terrorisme. Manuel Valls le rappelait ici voici quelques semaines à Madrid : «Face à l'ETA notre coopération sera totale jusqu'à ce que l'organisation terroriste mette fin à toutes ses activités, livre toutes les armes et annonce son autodissolution». L'amitié, Mesdames, Messieurs, ce n'est pas un vague sentiment. C'est quelque chose qui se démontre par les actes de la vie courante. Cette coopération en est la manifestation.
De même, nous intensifions notre action commune contre une autre forme de terrorisme, qui a dramatiquement frappé nos deux pays, le terrorisme islamiste. C'est un combat que nous menons dans nos pays, mais aussi sur les théâtres extérieurs, à commencer par le Mali, où la France et l'Espagne agissent côte à côte.
Soyez également convaincus de la priorité que la France attache à la réalisation des grands projets d'interconnexions que nous avons engagés ensemble depuis une quinzaine d'années.
Nous voulons construire l'Europe de l'énergie, et je suis heureuse de vous confirmer que des améliorations rapides sont en voie de réalisation.
Je pense aux gazoducs de Navarre et du Pays basque, dont les capacités vont tripler.
Je pense à la mise en service, d'ici 2014, de la ligne à haute tension méditerranéenne, qui doublera nos capacités d'échanges électriques, et à celle que nous étudions sur la côte Atlantique.
Je sais aussi toute l'importance que l'Espagne attache aux réalisations ferroviaires.
Le président de la République et le président Rajoy ont rappelé, lors de leur rencontre en mars dernier, l'objectif qu'est l'inauguration de la ligne à grande vitesse Perpignan Figueras lors du prochain sommet bilatéral, cet automne. Cette liaison apportera à des dizaines de milliers de voyageurs une amélioration considérable.
Dans bien d'autres domaines enfin, éducation, culture, formation professionnelle, recherche scientifique, nous sommes attachés à ce que la complicité intellectuelle et culturelle qui unit le peuple français et le peuple espagnol se traduise en projets communs, pour l'avenir et pour notre jeunesse.
Permettez-moi enfin, Mesdames, Messieurs, de vous dire quelques mots des réformes initiées au service de nos compatriotes à l'étranger depuis un an : elles sont l'expression d'un triple désir d'efficacité, de proximité et de disponibilité à l'image de l'action conduite par le gouvernement.
Le Premier ministre a lancé un grand chantier de modernisation de l'action publique pour préserver et développer «le service public à la française» tout en maîtrisant les dépenses publiques.
Le ministère des Français de l'étranger s'inscrit naturellement dans cette démarche. L'adaptation de notre réseau consulaire à l'évolution de nos communautés en est un exemple tant elle était devenue indispensable au maintien d'un service public de qualité. La modernisation de ce service public consulaire se poursuivra dans le cadre d'un plan triennal de simplification afin de faire un meilleur usage de nos ressources. Mes Amis, vous le constatez quotidiennement à l'occasion des démarches que vous accomplirez.
La France est le seul État au monde à offrir à ses ressortissants un éventail aussi complet de services et de protection au travers son réseau diplomatique et consulaire. Il est l'outil de notre influence, il est la condition de votre influence
Il était également de notre responsabilité de pérenniser et de consolider notre modèle social et éducatif et d'en renforcer l'équité. La réforme en profondeur de l'aide à la scolarité à l'étranger a répondu à cet objectif.
Si j'évoque la question des bourses, c'est parce que je sais l'importance que revêt ici, comme partout, l'éducation de vos enfants. Je sais les résultats tout à fait remarquables que le réseau scolaire français a obtenus au baccalauréat en Espagne : un taux de réussite équivalent à la moyenne nationale, mais un taux de mentions bien et très bien largement supérieur aux résultats nationaux. Je voudrais ici féliciter les élèves bien sûr, mais aussi, évidemment, les proviseurs, les directeurs et les professeurs qui rendent ces résultats possibles. Je voudrais remercier les parents de leur confiance dans l'éducation nationale française, dans le projet éducatif français qui s'incarne dans nos écoles et nos lycées à l'étranger.
L'offre de notre réseau d'enseignement français à l'étranger, outil indispensable pour les familles et pour le rayonnement de notre pays au travers de l'élément le plus symbolique de ce qui est l'attachement à la Nation - la langue - devait être rapidement rénové pour en assurer la permanence. Cela est en cours.
Enfin le gouvernement a souhaité renforcer la démocratie de proximité pour que vous soyez représentés au plus près de vos préoccupations, des endroits où vous résidez. Les travaux engagés au Parlement aboutiront ce faisant avec les élections de 2014 à une réelle modernisation de la représentation des Français établis hors de France. Elle consacrera ainsi une nouvelle étape dans la démocratisation de cette représentation trente ans après celle portée par François Mitterrand et Claude Cheysson.
Monsieur le Député de la 5ème circonscription des Français de l'étranger,
Mesdames et Messieurs les Élus de l'Assemblée des Français de l'étranger,
Chers Amis,
Vous, Français de Madrid et d'Espagne, constituez la cinquième communauté française dans le monde.
Vous êtes près de 130.000 immatriculés en Espagne, sans doute près de 200.000 installés en Espagne, dont beaucoup de binationaux et vous formez l'une des communautés française expatriée parmi les plus dynamiques. Si la France et l'Espagne sont unies par une telle relation, c'est grâce à vous, à votre dynamisme, à votre esprit d'entreprise et à votre connaissance de ce pays
Vous formez une communauté qui fait vivre la France à l'étranger, qui porte une dimension capitale de notre politique et de notre avenir : l'attractivité de la France, sa capacité à rayonner dans le monde par sa culture et ses valeurs, par l'exportation de ses produits, la valorisation de ses savoir-faire. Si la France attache une telle importance à la représentation des Français de l'étranger, c'est bien parce qu'elle croit en eux, parce qu'elle voit en eux des membres à part entière de la communauté nationale, parce que chacun d'entre vous participe de cette ambition commune d'une France pleinement européenne, pleinement intégrée dans la mondialisation, moderne, tournée vers l'avenir et confiante. Pour tout cela, le gouvernement vous est reconnaissant.
À cet égard, je voudrais saluer nos entreprises, fer de lance de notre dynamisme et de notre diplomatie économique, ainsi que les chambres de commerce de Madrid, Barcelone et Valence et les conseillers du commerce extérieur de la France présents ce soir. Ce sont 1800 entreprises françaises qui font de notre pays l'un des partenaires majeurs de l'Espagne, pour la production et pour l'emploi.
Mais vous partagez aussi, je le sais, les moments si difficiles que vit ce pays.
Je sais les difficultés que vous, Français d'Espagne, rencontrez aujourd'hui. Par vos élus, par notre ambassade, par notre réseau consulaire vos préoccupations me parviennent. Je voudrais remercier également les associations d'entraide, tout particulièrement l'Entraide française et l'oeuvre de Saint-Louis, plus nécessaires que jamais pour nos compatriotes dans le besoin. Sachez que dans les difficultés budgétaires que nous traversons nous gardons présente à l'esprit la nécessité d'aider nos compatriotes dans le besoin. C'est aussi cela l'expression de la solidarité que la Nation vous doit.
Chers Amis espagnols et français,
Ce soir c'est le 14 juillet, la fête de la France, la fête de notre amitié, la fête de l'espoir dans un avenir meilleur, dans le progrès humain.
J'ai depuis longtemps fais mien ce vers de Dante pour lequel «le bonheur se trouve toujours sur l'autre rive». J'ai la passion du voir, de vous voir et vous entendre.
Merci donc à vous toutes et tous de m'accueillir si chaleureusement dans ce pays d'immense talent dont les liens avec la France sont si denses et si gratifiants.
Nos deux peuples voisins qui se sont, dans le passé, souvent ignorés et parfois combattus, ont entrepris de marcher main dans la main vers des idéaux semblables et vers les mêmes espérances. Merci d'incarner cette relation magnifique,
Vive l'Espagne !
Vive la France !
Vive la République !
Et Vive l'amitié franco-espagnole !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juillet 2013