Texte intégral
Cest avec une grande émotion, et un immense honneur, que je madresse à vous aujourdhui. Un an après le Président de la République, qui était ici le 22 juillet dernier, pour un discours dont je sais quil a marqué la pensée et les consciences.
Discours lui-même dans la continuité de ce qui avait été une première étape, avec le Président François Mitterrand en 1993 et le discours du Président Jacques Chirac, qui en 1995 reconnaissait pour la première fois la responsabilité de la France.
Emu, honoré, mais aussi conscient de la responsabilité qui est la mienne aujourdhui.
Depuis plus dun an, je me nourris, je menrichis, je me façonne à lécoute de ces hommes et de ces femmes qui ont fait notre histoire dans les moments les plus terribles qua connus notre pays au 20ème siècle.
Et permettez-moi, avant toute chose, de saluer une personne qui ne peut être parmi nous aujourdhui, mais qui est avec nous par la pensée, cest Simone Veil.
Je viens à nouveau dentendre ces témoignages poignants, ces expressions qui traduisent lhorreur, expressions des survivants et des descendants de ceux qui ne revinrent pas.
Expression aussi, et jy reviendrai, de ceux qui ont été lhonneur de la France.
Chacun de ces récits est unique. Chacune de ces histoires est une histoire singulière. Chacun de ces témoignages construit notre histoire collective.
Ce qui les réunit, cest linnommable. Cest la Shoah.
Ces récits ne nous appartiennent pas, ils appartiennent à lhumanité. Ils doivent être connus, relayés, portés, transmis. Cest pourquoi il faut redire ce qui sest passé à cet endroit il y a 71 ans.
Il y a 71 ans, à quelques jours près, 13 152 hommes et femmes, dont 4 115 enfants, furent arrêtés et parqués dans le Vélodrome dHiver. Certains étaient malades, dautres impotents, des femmes étaient enceintes.
Cris, pleurs, angoisse, douleurs de toutes natures et de tous ordres. Cest cette horreur du quotidien qui résonne encore à quelques centaines de mètres de nous, dans le vacarme de la ville.
Tous sentaient que le pire était à venir. Les familles séparées. Les enfants arrachés à la chaleur de la main maternelle. Ce fut ensuite la déportation, lextermination. Ils furent moins dune centaine à revenir vivants, aucun enfant parmi eux.
Ici, une chorégraphie macabre fut exécutée. Tout était préparé avec minutie, organisé, ordonné. Avec un seul but : la destruction de lautre. Ceci hante encore ces lieux.
Le nom de code de cette rafle était « Vent printanier ». Une expression cynique, car le seul vent qui souffla ces jours-là fut celui de la haine.
Le drame du Vél dHiv est celui des 13 000 personnes raflées à Paris. Il est celui des 75 000 Juifs de France, dont 69 000 déportés à Auschwitz, entre 1941 et 1944. Il est celui des Tsiganes arrêtés et déportés en Europe.
Mais il est aussi le drame de millions dhommes, de femmes et denfants, de toutes nationalités et de toutes origines, qui navaient quun seul point commun, celui dêtre considéré comme différent.
Condamnés au pire non pas pour ce quils avaient fait mais pour ce quils étaient.
Laboutissement dune politique antisémite longuement réfléchie, sur des critères reflets de la folie humaine, à limage de cette haine qui animait les architectes de la solution finale.
Ceci dans le silence dune Europe asservie, dune France asservie.
Ce qui nous réunit aujourdhui, cest la nécessité de rappeler la vérité. Car lorsquune Nation occulte son passé, voire loublie, nous sommes dans linacceptable. Car rien nest pire que loubli. Loubli cest le déni des souffrances, le déni de lexistence, le déni de lautre.
Le Président de la République François Hollande le rappelait dans son discours le 22 juillet 2012, et je reprends ses mots : « il ne peut y avoir, et il ny aura pas, dans la République française, de mémoire perdue. »
Dire la vérité ce nest pas seulement revenir sur le passé. Dire la vérité cest aussi se saisir du présent et se montrer intraitable avec ceux qui nourrissent le racisme et lantisémitisme.
Cest cette uvre de transmission que Monsieur Schwartz vient de réaliser en affrontant la douleur de ses souvenirs, pour les porter jusquà nous, et je tenais à len remercier.
Face à ces récits troublants, déchirants, difficilement supportables encore aujourdhui, nous avons besoin de rappeler aussi les parcours de ceux qui furent des héros.
Les Justes de France. Juste. Un mot venu du Talmud. Nous navons même pas besoin den comprendre la définition. Le mot seul, par sa sonorité, porte la grandeur de ces femmes et de ces hommes connus aujourdhui ou restés anonymes, qui sont honorés.
Jai pu quant à moi les découvrir au mémorial de Yad Vashem, au sommet de cette colline où sont répertoriés les noms des « Justes parmi les Nations ». Ceux qui permirent de sortir de lobscurité pour aller vers la lumière.
Ces Justes de France à qui nous rendons hommage. Ces hommes et ces femmes dont lamour et le respect dautrui furent plus fort que la peur et lendoctrinement.
Ils ne voyaient en chaque enfant quun enfant. En chaque être humain quun être humain. Lautre était partie deux-mêmes.
Ils étaient prêts à donner leur vie pour préserver celle dun autre. Les Justes de France ont résisté avec pour seules armes leur conscience, leur cur et leur humanité. Nous ne rendrons jamais assez hommage à leur courage et à leurs actions.
Cest aussi à travers ces héros que le souvenir de la Shoah doit être transmis, vous lavez rappelé Mme Gagnier, et vos grands-parents sont de ces héros. Grâce aux Justes, en France et ailleurs, des milliers de vies furent sauvées.
En sauvant les Juifs, ils sauvèrent lHumanité.
Puis si vous me le permettez, en cette année dhommage à la résistance, je voudrais rappeler, car cela a été trop souvent occulté, ce qui a été lengagement, le courage, lhonneur des Juifs dans la Résistance.
Denise Verney, qui nous a quittés cette année. Raymond Aubrac, Daniel Mayer, Leo Hamon, Jean-Pierre Levy, Joseph Epstein, ou encore Georges Loinger, aujourdhui âgé de 102 ans.
Je viens dévoquer devant vous quelques noms connus, mais lhomme du sud-ouest que je suis ne peut oublier la résistance militaire qui sorganisa sur des terres qui me sont chères.
Avec Jacques Lazarus autour de lArmée juive qui devint à la libération lOrganisation Juive de Combat, qui prit le maquis dans la Montagne Noire près de Castres.
Mais aussi Robert Gamzon, fondateur des Eclaireurs israélites de France. Ou encore Marcel Langer, ancien commandant des FFI de la région de Toulouse et compagnon de la Libération.
Ces hommes et ces femmes sont la fierté de la France, des combattants de la République, des défenseurs peut-être plus que tout autre des valeurs qui furent notre force, notre cohésion et notre unité.
Je tiens à terminer mon propos par un remerciement, adressé à vous tous, porteurs de la mémoire de la Shoah.
Votre mission est essentielle : elle traduit au quotidien notre promesse collective, celle d'entretenir le souvenir de ces familles déportées qui ne sont pas revenues, de rendre hommage aux Justes de la Nation qui ont sauvé tant de vies, d'inscrire dans notre mémoire les noms de tous ceux qui ont été victimes de la barbarie de leurs semblables.
Se souvenir pour ne pas oublier. Se souvenir pour éveiller les consciences citoyennes. Se souvenir pour quune telle barbarie ne se reproduise jamais. Se souvenir pour construire ensemble un avenir meilleur. Se souvenir pour se retrouver autour dune mémoire partagée, dans un monde apaisé.
Vive la République. Vive la France.
Source http://www.crif.org, le 23 juillet 2013
Discours lui-même dans la continuité de ce qui avait été une première étape, avec le Président François Mitterrand en 1993 et le discours du Président Jacques Chirac, qui en 1995 reconnaissait pour la première fois la responsabilité de la France.
Emu, honoré, mais aussi conscient de la responsabilité qui est la mienne aujourdhui.
Depuis plus dun an, je me nourris, je menrichis, je me façonne à lécoute de ces hommes et de ces femmes qui ont fait notre histoire dans les moments les plus terribles qua connus notre pays au 20ème siècle.
Et permettez-moi, avant toute chose, de saluer une personne qui ne peut être parmi nous aujourdhui, mais qui est avec nous par la pensée, cest Simone Veil.
Je viens à nouveau dentendre ces témoignages poignants, ces expressions qui traduisent lhorreur, expressions des survivants et des descendants de ceux qui ne revinrent pas.
Expression aussi, et jy reviendrai, de ceux qui ont été lhonneur de la France.
Chacun de ces récits est unique. Chacune de ces histoires est une histoire singulière. Chacun de ces témoignages construit notre histoire collective.
Ce qui les réunit, cest linnommable. Cest la Shoah.
Ces récits ne nous appartiennent pas, ils appartiennent à lhumanité. Ils doivent être connus, relayés, portés, transmis. Cest pourquoi il faut redire ce qui sest passé à cet endroit il y a 71 ans.
Il y a 71 ans, à quelques jours près, 13 152 hommes et femmes, dont 4 115 enfants, furent arrêtés et parqués dans le Vélodrome dHiver. Certains étaient malades, dautres impotents, des femmes étaient enceintes.
Cris, pleurs, angoisse, douleurs de toutes natures et de tous ordres. Cest cette horreur du quotidien qui résonne encore à quelques centaines de mètres de nous, dans le vacarme de la ville.
Tous sentaient que le pire était à venir. Les familles séparées. Les enfants arrachés à la chaleur de la main maternelle. Ce fut ensuite la déportation, lextermination. Ils furent moins dune centaine à revenir vivants, aucun enfant parmi eux.
Ici, une chorégraphie macabre fut exécutée. Tout était préparé avec minutie, organisé, ordonné. Avec un seul but : la destruction de lautre. Ceci hante encore ces lieux.
Le nom de code de cette rafle était « Vent printanier ». Une expression cynique, car le seul vent qui souffla ces jours-là fut celui de la haine.
Le drame du Vél dHiv est celui des 13 000 personnes raflées à Paris. Il est celui des 75 000 Juifs de France, dont 69 000 déportés à Auschwitz, entre 1941 et 1944. Il est celui des Tsiganes arrêtés et déportés en Europe.
Mais il est aussi le drame de millions dhommes, de femmes et denfants, de toutes nationalités et de toutes origines, qui navaient quun seul point commun, celui dêtre considéré comme différent.
Condamnés au pire non pas pour ce quils avaient fait mais pour ce quils étaient.
Laboutissement dune politique antisémite longuement réfléchie, sur des critères reflets de la folie humaine, à limage de cette haine qui animait les architectes de la solution finale.
Ceci dans le silence dune Europe asservie, dune France asservie.
Ce qui nous réunit aujourdhui, cest la nécessité de rappeler la vérité. Car lorsquune Nation occulte son passé, voire loublie, nous sommes dans linacceptable. Car rien nest pire que loubli. Loubli cest le déni des souffrances, le déni de lexistence, le déni de lautre.
Le Président de la République François Hollande le rappelait dans son discours le 22 juillet 2012, et je reprends ses mots : « il ne peut y avoir, et il ny aura pas, dans la République française, de mémoire perdue. »
Dire la vérité ce nest pas seulement revenir sur le passé. Dire la vérité cest aussi se saisir du présent et se montrer intraitable avec ceux qui nourrissent le racisme et lantisémitisme.
Cest cette uvre de transmission que Monsieur Schwartz vient de réaliser en affrontant la douleur de ses souvenirs, pour les porter jusquà nous, et je tenais à len remercier.
Face à ces récits troublants, déchirants, difficilement supportables encore aujourdhui, nous avons besoin de rappeler aussi les parcours de ceux qui furent des héros.
Les Justes de France. Juste. Un mot venu du Talmud. Nous navons même pas besoin den comprendre la définition. Le mot seul, par sa sonorité, porte la grandeur de ces femmes et de ces hommes connus aujourdhui ou restés anonymes, qui sont honorés.
Jai pu quant à moi les découvrir au mémorial de Yad Vashem, au sommet de cette colline où sont répertoriés les noms des « Justes parmi les Nations ». Ceux qui permirent de sortir de lobscurité pour aller vers la lumière.
Ces Justes de France à qui nous rendons hommage. Ces hommes et ces femmes dont lamour et le respect dautrui furent plus fort que la peur et lendoctrinement.
Ils ne voyaient en chaque enfant quun enfant. En chaque être humain quun être humain. Lautre était partie deux-mêmes.
Ils étaient prêts à donner leur vie pour préserver celle dun autre. Les Justes de France ont résisté avec pour seules armes leur conscience, leur cur et leur humanité. Nous ne rendrons jamais assez hommage à leur courage et à leurs actions.
Cest aussi à travers ces héros que le souvenir de la Shoah doit être transmis, vous lavez rappelé Mme Gagnier, et vos grands-parents sont de ces héros. Grâce aux Justes, en France et ailleurs, des milliers de vies furent sauvées.
En sauvant les Juifs, ils sauvèrent lHumanité.
Puis si vous me le permettez, en cette année dhommage à la résistance, je voudrais rappeler, car cela a été trop souvent occulté, ce qui a été lengagement, le courage, lhonneur des Juifs dans la Résistance.
Denise Verney, qui nous a quittés cette année. Raymond Aubrac, Daniel Mayer, Leo Hamon, Jean-Pierre Levy, Joseph Epstein, ou encore Georges Loinger, aujourdhui âgé de 102 ans.
Je viens dévoquer devant vous quelques noms connus, mais lhomme du sud-ouest que je suis ne peut oublier la résistance militaire qui sorganisa sur des terres qui me sont chères.
Avec Jacques Lazarus autour de lArmée juive qui devint à la libération lOrganisation Juive de Combat, qui prit le maquis dans la Montagne Noire près de Castres.
Mais aussi Robert Gamzon, fondateur des Eclaireurs israélites de France. Ou encore Marcel Langer, ancien commandant des FFI de la région de Toulouse et compagnon de la Libération.
Ces hommes et ces femmes sont la fierté de la France, des combattants de la République, des défenseurs peut-être plus que tout autre des valeurs qui furent notre force, notre cohésion et notre unité.
Je tiens à terminer mon propos par un remerciement, adressé à vous tous, porteurs de la mémoire de la Shoah.
Votre mission est essentielle : elle traduit au quotidien notre promesse collective, celle d'entretenir le souvenir de ces familles déportées qui ne sont pas revenues, de rendre hommage aux Justes de la Nation qui ont sauvé tant de vies, d'inscrire dans notre mémoire les noms de tous ceux qui ont été victimes de la barbarie de leurs semblables.
Se souvenir pour ne pas oublier. Se souvenir pour éveiller les consciences citoyennes. Se souvenir pour quune telle barbarie ne se reproduise jamais. Se souvenir pour construire ensemble un avenir meilleur. Se souvenir pour se retrouver autour dune mémoire partagée, dans un monde apaisé.
Vive la République. Vive la France.
Source http://www.crif.org, le 23 juillet 2013