Point de presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur l'Union européenne et la situation au Mali, au Liban et en Syrie, à Bruxelles le 22 juillet 2013.

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Circonstance : Conseil affaires étrangères de l'Union européenne, à Bruxelles (Belgique) le 22 juillet 2013

Texte intégral

Beaucoup de sujets ont été abordés au cours de cette réunion.
Nous avons passé en revue la situation en Afrique, aussi bien dans la région des Grands Lacs qu'en Somalie et au Mali. S'agissant du Mali, le Conseil a apporté son soutien au processus en cours, le premier tour des élections présidentielles au Mali ayant lieu dimanche. Ce soutien s'accompagne en même temps de vigilance, parce qu'il reste encore beaucoup de travail à faire dans le futur. C'est une position dans laquelle je me retrouve totalement. Quand on compare la situation actuelle du Mali avec ce qu'elle était il y a six mois, lorsque les terroristes étaient sur le point de prendre Bamako, un progrès considérable a été accompli. Il faut maintenant que les élections se tiennent, pour que les Maliens puissent se donner les dirigeants qu'ils souhaitent. C'est dans ce sens que chacun travaille.
Nous avons également abordé les questions concernant le Hezbollah avec la décision, proposée notamment par la France, d'inscrire la branche armée du Hezbollah parmi les organisations terroristes. Vous savez la façon dont le Hezbollah a agi dans plusieurs circonstances. On pense notamment à ce qui s'est passé en Bulgarie, à Chypre et, de manière générale, à ce qui se passe dans la région. Il n'est pas question d'admettre qu'il puisse y avoir en Europe des organisations terroristes. Nous avons donc pris une décision concernant ce sujet. Par ailleurs, nous savons que le Hezbollah, en tant qu'organisation politique, est important au Liban et nous réaffirmons notre attachement à la stabilité du Liban et au contact avec toutes les formations politiques de ce pays.
Nous avons également parlé de la Syrie. J'ai insisté sur deux points absolument majeurs : d'abord il se déroule actuellement en Syrie un drame humanitaire épouvantable, c'est une des pires situations que nous ayons connues depuis des dizaines d'années. Il y a non seulement eu plus de 100.000 morts dans ce pays, mais également des millions de personnes qui se retrouvent démunies dans la région. Il faut augmenter notre effort humanitaire, au niveau européen et international. Il faut faire en sorte que les Nations unies puissent enfin adopter une résolution permettant de traiter les questions humanitaires. Nous pensons qu'il faut une solution politique, qui s'appelle Genève II. Pour arriver à une solution politique, il faut modifier la situation sur le terrain. La France, évidemment, soutient la Coalition nationale syrienne. Mercredi, le président de la République recevra le nouveau président de la Coalition. Je serai aux côtés du président de la République.
Nous avons évidemment évoqué ce sujet pendant la réunion. J'ai exprimé le souhait que le président de la Coalition soit prochainement l'invité de l'ensemble des ministres européens, parce que l'Europe soutient une solution modérée, incarnée par la Coalition nationale.
Nous nous sommes enfin entretenus avec le secrétaire d'État américain, John Kerry, qui m'avait également appelé vendredi soir, à propos de la perspective d'accord entre Israéliens et Palestiniens. À nouveau, je souhaite le féliciter de l'avancée que cela représente, ainsi que les autorités israéliennes et palestiniennes qui ont permis cette avancée. On n'en est pas encore, bien sûr, à une solution acquise mais c'est déjà un premier pas considérable, puisque cela fait plus de 3 ans qu'il n'y avait pas eu de progrès sur la voie des négociations. Et la France, comme l'Europe fera tout ce qu'elle peut pour appuyer une solution enfin durable qui permette aux Palestiniens d'avoir un État viable et souverain, vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël.
Voilà quelques points sur lesquels nous avons insisté.
Nous avons également beaucoup discuté de l'Égypte, du partenariat oriental mais je voulais, avant de revenir sur Paris, vous faire ce compte rendu.
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi ne pas inscrire tout le Hezbollah, la branche politique et militaire, sur la liste noire, au risque de faire un grand écart, comme l'ont fait les États-Unis ?
R - Non, je pense qu'au contraire cette solution est pertinente. Vous savez que, quoi qu'on en pense sur le fond, le Hezbollah, en tant qu'organisation politique, est une des composantes du gouvernement libanais. Nous voulons un Liban stable doté d'un gouvernement et d'une majorité.
En revanche, concernant la branche armée, il n'est pas question d'admettre, qu'il y ait un mouvement terroriste qui agisse en Europe. En établissant cette distinction, nous voulons dire que nous sommes attachés à la stabilité du Liban mais qu'en revanche les actions terroristes menées par la partie militaire, nous ne pouvons pas les admettre.
Q - Mais c'est impossible de différencier les deux, comment peut-on distinguer pour le gel des avoirs par exemple, on fait comment ?
R - Mais ce n'est pas impossible. La preuve en est que, dans un certain nombre de conflits, cela a été fait.
Q - Sur l'accord de stabilisation avec la Géorgie.
R - Nous n'avons pas traité spécifiquement de cette question. Nous l'aborderons lorsque nous traiterons, de manière générale, le partenariat oriental.
Q - Sur le Hezbollah. Comment faire la différence entre les entités militaires et politiques ? Comment cela va-t-il se passer ?
R - En pratique, cela signifie que, lorsqu'il s'agit d'apporter de l'aide au Liban, par exemple une aide économique, celle ci continuera à être apportée. En revanche, pour tout ce qui concerne les mouvements de la branche militaire et les personnalités appartenant à celle-ci, ils seront considérés comme terroristes. Cela a une conséquence très précise, je prends l'exemple de la France : vous savez peut être qu'en France il y a, désormais, une législation qui fait que lorsqu'un Français, par malheur, s'inscrit dans le cadre d'un groupe terroriste à l'étranger, il est pénalement responsable lorsqu'il revient en France. Cela veut donc dire que s'il y avait des Français, ou d'autres, qui agissaient pour le compte du Hezbollah sur le plan militaire, pénalement, ils seraient poursuivis.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juillet 2013