Extraits d'un entretien de M. Pascal Canfin, ministre du développement, avec Itélé le 29 juillet 2013, sur l'élection présidentielle malienne et l'aide française en faveur du développement du Mali.

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Média : Itélé

Texte intégral


Q - En tant que ministre délégué au développement, vous êtes bien sûr attentif à ce qui s'est passé hier au Mali, premier tour de l'élection présidentielle. Est-ce que d'après les informations que vous avez eues, ce premier tour tant demandé par la France s'est bien passé ?
R - Oui, d'après ce que disent les observateurs. Il y avait plusieurs milliers d'observateurs européens, internationaux sur place. Ils nous disent qu'il n'y a pas eu de problème de sécurité et qu'il y a visiblement une très grande mobilisation des Maliens.
Q - On a un chiffre ?
R - On n'a pas encore de chiffres, mais on devrait en avoir dans la journée. Nous aurons les résultats au plus tard à la fin de semaine.
Q - Mais vous pensez quand même qu'on va aller au-delà des 30 % par exemple ?
R - Il semblerait, d'après ce que l'on peut comparer avec les scrutins précédents, qu'il y ait une mobilisation importante. C'est une grande satisfaction pour la France de voir que sept mois après l'intervention militaire, sept mois après avoir libéré ce pays, après avoir libéré des villes où les femmes se faisaient amputer des bras simplement parce qu'elles étaient des femmes, eh bien ! Il y a des élections libres. Je crois que c'est vraiment un grand succès pour le Mali, pour les Maliens mais aussi pour la France.
Q - Donc François Hollande, le président de la République a eu raison d'insister très lourdement sur la nécessité de faire des présidentielles en juillet, en plein ramadan, en pleine saison des pluies ?
R - En réalité, il y a des élections tout le temps en Afrique, et on ne va pas attendre qu'il fasse beau, vous voyez ce n'est pas le sujet. Pendant des années on a critiqué la France - à juste titre - dans le passé parce que justement, elle soutenait des dictateurs en Afrique.
Aujourd'hui, nous soutenons des élections démocratiques, on va s'en féliciter, on ne va pas s'en plaindre. Je crois donc que c'est un succès pour le Mali d'abord - ce sont les Maliens qui ont organisé les élections -, mais c'est aussi un succès pour la France quand on regarde les sept mois qui viennent de s'écouler. Et maintenant le grand défi pour moi, c'est le défi du développement, du développement économique du Mali. C'est pour cela que nous avons mobilisé la communauté internationale.
Q - Alors précisément 3 milliards d'euros promis au Mali...
R - Tout à fait.
Q - Est-ce que ces 3 milliards d'euros, d'abord c'est vraiment très important, est-ce que cela ne va pas se perdre un peu dans les sables de la corruption au Mali ?
R - La transparence et l'efficacité des 3 milliards qui vont être mobilisés dans les deux prochaines années, par l'ensemble de la communauté internationale, pour aider le Mali à se reconstruire sont vraiment fondamentales. Il faut absolument que cet argent soit utilisé au mieux pour les services publics, pour la santé, pour l'éducation, pour le développement économique...
Q - Et vous aurez des garanties là-dessus ?
R - C'est pour cela que nous avons mis en place pour la première fois un dispositif de transparence totale sur notre aide, dont j'ai la responsabilité. Il y aura un site internet à partir de la rentrée qui fera que tous les projets financés par la France, sans exception, seront listés sur un site internet avec la date de réalisation du projet. Si on s'aperçoit que ce projet - qui était financé par la France - ne se réalise pas en temps et en heure, une école, un centre de pompage, un centre de santé, à ce moment-là il y aura la possibilité de nous alerter sur ce site ou par téléphone. Vous savez, il y a 10 millions de téléphones portables au Mali, il y en a partout, et on pourra assurer la traçabilité. C'est quelque chose que l'on doit aux Maliens, c'est évidemment aussi quelque chose que l'on doit aux contribuables français.
Q - Une dernière question sur le Mali, vous parliez du passé, la France va sans doute rester longtemps au Mali. On parlait du gendarme de l'Afrique hier, aujourd'hui est-ce que cela ne va pas être le gendarme du Sahel ?
R - Mais c'est le contraire, la France a déjà assuré un désengagement militaire de plusieurs milliers de soldats qui sont déjà revenus en France. Maintenant, c'est la force des Nations unies qui a déjà pris le relai, qui est aux commandes. Il reste de manière résiduelle aujourd'hui des soldats français pour les éventuelles poches d'insécurité qui demeurent. C'est notre responsabilité que d'aller au bout de la mission en termes de sécurité. On ne peut pas dire, aujourd'hui, que nous soyons encore présents partout, nous avons passé le relai aux Nations unies, là aussi c'est une réussite.
(...)
Q - Est-ce que vous êtes content quand Pierre Moscovici freine des 4 fers sur la taxe sur les transactions financières, qui doit venir en aide justement aux pays qui essaient de s'en sortir ?
R - Non, d'ailleurs nous avons discuté sur ce sujet et, depuis, Pierre Moscovici a rappelé quelle était la position de la France. Il l'a fait à l'Assemblée nationale quelques jours après ses propos controversé, et il a redit que la France défendait une assiette large incluant les produits dérivés, sans rentrer dans la technique.
La position de la France est connue, c'est la plus ambitieuse de tous les pays européens. On parle de la taxe européenne sur les transactions financières avec votre question, mais sachez que nous avons aussi une taxe française sur les transactions financières. Nous sommes le premier pays au monde à l'avoir et nous avons affecté une partie de cette taxe au développement. Là aussi, nous sommes les premiers au monde. Pour moi, c'est un motif de fierté.
(...).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2013