Interview de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, à "RTL" le 24 juillet 2013, sur les objectifs de créations d'emploi visés par le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ESTELLE SCHMITT
Philippe CORBE, vous recevez ce matin le ministre de la Consommation.
PHILIPPE CORBE
Benoît HAMON, bonjour.
BENOIT HAMON
Bonjour.
PHILIPPE CORBE
Vous avez aussi en charge l’Economie sociale et solidaire, on va en parler dans un instant. On connaîtra à 18h les chiffres du chômage pour le mois de juin, ils étaient quasiment stables le mois précédent. Vous avez une première tendance, est-ce qu’on va rester sur cette stabilité ou ça repart à la hausse ?
BENOIT HAMON
Eh bien, le ministre du Travail y répondra, vous connaissez l’usage, il ne me revient pas d’annoncer les chiffres avant que le ministre le fasse.
PHILIPPE CORBE
Il n’y aura pas une bonne nouvelle ce soir à 18h ?
BENOIT HAMON
Non, mais la tendance, c’est que, elle sera forcément… elle est sur un objectif, l’objectif, c’est l’inversion de la courbe du chômage, c’est un objectif sérieux, et que nous fixons, nous, d’ailleurs, la loi sur l’Economie sociale et solidaire y contribuera, apportera sa pierre, l’objectif, c’est de créer de l’emploi net pour inverser la courbe du chômage.
PHILIPPE CORBE
Justement, cette loi Economie sociale et solidaire présentée ce matin en Conseil des ministres, vous assurez que ces nouvelles mesures qui concernent – on le précise – les coopératives, les associations, tout ce qu’on appelle le secteur de l’économie solidaire, pourraient créer 100.000 emplois ; 100.000 emplois, quand les auditeurs, les Français, qui écoutent cette promesse, on se dit : mais comment est-ce qu’on crée 100.000 emplois, et on a tellement entendu de promesses ces dernières années, venues de gauche ou de droite, qu’on a du mal à croire à ces objectifs chiffrés.
BENOIT HAMON
Eh bien, c’est à la fois beaucoup et peu, parce qu’on peut se dire, à l’aune du nombre de chômeurs, 100.000 emplois, on pourrait même considérer…
PHILIPPE CORBE
C’est vrai…
BENOIT HAMON
Que ce n’est pas non plus considérable. C’est un objectif qui est un objectif réaliste, aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire, c’est 2.400.000 emplois à peu près en France, c’est – vous l’avez dit – le secteur associatif, coopératif, mutualiste, c’est-à-dire toutes ces entreprises qui ont une gestion dite désintéressée, dont le but est d’être non lucratives, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne font pas de profits, d’excédents, mais que ces excédents ne viennent pas rémunérer le propriétaire de l’entreprise, c’est-à-dire le capital de l’entreprise. Donc ça, c’est l’économie sociale et solidaire. Ce qui est intéressant, c’est que dans les dix dernières années, entre 2000 et 2010, c’est un secteur dont le nombre d’emplois a augmenté de plus de 23% quand, dans l’économie classique, il n’augmentait que de 7%, donc c’est d’une manière assez pragmatique que nous nous sommes intéressés à ce secteur pour le développer. Alors, 100.000 emplois, comment ? D’abord, nous allons favoriser la reprise d’entreprises. Je ne vais prendre que l’Ile-de-France, il y a 87.000 PME en Ile-de-France dont on sait que le chef d’entreprise a 55 ans aujourd’hui, et qui seront donc exposées à une question ou à un problème de transmission. Et on estime en France chaque année qu’il y a 50.000 emplois qui sont détruits, minimum, faute de repreneurs de PME en bonne santé, je ne parle pas d’entreprise dont on voit bien aujourd’hui la chronique qui sont en difficulté, mais des entreprises en bonne santé. Ce que nous voulons faire, nous, c’est favoriser la reprise par les salariés, de façon à maintenir de l’emploi et à en développer, sous forme de scops principalement, mais pas que…
PHILIPPE CORBE
Oui, les coopératives…
BENOIT HAMON
Et les scops, c’est quoi ? Ce sont, en fait, des entreprises qui appartiennent à leurs salariés, alors, on choisit en son sein un patron quand même, il y a un patron, et qui ont cette particularité, et je demande à ce qu’on s’arrête une seconde là-dessus, c’est que, on a regardé aujourd’hui si les scops, ça fonctionnait mieux que le reste des entreprises, on a regardé donc, d’une manière très simple, statistique, les scops créées en 2010, 80% d’entre elles sont toujours en vie ; quand on regarde leurs concurrentes de l’économie dite classique, il n’y en a qu’un peu plus de 60%, c’est un modèle qui est un modèle résilient, résistant à la crise, qui justifie, de façon pragmatique, qu’on s’intéresse à leurs performances, et raison pour laquelle nous allons favoriser les moyens de reprendre leur entreprise par les salariés.
PHILIPPE CORBE
Alors justement, on s’arrête sur ce point-là, Benoît HAMON, pour favoriser la reprise des petites entreprises en cas de cession, vous voulez que les salariés soient informés au moins deux mois à l’avance d’un projet de cession, et ça fait hurler le patronat. Les patrons, les petits patrons, disent : il ne comprend rien à l’économie, ça ne marche pas comme ça une entreprise, il y a une notion de discrétion qui est très importante, et donc ça ne marchera pas.
BENOIT HAMON
Ecoutez, quand une entreprise va être vendue, et que vous êtes salarié de cette entreprise, le fait que vous sachiez, que vous ayez juste l’information que vous allez être vendu, ce n’est pas beaucoup…
PHILIPPE CORBE
Mais ça gèle le processus de vente, selon les patrons…
BENOIT HAMON
Mais ça peut être un bouleversement dans votre vie, si vous êtes vendu à un grand groupe qui n’a d’autre objet que de prendre votre savoir-faire pour vous fermer, si vous allez être vendu à un concurrent, bref, ce sont souvent des bouleversements, nous créons un droit à l’information, déjà…
PHILIPPE CORBE
Il y a des ventes qui n’auront peut-être pas lieu dans ce cas-là…
BENOIT HAMON
Mais, pour l’instant, il y a des entreprises qui ne sont pas reprises, parce qu’il n’y a pas de repreneurs, alors que les entreprises sont en bonne santé. Peut-on se permettre de gaspiller chaque année 50.000 emplois ? C’est la question que je pose à monsieur GATTAZ, qui…
PHILIPPE CORBE
Le patron du MEDEF…
BENOIT HAMON
Mais voilà, qui s’inquiète de cette mesure. Moi, j’ai réagi de manière très – là encore – pragmatique à une réalité, que créons-nous, un droit d’information, ce qui n’empêche pas que les salariés aient cette obligation de discrétion vis-à-vis du projet de cession, nous ne remettons en cause…
PHILIPPE CORBE
Oui, mais ça s’ébruitera…
BENOIT HAMON
Mais nous ne remettons en cause ni la liberté du cédant, le chef d’entreprise cèdera à qui le veut, ni le droit de propriété, il n’y a pas de droit de préemption des salariés. Nous faisons en sorte qu’il y ait juste une opportunité plus de reprises, là où il y aura plusieurs repreneurs, le projet des salariés viendra concurrencer celui d’autres repreneurs, s’il existe le projet des salariés, parfois, il n’y aura pas de projet des salariés, malgré ce droit, et parfois, là où il n’y a aucun projet de reprise, comme c’est le cas dans – hélas – des centaines ou des milliers de cas, ce projet des salariés va sauver l’entreprise. Mais moi, je vous le dis, il y a des centaines d’élus ou de chefs d’entreprise qui, sur leur territoire, en milieu rural, seront ravis qu’une activité dans la mécanique, dans l’imprimerie, dans la menuiserie, qui sont rentables, ce ne sont pas des pépites, elles ne font… sur lesquelles les fonds d’investissement se jetteraient, mais elles maintiennent de l’emploi, de l’emploi non délocalisé…
PHILIPPE CORBE
Mais c’est la croissance aussi, ces entreprises qui font des profits, c’est aussi de la croissance, c’est aussi de la création d’emplois…
BENOIT HAMON
Mais toutes les entreprises créent de la valeur, mais pas moins les entreprises de l’ESS que les entreprises de l’économie classique.
PHILIPPE CORBE
Le patronat moque un petit peu cette idée de l’économie solidaire, dit : c’est bien beau, mais c’est méconnaître, en gros, le fonctionnement des entreprises et de l’économie, il y a un patron qui dit dans L’EXPRESS : c’est comme si on faisait rédiger le code de la route par des gens qui n’ont pas le permis.
BENOIT HAMON
Mais c’est stupide, quand on comprendra que la biodiversité, c’est bon en économie aussi, et que ça favorise la croissance, on s’intéressera vraiment au fait de faire de l’emploi dans ce pays. Est-ce qu’on peut se permettre de faire l’impasse sur une seule solution pour sortir les gens du chômage, des gens qui travaillent, c’est bon pour l’économie de toute manière, ce sont des gens qu’on indemnise moins ou qu’on n’indemnise pas parce qu’ils sont au chômage, ce sont des gens qui ne sont pas tentés par l’économie parallèle parce qu’ils n’ont pas de travail. Donc nous devons nous mobiliser sur toutes ces solutions-là. Et je suis frappé d’une forme d’approche très idéologique qu’a une partie du patronat à l’égard de l’économie sociale et solidaire alors que ce sont des groupes performants, qui exportent, le groupe SOS, qui a 10.000 salariés dans le médicosocial, il exporte son modèle et il se développe. Des groupes industriels aujourd’hui qui sont sous statut SCOOP, il en existe en France, et qui permettent à nos entreprises de développer des savoir-faire, des technologies et de l’emploi. Donc moi, ce que j’aimerais, c’est qu’on sorte d’une vision qui est une vision un petit peu étroite de l’économie, qui résume finalement l’entreprise à un seul modèle, l’entreprise de capitaux, là où il y a aujourd’hui des sociétés de personnes, qui font des bénéfices, sauf que bénéfices, est-ce qu’on peut se souvenir de l’étymologie, ça veut dire beneficius, bienfait…
PHILIPPE CORBE
Qui apporte du bien…
BENOIT HAMON
Et le bénéfice, ça ne se résume pas juste à faire des marges et simplement des profits, c’est aussi l’idée, c’est l’objectif de l’économie sociale et solidaire, que ces bénéfices servent à l’entreprise ou servent à l’intérêt général ; quel formidable projet que celui-là et ce serait une bonne manière pour le MEDEF de s’impliquer sur un projet qui ne se résume pas aujourd’hui à vouloir augmenter les marges des grands groupes du CAC40.
PHILIPPE CORBE
Donc c’est ce matin au Conseil des ministres. Benoît HAMON, vous êtes aussi élu de Trappes, on entendait dans le journal de 07h30 le mari de cette femme voilée qui maintient sa version : il dément avoir voulu étrangler un fonctionnaire de police, il maintient qu’un policier était agressif. Est-ce que vous avez, ne serait-ce qu’un léger doute sur la version de la police ?
BENOIT HAMON
Ecoutez, moi, je fais confiance, a priori, à la version des policiers, maintenant, il y a une autre version qui est donnée par ce monsieur, il y aura une enquête, et cette enquête, elle sera conduite, elle peut l’être, le cas échéant, même par l’IGPN, je ne sais pas s’il y aura des procédures…
PHILIPPE CORBE
La police des polices…
BENOIT HAMON
Voilà, mais en tout cas…
PHILIPPE CORBE
Pour l’instant, Manuel VALLS ne veut pas d’enquête de la police des polices…
BENOIT HAMON
Oui, mais il peut y avoir tout simplement… la justice peut se saisir, s’il y a une plainte, de ce qui s’est passé.
PHILIPPE CORBE
D’accord…
BENOIT HAMON
Je veux juste simplement dire une chose, c’est que, moi, je me réjouis que le calme soit progressivement revenu…
PHILIPPE CORBE
A Trappes…
BENOIT HAMON
A Trappes, et qu’il soit revenu, parce que ceux qui ont souffert de ce qui s’est passé, c’est la population de Trappes, les Trappistes, et ceux qui sont autour, à Elancourt, à Guyancourt, et qui souffrent de cela. Et les jeunes, leur famille, que le calme revienne, c’est une bonne chose, parce que ça va nous permettre de ré-envisager l’avenir de manière très différente, et s’il doit y avoir des enquêtes, qu’elles aillent au bout. J’observe que la justice est passée pour punir ceux qui se sont attaqués au commissariat, elle était passée une semaine auparavant, le 14 juillet, quand une jeune femme voilée, s’était fait agresser…
PHILIPPE CORBE
Avait été attaquée, oui…
BENOIT HAMON
Par deux personnes issues de l’ultra droite, et ils ont pris deux mois d’emprisonnement en comparution immédiate. Donc moi, je suis… je dis : il faut faire confiance à l’Etat, à la fois, pour faire respecter la justice, faire respecter l’ordre républicain partout, et on n’attaque pas des commissariats, mais il faut faire aussi confiance à la justice quand il s’agit de combattre l’islamophobie.
PHILIPPE CORBE
Benoît HAMON, invité de RTL ce matin. Bonne journée.
BENOIT HAMON
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 août 2013