Interview de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à Europe 1 le 25 juillet 2013, sur le chômage et la situation économique.

ALEXANDRE KARA
Bonjour, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
ALEXANDRE KARA
Hier, l’opposition a claqué la porte de la Commission d’enquête parlementaire sur l’affaire CAHUZAC. Alors Michel SAPIN, pourquoi refuser l’audition du Premier ministre ?
MICHEL SAPIN
L’opposition fait du cinéma, alors que les Français voudraient à la fois qu’on connaisse la vérité, qu’on dise la vérité sur ce qui s’est passé, c’est normal ! La vérité, elle doit être connue de tous ! Et qu’en même temps on s’occupe des vrais problèmes. On parlera certainement de la question de l’emploi ou du chômage, ça, ça préoccupe beaucoup les Français. Mais là-dessus, l’opposition pense pouvoir faire du cinéma et faire du cinéma à son profit. Ce n’est pas même pas à son profit, que ce cinéma ensuite permettra à d’autres de prospérer.
ALEXANDRE KARA
Mais vous avez accepté le principe de cette commission, pourquoi ne pas jouer le jeu jusqu’au bout ?
MICHEL SAPIN
Le jeu, ce n’est pas de dire, on va écouter celui-là, et on va entendre l’autre et on va interroger un troisième ! Le jeu, si je puis dire, parce que ça ne devrait pas être un jeu, c’est celui de la vérité, c’est de savoir exactement comment les institutions de la République, chacun à sa place, a agi dans cette période difficile, compliquée où un ministre de la République mentait, mentait, mentait, mentait et mentait aux plus grandes institutions de la République. Que ce soit le Parlement ou le président de la République. Voilà, c’est cela ! Maintenant, je le répète, l’opposition a choisi d’en faire, une sorte de phénomène à rebondissement, ce sont de faux rebondissements, ils vont se lasser, ça n’a aucun intérêt, la commission rendra son rapport qui sera un rapport objectif en septembre, attendons ce rapport !
ALEXANDRE KARA
Vous n’avez pas le sentiment, quand même que tout ça, est un énorme gâchis ?
MICHEL SAPIN
C’est un énorme gâchis que l’opposition, elle-même aujourd’hui, créait y compris à son propre détriment. Car comme vous le savez, ce type de comportement ne nourrit pas l’intérêt pour la République, elle nourrit, ceux qui veulent mettre en cause, d’une manière ou d’une autre les valeurs de la République.
ALEXANDRE KARA
Michel SAPIN, selon vous, la situation économique s’améliore, comme l’a affirmé le président de la République. La reprise est là !
MICHEL SAPIN
Il y a des signes d’amélioration, mais nous ne sommes pas encore au moment, où les choses vont véritablement et dont on pourrait dire durablement, mieux. Il y a des signes d’amélioration, il y a des signes d’amélioration en termes de reprise légère de la croissance, pour le deuxième trimestre. Il y a des signes d’amélioration sur le front du chômage, mais l’amélioration n’est pas encore le retournement. Il faut continuer la mobilisation. Il faut continuer l’effort, il faut être tout le temps dans l’action.
ALEXANDRE KARA
Et pourtant, Michel SAPIN, après une accalmie au mois de mai, le chômage là, repart à la hausse, 15 000 demandeurs d’emplois en plus, au mois de juin.
MICHEL SAPIN
Oui, mais je crois qu’il est bon d’avoir un tout petit peu de visibilité. Regardez ce qui s’est passé au cours des 5 dernières années. Parce que ça fait 5 ans, que chaque mois, le chômage augmente à part, deux mois d’ailleurs, le mois précédent, le mois de mai et un autre mois en…
ALEXANDRE KARA
Justement les Français comptent sur vous, pour le faire reculer maintenant ?
MICHEL SAPIN
Oui, bien sûr, ils comptent sur nous, pour le faire reculer. Et c’est ce que l’on fait. Le pire moment de SARKOZY, c’était 60 000 chômeurs de plus par mois. Le plus dur que nous ayons connu, c’était 30 000 chômeurs par mois. Aujourd’hui, nous avons 15 000 chômeurs par mois.
ALEXANDRE KARA
Oui, mais ce n’est pas une compétition entre celui qui détruira le plus ou moins d’emploi !
MICHEL SAPIN
Je ne suis pas dans une compétition, je suis dans une mise en perspective. Le plus dur avec SARKOZY, c’était 60 000 chômeurs par mois. Le plus difficile avec nous, ça a été 30 000, aujourd’hui, nous sommes à 15 000. Est-ce que c’est pour autant satisfaisant ? Dès qu’il y a un chômeur de plus, c’est insatisfaisant ! Mais pour pouvoir inverser, il faut d’abord ralentir. Si votre voiture roule à 100 km/h, vous n’allez pas en un instant, reculer à 100 km/h. Il y a un moment où vous ralentissez, vous vous arrêtez et après vous reculez.
ALEXANDRE KARA
Michel SAPIN, vous utilisez l’argument de la baisse de la hausse, vous pourriez même dire « la baisse tendancielle de la hausse du chômage » mais ça vous rappelle quelque chose…
MICHEL SAPIN
Eh bien, je ne le dis pas !
ALEXANDRE KARA
C’est Nicolas SARKOZY qui disait ça !
MICHEL SAPIN
Mais je ne le dis pas, parce que ça, ce sont des jeux sur les mots. Je ne joue pas sur les mots. Tout chômeur supplémentaire, c’est un drame personnel, individuel et c’est évidemment une situation insatisfaisante. Mais je vais vous prendre un autre exemple. Contre quoi nous nous battons particulièrement ? Quel est le coeur du chômage qui est insupportable aux Français ? C’est celui des jeunes et en particulier des jeunes de moins de 25 ans. Est-ce que le chômage des jeunes aujourd’hui, augmente ? Non. Pour la première fois et deux mois de suite, le chômage des jeunes de moins de 25 ans, recule. Si je voulais le dire, d’une certaine manière, l’inversion de la courbe du chômage, elle existe pour les jeunes de moins de 25 ans. Et pour moi, c’est une très grande satisfaction. Est-ce que je suis satisfait que le nombre des chômeurs de longue durée augmente ? Non ! Parce que par ailleurs, le nombre des chômeurs de longue durée augmente. Et ça, c’est un grave problème. On met en place, d’ailleurs des contrats aidés spécifiquement pour ces chômeurs de très longue durée. Mais qu’il y ait moins de chômeurs de moins de 25 ans, ça c’est une grande satisfaction. Il faut continuer. Et comme vous le savez, la plupart des outils que nous avons mis en place, c’est justement pour favoriser les jeunes et l’emploi des jeunes.
ALEXANDRE KARA
Il y a l’augmentation des chômeurs de longue durée, mais aussi l’augmentation du chômage des seniors ?
MICHEL SAPIN
Oui, qui est d’ailleurs, souvent la même chose. C'est-à-dire que quand vous êtes au chômage à 50 ans, vous avez plus de difficulté à retrouver un emploi et donc vous, vous êtes plus longtemps et vous êtes dans la catégorie malheureusement à plus de 50 ans, des seniors. Donc oui, il faut continuer à s’attaquer à ça. Mais je le répète, à aucun moment vous ne m’entendrez dire, ça y est c’est retourné ! Non, le retournement n’est pas là ! Il y a un ralentissement, le ralentissement, c’est le moment qui précède le retournement. Et la bataille que nous menons, sous l’impulsion du président de la République, c’est ce retournement. Retournement ça veut dire très simplement que le nombre des chômeurs, toutes catégories, diminue et ce nombre-là, diminuera avec la fin de l’année. Parce que c’est là, que l’inversion de la courbe du chômage, s’inscrira dans la réalité.
ALEXANDRE KARA
Oui, mais vous, vous le savez, cette décélération du chômage des jeunes est due en grande partie aux emplois aidés ? C’est un peu artificiel non ?
MICHEL SAPIN
Ce n’est pas une décélération du chômage des jeunes, c’est une diminution du chômage des jeunes. Vous qui jouez avec les mots à la Sarkozy, la diminution c’est la diminution. Il y en a moins, aujourd’hui, au chômage, qu’il n’y en avait le mois précédent et encore moins qu’il n??y en avait le mois encore précédent.
ALEXANDRE KARA
Donc on va dire, merci, les emplois d’avenir, et pourtant, ces emplois aujourd’hui, sont boudés par le privé. C’est essentiellement le public, qui les récupère.
MICHEL SAPIN
Ils ne sont pas boudés par le privé ! Ils ne sont pas faits principalement pour le privé. Je ne vais pas demander à quelqu’un pour qui ça n’est pas fait, d’avoir un appétit considérable !
ALEXANDRE KARA
Pourquoi se priver justement de cette possibilité ?
MICHEL SAPIN
Il ne s’agit pas de se priver, c’est ouvert au privé. Mais ce n’est pas tourné principalement vers le privé, nous l’avons largement ouvert au privé, à une condition, c’est que les jeunes qui sont embauchés soient bien ces jeunes, en très grandes difficultés, qui sont très loin de l’emploi et qui ont très peu de qualification. Parce que les emplois d’avenir, ce n’est pas occuper les jeunes, ce n’est pas pour avoir un effet statistique, ce n’est pas pour faire baisser la courbe du chômage des jeunes. Les emplois d’avenir, c’est un vrai boulot, un vrai métier, avec une vraie formation, pour que le jeune puissent continuer à travailler là où il est embauché, ou s’il doit travailler ailleurs, qu’il ait son bagage à lui, sa formation, sa qualification, c’est comme ça qu’on s’attaque au noyau dur du chômage des jeunes. C’est le coeur de la désespérance française et c’est à cela que nous nous attaquons avec réussite aujourd’hui.
ALEXANDRE KARA
Non, mais ça, c’est ce que vous espérez Michel SAPIN, en réalité les emplois aidés dans le passé, l’ont montré, ne débouchent pas toujours sur des emplois durables.
MICHEL SAPIN
Mais nous ne sommes pas obligés d’avoir les mêmes emplois aidés que dans le passé ! On a le droit d’être plus intelligent que ceux qui vous ont précédé. Si on met en place des emplois d’avenir avec une qualification, avec une formation obligatoire ce qui n’était pas le cas pour les emplois aidés précédents, c’est bien pour leur permettre d’avoir ce bagage indispensable. C’est ça qui est important pour un jeune, c’est d’avoir pas un diplôme, le diplôme aussi, mais cette expérience, vous savez ce qu’on dit toujours à un jeune ? Est-ce que tu as déjà eu une première expérience ? Non. Eh bien, tu attendras d’avoir ta première expérience pour avoir la deuxième. On fait comment avec ça ? On n’est jamais embauché. Là, c’est la première expérience qui permettra ensuite d’avoir une réussite dans la vie.
ALEXANDRE KARA
Après tout, si ces emplois aidés, c’est la panacée pour faire reculer le chômage, pourquoi ne pas en faire plus alors ?
MICHEL SAPIN
Ce n’est pas la panacée ! Je vois parfois, y compris certains de vos confrères qui disent : mais ce n’est pas comme ça qu’on fait reculer le chômage en profondeur. Mais c’est vrai ! Le chômage en profondeur, il recule avec une croissance supplémentaire, avec une activité supplémentaire, et avec des emplois qui se créaient, j’allais dire, naturellement dans l’entreprise. C’est toute la politique économique du gouvernement pour redonner de la croissance et donc de l’emploi en profondeur, à la France. Mais en attendant, vous faites quoi ? Vous les comptez les chômeurs tous les mois ! Et vous dites : ah ! Bah voilà, ça augmente ! Non ! Nous, nous ne sommes pas comme ça, on n’a pas les bras le long du corps à regarder passer le fleuve du chômage. Nous agissons avec ces emplois aidés qui sont les plus intelligents possibles, les plus pertinents, les plus ciblés sur le coeur du chômage en France. Les jeunes, les chômeurs de longue durée ou les chômeurs seniors. C’est à ceux-là que nous offrons aujourd’hui, des solutions qui ne sont pas des solutions de passage, mais qui sont des solutions durables.
ALEXANDRE KARA
La réforme des retraites, c’est pour vous le gros dossier de la rentrée. Ce serait pour vous quoi une bonne réforme des retraites ?
MICHEL SAPIN
Une bonne réforme des retraites, c’est d’abord celle qui permet, qui contribue dans les deux ans qui viennent, à rééquilibrer les finances de la France. Et donc nous avons forcément en tête, cette nécessité de faire en sorte que…
ALEXANDRE KARA
Elle ne doit pas être plus ambitieuse que ça ?
MICHEL SAPIN
C’est d’abord cela, j’ai dit ! C’est d’abord cela. Donc il suffit d’attendre un tout petit peu la suite. C’est d’abord une réforme qui permet de contribuer au rétablissement des finances publiques de la France. Et deuxièmement, c’est surtout une réforme qui donne de la visibilité et de la durabilité, qui confirme, mais pour longtemps, pour 20 ans, pour 30 ans, que le système de solidarité à la Française, c’est un système durable qui est compatible avec une économie comme la nôtre qui doit être compétitive. On peut être solidaire et compétitif, c’est ça la bonne réforme des retraites.
ALEXANDRE KARA
Michel SAPIN, le MEDEF révèle aujourd’hui, ses propositions, il propose l’allongement de la durée des cotisations et le gel des pensions. L’alignement aussi du taux de la CSG sur celui des actifs. Est-ce que ce sont de bonnes propositions ? Est-ce que vous allez les prendre en compte ?
MICHEL SAPIN
Ce sont des propositions et il est utile que chacun face des propositions, d’ailleurs nous sommes dans une phase d’écoute de l’ensemble des partenaires, voici les propositions…
ALEXANDRE KARA
Vous êtes inquiet de la grogne sociale, possible, à la rentrée ?
MICHEL SAPIN
Je ne sais pas ce que c’est que la météorologie sociale, tous ceux qui ont voulu en faire, se sont trompés.
ALEXANDRE KARA
Michel SAPIN, merci, bonne journée ! Bonne journée à tous !
MICHEL SAPIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 août 2013