Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à Itélé le 25 juillet 2013, sur le chômage et la situation économique.

Prononcé le

Média : Itélé

Texte intégral


CHRISTOPHE BARBIER
Najat VALLAUD-BELKACEM, bonjour.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Bienvenue. Le chômage continue à monter, 14.900 chômeurs de plus en juin, la reprise est là, disait François HOLLANDE, le 14 juillet, est-ce que vous pouvez me dire où est la reprise ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, on n’est pas encore à l’inversion de la courbe du chômage qu’on a voulue d’ici la fin de l’année 2013, c’est une évidence, mais en même temps, si c’était facile à faire et si ça se faisait en un claquement de doigts, je crois que tout le monde le saurait, c’est un processus où on travaille depuis des mois maintenant à ce que les chiffres du chômage soient meilleurs. Et de fait, sur ce mois-ci, vous prenez par exemple les chiffres du chômage des jeunes, ça fait deux fois d’affilée que le chômage des jeunes baisse. Donc c’est quand même une bonne nouvelle, ça ne veut pas dire que toutes les autres nouvelles le soient, mais nous sommes sur un processus.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais qu’est-ce que ça signifie cette baisse du chômage des jeunes, est-ce que c’est les emplois aidés qui marchent ou est-ce que, simplement, eh bien, on n’a pas beaucoup de jeunes en mai, juin, parce que le stock de jeunes va arriver, là, à la rentrée, après l’été ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça veut dire beaucoup de choses, mais ça veut d’abord dire que les réformes du gouvernement sont en train de produire leurs effets, les emplois d’avenir – vous les avez évoqués – 40.000 jeunes sont désormais en emplois d’avenir, on espère qu’on atteindra les 100.000 d’ici la fin de l’année, ça veut dire les contrats de génération, je ne sais pas si vous avez vu que le groupe THALES, il y a quelques jours, a annoncé 2.000 nouveaux contrats de génération à signer d’ici 2016, donc ça veut dire 2.000 jeunes en emploi, et ça veut dire…
CHRISTOPHE BARBIER
Et pourtant, le chômage des seniors, lui, il explose, donc on continue à mettre à la porte les plus vieux.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pas du tout, puisque les contrats de génération, par définition, c’est : on embauche…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça ne suffit pas apparemment…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On embauche des jeunes, mais en même temps, on maintient en activité des seniors, et vous savez, au fond, l’activité des uns entraîne l’activité des autres, je crois qu’il faut justement arrêter avec cette manie qu’on avait jusqu’à présent d’opposer les populations face à l’emploi, mettre des jeunes en emploi, ça veut dire produire de l’activité, et faire repartir un certain nombre d’entreprises. Regardez ce que – je vous donne un exemple – ce que Benoît HAMON a présenté hier en Conseil des ministres, à savoir…
CHRISTOPHE BARBIER
L’économie sociale et solidaire…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire. Cette faculté qui est désormais donnée aux salariés de reprendre une entreprise lorsque, eh bien, le patron est amené à la fermer, à la quitter, plutôt que de la laisser mourir cette entreprise, comme c’était trop le cas jusqu’à présent, eh bien, on laisse la possibilité aux salariés de se faire repreneurs. Eh bien, ça veut dire que c’est de l’activité qu’on relance ou qu’on recrée, et on attend 100.000 emplois de cette simple loi de soutien à l’économie sociale et solidaire.
CHRISTOPHE BARBIER
Je reviens un peu sur les emplois d’avenir, les entreprises du privé se plaignent, elles n’en prennent pas beaucoup, parce que, d’abord, elles sont un peu moins aidées, beaucoup moins aidées que le public, et puis surtout, il faut trois mois de démarches administratives, est-ce que le gouvernement ne peut pas faire quelque chose ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le gouvernement est attentif en effet à améliorer les conditions dans lesquelles ces emplois d’avenir se mettent en oeuvre, et nous l’avons fait – nous avons fait régulièrement des évaluations depuis maintenant plusieurs mois – et amélioré les choses dans le public comme dans le privé, mais en même temps, je veux quand même repréciser que, a priori, les emplois d’avenir s’adressent davantage, en tout cas, plus naturellement aux collectivités…
CHRISTOPHE BARBIER
Au public et au parapublic…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et aux associations, et à la marge, au privé.
CHRISTOPHE BARBIER
Peut-être que pour le privé, il faut baisser fortement les charges maintenant pour donner un dopant dans la relance ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, précisément, la contribution de l’Etat aux emplois d’avenir est plus forte dans le public et dans les associations que dans le privé, et tout le monde le comprendra très bien, il s’agit de ne pas créer un appel d’air, un effet d’aubaine pour les entreprises du privé qui, par ailleurs, ont d’autres dispositifs dans lesquels elles peuvent s’engager pour embaucher des jeunes, et notamment les contrats de génération que j’évoquais tout à l’heure. Donc il faut savoir mesurer nos efforts, parce que, après tout, c’est de l’argent public que l’on utilise, donc il faut à la fois… comment dire… soutenir l’emploi, faire en sorte que le chômage soit réduit, et en même temps, utiliser nos deniers publics à former par exemple, vous avez vu que nous avons décidé de former 100.000 chômeurs de plus dans les mois qui viennent…
CHRISTOPHE BARBIER
Pour les emplois vacants…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour les emplois vacants…
CHRISTOPHE BARBIER
D’ici la fin 2014…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà.
CHRISTOPHE BARBIER
L’UMP claque la porte de la Commission CAHUZAC. Pourquoi le gouvernement, le Parti socialiste n’ont pas autorisé l’audition de Jean-Marc AYRAULT, ça aurait permis de trancher le différend CAHUZAC/MOSCOVICI, sur la fameuse réunion, le conciliabule du 16 janvier !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord, remettons les choses dans l’ordre, ça n’est pas le Premier ministre qui a refusé de se rendre devant la Commission, c’est la Commission qui a décidé qu’il n’était pas utile d’auditionner le Premier ministre…
CHRISTOPHE BARBIER
Il a dû y avoir des coups de fil quand même. Si le Premier ministre avait dit : je suis prêt à venir, ils auraient voté son audition !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah, alors, je vous arête tout de suite, il n’y a aucun coup de fil, bien au contraire, nous sommes scrupuleux sur l’indépendance totale de cette Commission, dont nous voulons qu’elle fonctionne en toute sérénité. Nous avons accepté, d’abord, qu’elle voit le jour, qu’elle soit présidée par un membre de l’opposition, qu’elle travaille comme elle le fait, en ayant accès à tous les éléments d’information, aux personnes qu’elle souhaite auditionner…
CHRISTOPHE BARBIER
Et il va manquer…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous rappelle qu’elle a auditionné déjà trois ministres…
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, mais il va manquer le témoignage de Jean-Marc AYRAULT alors qu’on a CAHUZAC/MOSCOVICI qui ont deux versions du même rendez-vous, c’est dommage qu’on n’ait pas cette audition finale.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais je crois que les choses sont très claires, encore une fois, la Commission a auditionné trois ministres, les propos de Pierre MOSCOVICI ont été très clairs, maintenant, ce que dit ou ne dit pas Jérôme CAHUZAC…
CHRISTOPHE BARBIER
« Je ne me souviens pas »…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Seul Jérôme CAHUZAC en est responsable.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, je n’ai pas le témoignage de Jean-Marc AYRAULT, mais j’ai la chance de vous avoir. Vous êtes porte-parole du gouvernement, après un Conseil des ministres, vous restez pour rédiger le compte-rendu. Le 16 janvier, qu’est-ce que vous avez vu ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On parle donc du jour où se serait tenue cette réunion ?
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, voilà, ce conciliabule…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour être tout à fait honnête, je n’en ai pas fait partie, je n’y ai pas été associée, donc il m’est impossible de vous répondre, je n’y ai pas été associée.
CHRISTOPHE BARBIER
Résultat, quand même, cette Commission, elle est un peu mort née, le rapport ne signifie rien, on ne saura vraiment pas ce qui s’est passé.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, cette Commission, c’est un exercice totalement inédit de transparence sur les procédures qui ont prévalu au sommet de l’Etat dans une affaire comme l’affaire CAHUZAC. Christophe BARBIER, vous avez un peu de mémoire, je sais que l’UMP en a moins, mais rappelez-vous lorsque nous étions dans l’opposition, nous, la gauche, et que nous réclamions une Commission sur l’affaire Karachi…
CHRISTOPHE BARBIER
Les infirmières bulgares…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sur les infirmières bulgares, sur l’affaire Eric WOERTH, avons-nous obtenu de telles Commissions ? Aucunement ! Donc ça veut dire que, à aucun moment, on n’a pu faire la vérité sur ce qui s’était passé au sommet de l’Etat dans ces affaires. Dans l’affaire CAHUZAC, toutes les auditions qui se sont tenues se sont tenues publiquement, donc y compris les Français, pas simplement les membres de cette Commission, ont pu écouter ce que les ministres, qui ont été auditionnés, avaient à dire, ont pu comprendre comment est-ce que les choses s’étaient passées. Et maintenant, il revient à la Commission collégialement de rendre ses conclusions, et nous les attendons très sereinement.
CHRISTOPHE BARBIER
A Trappes, le mari de la femme voilée, contrôlée, donc l’incident qui était au démarrage des échauffourées, des émeutes, le mari nie avoir agressé un policier, il dit, au contraire, qu’il a été insulté, est-ce que vous le croyez, est-ce que ça vous trouble ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh, c’est à la justice d’en décider, moi, vous savez, sur cette affaire de Trappes, je voudrais dire quand même quelque chose, je crois qu’il faut qu’on évite l’amalgame, c’était une pratique de l’ancien gouvernement, vous avez remarqué que nous, nous prenons nos responsabilités, et que nous veillons à ne jamais attiser les choses, et au contraire, à les apaiser. Eviter l’amalgame, c’est quoi ? C’est d’abord dire que ça n’est pas la population de Trappes ou les musulmans de Trappes qui se sont soustraits à un contrôle d’identité, il y a quelques jours ou qui ont tenté de se rebeller, ça n’est pas la population de Trappes ou les musulmans qui sont allés manifester devant un commissariat. Donc si vous voulez, il faut bien faire la part des choses entre quelques individus, qui se sont comportés ou pas de telle façon, ça, c’est à la justice de le dire, et la population, l’immense majorité des musulmans qui, eux, veulent simplement vivre tranquillement et veulent que les forces de l’ordre, pour le coup, leur garantissent cette tranquillité.
CHRISTOPHE BARBIER
Si on va jusqu’au bout, est-ce qu’on ne peut pas conclure de cette affaire que la loi sur les visages masqués est mal faite, qu’elle est trop difficile à appliquer, qu’il faut la changer, la corriger ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais la loi sur les visages masques, vous avez raison de le dire comme cela, parce que ça n’est pas uniquement sur la Burqa ou le Niqab, la loi sur les visages masqués, au fond, elle a un intérêt de mon point de vue, c’est de préserver le droit des femmes, parce que, à partir du moment où vous admettez que, on impose ou qu’on permette à une femme de montrer ce stigmate, qui n’est pas un stigmate religieux, je le dis à nouveau, qui est un stigmate traditionnel, qui signifie la domination d’un sexe par un autre, parce que se rendre invisible, ne pas être vu par les autres, ça veut dire ne pas avoir de vie sociale, eh bien, cette domination, nous, nous la récusons totalement. Donc nous estimons que la laïcité à la française est là pour nous protéger de ce stigmate et de cette manifestation de la domination d’un sexe sur un autre. Voilà.
CHRISTOPHE BARBIER
Najat VALLAUD-BELKACEM, merci. Bonne journée !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 août 2013