Interview de Mme Marisol Touraine, m Ministre des affaires sociales et de la santé à Europe 1 le 10 juillet 2013, sur l'accès aux soins médicaux et la réforme des retraites.

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Média : Europe 1

Texte intégral


JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Marisol TOURAINE, bonjour.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
LE PARISIEN révèle que des logiciels de prescriptions médicales dysfonctionnent, en ce moment, de plus en plus souvent. Ils mettraient des patients en danger. Je pense que vous êtes informée, qu’est-ce que vous décidez ?
MARISOL TOURAINE
Si des logiciels dysfonctionnent, ils seront évidemment retirés, il n’est pas acceptable que la vie de patients, ou l’avenir des patients, soit mis en danger pour cette raison. Cela dit, je veux quand même rappeler qu’une prescription cela reste un acte individuel et que le logiciel d’aide à la prescription ne peut pas se substituer à la prescription personnalisée, individualisée, par le médecin, et je ne voudrais pas qu’à travers cette affaire on jette une fois de plus un soupçon généralisé sur la manière dont les Français, les patients, sont accueillis dans les hôpitaux, où un travail très remarquable se fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous réclamez plus de vigilance et de présence de la part des médecins ?
MARISOL TOURAINE
Il va falloir regarder très précisément ce qui a pu se passer dans le cas identifié aujourd’hui, mais en tout cas si des logiciels ont dysfonctionné, ils seront retirés, cela ne fait aucun doute.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On dit que la certification de ces logiciels est prévue pour 2015, est-ce que vous allez agir pour, peut-être, qu’elle soit avancée, pour plus de sécurité ?
MARISOL TOURAINE
Les logiciels qui fonctionnent seront évidemment maintenus, s’il y a des dysfonctionnements identifiés, les logiciels seront retirés, car cela n’est pas évidemment acceptable que de mauvais logiciels fonctionnent dans les hôpitaux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous lancez ce matin une enquête ?
MARISOL TOURAINE
On va voir comment les choses peuvent être… et si une enquête est nécessaire, elle sera évidemment lancée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il ne s’agit pas de mettre en doute, évidemment, les nouvelles technologies, si utiles en matière médicale, on a toujours besoin…
MARISOL TOURAINE
Non seulement il ne s’agit pas de mettre en doute les nouvelles technologies médicales, mais il s’agit de dire que c’est une incitation supplémentaire pour que nous allions vers la mise en place de dossiers médicaux personnalisés. Il faut qu’un patient, qui arrive à l’hôpital, puisse avoir un dossier, qui a été constitué par son médecin traitant, et qu’on ne refasse pas les examens à l’infini, c’est la meilleure façon de bien suivre et de bien soigner les malades.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Par le médecin, et pas seulement par la machine.
MARISOL TOURAINE
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jean-Marc AYRAULT, plan numéro 2, il promet 12 milliards d’euros pour les investissements dans les 12 ans à venir, la santé cette fois-ci va recevoir 400 millions, c’est la portion congrue ça !
MARISOL TOURAINE
Un premier plan a déjà été lancé, qui a fait de la santé un enjeu majeur. 45 milliards, au cours des 10 prochaines années, vont être investis dans les hôpitaux pour créer des hôpitaux d’avenir, des plateaux techniques modernes, pour sécuriser les hôpitaux qui aujourd’hui ne le sont pas, et faire en sorte que…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eviter les dysfonctionnements des logiciels…
MARISOL TOURAINE
Oui, pas simplement ça, et faire en sorte qu’il y ait aussi de meilleures conditions de travail pour le personnel. Mais vous avez raison de souligner qu’à côté de cela un investissement numérique, de 80 millions d’euros, est annoncé, précisément pour faire en sorte que tout ce qui est informatique, tout ce qui est communication, soit amélioré dans les hôpitaux, et il y a quelques jours nous avons réuni le comité de filière des industries de santé pour marquer la volonté que cette filière soit considérée comme une filière d’avenir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites, Marisol TOURAINE, il faut redéployer les moyens, il faut économiser, il faut être attentif aux dépenses.
MARISOL TOURAINE
Il faut être plus efficace, bien entendu. Mais vous savez, il y a un rapport qui vient d’être publié…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Justement, le rapport annuel de l’Assurance Maladie demande au gouvernement d’économiser, l’an prochain, 2,5 milliards sur les dépenses de santé. Alors là, quelles économies vous prévoyez, ou vous demandez ?
MARISOL TOURAINE
Jean-Pierre ELKABBACH, en 2013, l’année dernière, pour cette année, 2,4 milliards ont été économisés, et sans que cela se traduise par la moindre diminution de prise en charge pour les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ça continue.
MARISOL TOURAINE
Donc nous allons engager le même travail, la loi de financement de la Sécurité Sociale est actuellement en préparation, je veux rappeler que l’année dernière ces économies, enfin cette année, ces économies sont tenues, le comité d’alerte a constaté que nous faisions même mieux que ce que nous avions annoncé en termes d’économies, et dans le même temps des droits renforcés pour les femmes en matière de contraception, des hôpitaux qui ont reçu des investissements, la volonté d’améliorer la prise en charge des personnes âgées. Donc, on ne peut pas dire qu’avec le gouvernement actuel économies rime avec austérité, je veux insister sur ce point, parce qu’avec la droite on faisait des économies sur le dos des patients, aujourd’hui nous le faisons pour faire en sorte que les patients soient mieux soignés et mieux traités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quel déficit vous prévoyez à la fin de l’année pour la Sécurité Sociale ?
MARISOL TOURAINE
Globalement parlant, c'est-à-dire Sécurité Sociale + fonds de solidarité vieillesse, comme l’année dernière, autour de 17,5 milliards. Malheureusement, la dégradation de la conjoncture économique fait que malgré les économies plus importantes que ce qui ont été…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il y aura un déficit plus important.
MARISOL TOURAINE
Non, il sera stabilisé par rapport à l’année précédente.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et la Cour des comptes va faire son rapport en septembre.
MARISOL TOURAINE
Non non, j’insiste. L’année dernière le déficit a été diminué de plus de 3 milliards, 3,5 milliards, cette année le déficit sera stabilisé, il ne diminuera pas, puisque les recettes sont moins importantes que ce qui était attendu, mais les économies, le plan d’économies, lui, il est parfaitement tenu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des économies vous sont suggérées, par exemple pas de nuit à l’hôpital pour les 700 à 800 000 opérations annuelles de la cataracte. Vous dites oui, non ?
MARISOL TOURAINE
Nous allons regarder cela. Le développement de la chirurgie ambulatoire, c'est-à-dire le fait de ne pas rester à l’hôpital la nuit, est évidemment une orientation tout à fait importante, que nous avons déjà relancée cette année. Nous devons poursuivre les économies en matière de consommation de médicaments, parce que même si des efforts ont été réalisés…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
48 boîtes de médicaments par français.
MARISOL TOURAINE
Oui, pour la première fois cette année on consomme moins, en valeur, de médicaments, c'est-à-dire qu’on dépense moins en médicaments, que les années précédentes, pour autant la France reste dans le peloton de tête…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites c’est trop.
MARISOL TOURAINE
C’est trop, ça reste trop, par rapport à certains pays voisins.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il est conseillé de faire des économies sur les biologistes, les radiologues, utiliser…
MARISOL TOURAINE
Tout cela va faire l’objet du travail des prochaines semaines.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Utiliser la voiture personnelle plutôt que l’ambulance, qui est excessive, etc.
MARISOL TOURAINE
Le contenu du projet de loi sera annoncé à la fin du mois de septembre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De toute façon les frais de santé vont augmenter, est-ce qu’il faudra accorder plus de place aux mutuelles, aux assurances, et s’y faire ?
MARISOL TOURAINE
Les organismes complémentaires ont un rôle à jouer, mais l’Assurance Maladie doit être le socle de notre système de santé, et moi je veux garantir, à chaque Français, qu’il sera bien soigné et bien pris en charge grâce à l’Assurance Maladie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Politique. Est-ce que le président de la République va parler le 14 juillet ?
MARISOL TOURAINE
L’intervention du 14 juillet, qui est le jour de la Fête nationale, est devenue un moment rituel de la relation particulière qui unit le président avec les Français. Le contenu de cette intervention, la forme de cette intervention, elle dépend évidemment du président de la République, moi je crois que cela fait partie des moments de rencontre privilégiés entre le président et les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous souhaitez qu’il parle ?
MARISOL TOURAINE
Moi je pense que ça fait partie des rencontres habituelles, et auxquelles les Français s’attendent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il va parler ?
MARISOL TOURAINE
Je ne sais pas s’il parlera, c’est de sa responsabilité, je constate simplement que c’est devenu, au fond, le moment où le président s’exprime, d’une façon qui lui appartient de déterminer, aux Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La politique. La gauche du PS se bat pour obtenir le report de la réforme des retraites après les élections européennes et municipales, est-ce que vous leur accorderez ce report ?
MARISOL TOURAINE
Je commence demain à recevoir, à un rythme intensif, l’ensemble des organisations syndicales et patronales, pour définir ce que peut être le contenu de cette réforme, ce rythme intensif va se poursuivre tout au long de l’été, ce qui nous permettra de présenter un projet de loi au début du mois de septembre, comme prévu. La réforme des retraites est nécessaire, elle est nécessaire parce qu’il y va de la confiance des Français dans l’avenir de nos retraites.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous dites à l’aile gauche du PS, la réforme des retraites aura lieu dans le calendrier prévu ?
MARISOL TOURAINE
Hier le Parti socialiste a débattu d’un texte sur l’avenir des retraites, personne ne s’est opposé à ce texte, et je constate qu’il y a un accord très général pour dire qu’il y a un déficit, auquel nous devons faire face, si nous voulons rendre confiance aux Français dans leur système de retraite. Mais je le dis, ça ne doit pas être considéré comme une réforme anxiogène, c’est une réforme d’avenir, pour conforter la confiance des Français dans les retraites.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien faites-là dans ces conditions. Dernière question Marisol TOURAINE. Finalement, pour le Furosémide, est-ce que vous confirmez que c’était la maladresse d’un couple âgé qui a mélangé les médicaments ?
MARISOL TOURAINE
C’est sans doute une maladresse individuelle, moi je veux rappeler que nous devons maintenir notre confiance dans les médicaments génériques, et je crois que l’entreprise a pris les bonnes démarches pour rassurer les patients en faisant en sorte de retirer les lots, disons litigieux, du marché, c’est une démarche lourde de conséquences, mais c’est une démarche de précaution nécessaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Plus de peur que de mal.
MARISOL TOURAINE
C’est une bonne chose.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2013