Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à RTL le 1er août 2013, sur la situation économique et la réforme des retraites.

Prononcé le 1er août 2013

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


PHILIPPE CORBE
Il y a quelques mois le Diane 35 avait été retiré, suspendu en urgence de la vente en France. Finalement la Commission européenne a décidé d’autoriser à nouveau la vente. On a du mal à comprendre cet aller-retour.
MARISOL TOURAINE
La situation ne reviendra pas à ce qu’elle était auparavant. Donc je le dis, il était important de saisir la Commission européenne, l’Agence Européenne de Sécurité et du Médicament qui a considéré que des restrictions devaient être apportées à la prescription de la Diane 35. Donc je me réjouis que le volontarisme et l’initiative française aient permis d’apporter une sécurité renforcée pour l’ensemble des citoyens européens.
PHILIPPE CORBE
Donc on s’est dit qu’on a été trop loin peut-être ?
MARISOL TOURAINE
Non, mais ce que dit Bruxelles c’est ce médicament présente un intérêt pour certaines formes d’acnés. Mais il ne peut en aucun cas être prescrit systématiquement comme c’était le cas auparavant. Et donc très concrètement la Diane 35 pourra être prescrite mais seulement en deuxième intention, c’est-à-dire une fois qu’on aura essayé d’autres traitements. Au fond c’est le traitement de la dernière possibilité. Et deuxièmement il devra y avoir une information sur les risques liés à ce médicament et notamment il y aura sur la boite de la Diane 35 un logo indiquant que ça n’est pas un médicament comme un autre, que c’est un médicament particulièrement, comment dire, sensible.
PHILIPPE CORBE
Ça reste en clair un camouflet pour l’Agence du médicament et finalement ça souligne le fait qu’on va peut-être trop loin, trop vite, dans ce genre de dossier sanitaire.
MARISOL TOURAINE
Non il n’y a aucun camouflet puisqu’avant la saisine des instances européennes ce médicament était prescrit de façon extrêmement large sans aucun contrôle, sans information de la dangerosité et il était prescrit en première intention, c’est-à-dire que dès qu’il y avait un problème d’acné on donnait de la Diane 35. Désormais ça ne sera plus possible et donc il y a un contrôle renforcé qui sera apporté. Et d’ailleurs le médicament ne sera pas disponible avant que pour sa sécurité, la sécurité des Français soit garantie.
PHILIPPE CORBE
Marisol TOURAINE, le gros dossier social, le gros dossier politique de la rentrée ce sera le dossier des retraites, vous avez rencontré à ce sujet le Premier ministre hier, vous rencontrez le président je crois aujourd’hui à ce sujet. On parle d’une piste sur la pénibilité, d’un compte pénibilité. C’est quoi cette idée qui est sur la table ?
MARISOL TOURAINE
Pourquoi est-ce que nous avons engagé cette réforme des retraites ? Evidemment parce que nous avons besoin d’apporter de la confiance aux jeunes générations, j’insiste là-dessus parce qu’il ne s’agit pas d’engager une réforme simplement comptable. Il s’agit de dire aux jeunes générations, à ceux qui ont commencé leur vie active et qui contribue à notre système social que le jour venu ils pourront à leur tour compter sur la solidarité collective. Pour cela nous avons besoin de garantir le financement de ce régime de retraite.
PHILIPPE CORBE
On va en reparler oui.
MARISOL TOURAINE
Mais aussi, mais aussi d’apporter des changements qui tiennent comptent de la diversité des parcours professionnels.
PHILIPPE CORBE
Alors justement sur ce compte…
MARISOL TOURAINE
Et donc la pénibilité, c’est quoi l’idée ? C’est de dire au fond il y a des gens qui ont travaillé et qui ont été confrontés à des situations de pénibilité.
PHILIPPE CORBE
Les gens qui travaillent la nuit par exemple pendant plusieurs années.
MARISOL TOURAINE
Les gens qui travaillent la nuit pendant plusieurs années, un nombre de nuits minimum dans l’année, des gens qui sont exposés à certaines substances cancérigènes par exemple. Des gens qui portent des charges lourdes, il y a toute une série de critères qui ont été d’ailleurs définis par des organisations syndicales et patronales ensemble.
PHILIPPE CORBE
Donc il y aura un compte, il y aura un compte comme un compte épargne temps finalement.
MARISOL TOURAINE
Et donc, exactement il y aura un compte. Et l’employeur dira mon salarié a été exposé ou a été confronté à telle situation. Et au bout d’un certain temps eh bien nous verrons comment ce compte peut être transformé. Les décisions ne sont pas prises, nous sommes actuellement en discussion, mais je crois que nous pouvons réfléchir à cette idée de prendre en considération la question de la pénibilité.
PHILIPPE CORBE
Vous l’avez souligné il y a aussi une grosse question qui est la question du financement. Le président a déjà dit qu’il ne souhaitait pas toucher à l’âge légal du départ. Le MEDEF vous prend au mot et considère qu’il va donc falloir augmenter la durée de cotisation et parle de 44 ans en 2020. On ne sera peut-être pas à 44 ans, mais les 42 ou 43 ans ne sont pas très loin, au bout du tunnel non.
MARISOL TOURAINE
La question de l’allongement de la durée de cotisation est évidemment sur la table. Et le président de la République l’a dit à plusieurs reprises nous vivons plus longtemps, nous vivons de façon plus confortable aussi, il est donc normal qu’un partie de ce gain d’espérance de vie soit consacré au travail. Mais je veux le dire…
PHILIPPE CORBE
Une partie de la gauche n’était pas d’accord avec ce principe il y a quelques années lors de la précédente réforme.
MARISOL TOURAINE
Lors de la précédente réforme nous nous sommes opposés, et je me suis opposée de façon extrêmement ferme au relèvement de l’âge légal qui est une mesure injuste parce qu’elle pèse sur ceux qui ont commencé à travailler jeune. La durée de cotisation au fond, que vous ayez commencé à 16 ans, à 20 ans ou à 23 ans on peut calculer en fonction de l’âge de départ de votre carrière professionnelle, et donc c’est un critère qui est plus juste. Mais je veux le dire parce que j’entends certains français qui se disent mais moi j’avais prévu de partir à la retraite l’année prochaine, est-ce que les conditions de départ en retraite vont être bouleversées pour moi, vont changer. Il ne s’agit évidemment pas d’engager une réforme brutale qui du jour au lendemain modifierait les perspectives pour les Français.
PHILIPPE CORBE
Mais on peut supposer que vous n’excluez pas d’augmenter jusqu’à 42 ans ou 42 années et demi la durée de cotisation dans quelques années de manière progressive.
MARISOL TOURAINE
L’allongement de la durée de cotisation fait l’objet de propositions de discussion, le président de la République l’a dit et donc je crois qu’on peut considérer que c’est une mesure qui fera partie de la réforme, mais encore une fois les décisions seront annoncées à la fin de l’été.
PHILIPPE CORBE
Il faut aussi s’attendre à une augmentation de la CSG.
MARISOL TOURAINE
Les mesures de financement aujourd’hui sont en cours de discussion, ils sont encore en cours de discussion.
PHILIPPE CORBE
Et ça c’est une piste que vous privilégiez ?
MARISOL TOURAINE
La CSG je ne dis pas que c’est une piste qui est privilégiée, la CSG est une option qui assurément à une forte cohérence, elle permet de financer les régimes sociaux, les systèmes sociaux de façon très claire, très identifiée, mais il y a d’autres pistes envisageables et encore une fois les décisions ne sont pas encore arrêtées.
PHILIPPE CORBE
On se souvient il y a 10 ans du cri d’alarme de Patrick PELLOUX, du docteur Patrick PELLOUX, pendant la canicule, il lance aujourd’hui un autre appel avec l’association des médecins urgentistes, un moratoire sur la fermeture des services d’urgence. Est-ce que vous allez écouter leurs revendications ?
MARISOL TOURAINE
Je suis très attentive à la situation des services d’urgence. Et d’ailleurs j’ai renforcé un certain nombre de services d’urgence sur le territoire national. J’ai mis en place des moyens supplémentaires notamment dans des secteurs où l’accès aux urgences étaient plus difficiles avec des systèmes d’urgence mobile pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de Français à plus de 30 minutes de soins d’urgence. Par ailleurs, il y a des tensions, et tout le monde le sait, dans certains services d’urgence, pas dans tous, mais dans certains services d’urgence. Et j’ai donc engagé un grand plan en direction des urgences pour avoir une meilleure organisation qui permette de mieux accueillir les patients. Et le professeur CARLI qui est le chef du SAMU de Paris me remettra des propositions à l’automne.
PHILIPPE CORBE
Mais vous ne reviendrait pas sur les fermetures programmées, l’Hôtel Dieu par exemple à Paris.
MARISOL TOURAINE
Ah non mais l’Hôtel Dieu pour le moment il n’y a pas de fermeture prévue puisque j’ai indiqué que la date à laquelle la fermeture était envisagée ne me paraissait pas responsable ni raisonnable, et donc des concertations vont s’engager, qui doivent nous permettre d’aboutir à des décisions qui soient partagées par tous.
PHILIPPE CORBE
Evidemment les urgences, les maisons de retraite, les hôpitaux, très mobilisés aujourd’hui, demain, dans les prochains jours pendant les vagues de chaleur.
MARISOL TOURAINE
Oui, il faut rappeler qu’il y a des consignes de précaution à respecter. Je suis pour ma part dans une situation de vigilance active, et cette vigilance je sais qu’elle est collective et partagée par tous. Il faut évidemment se protéger de la chaleur en particulier les personnes les plus sensibles.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 août 2013