Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à I Télé le 13 août 2013, sur la réforme des retraites et la prise en compte de la pénibilité.

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Média : Itélé

Texte intégral


JEAN-JEROME BERTOLUS
Marisol TOURAINE, bonjour.
MARISOL TOURAINE
Bonjour.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, la pénibilité c’est le marqueur d’une réforme des retraites à gauche ?
MARISOL TOURAINE
C’est un des marqueurs d’une réforme de gauche ! Parce que pour nous, au gouvernement, il ne s’agit pas simplement de mettre en place une réforme de type comptable, comme l’a fait la droite au cours des dernières années, mais il s’agit véritablement de profiter de cette réforme pour rééquilibrer notre système. Parce que, vous le savez, il ne s’agit pas seulement de se dire : comment est-ce que je vais financer nos régimes de retraite - même si cette question doit être posée en toute responsabilité - il s’agit aussi de se demander : comment nous pouvons mieux tenir compte des réalités du monde du travail, faire en sorte que des gens qui ont eu des carrières différentes, qui ont eu des parcours professionnels différents puissent disposer ou bénéficier de conditions de départ en retraite différents ? Et, de ce point de vue là, ce matin avec le Premier ministre, nous avons rencontré des hommes qui travaillent dans des conditions plus pénibles que d’autres, il parait donc normal que des propositions leur soient faites.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors concrètement, concrètement, ça veut dire quoi effectivement la prise en compte de la pénibilité dans votre projet de réforme des retraites ? Ca veut dire effectivement un système de points pour chaque salarié exposé éventuellement…
MARISOL TOURAINE
Nous sommes en train de travailler à ce que pourrait être une proposition sur ce sujet ! Le Premier ministre l’a dit au fond, il s’agit…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Parlait de comptes ce matin !
MARISOL TOURAINE
Le Premier ministre a évoqué la possibilité de prendre en compte les années travaillées en situation de pénibilité, il y a des critères qui ont été identifiées par les organisations syndicales, par les organisations patronales…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Travail de nuit, exposition à des substances dangereuses…
MARISOL TOURAINE
Le travail de nuit par exemple, le bruit, le port de charges lourdes, l’exposition à des substances cancérigènes, et voir comment on peut comptabiliser ce temps passé et proposer aux salariés qui ont été exposés à ces facteurs de bénéficier par exemple de reconversion professionnelle ou de départ anticipé à la retraite, ou de départ progressif, ce sont les pistes qui ont été évoquées par le Premier ministre.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Ca pourrait concerner combien de personnes, Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez ! Nous allons voir cela, le dispositif n’est pas aujourd’hui élaboré, il n’est pas décidé, nous travaillons à la mise en place d’une proposition qui va dans le sens évoqué par le Premier ministre. Mais il s’agit, j’insiste là-dessus, au fond de se dire : il n’y a pas de raison que, alors que les conditions de travail sont différentes, alors que l’espérance de vie en bonne santé n’est pas la même pour tous les salariés, il n’y a pas de raison qu’il y ait une seule règle qui s’applique en matière de départ en retraite.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Bon ! Mais, en même temps, vous devez quand même…
MARISOL TOURAINE
C’est une nouveauté tout à fait considérable ! Parce que la droite, elle – et j’entendais sur votre antenne monsieur MARITON il y a quelques instants – la droite, elle, ne s’est engagée dans cette voie-là considérant au fond que le seul sujet c’est de faire travailler toujours davantage sans se préoccuper des conditions de travail des salariés.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Précisément ! Alors effectivement l’une des critiques de droite, par rapport à la prise en compte de la pénibilité, c’est le coût, vous dites : on ne veut pas faire une réforme comptable, mais la première mesure que vous exposez elle a un coût, on parle de 2 milliards d’euros pris en charge par les entreprises ?
MARISOL TOURAINE
Pour le moment aucun coût n’a été mis sur la table puisque le dispositif n’est pas élaboré, donc je lis…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous ne confirmez pas les 2 milliards ?
MARISOL TOURAINE
Je lis et je vois des chiffres qui circulent, on ne sait absolument pas, je ne sais absolument pas à quoi ils peuvent aujourd’hui correspondre. Ce dispositif aura évidemment un coût, puisque prendre en compte la pénibilité cela signifie apporter un avantage, mais, je le dis une réforme des retraites c’est un engagement de responsabilité, financé dans la durée nos régimes de retraite ; c’est aussi…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Y compris par les entreprises ?
MARISOL TOURAINE
Un engagement de responsabilité sociale, faire en sorte que les conditions de travail soient mieux prises en compte dans les conditions de départ.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Et donc, je vous repose la question, y compris financé par les entreprises ?
MARISOL TOURAINE
J’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que le pacte social qui est le nôtre est un pacte social important pour la cohésion de notre pays et, donc, à partir du moment où il s’agit de sauver dans la durée cet élément de solidarité essentielle que constituent nos régimes de retraite, à partir du moment où il s’agit de mobilisation collective, il appartiendra à chacun d’apporter une contribution à cette réforme.
JEAN-JEROME BERTOLUS
D’un mot aussi, les Français – en tout cas les salariés – sont préoccupés par une éventuelle hausse de la CSG, une augmentation de la CSG, on parle maintenant de 0,2 à 0,5 point, est-ce que c’est une hypothèse cohérente à ce stade ?
MARISOL TOURAINE
Ca fait partie des hypothèses de travail sur lesquelles il y a une réflexion qui est engagée…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais qui a votre assentiment ?
MARISOL TOURAINE
J’ai eu l’occasion de dire que c’était une hypothèse de travail tout à faite cohérente effectivement, il y a d’autres hypothèses qui existent, et, pour le moment, aucune décision n’a été prise.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Et pourtant tout ça va aller très, très vite, Marisol TOURAINE. Effectivement vous êtes assez prudente sur les hypothèses, mais finalement début septembre…
MARISOL TOURAINE
Ecoutez ! Le Premier ministre…
JEAN-JEROME BERTOLUS
On aura...
MARISOL TOURAINE
Le Premier ministre…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Oui !
MARISOL TOURAINE
Va recevoir à nouveau les organisations syndicales et patronales dans une dizaine de jours environ, une petite quinzaine de jours à partir d’aujourd’hui, à ce moment-là nous entrerons dans l’ultime étape d’élaboration de la réforme, pour le moment nous en sommes encore à travailler aux propositions qui seront faites.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Juste un petit point de calendrier, que les Français comprennent bien quand même comment le temps est limité, c’est un projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres…
MARISOL TOURAINE
A la mi-septembre et qui arrivera au Parlement au début du mois d’octobre et, donc, il reste encore…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Débattu au Parlement début octobre.
MARISOL TOURAINE
Quelques semaines de travail pour mettre en place cette réforme.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Un petit mot ! On parlait de la pénibilité, donc effectivement pour les ouvriers dans certaines conditions, pour les jeunes est-ce que vous allez par exemple prendre en compte les études ou les stages qui se multiplient à l’infini ?
MARISOL TOURAINE
Nous travaillons sur l’ensemble de ces orientations, faire en sorte que la situation des jeunes soit mieux prise en compte, mais pas simplement ceux qui font des études, par exemple il y a les jeunes qui sont en situation d’apprentissage par exemple pour lesquels on pourrait réfléchir à des améliorations, plusieurs pistes sont ouvertes. Encore une fois, nous travaillons, les décisions viendront en leur temps.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Marisol TOURAINE ! Il y a un autre sujet, qui est effectivement plus discret mais qui affole un petit peu certains Français, en tout cas ils sont 3 millions à prendre un médicament quotidiennement contre la maladie de la thyroïde et puis, en plein été, eh bien on s’est aperçus qu’il n’y avait pas assez de ce médicament, de stock de médicaments. Est-ce que vous pouvez rassurer, ce matin, les Français ?
MARISOL TOURAINE
Vous parlez d’un médicament qui s’appelle le LEVOTHYROX, qui est effectivement utilisé…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Il y a eu une alerte il y a 15 jours !
MARISOL TOURAINE
Par 3 millions de Français. Le laboratoire qui produit ce médicament, le laboratoire MERCK, est aujourd’hui en situation de monopole et il y a de réelles tensions d’approvisionnement sur ce médicament. J’ai donc demandé à l’entreprise de tout mettre en oeuvre pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de rupture d’approvisionnement, un numéro vert va être mis être en place par le laboratoire MERCK pour que tous les Français qui utilisent du LEVOTHYROX puissent s’adresser à des conseillers, demander ce qu’ils peuvent faire, un stock de sécurité a été constitué qui jusqu’à aujourd’hui n’a pas été utilisé, qui pourrait l’être dans les prochains jours pour garantir l’approvisionnement dans les pharmacies. Et par ailleurs, comme il y a des tensions qui sont identifiées sur certains dosages de ce médicament, le médicament équivalent qui est vendu en Italie, le THYROX, va être mis en place dans les pharmacies à partir de ce soir ou de demain pour, là encore, faire en sorte que tous les patients puissent disposer d’un médicament contre… enfin face disons aux difficultés qu’ils rencontrent. Donc, je veux indiquer que je suis très vigilante sur cette situation avec l’Agence du médicament et que nous faisons en sorte que les Français ne rencontrent pas de difficulté excessive en la matière.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Et une dernière question, qui intéresse pour le coup tous les Français : est-ce que le gouvernement n’en fait pas trop, le Président de la République en première ligne, mais également Pierre MOSCOVICI qui a fait un petit pas de deux sur la croissance, la reprise ? Vous la voyez cette reprise, alors même qu’on attend les chiffres de l’INSEE aujourd’hui ?
MARISOL TOURAINE
Il y a des signaux qui sont positifs…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Ce n’est pas la méthode Coué ?
MARISOL TOURAINE
La situation reste fragile, il ne s’agit pas de nier que cette situation est fragile, mais des éléments positifs existent depuis quelques semaines qui n’étaient pas là il y a quelques mois et auxquels il s’agit de donner le plus d’élan possible, le sens de la politique du gouvernement c’est précisément de permettre aux frémissements de la croissance de trouver un bon appui et de pouvoir partir plus vite et plus fort.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Merci beaucoup Marisol TOURAINE d’avoir été avec nous pour, en quelque sorte, les 3 coups du lancement de la réforme des retraites dont vous avez la charge au gouvernement.
MARISOL TOURAINE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 août 2013