Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à France-Info le 30 mai 2000, sur le débat au sein du RPF et sur la réduction du mandat présidentiel.

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Média : France Info

Texte intégral

L'invité d'aujourd'hui est Charles Pasqua, Président du RPF. Monsieur Pasqua, bonjour.
Bonjour.
Le Rassemblement Pour la France est il toujours viable ?
Oui, il vit bien d'ailleurs. Ce n'est pas parce qu'il y a quelques turbulences que cela empêche le mouvement de continuer à vivre. Il y aura un Conseil National, comme prévu, le 24 juin. Les instances continueront à s'installer. Il n'y a pas de problème de fond.
Enfin, il y a un peu une guerre des chefs quand même.
Je crois qu'il ne faut pas résumer cela comme çà. Ce n'est pas tellement une guerre des chefs. Nous sommes d'accord sur l'objectif essentiel qui est la défense de la souveraineté nationale. Le reste, c'est une affaire d'interprétation des statuts. Nous verrons bien
Mais, par exemple, est ce que vous maintenez que le vice président du RPF, Philippe de Villiers, n'est pas habilité à parler au nom du RPF ?
Je n'ai jamais dit cela.
A contrario, vous avez dit " Seuls sont habilités le Président et le Secrétaire général ".
Si vous essayer de me faire battre avec Philippe de Villiers, vous perdez votre temps.
Donc, c'était une boutade, en fait ?
Non, pas du tout. J'ai dit cela dans un certain contexte. Alors, il ne faut pas enlever cela de son contexte. Il s'agit d'une affaire précise et, concernant cette affaire précise, j'ai dit qu'effectivement, seuls le Secrétaire général et moi même étions habilités à nous exprimer. Mais il ne s'agissait pas du tout d'une affaire générale touchant au Rassemblement.
On a eu un peu l'impression quand même d'une dyarchie. C'est difficilement viable et, pour parler familièrement, on ne met pas durablement deux caïmans dans le même marigot.
C'est ce que l'on dit en Afrique. Je crois qu'en Afrique, c'est vrai. C'est probablement vrai aussi en politique, sauf que les choses ne sont pas tout à fait comme cela. Naturellement, c'est difficile de faire vivre ensemble des sensibilité différents mais c'est ce qui fait l'intérêt de l'affaire.
Vous maintenez votre référendum en cours pour modifier les statuts du RPF afin de vous donner plus de pouvoir ?
Le référendum continue, nous verrons bien. Il faudra bien, d'une manière ou d'une autre, prendre en compte l'opinion de la base. N'est ce pas ?
Mais la justice a dit " il faudrait peut être d'abord juger sur le fond ". Pour l'instant, les attendus ne sont pas très favorables.
Eh bien, qu'elle le fasse, qu'elle le fasse.
Et si la justice disait " Non, on ne peut pas faire un référendum comme cela ", vous remettriez l'ouvrage sur le métier ou vous passeriez l'éponge ?
Nous verrons bien. Vous savez, il y a d'autres formes qui permettent aux adhérents et aux militants de s'exprimer. Mais parlons un peu des problèmes de la France.
Alors, par exemple, pour en terminer sur cette fracture qui est née au sein du Rassemblement, on sent bien que c'est toujours la rupture que l'on vous demande au sein du RPF par rapport au passé politique. C'est à dire la rupture par rapport au RPR, à Jacques Chirac. Ce soupçon pesait sur vous. Dès que vous avez déjeuné avec le Président, on y a vu tout de suite un ralliement pour le deuxième tour. Elle est là, la ligne de fracture.
Non, je ne crois pas qu'il faille Enfin, il ne faut pas se tromper, n'est ce pas.
Ou bien l'on considère que l'on n'est pas sûr de soi et, dans ce cas là, il ne faut fréquenter personne. Il faut notamment ne pas aller à la radio par exemple, comme aujourd'hui. Non, il faut rester chez soi. Ou bien, on est sûr de ses convictions et, dans ce cas là, ce n'est pas parce qu'on rencontre les gens que l'on va changer d'opinion. Ce n'est pas un problème.
Donc, vous vous définissez toujours comme à la fois un candidat de rupture et , avec le RPF, un mouvement de rupture par rapport à l'établissement politique ?
Tout à fait. Absolument. Aussi bien par rapport à la droite que par rapport à la gauche. Par rapport à la cohabitation en général. Voilà.
Vous avez vu que, dans l'enquête annuelle de la SOFRES publiée hier dans le journal " Le Monde ", un sympathisant du RPF sur deux est favorable à une alliance avec le Front National aux municipales. Et vous ?
Je crois que ce sont les apparences. Je crois que, dans cette enquête, il y a des choses beaucoup plus profondes et qu'il ne faut pas passer par profits et pertes. Par exemple, le fait que les Français soient sensibles à un certain nombre de valeurs auxquelles ils restent attachés. Parce que, la famille, est ce que c'est une valeur de droite ou de gauche ? La sécurité, est ce une valeur de droite ou de gauche ? Je crois que la gauche l'avait revendiqué, il n'y a pas tellement longtemps.
Je crois que c'est à cela qu'il faut s'intéresser et pas au reste. Les alliances entre formations politiques, cela ne veut rien dire du tout.
Alors, aujourd'hui, on parle de plus en plus du quinquennat. Le calendrier semble s'accélérer. Le Président de la République a terminé ses consultations. On évoque pour mercredi en huit, lors du conseil des ministres, un projet de loi pourquoi pas débattu dès le 13 juin à l'Assemblée. Vous serez le leader de l'opposition au quinquennat, Monsieur Pasqua ?
Pas à l'Assemblée, je n'y suis pas
Bien sûr, mais dans le champ politique.
Dans le pays et, en cas de référendum, oui. Je considère que le quinquennat est une réponse inadaptée aux problèmes qui se posent. Les gens vous disent " Sept ans, c'est trop. Donc, passons à cinq ans ", mais ceux qui disent cela ajoutent " Deux fois cinq ans, c'est bien ", c'est à dire que cela fait dix ans.
Tout cela est un peu incohérent.
Les mêmes nous disent " mais cela empêchera la cohabitation ". Naturellement, cela n'a strictement rien à voir. Le meilleur moyen d'empêcher la cohabitation, c'est d'appliquer l'esprit des institutions. Un Président qui est désavoué doit s'en aller. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Cela ne l'empêche pas de se représenter. Mais, en tous les cas, il prend acte du désaveu du peuple français et il se retire. D'autre part, sept ans, ce n'est pas si long que cela.
Moi, j'ai toujours été partisan d'un septennat non renouvelable. Si vous êtes élu, il faut bien un an ou deux pour prendre la mesure des problèmes.
Il vous restera quoi ? Il vous restera, en fait, trois ou quatre ans pour conduire les grandes réformes.
Ce n'est pas tellement excessif et puis, au moins, si vous n'êtes pas renouvelable, vous pouvez continuer à travailler sans avoir de soucis personnels. C'est donc ce qui est important.
Donc, une fois de plus, vous prendrez en quelque sorte la tête de la campagne pour le " non ", si référendum il y a ?
Oui, absolument.
Qu'attendez vous, Monsieur Pasqua, de la présidence de l'Union européenne par la France à partir du mois de juillet ? Ou qu'en craignez vous ?
A vrai dire, je n'en attends pas grand chose de bien. Moi, ce qui me frappe beaucoup, c'est que lorsque l'on étudie les déclarations des différents responsables de l'Europe, on est stupéfait de voir qu'aucun d'entre eux n'a la moindre vision de l'avenir.
Sauf Joschka Fischer qui a, lui, un plan pour une Europe fédérale.
Je ne parle pas d'un plan concernant les institutions. Cà, ce sont les moyens. Je parle du but final. Quelle Europe voulons nous ? Quelle vision avons nous de la place de l'Europe dans le monde, de la place des citoyennes et des citoyens dans l'Europe ? Est ce que quelqu'un en parle ? Non et, à mon avis, ils n'en parlent pas pour une raison simple, c'est qu'ils n'ont aucune vision.
Or, ce que les Françaises et les Français, mais les citoyens d'une manière générale, sont en droit d'attendre de leurs leaders, c'est qu'ils voient de plus en plus loin. Dans le cas contraire, à quoi servent ils ?
Comme disait Monsieur Giscard d'Estaing, il manque une locomotive pour tirer le convoi politique français et sans doute aujourd'hui aussi pour tirer le convoi européen ?
Oui, il manque une locomotive mais je dois dire que ce n'est pas seulement une question de capacité d'entraînement, c'est aussi une vision claire des choses. Personne n'a jamais dit " Quelle Europe voulons nous ? ". une zone de libre échange qui ira jusqu'à l'Oural ? Voulons nous une Europe des peuples et des Etats ? Voulons nous une Europe fédérale ? Personne n'a jamais posé la question et, par conséquent, les peuples ne se sentent pas concernés.
Merci, Charles Pasqua.
Merci.
(source http://www.rpfie.org, le 03 mai 2000)