Texte intégral
Je suis très ému dêtre ici avec vous en ce 23 août pour une commémoration Importante pour notre présent Riche de notre passé et Porteuse despoir pour notre avenir.
Importante pour notre présent car en madressant ici à vous aujourdhui, je souhaite contribuer à deux choses essentielles.
Tout dabord rappeler le rôle capital de lengagement du corps créé par Louis Faidherbe en 1857 celui des Tirailleurs dits «Sénégalais».
La date daujourdhui, le 23 août, est à ce titre emblématique, car elle est celle choisie par lancien President de la République du Sénégal Abdoulaye Wade à partir de 2004 pour être la journée de commémoration du Tirailleur Sénégalais.
Le 23 août 1944, le 6ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais libérait la ville de Toulon. Ce haut fait darmes nous rappelle le rôle décisif des Troupes Africaines lors des deux guerres mondiales.
200 000 tirailleurs mobilisés lors du premier conflit, 30 000 morts. 400 000 Tirailleurs Sénégalais et Maghrébins lors du second, 80 000 morts.
Et au-delà, une contribution essentielle à larmée de la France Libre menée par le Général De Gaulle, qui naquit dans nos colonies et fut constituée en majeure partie de soldats africains.
Il est donc primordial que notre pays, la France, sassocie à cette journée du Tirailleur décrétée par létat souverain du Sénégal en signe de reconnaissance et damitié.
Il mimportait aussi dêtre présent parmi vous, sur la Nécropole du Natus, à quelques pas de l'ancien Camp du Courneau, car ce site est emblématique de la richesse et de la complexité de notre histoire.
Il nous rappelle le devoir de mémoire. Devoir incontournable, devoir structurant pour notre République.
Le Président de la République François Hollande, dans son discours du 22 juillet 2012 à l'occasion de la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv, dit ceci : « il ne peut y avoir, et il ny aura pas, dans la République française, de mémoire perdue. »
Regarder lhistoire nest pas simplement affaire dhistoriens et de spécialistes, il sagit dun acte politique nécessaire à la compréhension de la société.
Ce refus de toute mémoire perdue déclaré par le Président de la République, je veux en être le rapporteur auprès de vous aujourdhui.
Pour cela permettez moi de revenir quelque peu sur lHistoire du Camp du Courneau.
Ici sest jouée une tragédie dont tous les rouages ne sont peut être pas encore connus, mais dont une grande partie, révélés par les travaux de la société Historique et Archéologique dArcachon et par Serge SIMON, auteur dun film documentaire sur le sujet, nous est aujourdhui accessible.
Entre Avril 1916 et Septembre 1917, 70 000 soldats environ transitèrent dans ce camp dhivernage qui fut construit pour protéger les soldats africains de la rigueur de nos hivers. Certains venaient du front, dautres arrivaient directement dAfrique après un enrôlement souvent très brutal.
Aujourdhui nous rendons plus particulièrement hommage à ceux qui nen sont jamais repartis.
Les 946 soldats enterrés ici et les quelques 150 soldats du Courneau enterrés au cimetière dArcachon.
Que savons nous aujourdhui des raisons de cette tragédie qui emporta un millier dhommes loin de tout combat ?
Nous savons quils sont morts pour la plupart de maladies respiratoires, induites ou favorisées par des conditions de casernement indigentes à tel point que le Camp fut surnommé «le camp de la misère.»
Nous savons que des médecins prodiguèrent des expérimentations vaccinales sur cette soldatesque noire au détriment de mesure dhygiène et de bon sens prônées par dautres médecins.
Nous savons que la polémique sur la mortalité du camp enflamma jusquà la Chambre des Députés où un personnage lumineux, Blaise Diagne, premier député Africain de notre histoire, exigea la fermeture du Camp le 9 décembre 1916.
Nous savons quun autre personnage lumineux joua un rôle capital dans cette tragédie : Justin Godard alors Sous-Secrétaire à la Santé Militaire qui dénonça et séleva contre ces pratiques.
Justin Godard qui devint, et ce nest certainement pas un hasard, Juste parmi les Juste après la seconde guerre mondiale.
Nous savons également que cest grâce aux Anciens Combattants testerins quà la fin des années 50 ce site fut exhumé une première fois de loubli. Formidables Anciens Combattants qui ne supportaient plus de savoir leurs frères darmes ensevelis depuis 1948 dans une fosse commune, sépulture anonyme et surmontée dune pierre indigne de leur sacrifice.
Nous savons que les Elus de La Teste concrétisèrent sans hésiter cette volonté en inaugurant en 1965 le site actuel, site depuis honoré chaque 11 novembre.
Nous savons enfin que cest le travail dhistoriens amateurs locaux qui exhumèrent un peu plus le camp de loubli. Je pense notamment au travail de collection de Mr Jean Pierre Caule dont les cartes postales du Camp sont à ce jour les seules images du camp.
LHistoire du Camp du Courneau fut donc une tragédie complexe où ombres et lumières de notre histoire sentrelacèrent et finirent par engloutir plus dun millier dhommes.
Mais lHistoire du Camp fut aussi émaillée dhommes de bonne volonté et humanistes qui ont oeuvré pour la dignité.
Lheure nest pas au jugement mais à la compréhension, à la lucidité, à la vérité, «au refus de toute mémoire perdue» comme le veut le Président de la République.
Nous le devons comme un hommage à ceux qui sont morts ici, mais aussi pour faire vivre leur mémoire.
C'est pourquoi je me réjouis que le groupement d'intérêt public pour les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale ait déjà accepté la labellisation du projet pour la restauration la mémoire de ce lieu.
Je continuerai à suivre ce dossier personnellement afin que tous les moyens nécessaires soient déployés aux fins de réussite.
Grâce au travail commun de passionnés locaux et de nos services, nous connaissons, aujourdhui les noms des 946 soldats dont les restes sont enterrés ici. Une identité retrouvée, pour une dignité restaurée. Ils s'appelaient : ABDOULAYE BA AMOUSSOU DIO DAOGO TAMBOURA LADJI DIARASOUBA, MAMADOU KAMARA, SONDIOGO COULYBALI ou encore YOUKOU NAMARA...
Je ne citerai pas ici tous les noms, mais je sais que l'outrage de l'anonymat est désormais derrière eux. Et je sais que le travail va continuer encore pour retrouver le plus grand nombre de familles de ces soldats, afin de leur rendre cette partie de leur histoire.
Car ce millier dhommes aujourdhui perdus dans un repli de notre histoire cest autant de familles qui virent un jour partir lun dentre eux, frère, père, oncle, ami, amant ou bien fils et dont plus personne ne sut ce quil advint.
Par humanisme, par dignité nous nous devons de retrouver ces familles et leur indiquer que leur aïeul est enterré ici au Natus avec les honneurs de la République Française.
Je le disais, au début de mon propos, je suis honoré, ému dêtre ici.
Car ce site est riche de notre passé, nous venons de lévoquer.
Ce site est important pour notre présent où nous devons combattre ici et maintenant les forces de loubli.
Mais ce site est aussi porteur despoir pour notre avenir.
Car les clefs de compréhension de notre société dont la mixité est une richesse mais aussi un défi, ces clefs sont en partie enfouies dans notre passé.
Passé commun avec ses Colonies en général et lAfrique particulier.
Passé commun qui fit de ces soldats africains des héros de la République mais aussi pour certains des martyrs.
Passé commun qui recèle les racines de notre mixité sociétale et par là même, les équations nécessaires à sa compréhension.
C'est un travail de tous les jours, c'est un travail qui se mène en commun. Merci à vous d'être les porteurs de cette mémoire, car elle revit à travers vous.
Vive la République. Vive la France.
Source http://www.latestedebuch.fr, le 27 août 2013