Déclaration de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, sur le financement des entreprises de l'économie sociale, Paris le 2 juillet 2013.

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Intervenant(s) : 
  • Benoît Hamon - Ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Circonstance : Intervention d'ouverture lors des Rencontres sur le financement de l'innovation sociale et des entreprises de l'économie sociale et solidaire, à Paris le 2 juillet 2013

Texte intégral

Cette rencontre marque en quelque sorte le premier anniversaire de l’ESS à Bercy.
Bilan et perspective après un an à Bercy :

En effet, je suis arrivé à Bercy il y a un an avec une feuille de route claire : dynamiser l’ESS pour la faire participer à la stratégie de croissance et d’emploi du gouvernement.
S’y ajoutait un engagement à respecter : flécher 500 millions d’euros de la future BPI en direction de l’ESS.
Un an après, nous y sommes.

Je me réjouis donc d’être ici avec vous aujourd’hui en présence :

  • des régions représentées par l’ARF ;
  • du Directeur général de Bpifrance ;
  • du Directeur du Développement des Territoires et des Réseaux de la CDC ;
  • ainsi que de représentants du secteur de l’ESS, de ses entreprises et structures, et de ses financeurs.

Mon objectif, notre objectif, qui pourrait être le fil conducteur des rencontres d’aujourd’hui, c’est le changement d’échelle de ce secteur : les structures de l’ESS, les entreprises de l’ESS s’inscrivent en effet dans un modèle économique original, robuste, fortement créateur d’emplois non délocalisables.
On constate en 2012 que l’ensemble des entreprises de l’ESS a créé des emplois, alors que le reste du secteur privé en détruisait. Cette résilience particulière de l’ESS explique la volonté du gouvernement de l’inclure dans ses priorités de développement, donc de financement.
Un an d’ESS à Bercy, ce n’est pas tant un bilan que des perspectives enfin palpables pour ce secteur économique grâce à la palette de financements qui vous sera enfin accessible et ainsi assurer le développement de vos projets, créer des emplois dans les territoires, et financer votre capacité d’innovation pour répondre aux besoins des Français.
Qu’avons-nous fait ensemble pour atteindre cet objectif, pendant l’année qui vient de s’écouler ?
But de la rencontre : favoriser les rencontres entre porteurs de projets et investisseurs
Je ne vais pas les énumérer une à une, puisque c’est précisément le but de ces rencontres que de revenir, de manière très concrète, sur l’ensemble de la gamme des financements qui seront déployés ou renforcés, en direction des entreprises et structures de l’ESS, et en faveur de l’innovation sociale.

Nous avons ainsi conçu ces rencontres comme un échange entre :

  • d’une part, des témoignages de chefs d’entreprises et de structures de l’ESS,
  • et d’autre part, les solutions que pourront leur apporter des praticiens du financement de l’ESS.

En somme, cette manifestation se présente comme un dialogue, le plus concret possible, entre l’expression des besoins de financement et les réponses que nous sommes en train d’imaginer ensemble.
La création de Bpifrance, c’est le premier engagement du Président de la République élu il y a un peu plus d’un an ; c’est aussi l’objet d’une des premières lois « phares » de ce début de quinquennat, et l’objectif consistant pour Bpifrance à consacrer 500 millions d’euros au financement de l’ESS figure en tête de cet engagement.
Aujourd’hui, nous y sommes. Nous avons travaillé d’arrache-pied avec les équipes de Nicolas Dufourcq et de Stéphane Keïta, que je veux remercier ici pour leur mobilisation, alors même que Bpifrance n’a pas encore rejoint ses locaux définitifs, et que ses futurs actifs viennent tout juste de lui être apportés… Bpifrance fait l’objet de nombreuses sollicitations : elle y répond. L’ESS n’est donc pas en dessous de la pile des priorités de la Bpifrance : la preuve en est l’organisation même de cette rencontre.
Je salue la Caisse des dépôts et consignations, financeur historique de l’ESS qui met en place un partage de son expérience avec Bpifrance.
Je salue également l’engagement des régions, représentées par l’ARF, qui ont répondu favorablement à l’initiative de la création d’un fonds d’innovation sociale.
Le financement de l’ESS par Bpifrance est en marche. Nous sommes en dans un chantier en cours de construction.
Nicolas Dufourcq m’a remis fin mai dernier, en présence de Stéphane Keïta, un rapport qui formule des propositions très claires et très concrètes pour parvenir à l’objectif présidentiel de 500 millions d’euros.
La seconde étape, c’est aujourd’hui : l’appropriation par les réseaux de financement et les entreprises des outils du financement de l’ESS et de l’innovation sociale.
La troisième étape, cela sera à compter de l’automne, le calibrage et la mise en place des outils de financement dans les réseaux.
C’est à travers un travail de concertation, le plus approfondi et large possible, avec vous et vos représentants, qu’il nous faudra réussir la mise en oeuvre des propositions formulée par le directeur général de la BPI.
Faire appel à la mobilisation des investisseurs privés
Quand je suis arrivé à Bercy, il était difficile de dire exactement ce qu’était une entreprise de l’ESS : le concept était mal appréhendé par les financeurs.
Tant OSEO que les banques commerciales n’étaient toujours accoutumées à la lecture des bilans de ces structures associatives non lucratives, ou encore des coopératives.
Combien de fois ai-je dû préciser que l’ESS, ce sont des entreprises qui ont aussi besoin de financements de long terme et de participation ? La force de l’ESS, c’est la diversité de ses ressources : on ne peut la réduire à une économie subventionnée.
Par ailleurs, les entreprises de l’ESS présentent un grand intérêt, non seulement en termes de couverture des besoins sociaux ou sociétaux, mais aussi pour les financeurs privés qui les accompagnent sur la durée.
L’une des vertus cardinales de ce modèle est qu’il s’adresse à des investisseurs patients et attentifs aux besoins des entreprises.
La définition légale des entreprises de l’ESS dans le futur projet de loi ESS : un signal positif qui mobilise les investisseurs privés

Nous avons beaucoup travaillé sur le PJL ESS avec les acteurs du secteur et nous avons mis ensemble sur les rails une définition de l’ESS comme mode d’entreprendre, répondant à au moins trois principes :

  • une gouvernance démocratique ;
  • une orientation stable des excédents vers des finalités qui ne sont pas le profit mais bien la poursuite pérenne de l’activité de l’entreprise ;
  • un encadrement des possibilités de spéculation sur le capital et les parts sociales.

La Banque Publique d’Investissement mobilisée pour accompagner la création d’un fonds pour le financement de l’innovation sociale, ainsi que la montée en puissance du crowdfunding solidaire.
De même, le Président de la République a annoncé la mise en place, lors de la clôture des Assises de l’entrepreneuriat, fin avril dernier, d’un fonds pour le financement de l’innovation sociale. Le projet de loi ESS donnera une définition de l’innovation sociale pour construire la doctrine d’engagement de ce futur fonds. Bpifrance sera mobilisée pour accompagner la mise en oeuvre de ce fonds.
Enfin, Bpifrance a fait des propositions pour promouvoir le « crowdfunding », c’est à dire les levées de fonds directes, en masse, souvent par Internet, auprès de particuliers qui souhaitent affecter leur épargne à des buts et à des entreprises bien précis. Au niveau mondial, certaines estimations indiquent que les structures qui correspondent à nos entreprises de l’ESS et qui ont un impact social, sont financées à hauteur de 20% par ce mode de financement direct, « par les foules ». En France, nous en sommes encore loin, et il n’y a aucune raison de négliger cet aspect de la finance solidaire. Bien au contraire, cette modalité est complémentaire des autres modes, plus classiques, d’orientation de l’épargne vers les entreprises de l’ESS (épargne salariale, assurance vie, banques).
Une prise de conscience au niveau international de l’importance des problématiques liées à la finance solidaire
En participant à l’atelier du G8 consacré au « social impact investing » à Londres, début juin et au cours de mes déplacements internationaux, j’ai constaté qu’à l’échelle mondiale, il y a un mouvement en faveur de nouvelles modalités d’entreprendre, plus solidaires et en phase avec les valeurs de l’ESS, qui appellent de nouveaux modes de financements. C’est dans ce contexte que nous situons ces rencontres sur le financement des entreprises de l’ESS.
Voici donc où nous en sommes : ces chantiers sont encore en cours, mais nous parvenons à une étape décisive, au moment où Bpifrance inaugure ses guichets régionaux, et à la veille de la présentation en Conseil des Ministres, le 24 juillet prochain, du PJL ESS.
Les tables rondes auxquelles vous allez assister sont le reflet de l’état de nos travaux, l’occasion aussi d’en présenter de premiers résultats.
Le changement d’échelle du secteur de l’ESS passe par une bonne appropriation collective des outils de financement mis à la disposition de ses acteurs
Avant de céder la parole à Pierre Grosset, représentant de la région Franche Comté et de l’ARF, je saisis cette occasion de faire passer un message particulièrement important.
Le succès de la mise en oeuvre des nouveaux outils de financement reposera sur une bonne appropriation collective, nationale comme locale, publique comme privée du financement des entreprises de l’ESS.
Pour cela, il nous faut des outils lisibles, suffisamment simples et maniables, mais qui mobilisent aussi une gamme d’expertise et de savoir-faire la plus large possible.
C’est aussi aux entreprises de l’ESS de se saisir de ces outils de financement pour développer de nouveaux projets, croître, créer des emplois et continuer à apporter la preuve que leur mode d’entreprendre est innovant et constitue aussi une réponse aux interrogations qui traversent l’économie française.

Je voudrais terminer sur le fonds d’innovation sociale, qui est une bonne illustration de cette démarche :

  • notre ambition, c’est bien d’orienter vers l’innovation sociale l’expertise nationale d’OSEO qui existe en faveur l’innovation technologique ;
  • mais nous voulons aussi que le fonds mobilise pleinement l’expertise locale des régions, qui ont des équipes déjà très expérimentées dans le domaine de l’innovation sociale. En cela, nous souhaitons que le futur fonds d’innovation sociale soit coCabinet construit avec les régions qui s’y engageront. La condition de sa réussite c’est bien la proximité des projets financés avec les besoins des territoires ;
  • des ressources publiques seront engagées : c’est bien nécessaire car il n’existait jusqu’à maintenant aucun outil public structuré au niveau national pour soutenir l’innovation sociale ;
  • Mais l’objectif est aussi de faire affluer vers les projets socialement innovants davantage d’investissements privés, même au stade de l’amorçage.

Je cède maintenant la parole au représentant des régions, avec qui nous partageons la responsabilité de réussir la mise en place de ce fonds d’innovation sociale.

Source http://www.economie.gouv.fr, le 20 août 2013