Interview de M. Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire, à "LCR-Rouge.com" en juillet et au portail "6sens.com (Bouygues Télécom)" le 4 juillet 2001, sur sa candidature à l'élection présidentielle de 2002.

Prononcé le 1er juillet 2001

Intervenant(s) : 

Média : LCR-Rouge.org

Texte intégral

Les délégués réunis lors de la conférence nationale de la LCR du 23 juin 2001 ont décidé à une très large majorité de présenter Olivier Besancenot, 27 ans, facteur à Neuilly, pour la présidentielle de 2002. Nous publions une interview après les dix premiers jours de campagne.
- Candidat à l'élection présidentielle depuis une semaine, ça fait quelle impression?
Olivier Besancenot - Ça a un côté impressionnant! D'autant que les choses sont allées assez vite et que je n'ai pas l'expérience des médias. Mais je crois que nous avons fait mouche. Les premiers échos sont assez favorables sur le choix fait par la Ligue: donner plusieurs visages à sa politique, montrer en pratique que le temps des porte-parole uniques est révolu, en politique comme dans le mouvement social, s'adresser à une nouvelle génération bien présente dans le monde du travail et affirmer que la politique n'est pas réservée à ceux qui en font un métier. Mais attention, pour l'instant, ce n'est qu'un round d'observation...
- Quelles sont les réactions de tes collègues de travail?
O. Besancenot - Depuis l'annonce de la candidature, c'est sûr qu'il y a plus de discussions politiques dans mon bureau de poste! L'un des objectifs est bien de prouver que des salariés, des gens "normaux", peuvent défendre et représenter des idées politiques. Le problème, c'est que l'idée que la politique est un métier est assez largement partagée, surtout dans les couches populaires. Et ça fait drôle qu'un jeune postier soit candidat à la présidence de la République. Il y a donc pas mal de collègues qui sont dubitatifs. Mais aussi pas mal d'échos favorables. En tout cas, ça ne laisse pas indifférent! Si, à l'issue de la campagne, on a un peu fissuré le rempart qui sépare la politique des couches populaires, on aura marqué un point.
- Et la suite, ça se présente comment?
O. Besancenot - La campagne commence tout de suite, d'abord avec la recherche des parrainages des élus. Avec enthousiasme si j'en juge par l'engagement des militantes et des militants. Et les premières remontées sont plutôt encourageantes: de nombreux maires de gauche ou sans étiquette considèrent que la LCR est une force politique et qu'il serait dommage qu'elle ne puisse être présente à la présidentielle, alors que l'extrême gauche s'impose de plus en plus dans le paysage politique.
La campagne comprendra trois phases. D'abord, à l'automne, il y aura une série de réunions locales et régionales, en commençant par Toulouse, pour discuter des grandes orientations de la campagne, notamment avec tous ceux qui ont participé à la campagne municipale, dans les collectifs "100% à gauche". Ensuite, au mois de janvier, une initiative nationale se tiendra à Paris, avec des débats, un meeting et une partie festive, pour donner une plus grande visibilité au travail effectué à l'automne. Enfin, dernière phase de la campagne, une tournée de meetings à travers toute la France.
- Et le contenu?
O. Besancenot - Pour ces élections, la LCR défendra une série de mesures d'urgence, d'abord sur le plan social à commencer par une loi d'interdiction des licenciements, la transformation des emplois précaires en emplois stables, l'arrêt des privatisations. Nous revendiquons la reprise des embauches pour développer des nouveaux services publics qui satisfassent les besoins sociaux essentiels et permettent l'accès à l'eau, aux transports, à l'éducation et à la santé. Le service public a aussi un rôle important à jouer d'un point de vue écologique, car aujourd'hui ceux qui paient la facture écologique sont d'abord ceux qui sont victimes de la fracture sociale. Il faut imposer une autre répartition des richesses en commençant, comme le réclament les syndicats et les associations de chômeurs, par une augmentation immédiate de 1500 francs des minima sociaux. Vu le "coup de pouce" gouvernemental sur le Smic, on n'a rien à attendre d'un éventuel "coup de main" de sa part! Nous voulons aussi de véritables mesures pour l'égalité des droits entre hommes et femmes, entre Français et immigrés, entre homos et hétéros. Et de nouveaux droits pour les salariés dans les entreprises: une véritable ouverture des livres de compte permettrait, par exemple, aux salariés d'AOM-Air Liberté de découvrir la situation réelle de leur entreprise et les manoeuvres des actionnaires.
- Tu continues à travailler comme facteur. Comment pourras-tu mener en même temps une campagne électorale qui s'annonce intense?
O. Besancenot - D'abord, auprès de mes collègues de travail, en rencontrant les salariés des entreprises de Neuilly ou les gardiennes d'immeuble à qui je distribue le courrier. Mais je n'irai pas jusqu'à essayer de convaincre les PDG ou les notabilités qui y habitent! Plus sérieusement, je mènerai la campagne sur mon temps libre. Une répartition des meetings, des rencontres ou de la présence dans les médias sera organisée entre moi, Alain Krivine et Roseline Vachetta.
Mais attention, le but du jeu n'est pas que les gens regardent leur facteur d'un oeil différent; c'est surtout qu'ils regardent les candidats professionnels de la politique d'un oeil différent!
Propos recueillis par François Duval
(source http://www.lcr-rouge.org, le 03 septembre 2001)
A 27 ans, Olivier Besancenot, postier à Neuilly, s'apprête à mener campagne pour la présidentielle 2002. Rencontre avec le candidat officiel de la LCR.
Appelez-le " camarade ", il préfèrera certainement à Olivier. Car le plus jeune candidat déclaré pour les présidentielles de l'année prochaine est avant tout un homme de la Ligue. " Je n'appartiens pas à l'appareil politique ", reconnaît-il. Et pour cause, à 27 ans, Olivier Besancenot a tout donné à la Ligue communiste révolutionnaire. Son adolescence d'abord. A 15 ans à peine, on le voit défiler sous les couleurs de la JCR (la Ligue version jeune), à une manifestation antiraciste du côté de Louviers dans l'Eure. Au lycée, il s'opposera à la guerre-éclair menée dans le Golfe et manifestera main dans la main avec des ouvriers de Renault. Mais c'est la crise sociale de 1995 qui façonnera pour toujours son image de militant trotskiste. Un an plus tard, il intégrera la direction de la Ligue et sera détaché au Parlement européen pour seconder Alain Krivine dans sa mission de député. Déclaré, il y a dix jours, candidat officiel de la LCR pour les présidentielles, ce jeune facteur à Neuilly entend bien casser l'image du politique " langue de bois ".
Se lancer à 27 ans dans une telle campagne doit être effrayant
Olivier Besancenot : La Ligue a décidé de faire le choix de la jeunesse. Mais à la LCR, on ne personnalise pas. Je vais surtout défendre une politique globale, je n'ai donc aucune ambition personnelle. D'ailleurs, la plupart des meetings seront menés à trois voix avec Alain Krivine et Roselyne Vachetta, députée européenne.
N'avez-vous pas peur, justement, d'être étouffé par la personnalité d'Alain Krivine ?
Absolument pas. Je ne me présente pas pour le plaisir de me présenter mais parce que je crois au combat de la LCR. Ma candidature est une occasion de montrer qu'une telle élection n'est pas exclusivement réservée aux professionnels de la politique. C'est vrai que certains disent que je suis trop jeune, mais je suis avant tout le candidat d'une politique et tout le monde le sait, en interne.
Lutte ouvrière ne veut pas d'un candidat unique LCR-LO. Est-ce la fin du grand mouvement " 100 % à gauche " ?
Arlette a effectivement refusé l'union, c'est dommage. Mais nous sommes évidemment prêts à la rencontrer. Visiblement, Lutte ouvrière a une appréciation différente de la politique. Nous sommes pour les nouvelles luttes sociales et combattons aux côtés des nouvelles générations de militants. C'est une vision que n'a pas LO.

Sur quoi allez-vous axer votre campagne ?
D'abord, nous serons présents au G8 à Gênes les 20 et 21 juillet pour nous opposer à la mondialisation et défendre les victimes du capitalisme. Nous travaillons aussi sur des problèmes cruciaux comme la transformation d'emplois précaires en emplois stables. Il y a aujourd'hui 3,5 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Nous défendrons pendant notre campagne l'idée de l'alternative démocratique entre hommes et femmes mais aussi entre homos et hétéros, Français et immigrés, etc.
Votre candidature fait-elle du bruit au bureau de poste de Neuilly ?
Ça a engendré beaucoup de discussions, à vrai dire. Les réactions ont été favorables car ça tranche de penser que quelqu'un comme eux, un simple facteur, puisse se présenter. Et Neuilly est un très bon terrain d'apprentissage politique. Deux mondes s'y côtoient, les simples salariés et les gens très fortunés
(source http://www.lcr-rouge.org, le 04 septembre 2001)