Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Nous nous retrouvons dans un moment de gravité. Sans revenir en détail sur les derniers développements de la crise syrienne, qui feront lobjet dune session extraordinaire du Parlement demain, je crois que lactualité met en évidence, une fois de plus, la nécessité de disposer dune défense forte et de moyens garantissant notre autonomie stratégique, appuyée en particulier sur des capacités au meilleur niveau. De cette manière, nous serons en mesure, à tout moment, de faire face aux impératifs de notre sécurité et aux responsabilités internationales qui sont celles de la France.
Cest bien lenjeu du projet de loi de programmation militaire que jai présenté en Conseil des ministres le 2 août dernier et que je viens détailler avec vous aujourdhui.
Ce projet, vous le savez, est la déclinaison concrète des orientations que le Président de la République a approuvées, le 29 avril dernier, à travers le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Là où le Livre blanc fixait un cap sur quinze ans, la loi définit un cadre précis et annualisé pour lévolution de nos forces dans les six ans qui viennent.
En ouvrant mon propos, je veux insister sur la prise en compte de notre environnement international de sécurité dans les arbitrages que le Président de la République a rendus. Cest parce que le niveau des risques et des menaces qui pèsent sur la sécurité collective de la France et de lEurope ne baisse pas, parce que nous avons des responsabilités internationales devant lesquelles nous ne saurions nous dérober, comme le Président de la République la tout récemment rappelé dans le cadre de la conférence des ambassadeurs, quil importe de maintenir à bon niveau notre effort de défense. Voilà ce que nous vous proposons.
Le contexte immédiat ne fait que renforcer cette analyse. Jai parlé de la Syrie aujourdhui ; nous pourrions penser à dautres théâtres demain, y compris au Moyen-Orient ; mais je voudrais évoquer le Mali. De ces derniers mois, on peut retenir quelques enseignements, sur la nécessité dêtre capables danticiper grâce au renseignement, de disposer doptions à présenter au chef de lEtat grâce au travail de planification et ciblage des états-majors, dêtre réactifs par nos moyens en alerte permanente, sur la nécessité aussi dassurer une présence au plus près des zones de crise. Ici, je nai pas besoin de vous rappeler la célérité de nos armées, qui ont porté les premiers coups aux groupes djihadistes quelques heures seulement après la décision du Président de la République. Je nai pas besoin non plus dévoquer toute la part que nos forces pré-positionnées ont pris à la réussite de SERVAL. Comment ne pas souligner également les risques concrets de la prolifération et des agressions cyber tous deux sont au cur de la crise syrienne, comme lattaque chimique sans précédent du 21 août dernier ou le piratage de grands sites dinformation qui a suivi viennent encore de le rappeler.
Aujourdhui, le principal risque serait de sous-estimer ces menaces. De fait, quand il faut intervenir, au bout du compte, il ny a que peu de puissances qui soient en mesure de le faire. Il y en a moins encore sil sagit de le faire en préservant la marge dautonomie politique et militaire nécessaire dans lappréciation, la préparation et lexécution des opérations et dans le dialogue qui les accompagnent avec les grandes puissances comme les Etats-Unis. Comme elle la montré dans les crises récentes, comme elle peut le faire dans le cas de la Syrie, la France peut shonorer den être.
Le projet de LPM doit être examiné à la lumière de ces éléments.
Je voudrais dabord revenir sur le cadre financier de cette programmation.
Les chiffres sont maintenant connus : ce projet de loi de programmation maintient notre budget au niveau actuel, cest-à-dire 31,4 milliards deuros courants, cela pendant trois ans. Dans un deuxième temps, entre 2016 et 2019, ce budget augmentera progressivement, pour atteindre 32,5 milliards deuros courants. Les crédits budgétaires progresseront en valeur dès 2016, puis en volume à compter de 2018. Les ressources programmées sur la période 2014-2019 atteignent ainsi 190 milliards exprimés en euros courants.
Cet arbitrage est une décision politique forte. Comme le Président la souligné à la veille du 14 juillet, « les crédits de la défense seront donc, et jinsiste sur ce point, à la différence de la plupart des ministères, préservés dans leur intégrité. Cest un effort que la Nation fait, non pas pour les armées, mais pour sa propre sécurité. »
Dans le même temps, dailleurs, la Défense consent un effort significatif pour le redressement des comptes publics. Cet effort passe notamment par la stabilisation des ressources programmées entre 2014 et 2016, stabilisation qui égale linflation, et par une diminution importante de nos effectifs.
Pour atteindre le niveau de ressources que je viens dévoquer, mais aussi pour que la Défense participe au redressement des comptes publics, des ressources exceptionnelles viennent compléter les ressources budgétaires à hauteur de 6,1 Md sur la période, cest-à-dire 3% des ressources totales.
Lengagement du Président de la République je veux y insister a aussi porté sur la transparence de nos choix dans le domaine, que je sais délicat, des ressources exceptionnelles. Cest pourquoi le rapport annexé au projet de loi expose de façon précise, à la différence du précédent, les différentes origines de ces ressources, ambitieuses mais réalistes. Je les rappelle brièvement : il sagit de lintégralité du produit de cession demprises immobilières utilisées par le ministère de la défense ; dun nouveau PIA, financé par le produit de cessions de participations dentreprises publiques, au profit de lexcellence technologique des industries de défense ; du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz, fréquences de très haute valeur pour les opérateurs en raison de ses caractéristiques techniques ; des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquence déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation ; enfin, le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations dentreprises publiques qui se révèleraient nécessaires pour compléter ces moyens.
Lévaluation de produits de cessions étant par nature délicate, une clause de sauvegarde a été prévue. Elle permettra de mobiliser dautres ressources exceptionnelles, si le produit ou le financement de celles que je viens dévoquer savère insuffisant. Cest une garantie supplémentaire pour la défense. En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6,1 Md prévus, la Défense pourra en bénéficier à hauteur de 0,9 Md supplémentaires.
Concernant le cadre financier de cette programmation, je voudrais ajouter quelques mots sur le financement des opérations extérieures. Une dotation prévisionnelle annuelle de 450 M figure désormais dans le budget de la mission « Défense », en adéquation avec les priorités stratégiques et les nouveaux contrats opérationnels définis dans le Livre blanc. Cette dotation est un peu inférieure à la précédente, mais il sagit de tenir compte de la nouvelle définition de nos contrats opérationnels, qui nest pas celle du Livre blanc et de la Programmation précédente. Là encore, une clause de sauvegarde a été mise en place. Lenjeu est de garantir la soutenabilité budgétaire déventuelles décisions dengagement militaire de la France. Ces décisions relevant du chef de lEtat et, derrière lui, de lensemble du Gouvernement, il est précisé, dans des termes voisins de ceux de la loi précédente, que les surcoûts résultant soit de nouvelles opérations, soit du renforcement des opérations existantes en 2013, seraient couverts par un financement interministériel ad hoc.
Vous le comprenez, nous avons voulu garantir à notre Défense un niveau de ressources ambitieux et réaliste à la fois. Ambitieux, par la trajectoire que le Président de la République a arrêtée. Réaliste, par les différentes assurances que nous avons voulu prendre, en diversifiant les ressources et en élaborant plusieurs mécanismes de sauvegarde pour garantir, in fine, la sincérité de cette programmation. Cétait dailleurs, Monsieur le Président, le vu formulé par votre commission dans le cadre dun travail préparatoire qui prouve une fois de plus combien il a été précieux.
Pour en revenir maintenant à une perspective plus large, mais évidemment en lien avec la sanctuarisation budgétaire que je viens dévoquer, je voudrais souligner combien ce projet de loi de programmation est celui du maintien de notre rang stratégique.
Lambition du Gouvernement sénonce clairement : garantir à la France sa capacité à intervenir dans lensemble des situations où ses intérêts de sécurité, ses responsabilités internationales, pourraient être mis en jeu.
Grâce au niveau de ressources que je viens dévoquer, nous resterons lun des rares pays dans le monde à pouvoir assumer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire, appuyée sur deux composantes distinctes et complémentaires, et lintervention sur des théâtres extérieurs, pour des missions aussi bien de gestion de crise que de guerre. Je ne reviens pas ici sur le détail de lambition politique portée par le Livre blanc ; elle est désormais connue ; mais je voudrais insister sur la manière dont elle se décline concrètement dans ce projet de LPM.
La répartition des crédits traduit naturellement les priorités que le Président de la République a assignées à notre Défense. Jen évoquerai deux : la préparation opérationnelle et léquipement des forces.
Nous reconnaissons tous dabord que, sans préparation opérationnelle efficace et suffisante, nous ne saurions disposer de capacité militaire ni darmée professionnelle crédible. La valeur des hommes et des femmes de la défense, qui a plusieurs fois trouvé à sexprimer ces derniers mois, en découle directement. Vous savez que cest une de mes préoccupations personnelles depuis mon entrée en fonction.
Depuis 2011-2012 en particulier, nous observons pourtant un fléchissement des activités opérationnelles. Ce fléchissement peut sexpliquer de diverses manières : lépuisement des stocks dans lesquels nos armées ont puisé ces dernières années sans que le financement de leur complétement ne soit prévu, le vieillissement des parcs, mais aussi larrivée de matériels de nouvelle génération dont le coût moyen dutilisation et dentretien est considérablement plus élevé, tout cela se cumule. Dune façon générale, le contexte financier a pesé sur lactivité et lentraînement, alors même quils revêtent un caractère prioritaire.
Parce que cette évolution nest pas acceptable, nous avons cherché à maintenir puis redresser progressivement le niveau de préparation opérationnelle dans ce projet de LPM. Sur la période 2014-2015, les efforts conduits permettront dobtenir une stabilité globale de lactivité à un niveau comparable à celui de 2013. Ensuite, nous travaillerons à relever les taux dactivité.
Cette priorité accordée à lentraînement de nos forces se traduit par un effort financier conséquent. Ainsi, les crédits consacrés à lentretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur pour sétablir à un niveau moyen de 3,4 Mds courants par an sur la période, contre 2,9 en LFI 2013.
Dans le domaine des équipements, je veux dabord souligner leffort conséquent qui va être réalisé, puisque ce projet de loi de programmation prévoit que les crédits déquipements soient en hausse constante au cours de la période 2014-2019. En 2013, 16 Mds ont été consacrés aux équipements ; ce montant sera en constante progression pour atteindre 18,2 Mds en 2019. Grâce à ce niveau de crédits, le renouvellement de nos équipements sera assuré et notre base industrielle préservée, conformément aux principes de la stratégie militaire exposés dans le Livre blanc. Vous me permettrez de les rappeler ici, car ces quatre principes sont au fondement des choix déquipement qui figurent dans cette loi de programmation militaire.
Pour préserver notre autonomie stratégique, ce projet de LPM prévoit dabord de garantir la pérennité de la dissuasion. La livraison du M51.2, la mise en service du laser Mégajoule, le lancement des travaux délaboration du futur SNLE de 3e génération, ou encore dans le domaine du renseignement avec le satellite CERES, entièrement développé dans cette période pour un lancement en 2020 y contribueront directement. Toujours pour satisfaire cette exigence dautonomie stratégique, nous renforcerons les capacités permettant de prendre linitiative dans les opérations, quil sagisse du renseignement (avec la livraison de deux satellites MUSIS, de drone MALE et de drones tactiques), de nos forces spéciales, ou bien encore des capacités qui sont engagées au contact de lennemi (ce sont ici les programmes Rafale, FREMM, missiles MMP, et Scorpion). Enfin, nous consoliderons notre capacité à fédérer et à entraîner nos alliés au sein dune coalition. Pour ce faire, nous développerons notamment nos moyens de frappes précises dans la profondeur (avec la livraison de 250 missiles de croisière) et notre aptitude à planifier et entrer en premier sur un théâtre de guerre (grâce, par exemple, à la livraison des premiers MRTT et à la réalisation des Barracuda).
Pour garantir la cohérence du modèle avec la diversité des missions dans lesquelles la France est susceptible dengager ses forces armées, ce projet de LPM prévoit différents types déquipement. Premièrement, pour répondre aux menaces demploi de la force par des Etats, il y a, au-delà des programmes liés à la dissuasion que je viens dévoquer, les FREMM, les SNA, les avions Rafale, le lancement de la rénovation du char Leclerc, lhélicoptère NH90 et ladaptation des Tigre. Deuxièmement, pour conduire dans la durée les opérations de gestion de crise, ce projet de LPM prévoit la prolongation des Mirage 2000, la rénovation des frégates légères furtives et le remplacement de nos VAB, comme de nos AMX10 RC. Nos forces auront ainsi les moyens adaptés de conduire ces opérations qui sont récurrentes, longues et exigeantes. Troisièmement, toujours au titre de la cohérence du modèle, les programmes SCCOA, plusieurs programmes de moyens navals de surveillance et dintervention, ainsi que des investissements dans le domaine NBC, renforceront nos capacités de protection du pays et de ses intérêts de sécurité.
Jen viens au principe de différenciation, qui conduit à distinguer les forces et leur entraînement en fonction des missions quelles sont appelées à remplir. On distinguera les forces de dissuasion, les forces de protection, des forces de gestion de crise et des forces de coercition. Les forces terrestres seront ainsi organisées en brigades adaptées à lentrée en premier qui seront notamment équipées de chars Leclerc et de VBCI, brigades multi-rôles destinées à la gestion de crise avec des VAB pour les premiers VBMR, et brigades légères adaptées à laction durgence. Dans le domaine naval, les capacités de combat pour les opérations de haute intensité se verront renforcées par les 6 premières FREMM, par le premier SNA de type Barracuda, ainsi que par la rénovation des frégates légères furtives ; en parallèle, larmement de nouveaux patrouilleurs et la transformation des avions de surveillance contribuera à renouveler notre aptitude au contrôle et à lintervention dans de vastes espaces maritimes, quil sagisse de nos côtes ou bien de loutre-mer. Concernant les forces aériennes enfin, la livraison de 26 Rafale supplémentaires, et larrivée des A400M et MRTT renforceront leurs capacités dans lhypothèse dun conflit majeur. Ces forces conserveront par ailleurs un nombre daéronefs suffisants, grâce au prolongement davions plus anciens, à linstar des Mirage 2000, notamment pour remplir les missions de gestion de crise ou de protection de lespace aérien national.
La mutualisation, enfin, dernier principe, consiste en premier lieu à affecter un noyau de capacités polyvalentes et rares à plusieurs missions. Elle a aussi contribué aux choix déquipements en permettant de définir des cibles pour les Rafale, les MRTT, les SNA, les FREMM dotées de capacités anti-sous-marines ou encore les Missiles de croisière navals : ces capacités sont en effet multimissions. Mais la mutualisation peut et doit sentendre à une autre échelle. Dans le cadre dune relance pragmatique de lEurope de la défense, ce principe nous incite en effet à envisager ensemble certaines capacités critiques. Cest pour cette raison que ce projet de loi, dune part préserve tous les grands programmes conduits en coopération (FREMM, A400M, NH90, TIGRE, MUSIS, SAMP/T), dautre part lance plusieurs autres programmes (on peut citer lAntinavire léger lANL ou le SLAMF). Dans le domaine du renseignement enfin, un principe majeur déconomie et de coordination impose la mutualisation de certaines capacités techniques entre nos services.
Si un ajustement du calendrier des programmes est nécessaire, compte-tenu des contraintes financières, leffort consenti pour léquipement de nos forces, qui sélève à 17,1 Mds en moyenne annuelle sur lensemble de la période, pour 16 Mds en 2013, je le rappelle, est particulièrement significatif. Le tour dhorizon des programmes que je viens de faire est là pour en témoigner. Cet effort en matière déquipements, en sappliquant à nos forces, bénéficie aussi directement à nos industries de défense. Jy reviendrai tout à lheure.
Lexigence de sincérité sans laquelle il nest pas de programmation crédible mincite à tenir, comme sur le Livre blanc, un discours de vérité. Cette programmation est ambitieuse. Elle nen sera pas moins difficile. Les efforts qui figurent dans le projet de loi sentendent dans un double sens : effort de la Nation pour sa propre sécurité, effort de la Défense pour le redressement des comptes publics. Sil y a donc des priorités jen ai évoqué quelques-unes il y a donc aussi des mesures déconomies qui rendent crédible la programmation que nous présentons dans le contexte financier actuel.
Sur un plan budgétaire dabord, je lai dit tout à lheure, je ny insiste pas, la reconduite du budget en valeur jusquen 2016 constitue un effort conséquent. Ce nétait pas la progression prévue par mes prédécesseurs, mais je crois avoir souligné, lors dauditions précédentes, combien cette progression était jugée par tous, désormais, irréaliste.
Concernant les ressources humaines, vous le savez également, la déflation des effectifs va devoir se poursuivre, en cohérence avec les contraintes financières et le nouveau modèle darmées porté par le Livre blanc. 10 175 emplois vont être supprimés au titre de la précédente programmation, et 23 500 le seront au titre de la présente LPM. La définition de cette déflation, sa répartition au sein du ministère, sera guidée par trois priorités. Dabord, préserver les forces opérationnelles et le soutien opérationnel. Les forces de combat ne supporteront donc quenviron un tiers des déflations deffectifs nouvelles envisagées, cest-à-dire 8 000 postes + 1 100 dans les forces pré-positionnées. Deuxième priorité, maîtriser la masse salariale. Vous savez que cest un enjeu de crédibilité majeur pour notre ministère et jentends que nous soyons à la hauteur. Le taux dencadrement va donc diminuer après cinq années qui lont vu connaître une évolution significative à la hausse. Cet effort de dé-pyramidage se traduira par des réductions touchant le nombre dofficiers sur la période 2014-2019. Enfin, dernière priorité, amorcer un certain rééquilibrage des effectifs globaux du ministère au profit du personnel civil dans les secteurs non opérationnels, en cohérence avec les besoins croissants en experts que le Livre blanc a exprimés dans différents domaines, notamment le renseignement et la cyberdéfense.
Je mesure bien le prix de ces nouvelles réductions, après celles que le ministère a déjà connues. Jai donc tenu à ce quun nouvel esprit inspire les évolutions à venir, sur la base dune analyse attentive et proche. La valeur que les hommes et les femmes de la défense montrent au quotidien les honore et nous oblige. Parce que leur engagement peut aller jusquau sacrifice ultime, nous leur devons le plus grand respect. Ce respect, il doit inspirer chacun des aspects de notre politique de ressources humaines. Cest pour moi une préoccupation profonde et je continuerai dy veiller personnellement.
Concrètement, pour conduire cette action difficile, le projet de LPM prévoit dabord un large plan de mesures daccompagnement des personnels appelés à quitter le service. Ce plan reposera sur trois leviers : le renforcement de la politique de reconversion pour le personnel militaire, le reclassement dans les fonctions publiques et laide à la mobilité externe pour les agents du ministère, et des outils financiers dincitation au départ et à la mobilité, selon un plan financé à hauteur de 933M sur la durée de la programmation. Quatre mesures seront proposées en particulier au personnel militaire : la « promotion fonctionnelle », la pension afférente au grade supérieur, le pécule dincitation au départ et la « disponibilité rénovée ». Je me tiens à votre disposition pour revenir au moment des questions sur telle ou telle de ces mesures.
Il ny aura donc ni dégagement des cadres ni mesures brutales. La déflation des effectifs sera obtenue par les départs naturels, les départs incités et un ajustement des recrutements, limpact sur ces derniers étant limité au maximum pour tenir compte des impératifs opérationnels qui réclament un personnel jeune et physiquement apte.
Au-delà même de ce plan daccompagnement il faudra suivre une méthode à laquelle jattache beaucoup de prix : celle de lécoute, celle de la concertation, celle de lanalyse fonctionnelle. Le ministère a trop connu de réformes appliquées de manière brutale pour quil puisse envisager cette déflation de la même manière. Au contraire, je veux prendre le temps. Une période de concertation, découte et danalyse fonctionnelle précèdera donc les réductions. Jen ai confié la responsabilité au Secrétaire général pour ladministration et au directeur des ressources humaines, en lien avec les états-majors. Lobjectif nest pas de rechercher des coupes purement arithmétiques dans les effectifs ; cest datteindre un modèle simplifié, davantage cohérent ; et bien sûr de supprimer les doublons.
De la même façon, le dialogue et la concertation doivent permettre de faire émerger des évolutions positives de la condition du personnel et de la condition militaire en particulier. Celle-ci, le rapport annexé lénonce avec force, est à mes yeux un élément constitutif de la capacité opérationnelle elle-même de nos armées. Un plan ministériel, prévu par la programmation, permettra détablir et de financer des pistes de facilitation sur ce sujet, dans les domaines du logement, de laide sociale et du soutien familial en particulier.
Sur les restructurations qui découlent de ces déflations deffectifs, jaurai la même méthode associant analyse, écoute, concertation. Là encore, je veux prendre le temps. Pour ce qui concerne les restructurations de lannée 2014, qui sont pour la plupart liées à la précédente programmation, nous annoncerons les sites concernés à la fin de ce mois.
En matière de restructurations, je connais toute limportance du dialogue avec les élus. A la tête du ministère de la défense, je dois dire que je noublie pas ma vie et mon expérience délu local dans un site de défense, qui a connu deux restructurations. Jai déjà commencé à recevoir les parlementaires et élus locaux qui ont souhaité me rencontrer. Je vais bien évidemment continuer et nous définirons avec le Premier ministre lensemble des mesures daccompagnement nécessaires.
Pour nous, lobjectif est de préserver au maximum les liens qui unissent les armées et les territoires jaurai donc une attention toute particulière à ce que la Défense reste, dans la mesure du possible, largement présente sur le territoire national. Mais notre objectif est aussi, pour les sites que nous serons amenés à fermer, de permettre une transition dans les meilleures conditions possibles. Javancerai en tout cas dans ce domaine avec le souci constant du contexte territorial, économique et social des mesures qui seront décidées. A cette fin, un accompagnement économique est prévu par ce projet de LPM. Cet accompagnement tire les enseignements des précédentes restructurations et notamment du risque déparpillement des fonds publics. Désormais, les actions de lEtat seront donc davantage concentrées, et recentrées sur un nombre limité dactions, parmi les plus efficaces pour la redynamisation des bassins demploi. 150 M seront au total consacrés à laccompagnement économique des territoires les plus affectés. Ce plan, en outre, sera complété par un dispositif daide au profit des PME, appuyé sur la Banque publique dinvestissement. Un préfet sera à mes côtés pour le suivi de ces mesures. Je sais que sa longue expérience des politiques territoriales le rendra particulièrement attentif aux enjeux du dialogue qui doit rassembler le ministère et les élus locaux en particulier.
Enfin, je voudrais souligner combien ce projet de loi de programmation militaire, au-delà des éléments que jai déjà évoqués, se consacre à la préparation de lavenir, en permettant ladaptation de larmée daujourdhui aux guerres de demain.
Cest pour moi loccasion dévoquer notre politique industrielle de défense. Les chiffres sont connus mais on gagne à les rappeler : 4 000 entreprises, dont une majorité de PME/ETI ; 165 000 emplois directs, qui sont autant demplois hautement qualifiés et donc peu délocalisables ; un chiffre daffaire global denviron 15 Mds, dont 30 à 40 % réalisé à lexport.
Pour la France, cest un outil exceptionnel. Dabord parce que notre industrie de défense concourt à notre autonomie stratégique on peut dailleurs raisonnablement considérer que derrière chaque succès des armes de la France, comme tout récemment au Mali, il y a des réussites technologiques et industrielles. Préparer nos futurs engagements, cest donc aussi sassurer que nous pourrons disposer des équipements au meilleur niveau. Mais notre industrie de défense concourt aussi au dynamisme de notre économie. A cet égard, cest lune des premières du monde, comme les grands contrats obtenus aux Emirats viennent encore de le rappeler. Elle doit le demeurer.
Cest pour cet ensemble de raisons que lindustrie de défense est au cur du projet de loi de programmation. Les crédits consacrés à linvestissement et à léquipement au profit de nos forces, qui seront comme je lai dit tout à lheure de 17,1 Mds en moyenne annuelle sur les six ans à venir, concernent chacun des neufs secteurs majeurs de lindustrie de défense.
En matière de préparation de lavenir, lambition dont vont aussi bénéficier nos industries de défense concerne le maintien dun effort substantiel de recherche et technologie. Cest un objectif majeur de la présente loi, avec des crédits consacrés aux études amont qui représenteront plus de 730 M en moyenne annuelle sur la période 2014-2019, en hausse par rapport à la période précédente.
Ces crédits détudes amont bénéficieront au renouvellement des deux composantes de la dissuasion, à lavenir de laéronautique de combat, à la lutte sous-marine, dans le domaine terrestre à la poursuite des efforts sur la protection des véhicules, des équipages et des combattants, mais aussi au renseignement, à la montée en puissance de la cyberdéfense ou encore à lespace, pour ne citer que quelques exemples. Dune façon générale, leffort de coopération avec la recherche civile sera poursuivi, notamment par laugmentation du soutien aux PME-PMI-ETI innovantes que permet le pacte défense PME. Dans la même perspective, le dispositif RAPID (régime dappui aux PME pour linnovation duale) sera pérennisé et renforcé avec 50 M par an, contre 40M en 2013.
La préparation de lavenir, cest aussi lévolution du cadre juridique de notre défense. Il me faut dire quelques mots ici des novations normatives contenues dans ce projet de loi de programmation, dautant que plusieurs sont particulièrement importantes.
J'insisterai particulièrement sur trois domaines pour lesquels le projet de loi innove réellement, dune part en adaptant le droit aux défis d'aujourd'hui et dautre part en le préparant à ceux de demain.
Dans le domaine du renseignement d'abord, il renforce, autant que le permettait la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la séparation des pouvoirs, le rôle et les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Ce contrôle accru permettra douvrir ou de sécuriser certains dispositifs de collecte de données et de consultation de fichiers existants, qui sont offerts aux services de renseignement. Ces derniers ont en effet besoin d'avoir accès à une information riche et diversifiée pour repérer les signaux faibles et détecter suffisamment tôt les risques, notamment terroristes, mais plus généralement d'atteinte à nos intérêts fondamentaux.
Le projet de loi innove aussi dans le domaine de la cyberdéfense. Sont précisées, pour la première fois, les obligations que l'Etat peut imposer aux opérateurs d'importance vitale pour la France en matière de sécurisation de leurs systèmes d'information. Pour la première fois aussi, le droit prend en compte les besoins des services de l'Etat de défendre efficacement les systèmes d'information les plus sensibles contre les attaques informatiques. Y compris par des procédés qui, s'ils ne répondaient à cet objectif légitime de préservation de la sécurité nationale, seraient pénalement répréhensibles.
Enfin, comme le Président de la République l'avait expressément demandé, le projet de loi met en place divers outils juridiques permettant d'éviter une judiciarisation inutile de l'action des militaires engagés en opération extérieure. L'objectif n'est pas de consacrer une quelconque immunité pénale au profit des militaires, qu'il s'agisse du commandement ou des hommes et des femmes du rang. Il s'agit plus simplement de faire prendre en compte par le droit pénal la réalité de ce qu'est un conflit armé ; il sagit de trouver un compromis entre un droit pénal d'exception qui est celui du temps de guerre, qui n'a heureusement plus servi en France depuis le dernier conflit mondial, et le droit commun qui est adapté au temps de paix. Sur certains aspects, ce droit commun peut en effet être en décalage, voire franchement inadapté aux réalités des conflits dans lesquels nos militaires sont engagés et sont prêts à donner leur vie comme d'ailleurs à donner la mort.
Je veillerai par ailleurs, mais cela n'avait pas sa place dans le projet de loi, à ce que les mécanismes d'information, d'accompagnement et d'indemnisation des familles des militaires blessés ou tués au combat, soient encore amélioré.
La préparation de lavenir, cest également la réorganisation du ministère, cest-à-dire la réforme de la gouvernance, qui fait lobjet dune clarification et dune simplification, et la modernisation avec le regroupement des états-majors, directions et services centraux sur le site de Balard. Lenjeu est pluriel : outre la rationalisation des effectifs de ladministration centrale et loptimisation du coût du soutien, il devrait résulter de ces évolutions une amélioration de la gouvernance du ministère et une modernisation des conditions de travail des agents du ministère, civils et militaires.
La préparation de lavenir, cest encore leffort particulier que nous consentons dans les domaines de la cyberdéfense et du renseignement. Au-delà des programmes, il convient de relever que ce projet de loi prend en compte cette nouvelle donne stratégique quest la cyberdéfense. En la matière, il prévoit une adaptation de notre droit, le renforcement de nos capacités, la mise en place dune organisation et dune chaîne opérationnelle centralisée, ainsi quun effort important en termes détudes amont. Le renseignement est une autre priorité, conformément au Livre blanc et aux engagements du Président de la République. Jai déjà cité les moyens nouveaux dont nous disposerons en la matière, autant que le contrôle parlementaire renforcé.
La préparation de lavenir, cest enfin le renforcement du lien Armée-Nation. Lenjeu de ce renforcement, cest à la fois la cohésion nationale, ladhésion de la Nation à la politique de défense, mais également la reconnaissance du métier des armes, le recrutement et la résilience des populations face aux crises. Plusieurs actions vont être ici menées, dans le cadre de cette programmation. Elles concernent la réserve militaire, dans ses deux composantes opérationnelle et citoyenne, une rénovation du parcours de citoyenneté, avec notamment une réflexion qui est actuellement engagée sur la journée défense et citoyenneté. Mais lassociation plus étroite de la Représentation nationale aux décisions qui concernent la politique de défense relève aussi de ce lien entre lArmée et la Nation que nous devons promouvoir. Le renforcement de linformation des élus, en ce qui concerne notamment le suivi des dotations financières, des opérations extérieures ou encore des exportations darmement, est pour nous un objectif de très court terme. Je viendrai dailleurs devant le Parlement dans les prochains jours, comme je lavais fait lannée dernière, pour présenter le rapport annuel au Parlement sur les exportations darmement.
Je voudrais simplement conclure en disant que lexécution quelque peu heurtée de la précédente LPM a démontré la nécessité de prévoir un dispositif de suivi et dactualisation de la LPM, comme du Livre blanc dailleurs. Lexécution de la présente LPM fera donc lobjet dun suivi annuel, au niveau du Conseil de défense. Un rapport annuel dexécution sera également transmis aux commissions compétentes du Parlement. Dans la même logique, une première actualisation de la LPM devra avoir lieu fin 2015. Elle permettra notamment de faire le point sur lactivité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations deffectifs et la mise en uvre des réformes. Au bout de quatre ans, la présente LPM sera révisée pour conduire à lélaboration dune nouvelle loi de programmation.
Voilà donc dans ses grandes lignes le cadre fixé par ce projet de loi de programmation militaire. Cest un cadre équilibré, car nous avons eu le souci constant dune répartition équitable de leffort entre les trois armées et, au-delà, entre les différentes entités du ministère.
Pour le dire en un mot, ce cadre est le bon, parce quil va nous permettre dadapter nos armées daujourdhui aux menaces de demain, dans un contexte qui rendait particulièrement difficile ce travail essentiel. Nous lavons mené et je crois que nous pouvons en être fiers.
Ce projet de LPM est laboutissement dun travail de plusieurs mois qui a réuni les états-majors, la DGA, le SGA et lensemble des services du ministère dans une réflexion commune. Surtout, nous lavons élaboré en ne cessant de penser à lopération SERVAL, qui se déroulait dans le même temps, comme à la manière très professionnelle dont a été conduit notre désengagement progressif dAfghanistan. Toujours, nous avons donc gardé à lesprit la raison dêtre de notre défense et lengagement de celles et ceux qui la servent si bien. Je forme le vu quune même pensée guide nos débats cet automne.
Je vous remercie pour votre attention et je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 septembre 2013
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Nous nous retrouvons dans un moment de gravité. Sans revenir en détail sur les derniers développements de la crise syrienne, qui feront lobjet dune session extraordinaire du Parlement demain, je crois que lactualité met en évidence, une fois de plus, la nécessité de disposer dune défense forte et de moyens garantissant notre autonomie stratégique, appuyée en particulier sur des capacités au meilleur niveau. De cette manière, nous serons en mesure, à tout moment, de faire face aux impératifs de notre sécurité et aux responsabilités internationales qui sont celles de la France.
Cest bien lenjeu du projet de loi de programmation militaire que jai présenté en Conseil des ministres le 2 août dernier et que je viens détailler avec vous aujourdhui.
Ce projet, vous le savez, est la déclinaison concrète des orientations que le Président de la République a approuvées, le 29 avril dernier, à travers le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Là où le Livre blanc fixait un cap sur quinze ans, la loi définit un cadre précis et annualisé pour lévolution de nos forces dans les six ans qui viennent.
En ouvrant mon propos, je veux insister sur la prise en compte de notre environnement international de sécurité dans les arbitrages que le Président de la République a rendus. Cest parce que le niveau des risques et des menaces qui pèsent sur la sécurité collective de la France et de lEurope ne baisse pas, parce que nous avons des responsabilités internationales devant lesquelles nous ne saurions nous dérober, comme le Président de la République la tout récemment rappelé dans le cadre de la conférence des ambassadeurs, quil importe de maintenir à bon niveau notre effort de défense. Voilà ce que nous vous proposons.
Le contexte immédiat ne fait que renforcer cette analyse. Jai parlé de la Syrie aujourdhui ; nous pourrions penser à dautres théâtres demain, y compris au Moyen-Orient ; mais je voudrais évoquer le Mali. De ces derniers mois, on peut retenir quelques enseignements, sur la nécessité dêtre capables danticiper grâce au renseignement, de disposer doptions à présenter au chef de lEtat grâce au travail de planification et ciblage des états-majors, dêtre réactifs par nos moyens en alerte permanente, sur la nécessité aussi dassurer une présence au plus près des zones de crise. Ici, je nai pas besoin de vous rappeler la célérité de nos armées, qui ont porté les premiers coups aux groupes djihadistes quelques heures seulement après la décision du Président de la République. Je nai pas besoin non plus dévoquer toute la part que nos forces pré-positionnées ont pris à la réussite de SERVAL. Comment ne pas souligner également les risques concrets de la prolifération et des agressions cyber tous deux sont au cur de la crise syrienne, comme lattaque chimique sans précédent du 21 août dernier ou le piratage de grands sites dinformation qui a suivi viennent encore de le rappeler.
Aujourdhui, le principal risque serait de sous-estimer ces menaces. De fait, quand il faut intervenir, au bout du compte, il ny a que peu de puissances qui soient en mesure de le faire. Il y en a moins encore sil sagit de le faire en préservant la marge dautonomie politique et militaire nécessaire dans lappréciation, la préparation et lexécution des opérations et dans le dialogue qui les accompagnent avec les grandes puissances comme les Etats-Unis. Comme elle la montré dans les crises récentes, comme elle peut le faire dans le cas de la Syrie, la France peut shonorer den être.
Le projet de LPM doit être examiné à la lumière de ces éléments.
Je voudrais dabord revenir sur le cadre financier de cette programmation.
Les chiffres sont maintenant connus : ce projet de loi de programmation maintient notre budget au niveau actuel, cest-à-dire 31,4 milliards deuros courants, cela pendant trois ans. Dans un deuxième temps, entre 2016 et 2019, ce budget augmentera progressivement, pour atteindre 32,5 milliards deuros courants. Les crédits budgétaires progresseront en valeur dès 2016, puis en volume à compter de 2018. Les ressources programmées sur la période 2014-2019 atteignent ainsi 190 milliards exprimés en euros courants.
Cet arbitrage est une décision politique forte. Comme le Président la souligné à la veille du 14 juillet, « les crédits de la défense seront donc, et jinsiste sur ce point, à la différence de la plupart des ministères, préservés dans leur intégrité. Cest un effort que la Nation fait, non pas pour les armées, mais pour sa propre sécurité. »
Dans le même temps, dailleurs, la Défense consent un effort significatif pour le redressement des comptes publics. Cet effort passe notamment par la stabilisation des ressources programmées entre 2014 et 2016, stabilisation qui égale linflation, et par une diminution importante de nos effectifs.
Pour atteindre le niveau de ressources que je viens dévoquer, mais aussi pour que la Défense participe au redressement des comptes publics, des ressources exceptionnelles viennent compléter les ressources budgétaires à hauteur de 6,1 Md sur la période, cest-à-dire 3% des ressources totales.
Lengagement du Président de la République je veux y insister a aussi porté sur la transparence de nos choix dans le domaine, que je sais délicat, des ressources exceptionnelles. Cest pourquoi le rapport annexé au projet de loi expose de façon précise, à la différence du précédent, les différentes origines de ces ressources, ambitieuses mais réalistes. Je les rappelle brièvement : il sagit de lintégralité du produit de cession demprises immobilières utilisées par le ministère de la défense ; dun nouveau PIA, financé par le produit de cessions de participations dentreprises publiques, au profit de lexcellence technologique des industries de défense ; du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz, fréquences de très haute valeur pour les opérateurs en raison de ses caractéristiques techniques ; des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquence déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation ; enfin, le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations dentreprises publiques qui se révèleraient nécessaires pour compléter ces moyens.
Lévaluation de produits de cessions étant par nature délicate, une clause de sauvegarde a été prévue. Elle permettra de mobiliser dautres ressources exceptionnelles, si le produit ou le financement de celles que je viens dévoquer savère insuffisant. Cest une garantie supplémentaire pour la défense. En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6,1 Md prévus, la Défense pourra en bénéficier à hauteur de 0,9 Md supplémentaires.
Concernant le cadre financier de cette programmation, je voudrais ajouter quelques mots sur le financement des opérations extérieures. Une dotation prévisionnelle annuelle de 450 M figure désormais dans le budget de la mission « Défense », en adéquation avec les priorités stratégiques et les nouveaux contrats opérationnels définis dans le Livre blanc. Cette dotation est un peu inférieure à la précédente, mais il sagit de tenir compte de la nouvelle définition de nos contrats opérationnels, qui nest pas celle du Livre blanc et de la Programmation précédente. Là encore, une clause de sauvegarde a été mise en place. Lenjeu est de garantir la soutenabilité budgétaire déventuelles décisions dengagement militaire de la France. Ces décisions relevant du chef de lEtat et, derrière lui, de lensemble du Gouvernement, il est précisé, dans des termes voisins de ceux de la loi précédente, que les surcoûts résultant soit de nouvelles opérations, soit du renforcement des opérations existantes en 2013, seraient couverts par un financement interministériel ad hoc.
Vous le comprenez, nous avons voulu garantir à notre Défense un niveau de ressources ambitieux et réaliste à la fois. Ambitieux, par la trajectoire que le Président de la République a arrêtée. Réaliste, par les différentes assurances que nous avons voulu prendre, en diversifiant les ressources et en élaborant plusieurs mécanismes de sauvegarde pour garantir, in fine, la sincérité de cette programmation. Cétait dailleurs, Monsieur le Président, le vu formulé par votre commission dans le cadre dun travail préparatoire qui prouve une fois de plus combien il a été précieux.
Pour en revenir maintenant à une perspective plus large, mais évidemment en lien avec la sanctuarisation budgétaire que je viens dévoquer, je voudrais souligner combien ce projet de loi de programmation est celui du maintien de notre rang stratégique.
Lambition du Gouvernement sénonce clairement : garantir à la France sa capacité à intervenir dans lensemble des situations où ses intérêts de sécurité, ses responsabilités internationales, pourraient être mis en jeu.
Grâce au niveau de ressources que je viens dévoquer, nous resterons lun des rares pays dans le monde à pouvoir assumer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire, appuyée sur deux composantes distinctes et complémentaires, et lintervention sur des théâtres extérieurs, pour des missions aussi bien de gestion de crise que de guerre. Je ne reviens pas ici sur le détail de lambition politique portée par le Livre blanc ; elle est désormais connue ; mais je voudrais insister sur la manière dont elle se décline concrètement dans ce projet de LPM.
La répartition des crédits traduit naturellement les priorités que le Président de la République a assignées à notre Défense. Jen évoquerai deux : la préparation opérationnelle et léquipement des forces.
Nous reconnaissons tous dabord que, sans préparation opérationnelle efficace et suffisante, nous ne saurions disposer de capacité militaire ni darmée professionnelle crédible. La valeur des hommes et des femmes de la défense, qui a plusieurs fois trouvé à sexprimer ces derniers mois, en découle directement. Vous savez que cest une de mes préoccupations personnelles depuis mon entrée en fonction.
Depuis 2011-2012 en particulier, nous observons pourtant un fléchissement des activités opérationnelles. Ce fléchissement peut sexpliquer de diverses manières : lépuisement des stocks dans lesquels nos armées ont puisé ces dernières années sans que le financement de leur complétement ne soit prévu, le vieillissement des parcs, mais aussi larrivée de matériels de nouvelle génération dont le coût moyen dutilisation et dentretien est considérablement plus élevé, tout cela se cumule. Dune façon générale, le contexte financier a pesé sur lactivité et lentraînement, alors même quils revêtent un caractère prioritaire.
Parce que cette évolution nest pas acceptable, nous avons cherché à maintenir puis redresser progressivement le niveau de préparation opérationnelle dans ce projet de LPM. Sur la période 2014-2015, les efforts conduits permettront dobtenir une stabilité globale de lactivité à un niveau comparable à celui de 2013. Ensuite, nous travaillerons à relever les taux dactivité.
Cette priorité accordée à lentraînement de nos forces se traduit par un effort financier conséquent. Ainsi, les crédits consacrés à lentretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur pour sétablir à un niveau moyen de 3,4 Mds courants par an sur la période, contre 2,9 en LFI 2013.
Dans le domaine des équipements, je veux dabord souligner leffort conséquent qui va être réalisé, puisque ce projet de loi de programmation prévoit que les crédits déquipements soient en hausse constante au cours de la période 2014-2019. En 2013, 16 Mds ont été consacrés aux équipements ; ce montant sera en constante progression pour atteindre 18,2 Mds en 2019. Grâce à ce niveau de crédits, le renouvellement de nos équipements sera assuré et notre base industrielle préservée, conformément aux principes de la stratégie militaire exposés dans le Livre blanc. Vous me permettrez de les rappeler ici, car ces quatre principes sont au fondement des choix déquipement qui figurent dans cette loi de programmation militaire.
Pour préserver notre autonomie stratégique, ce projet de LPM prévoit dabord de garantir la pérennité de la dissuasion. La livraison du M51.2, la mise en service du laser Mégajoule, le lancement des travaux délaboration du futur SNLE de 3e génération, ou encore dans le domaine du renseignement avec le satellite CERES, entièrement développé dans cette période pour un lancement en 2020 y contribueront directement. Toujours pour satisfaire cette exigence dautonomie stratégique, nous renforcerons les capacités permettant de prendre linitiative dans les opérations, quil sagisse du renseignement (avec la livraison de deux satellites MUSIS, de drone MALE et de drones tactiques), de nos forces spéciales, ou bien encore des capacités qui sont engagées au contact de lennemi (ce sont ici les programmes Rafale, FREMM, missiles MMP, et Scorpion). Enfin, nous consoliderons notre capacité à fédérer et à entraîner nos alliés au sein dune coalition. Pour ce faire, nous développerons notamment nos moyens de frappes précises dans la profondeur (avec la livraison de 250 missiles de croisière) et notre aptitude à planifier et entrer en premier sur un théâtre de guerre (grâce, par exemple, à la livraison des premiers MRTT et à la réalisation des Barracuda).
Pour garantir la cohérence du modèle avec la diversité des missions dans lesquelles la France est susceptible dengager ses forces armées, ce projet de LPM prévoit différents types déquipement. Premièrement, pour répondre aux menaces demploi de la force par des Etats, il y a, au-delà des programmes liés à la dissuasion que je viens dévoquer, les FREMM, les SNA, les avions Rafale, le lancement de la rénovation du char Leclerc, lhélicoptère NH90 et ladaptation des Tigre. Deuxièmement, pour conduire dans la durée les opérations de gestion de crise, ce projet de LPM prévoit la prolongation des Mirage 2000, la rénovation des frégates légères furtives et le remplacement de nos VAB, comme de nos AMX10 RC. Nos forces auront ainsi les moyens adaptés de conduire ces opérations qui sont récurrentes, longues et exigeantes. Troisièmement, toujours au titre de la cohérence du modèle, les programmes SCCOA, plusieurs programmes de moyens navals de surveillance et dintervention, ainsi que des investissements dans le domaine NBC, renforceront nos capacités de protection du pays et de ses intérêts de sécurité.
Jen viens au principe de différenciation, qui conduit à distinguer les forces et leur entraînement en fonction des missions quelles sont appelées à remplir. On distinguera les forces de dissuasion, les forces de protection, des forces de gestion de crise et des forces de coercition. Les forces terrestres seront ainsi organisées en brigades adaptées à lentrée en premier qui seront notamment équipées de chars Leclerc et de VBCI, brigades multi-rôles destinées à la gestion de crise avec des VAB pour les premiers VBMR, et brigades légères adaptées à laction durgence. Dans le domaine naval, les capacités de combat pour les opérations de haute intensité se verront renforcées par les 6 premières FREMM, par le premier SNA de type Barracuda, ainsi que par la rénovation des frégates légères furtives ; en parallèle, larmement de nouveaux patrouilleurs et la transformation des avions de surveillance contribuera à renouveler notre aptitude au contrôle et à lintervention dans de vastes espaces maritimes, quil sagisse de nos côtes ou bien de loutre-mer. Concernant les forces aériennes enfin, la livraison de 26 Rafale supplémentaires, et larrivée des A400M et MRTT renforceront leurs capacités dans lhypothèse dun conflit majeur. Ces forces conserveront par ailleurs un nombre daéronefs suffisants, grâce au prolongement davions plus anciens, à linstar des Mirage 2000, notamment pour remplir les missions de gestion de crise ou de protection de lespace aérien national.
La mutualisation, enfin, dernier principe, consiste en premier lieu à affecter un noyau de capacités polyvalentes et rares à plusieurs missions. Elle a aussi contribué aux choix déquipements en permettant de définir des cibles pour les Rafale, les MRTT, les SNA, les FREMM dotées de capacités anti-sous-marines ou encore les Missiles de croisière navals : ces capacités sont en effet multimissions. Mais la mutualisation peut et doit sentendre à une autre échelle. Dans le cadre dune relance pragmatique de lEurope de la défense, ce principe nous incite en effet à envisager ensemble certaines capacités critiques. Cest pour cette raison que ce projet de loi, dune part préserve tous les grands programmes conduits en coopération (FREMM, A400M, NH90, TIGRE, MUSIS, SAMP/T), dautre part lance plusieurs autres programmes (on peut citer lAntinavire léger lANL ou le SLAMF). Dans le domaine du renseignement enfin, un principe majeur déconomie et de coordination impose la mutualisation de certaines capacités techniques entre nos services.
Si un ajustement du calendrier des programmes est nécessaire, compte-tenu des contraintes financières, leffort consenti pour léquipement de nos forces, qui sélève à 17,1 Mds en moyenne annuelle sur lensemble de la période, pour 16 Mds en 2013, je le rappelle, est particulièrement significatif. Le tour dhorizon des programmes que je viens de faire est là pour en témoigner. Cet effort en matière déquipements, en sappliquant à nos forces, bénéficie aussi directement à nos industries de défense. Jy reviendrai tout à lheure.
Lexigence de sincérité sans laquelle il nest pas de programmation crédible mincite à tenir, comme sur le Livre blanc, un discours de vérité. Cette programmation est ambitieuse. Elle nen sera pas moins difficile. Les efforts qui figurent dans le projet de loi sentendent dans un double sens : effort de la Nation pour sa propre sécurité, effort de la Défense pour le redressement des comptes publics. Sil y a donc des priorités jen ai évoqué quelques-unes il y a donc aussi des mesures déconomies qui rendent crédible la programmation que nous présentons dans le contexte financier actuel.
Sur un plan budgétaire dabord, je lai dit tout à lheure, je ny insiste pas, la reconduite du budget en valeur jusquen 2016 constitue un effort conséquent. Ce nétait pas la progression prévue par mes prédécesseurs, mais je crois avoir souligné, lors dauditions précédentes, combien cette progression était jugée par tous, désormais, irréaliste.
Concernant les ressources humaines, vous le savez également, la déflation des effectifs va devoir se poursuivre, en cohérence avec les contraintes financières et le nouveau modèle darmées porté par le Livre blanc. 10 175 emplois vont être supprimés au titre de la précédente programmation, et 23 500 le seront au titre de la présente LPM. La définition de cette déflation, sa répartition au sein du ministère, sera guidée par trois priorités. Dabord, préserver les forces opérationnelles et le soutien opérationnel. Les forces de combat ne supporteront donc quenviron un tiers des déflations deffectifs nouvelles envisagées, cest-à-dire 8 000 postes + 1 100 dans les forces pré-positionnées. Deuxième priorité, maîtriser la masse salariale. Vous savez que cest un enjeu de crédibilité majeur pour notre ministère et jentends que nous soyons à la hauteur. Le taux dencadrement va donc diminuer après cinq années qui lont vu connaître une évolution significative à la hausse. Cet effort de dé-pyramidage se traduira par des réductions touchant le nombre dofficiers sur la période 2014-2019. Enfin, dernière priorité, amorcer un certain rééquilibrage des effectifs globaux du ministère au profit du personnel civil dans les secteurs non opérationnels, en cohérence avec les besoins croissants en experts que le Livre blanc a exprimés dans différents domaines, notamment le renseignement et la cyberdéfense.
Je mesure bien le prix de ces nouvelles réductions, après celles que le ministère a déjà connues. Jai donc tenu à ce quun nouvel esprit inspire les évolutions à venir, sur la base dune analyse attentive et proche. La valeur que les hommes et les femmes de la défense montrent au quotidien les honore et nous oblige. Parce que leur engagement peut aller jusquau sacrifice ultime, nous leur devons le plus grand respect. Ce respect, il doit inspirer chacun des aspects de notre politique de ressources humaines. Cest pour moi une préoccupation profonde et je continuerai dy veiller personnellement.
Concrètement, pour conduire cette action difficile, le projet de LPM prévoit dabord un large plan de mesures daccompagnement des personnels appelés à quitter le service. Ce plan reposera sur trois leviers : le renforcement de la politique de reconversion pour le personnel militaire, le reclassement dans les fonctions publiques et laide à la mobilité externe pour les agents du ministère, et des outils financiers dincitation au départ et à la mobilité, selon un plan financé à hauteur de 933M sur la durée de la programmation. Quatre mesures seront proposées en particulier au personnel militaire : la « promotion fonctionnelle », la pension afférente au grade supérieur, le pécule dincitation au départ et la « disponibilité rénovée ». Je me tiens à votre disposition pour revenir au moment des questions sur telle ou telle de ces mesures.
Il ny aura donc ni dégagement des cadres ni mesures brutales. La déflation des effectifs sera obtenue par les départs naturels, les départs incités et un ajustement des recrutements, limpact sur ces derniers étant limité au maximum pour tenir compte des impératifs opérationnels qui réclament un personnel jeune et physiquement apte.
Au-delà même de ce plan daccompagnement il faudra suivre une méthode à laquelle jattache beaucoup de prix : celle de lécoute, celle de la concertation, celle de lanalyse fonctionnelle. Le ministère a trop connu de réformes appliquées de manière brutale pour quil puisse envisager cette déflation de la même manière. Au contraire, je veux prendre le temps. Une période de concertation, découte et danalyse fonctionnelle précèdera donc les réductions. Jen ai confié la responsabilité au Secrétaire général pour ladministration et au directeur des ressources humaines, en lien avec les états-majors. Lobjectif nest pas de rechercher des coupes purement arithmétiques dans les effectifs ; cest datteindre un modèle simplifié, davantage cohérent ; et bien sûr de supprimer les doublons.
De la même façon, le dialogue et la concertation doivent permettre de faire émerger des évolutions positives de la condition du personnel et de la condition militaire en particulier. Celle-ci, le rapport annexé lénonce avec force, est à mes yeux un élément constitutif de la capacité opérationnelle elle-même de nos armées. Un plan ministériel, prévu par la programmation, permettra détablir et de financer des pistes de facilitation sur ce sujet, dans les domaines du logement, de laide sociale et du soutien familial en particulier.
Sur les restructurations qui découlent de ces déflations deffectifs, jaurai la même méthode associant analyse, écoute, concertation. Là encore, je veux prendre le temps. Pour ce qui concerne les restructurations de lannée 2014, qui sont pour la plupart liées à la précédente programmation, nous annoncerons les sites concernés à la fin de ce mois.
En matière de restructurations, je connais toute limportance du dialogue avec les élus. A la tête du ministère de la défense, je dois dire que je noublie pas ma vie et mon expérience délu local dans un site de défense, qui a connu deux restructurations. Jai déjà commencé à recevoir les parlementaires et élus locaux qui ont souhaité me rencontrer. Je vais bien évidemment continuer et nous définirons avec le Premier ministre lensemble des mesures daccompagnement nécessaires.
Pour nous, lobjectif est de préserver au maximum les liens qui unissent les armées et les territoires jaurai donc une attention toute particulière à ce que la Défense reste, dans la mesure du possible, largement présente sur le territoire national. Mais notre objectif est aussi, pour les sites que nous serons amenés à fermer, de permettre une transition dans les meilleures conditions possibles. Javancerai en tout cas dans ce domaine avec le souci constant du contexte territorial, économique et social des mesures qui seront décidées. A cette fin, un accompagnement économique est prévu par ce projet de LPM. Cet accompagnement tire les enseignements des précédentes restructurations et notamment du risque déparpillement des fonds publics. Désormais, les actions de lEtat seront donc davantage concentrées, et recentrées sur un nombre limité dactions, parmi les plus efficaces pour la redynamisation des bassins demploi. 150 M seront au total consacrés à laccompagnement économique des territoires les plus affectés. Ce plan, en outre, sera complété par un dispositif daide au profit des PME, appuyé sur la Banque publique dinvestissement. Un préfet sera à mes côtés pour le suivi de ces mesures. Je sais que sa longue expérience des politiques territoriales le rendra particulièrement attentif aux enjeux du dialogue qui doit rassembler le ministère et les élus locaux en particulier.
Enfin, je voudrais souligner combien ce projet de loi de programmation militaire, au-delà des éléments que jai déjà évoqués, se consacre à la préparation de lavenir, en permettant ladaptation de larmée daujourdhui aux guerres de demain.
Cest pour moi loccasion dévoquer notre politique industrielle de défense. Les chiffres sont connus mais on gagne à les rappeler : 4 000 entreprises, dont une majorité de PME/ETI ; 165 000 emplois directs, qui sont autant demplois hautement qualifiés et donc peu délocalisables ; un chiffre daffaire global denviron 15 Mds, dont 30 à 40 % réalisé à lexport.
Pour la France, cest un outil exceptionnel. Dabord parce que notre industrie de défense concourt à notre autonomie stratégique on peut dailleurs raisonnablement considérer que derrière chaque succès des armes de la France, comme tout récemment au Mali, il y a des réussites technologiques et industrielles. Préparer nos futurs engagements, cest donc aussi sassurer que nous pourrons disposer des équipements au meilleur niveau. Mais notre industrie de défense concourt aussi au dynamisme de notre économie. A cet égard, cest lune des premières du monde, comme les grands contrats obtenus aux Emirats viennent encore de le rappeler. Elle doit le demeurer.
Cest pour cet ensemble de raisons que lindustrie de défense est au cur du projet de loi de programmation. Les crédits consacrés à linvestissement et à léquipement au profit de nos forces, qui seront comme je lai dit tout à lheure de 17,1 Mds en moyenne annuelle sur les six ans à venir, concernent chacun des neufs secteurs majeurs de lindustrie de défense.
En matière de préparation de lavenir, lambition dont vont aussi bénéficier nos industries de défense concerne le maintien dun effort substantiel de recherche et technologie. Cest un objectif majeur de la présente loi, avec des crédits consacrés aux études amont qui représenteront plus de 730 M en moyenne annuelle sur la période 2014-2019, en hausse par rapport à la période précédente.
Ces crédits détudes amont bénéficieront au renouvellement des deux composantes de la dissuasion, à lavenir de laéronautique de combat, à la lutte sous-marine, dans le domaine terrestre à la poursuite des efforts sur la protection des véhicules, des équipages et des combattants, mais aussi au renseignement, à la montée en puissance de la cyberdéfense ou encore à lespace, pour ne citer que quelques exemples. Dune façon générale, leffort de coopération avec la recherche civile sera poursuivi, notamment par laugmentation du soutien aux PME-PMI-ETI innovantes que permet le pacte défense PME. Dans la même perspective, le dispositif RAPID (régime dappui aux PME pour linnovation duale) sera pérennisé et renforcé avec 50 M par an, contre 40M en 2013.
La préparation de lavenir, cest aussi lévolution du cadre juridique de notre défense. Il me faut dire quelques mots ici des novations normatives contenues dans ce projet de loi de programmation, dautant que plusieurs sont particulièrement importantes.
J'insisterai particulièrement sur trois domaines pour lesquels le projet de loi innove réellement, dune part en adaptant le droit aux défis d'aujourd'hui et dautre part en le préparant à ceux de demain.
Dans le domaine du renseignement d'abord, il renforce, autant que le permettait la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la séparation des pouvoirs, le rôle et les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Ce contrôle accru permettra douvrir ou de sécuriser certains dispositifs de collecte de données et de consultation de fichiers existants, qui sont offerts aux services de renseignement. Ces derniers ont en effet besoin d'avoir accès à une information riche et diversifiée pour repérer les signaux faibles et détecter suffisamment tôt les risques, notamment terroristes, mais plus généralement d'atteinte à nos intérêts fondamentaux.
Le projet de loi innove aussi dans le domaine de la cyberdéfense. Sont précisées, pour la première fois, les obligations que l'Etat peut imposer aux opérateurs d'importance vitale pour la France en matière de sécurisation de leurs systèmes d'information. Pour la première fois aussi, le droit prend en compte les besoins des services de l'Etat de défendre efficacement les systèmes d'information les plus sensibles contre les attaques informatiques. Y compris par des procédés qui, s'ils ne répondaient à cet objectif légitime de préservation de la sécurité nationale, seraient pénalement répréhensibles.
Enfin, comme le Président de la République l'avait expressément demandé, le projet de loi met en place divers outils juridiques permettant d'éviter une judiciarisation inutile de l'action des militaires engagés en opération extérieure. L'objectif n'est pas de consacrer une quelconque immunité pénale au profit des militaires, qu'il s'agisse du commandement ou des hommes et des femmes du rang. Il s'agit plus simplement de faire prendre en compte par le droit pénal la réalité de ce qu'est un conflit armé ; il sagit de trouver un compromis entre un droit pénal d'exception qui est celui du temps de guerre, qui n'a heureusement plus servi en France depuis le dernier conflit mondial, et le droit commun qui est adapté au temps de paix. Sur certains aspects, ce droit commun peut en effet être en décalage, voire franchement inadapté aux réalités des conflits dans lesquels nos militaires sont engagés et sont prêts à donner leur vie comme d'ailleurs à donner la mort.
Je veillerai par ailleurs, mais cela n'avait pas sa place dans le projet de loi, à ce que les mécanismes d'information, d'accompagnement et d'indemnisation des familles des militaires blessés ou tués au combat, soient encore amélioré.
La préparation de lavenir, cest également la réorganisation du ministère, cest-à-dire la réforme de la gouvernance, qui fait lobjet dune clarification et dune simplification, et la modernisation avec le regroupement des états-majors, directions et services centraux sur le site de Balard. Lenjeu est pluriel : outre la rationalisation des effectifs de ladministration centrale et loptimisation du coût du soutien, il devrait résulter de ces évolutions une amélioration de la gouvernance du ministère et une modernisation des conditions de travail des agents du ministère, civils et militaires.
La préparation de lavenir, cest encore leffort particulier que nous consentons dans les domaines de la cyberdéfense et du renseignement. Au-delà des programmes, il convient de relever que ce projet de loi prend en compte cette nouvelle donne stratégique quest la cyberdéfense. En la matière, il prévoit une adaptation de notre droit, le renforcement de nos capacités, la mise en place dune organisation et dune chaîne opérationnelle centralisée, ainsi quun effort important en termes détudes amont. Le renseignement est une autre priorité, conformément au Livre blanc et aux engagements du Président de la République. Jai déjà cité les moyens nouveaux dont nous disposerons en la matière, autant que le contrôle parlementaire renforcé.
La préparation de lavenir, cest enfin le renforcement du lien Armée-Nation. Lenjeu de ce renforcement, cest à la fois la cohésion nationale, ladhésion de la Nation à la politique de défense, mais également la reconnaissance du métier des armes, le recrutement et la résilience des populations face aux crises. Plusieurs actions vont être ici menées, dans le cadre de cette programmation. Elles concernent la réserve militaire, dans ses deux composantes opérationnelle et citoyenne, une rénovation du parcours de citoyenneté, avec notamment une réflexion qui est actuellement engagée sur la journée défense et citoyenneté. Mais lassociation plus étroite de la Représentation nationale aux décisions qui concernent la politique de défense relève aussi de ce lien entre lArmée et la Nation que nous devons promouvoir. Le renforcement de linformation des élus, en ce qui concerne notamment le suivi des dotations financières, des opérations extérieures ou encore des exportations darmement, est pour nous un objectif de très court terme. Je viendrai dailleurs devant le Parlement dans les prochains jours, comme je lavais fait lannée dernière, pour présenter le rapport annuel au Parlement sur les exportations darmement.
Je voudrais simplement conclure en disant que lexécution quelque peu heurtée de la précédente LPM a démontré la nécessité de prévoir un dispositif de suivi et dactualisation de la LPM, comme du Livre blanc dailleurs. Lexécution de la présente LPM fera donc lobjet dun suivi annuel, au niveau du Conseil de défense. Un rapport annuel dexécution sera également transmis aux commissions compétentes du Parlement. Dans la même logique, une première actualisation de la LPM devra avoir lieu fin 2015. Elle permettra notamment de faire le point sur lactivité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations deffectifs et la mise en uvre des réformes. Au bout de quatre ans, la présente LPM sera révisée pour conduire à lélaboration dune nouvelle loi de programmation.
Voilà donc dans ses grandes lignes le cadre fixé par ce projet de loi de programmation militaire. Cest un cadre équilibré, car nous avons eu le souci constant dune répartition équitable de leffort entre les trois armées et, au-delà, entre les différentes entités du ministère.
Pour le dire en un mot, ce cadre est le bon, parce quil va nous permettre dadapter nos armées daujourdhui aux menaces de demain, dans un contexte qui rendait particulièrement difficile ce travail essentiel. Nous lavons mené et je crois que nous pouvons en être fiers.
Ce projet de LPM est laboutissement dun travail de plusieurs mois qui a réuni les états-majors, la DGA, le SGA et lensemble des services du ministère dans une réflexion commune. Surtout, nous lavons élaboré en ne cessant de penser à lopération SERVAL, qui se déroulait dans le même temps, comme à la manière très professionnelle dont a été conduit notre désengagement progressif dAfghanistan. Toujours, nous avons donc gardé à lesprit la raison dêtre de notre défense et lengagement de celles et ceux qui la servent si bien. Je forme le vu quune même pensée guide nos débats cet automne.
Je vous remercie pour votre attention et je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 septembre 2013