Texte intégral
PATRICK COHEN
La France doit redevenir, va redevenir une grande nation industrielle en créant les objets du futur : train, voiture, textile, biocarburant, objets connectés. Une reconquête qui pourrait créer près de 500 000 emplois en 10 ans, voilà ce quon va entendre ce matin à lElysée, par la voix de François HOLLANDE et celle de son ministre Arnaud MONTEBOURG. Et à cela vous ny croyez pas du tout, bonjour, Augustin LANDIER. Vous êtes professeur à lécole déconomie de Toulouse, vous signez avec un autre prof déconomie David THESMAR, « 10 idées qui coulent la France. » Vous allez nous en exposer quelques-unes. Et puis la ministre qui vous fait face, Fleur PELLERIN vous donnera la réplique. Première idée fausse, donc selon vous, celle qui consiste à penser que la France a encore un avenir industriel. Et pour reprendre le mot de Louis GALLOIS, il ne peut y avoir déconomie forte sans industrie forte. Pourquoi ce nest pas vrai ?
AUGUSTIN LANDIER
Alors ça dépend ce que lon appelle « industrie » mais pour ce qui est de fabriquer des vrais objets matériels, là, on pense que vraiment on marche sur la tête. Cette idée quon va se remettre à fabriquer des objets, que cest ça qui va créer des emplois. Ce nest pas du tout ce que lon voit dans les tendances, dans les donnée. Et la France nest pas du tout pathologique là-dessus. Toutes les économies développées se désindustrialisent. Cest le cas aussi bien de la France que de lAllemagne, que des Etats-Unis, que de lAngleterre, que de la Suède.
PATRICK COHEN
LAngleterre ne se réindustrialise pas un petit peu, il y a JAGUAR, des voitures
AUGUSTIN LANDIER
Il y a des phénomènes à la marge, mais il faut dézoomer, il ne faut pas regarder des tendances sur trois mois. Quand on regarde les grandes tendances sur les 20 dernières années, il ny a aucune ambiguïté, tous ces pays suivent à peu près le même trend, la même tendance, et il ny a pas du tout de quoi sen inquiéter. C'est-à-dire limmatériel occupe une place de plus en plus importantes dans nos vies et donc exactement comme il y a un siècle. Lagriculture a basculé dans lindustrie, et beaucoup de ministres sen inquiétaient, Jules MELINE à lépoque a écrit « le retour à la terre » et il voulait faire des trains pour ramener les ouvriers à la terre. Il avait très, très peur de ce qui allait se passer et on ne voyait pas où ça allait, où ça allait finir cette histoire de basculement de lagriculture dans lindustrie. Aujourdhui lindustrie bascule dans les services, dans le monde de limmatériel, il y a de la technologie derrière. Ce nest pas que les emplois non qualifiés, il y a beaucoup de technologies, il y a du numérique, il y a du big data, mais ce nest pas de lindustrie au sens traditionnel, au sens où on ne fabrique pas des objets, matériels, pas toujours
PATRICK COHEN
Oui, vous soulignez quaujourdhui, les secteurs des services et de lindustrie sont très imbriqués lun dans lautre. Et que la plus-value dans le secteur industriel elle vient des services, c'est-à-dire expliquez-nous ?
AUGUSTIN LANDIER
Exactement ! Exactement ! Et le problème, alors le problème de la France, pour ce qui est de la création demploi, cest surtout des emplois non qualifiés, ces emplois-là, ils sont très, très massivement dans les services. Là, il ny a aucune ambiguïté là-dessus, lindustrie se robotise de plus en plus, sautomatise. On peut espérer quon va rapatrier quelques sites de production, moi, je ne dis pas du tout, il faut euthanasier les usines etc. il y a certainement quelques rapatriations, quelques relocalisations de sites qui auront lieu, on en voit quelques-unes substantielles aux Etats-Unis, vous parliez de lAngleterre, très bien, mais ce quil y a darrière, en fait, cest une seconde vague de robotisation très efficace, qui permet dautomatiser intégralement des processus de fabrication
PATRICK COHEN
Et là-dessus, on nest pas très en avance sur les robots ?
AUGUSTIN LANDIER
Alors il y a beaucoup à faire et donc cest très bien de rattraper ce retard, mais il ne faut pas se raconter dhistoire. Ce nest pas un retour aux usines fumantes, avec des quantités énormes demplois peu qualifiés à la clef. Ce nest pas du tout vers ça quon se dirige.
PATRICK COHEN
Pour vous, ces appels qui sont lancés aujourdhui, par lEtat, par le gouvernement, ça représente une forme de nostalgie et le fantasme de la planification vous écrivez ?
AUGUSTIN LANDIER
Cest la nostalgie des « 30 glorieuses » et dès que ça va mal en France, on se souvient de la dernière fois que ça allait très, très bien, c'est-à-dire les « 30 glorieuses » et cette période de rattrapage industriel qui a été très euphorisante avec des taux de croissance très élevés, où chaque année, ça allait mieux que lannée précédente, de manière très visible, très substantielle. Mais cette époque-là, elle nest pas reproductible. Parce que quand on rattrape, quand on a une économie qui est complètement détruite, le stock de capital a été intégralement détruit, là on peut vraiment programmer, lEtat peut programmer la reconstruction et distribuer les tâches et dire, vous vous faites les ponts, vous savez faire. Vous, vous faites les centrales nucléaires, on distribue les tâches, mais léconomie de linnovation contemporaine, ce nest pas une économie où on peut vraiment distribuer les tâches et dire vous vous allez faire le GOOGLE de 2030, et vous faites lAPPLE de 2050, ça, ça fonctionne pas.
( )
PATRICK COHEN
Face à vous, une ministre, bonjour Fleur PELLERIN.
FLEUR PELLERIN
Bonjour.
PATRICK COHEN
Ministre déléguée chargée des PME, de lInnovation et de lEconomie numérique, auprès dArnaud MONTEBOURG, donc, dont on parlait il y a un instant. Vous êtes nostalgique des usines fumantes comme le décrivait Augustin LANDIER, tout à lheure ?
FLEUR PELLERIN
Pas du tout, et je ne vois pas du tout dans le plan qui va être présenté tout à lheure par le président de la République, ces usines fumantes, cet espèce de ringardise, dun plan qui serait une sorte de gosplan, ce nest pas du tout lesprit de ce qui va être présenté ce matin. Et sans en dire trop, parce quévidemment, cest le président de la République qui va présenter cette démarche tout à lheure, lidée nest pas du tout dadministrer une stratégie industrielle ou de dire, à chacun de distribuer les rôles comme monsieur LANDIER le disait à linstant. Lidée, cest au contraire dessayer didentifier des éléments très importants, des secteurs importants qui sont déterminants pour à la fois pour léconomie de la connaissance, le développement de léconomie de la connaissance et de linnovation dont il parlait. Donc ça peut être le big data, le traitement passif des données, le développement dinformatique en nuage, qui sont aussi importants pour le secteur traditionnel de lindustrie qui aspire à se moderniser et je pense quon ne peut pas tout jeter à la poubelle. Derrière les usines, lindustrie, il y a aussi des hommes, des femmes qui travaillent. On en parle de façon très désincarnée en ayant un discours un peu schumpétérien, oui à la vieille industrie. Il faut la balancer à la poubelle. Ce nest pas comme ça, dans la réalité, aujourdhui, lindustrie et monsieur LANDIER, le disait, elle est de plus en plus interpénétrée avec les services, mais ça, ça fait très longtemps quon le sait, ce nest pas une découverte, et je ne lai pas appris en lisant le livre de monsieur LANDIER. Une voiture aujourdhui, cest 50 % de services, il y a des logiciels dedans, il y a du logiciel embarqué, il y a du GPS, il y a
PATRICK COHEN
La commercialisation, le financement
FLEUR PELLERIN
Il y a de la géolocalisation, il y a lassurance, donc cest 50 % de service, la valeur ajoutée dune voiture et pourtant, cest bien un produit ! Vous avez une montre connectée dedans, il y a la moitié de logiciels dintelligence dans ces nouveaux produits. Donc aujourdhui, lindustrie, on sait très bien quelle est complètement imbriquée avec les services et nous
PATRICK COHEN
Donc il y a un malentendu sur le mot en fait. Quand vous parlez dindustrie, vous parlez dindustrie au sens large, et pour parler, pour évoquer les objets du futur.
FLEUR PELLERIN
Oui, il y a un malentendu sur le mot « plan. » C'est-à-dire quon nest pas en train de dire, lEtat va mettre tant dargent et donner tant dargent à tel lobby pour quil développe une industrie qui na aucune chance de trouver un marché. Lidée, cest au contraire, dessayer didentifier des priorités pour justement moderniser lensemble de notre économie et laider à accomplir cette transition vers léconomie de la connaissance. Parce que cest facile de dire, il faut aller vers une industrie de service ou une économie de la connaissance, lEtat, ce quil fait, enfin le politique cest quil gère la transition, évidemment ! Moi, jaimerais bien dire aussi, il ny a quà, il faut quon, il faut quon soit une industrie à forte valeur ajoutée, ou une économie à forte valeur ajoutée, et quon créait des emplois dingénieurs et que la valeur soient créer par des emplois de cette nature-là. Oui, jaimerai bien dire ça, mais enfin, le politique, il a à gérer la transition, parce quon ne peut pas jeter les femmes et les hommes qui sont dans les usines et quon doit accompagner dans cette transition aussi, par de la formation continue, les reconversions etc. Donc voilà ! Les plans, ils ont juste, ils tracent juste une voix, pour léconomie quon souhaite créer pour lavenir. On voit bien que le laisser-faire du marché a conduit aujourdhui à ce quon nait plus finalement, un certain nombre, quon ne soit plus leader dans un certain nombre de domaines dans lesquels on était pourtant bien positionné. Aujourdhui, vous constatez quon na plus du tout de fabricant de Smartphone par exemple, alors quaujourdhui, on sait très bien, que dans léconomie numérique en particulier, la valeur sest beaucoup déplacée vers les Smartphones, vers le logiciel et vers les plates-formes aussi. Mais beaucoup moins vers les infrastructures et beaucoup plus vers les Smartphones. On nen fabrique plus un seul en France. Cest dommage, moi, je trouve que cest dommage. Et donc moi, je pense que lEtat stratège a un rôle à jouer pour éviter de nouvelles déconvenues de cette nature.
( )
PATRICK COHEN
Fleur PELLERIN vous répondez sur les Smartphones et puis sur la BPI, puisque vous êtes ministre des PME. Et puis ensuite, on marquera la pause et on reprendra le débat plus tard.
FLEUR PELLERIN
Sur les Smartphones, je citais cet exemple, pour moi désolé, mais enfin, vous constaterez tout à lheure et très prochainement, quil ny a pas de plan, justement pour dire, recréons un AIRBUS européen du Smartphone. On sait bien que cette bataille-là, elle est perdue. Donc on est très réaliste et très pragmatique dans notre approche. Ce quon essaie de faire aujourdhui, cest de bien se positionner sur des secteurs dans lesquels, il ny a pas encore dacteurs dominants. Les objets connectés, je le disais tout à lheure, le big data, le traitement massif des données, nous avons en France, dexcellents ingénieurs et une excellente école de mathématiques. On a de quoi former des analystes de données etc. donc ce sont des secteurs qui seront majeurs demain, pour léconomie, qui seront vraiment structurants et dans lesquels on peut prendre des positions dominantes. Donc cest là-dessus, cest vers ça quon soriente. Ce nest pas en se disant, recréons un AIRBUS des télécoms, enfin des équipements télécoms. On le sait très bien.
AUGUSTIN LANDIER
Vous voulez créer un AIRBUS du big data ?
FLEUR PELLERIN
Mais ce nest pas un AIRBUS du big data ! On essaie de faire en sorte que la formation, luniversité française, les grandes écoles françaises sorganisent pour apporter suffisamment de matières, dintelligence et de matières grises, à ce secteur pour quon ait de quoi alimenter cette filière.
AUGUSTIN LANDIER
Mais ça fait au moins 5 ans que tout le monde parle de big data, toutes les entreprises se sont positionnées sur ce sujet. Donc cest très bien de faire de la communication pour que les jeunes de 15 ans
FLEUR PELLERIN
Mais ce nest pas de la communication, les entreprises se positionnent, elles ne trouvent pas à recruter aujourdhui, danalyses de données, de data scientiste.
PATRICK COHEN
Donc cest un problème de formation alors ?
AUGUSTIN LANDIER
Ah ! Oui, cest dur dembaucher.
FLEUR PELLERIN
Cest un problème de formation, mais lEtat a un rôle à jouer en matière de formation monsieur LANDIER
AUGUSTIN LANDIER
Oui, bien sûr, ça je suis tout à fait de votre côté.
FLEUR PELLERIN
Voilà, cest ça la démarche. Cest ça la démarche. La démarche cest dessayer dorganiser et de créer le bon environnement pour que les filières puissent sorganiser et trouver la matière grise et trouver les moyens de se développer. Voilà !
PATRICK COHEN
Donc cest un plan daide aux universités essentiellement, dans ce qui va être annoncé aujourdhui ?
FLEUR PELLERIN
Ce nest pas un plan daide aux universités. Vous avez évoqué tout à lheure, le problème de financement, la BPI, vous savez que lEtat peut intervenir et vous savez parce que vous êtes économiste, lorsquil y a des défaillances de marché. Le financement de linnovation cest un problème de, cest un secteur qui pose un problème de défaillance des marchés, parce que cest risqué.
PATRICK COHEN
Mais cest pour créer de nouvelles écoles dingénieurs ?
FLEUR PELLERIN
Vous voyez bien que cest le petit bout de lorgnette, votre approche. Cest à la fois créer des écoles ou des formations adapter en tout cas, le système de formation aux besoins de léconomie de la connaissance et aux besoins de léconomie de demain, mais aussi réfléchir aux problèmes de financement. Cest essayer de faire, de mobiliser tous les leviers de croissance, qui aujourdhui, ne sont pas entièrement mobilisés dans des secteurs, dont nous pensons qui sont des secteurs davenir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2013
La France doit redevenir, va redevenir une grande nation industrielle en créant les objets du futur : train, voiture, textile, biocarburant, objets connectés. Une reconquête qui pourrait créer près de 500 000 emplois en 10 ans, voilà ce quon va entendre ce matin à lElysée, par la voix de François HOLLANDE et celle de son ministre Arnaud MONTEBOURG. Et à cela vous ny croyez pas du tout, bonjour, Augustin LANDIER. Vous êtes professeur à lécole déconomie de Toulouse, vous signez avec un autre prof déconomie David THESMAR, « 10 idées qui coulent la France. » Vous allez nous en exposer quelques-unes. Et puis la ministre qui vous fait face, Fleur PELLERIN vous donnera la réplique. Première idée fausse, donc selon vous, celle qui consiste à penser que la France a encore un avenir industriel. Et pour reprendre le mot de Louis GALLOIS, il ne peut y avoir déconomie forte sans industrie forte. Pourquoi ce nest pas vrai ?
AUGUSTIN LANDIER
Alors ça dépend ce que lon appelle « industrie » mais pour ce qui est de fabriquer des vrais objets matériels, là, on pense que vraiment on marche sur la tête. Cette idée quon va se remettre à fabriquer des objets, que cest ça qui va créer des emplois. Ce nest pas du tout ce que lon voit dans les tendances, dans les donnée. Et la France nest pas du tout pathologique là-dessus. Toutes les économies développées se désindustrialisent. Cest le cas aussi bien de la France que de lAllemagne, que des Etats-Unis, que de lAngleterre, que de la Suède.
PATRICK COHEN
LAngleterre ne se réindustrialise pas un petit peu, il y a JAGUAR, des voitures
AUGUSTIN LANDIER
Il y a des phénomènes à la marge, mais il faut dézoomer, il ne faut pas regarder des tendances sur trois mois. Quand on regarde les grandes tendances sur les 20 dernières années, il ny a aucune ambiguïté, tous ces pays suivent à peu près le même trend, la même tendance, et il ny a pas du tout de quoi sen inquiéter. C'est-à-dire limmatériel occupe une place de plus en plus importantes dans nos vies et donc exactement comme il y a un siècle. Lagriculture a basculé dans lindustrie, et beaucoup de ministres sen inquiétaient, Jules MELINE à lépoque a écrit « le retour à la terre » et il voulait faire des trains pour ramener les ouvriers à la terre. Il avait très, très peur de ce qui allait se passer et on ne voyait pas où ça allait, où ça allait finir cette histoire de basculement de lagriculture dans lindustrie. Aujourdhui lindustrie bascule dans les services, dans le monde de limmatériel, il y a de la technologie derrière. Ce nest pas que les emplois non qualifiés, il y a beaucoup de technologies, il y a du numérique, il y a du big data, mais ce nest pas de lindustrie au sens traditionnel, au sens où on ne fabrique pas des objets, matériels, pas toujours
PATRICK COHEN
Oui, vous soulignez quaujourdhui, les secteurs des services et de lindustrie sont très imbriqués lun dans lautre. Et que la plus-value dans le secteur industriel elle vient des services, c'est-à-dire expliquez-nous ?
AUGUSTIN LANDIER
Exactement ! Exactement ! Et le problème, alors le problème de la France, pour ce qui est de la création demploi, cest surtout des emplois non qualifiés, ces emplois-là, ils sont très, très massivement dans les services. Là, il ny a aucune ambiguïté là-dessus, lindustrie se robotise de plus en plus, sautomatise. On peut espérer quon va rapatrier quelques sites de production, moi, je ne dis pas du tout, il faut euthanasier les usines etc. il y a certainement quelques rapatriations, quelques relocalisations de sites qui auront lieu, on en voit quelques-unes substantielles aux Etats-Unis, vous parliez de lAngleterre, très bien, mais ce quil y a darrière, en fait, cest une seconde vague de robotisation très efficace, qui permet dautomatiser intégralement des processus de fabrication
PATRICK COHEN
Et là-dessus, on nest pas très en avance sur les robots ?
AUGUSTIN LANDIER
Alors il y a beaucoup à faire et donc cest très bien de rattraper ce retard, mais il ne faut pas se raconter dhistoire. Ce nest pas un retour aux usines fumantes, avec des quantités énormes demplois peu qualifiés à la clef. Ce nest pas du tout vers ça quon se dirige.
PATRICK COHEN
Pour vous, ces appels qui sont lancés aujourdhui, par lEtat, par le gouvernement, ça représente une forme de nostalgie et le fantasme de la planification vous écrivez ?
AUGUSTIN LANDIER
Cest la nostalgie des « 30 glorieuses » et dès que ça va mal en France, on se souvient de la dernière fois que ça allait très, très bien, c'est-à-dire les « 30 glorieuses » et cette période de rattrapage industriel qui a été très euphorisante avec des taux de croissance très élevés, où chaque année, ça allait mieux que lannée précédente, de manière très visible, très substantielle. Mais cette époque-là, elle nest pas reproductible. Parce que quand on rattrape, quand on a une économie qui est complètement détruite, le stock de capital a été intégralement détruit, là on peut vraiment programmer, lEtat peut programmer la reconstruction et distribuer les tâches et dire, vous vous faites les ponts, vous savez faire. Vous, vous faites les centrales nucléaires, on distribue les tâches, mais léconomie de linnovation contemporaine, ce nest pas une économie où on peut vraiment distribuer les tâches et dire vous vous allez faire le GOOGLE de 2030, et vous faites lAPPLE de 2050, ça, ça fonctionne pas.
( )
PATRICK COHEN
Face à vous, une ministre, bonjour Fleur PELLERIN.
FLEUR PELLERIN
Bonjour.
PATRICK COHEN
Ministre déléguée chargée des PME, de lInnovation et de lEconomie numérique, auprès dArnaud MONTEBOURG, donc, dont on parlait il y a un instant. Vous êtes nostalgique des usines fumantes comme le décrivait Augustin LANDIER, tout à lheure ?
FLEUR PELLERIN
Pas du tout, et je ne vois pas du tout dans le plan qui va être présenté tout à lheure par le président de la République, ces usines fumantes, cet espèce de ringardise, dun plan qui serait une sorte de gosplan, ce nest pas du tout lesprit de ce qui va être présenté ce matin. Et sans en dire trop, parce quévidemment, cest le président de la République qui va présenter cette démarche tout à lheure, lidée nest pas du tout dadministrer une stratégie industrielle ou de dire, à chacun de distribuer les rôles comme monsieur LANDIER le disait à linstant. Lidée, cest au contraire dessayer didentifier des éléments très importants, des secteurs importants qui sont déterminants pour à la fois pour léconomie de la connaissance, le développement de léconomie de la connaissance et de linnovation dont il parlait. Donc ça peut être le big data, le traitement passif des données, le développement dinformatique en nuage, qui sont aussi importants pour le secteur traditionnel de lindustrie qui aspire à se moderniser et je pense quon ne peut pas tout jeter à la poubelle. Derrière les usines, lindustrie, il y a aussi des hommes, des femmes qui travaillent. On en parle de façon très désincarnée en ayant un discours un peu schumpétérien, oui à la vieille industrie. Il faut la balancer à la poubelle. Ce nest pas comme ça, dans la réalité, aujourdhui, lindustrie et monsieur LANDIER, le disait, elle est de plus en plus interpénétrée avec les services, mais ça, ça fait très longtemps quon le sait, ce nest pas une découverte, et je ne lai pas appris en lisant le livre de monsieur LANDIER. Une voiture aujourdhui, cest 50 % de services, il y a des logiciels dedans, il y a du logiciel embarqué, il y a du GPS, il y a
PATRICK COHEN
La commercialisation, le financement
FLEUR PELLERIN
Il y a de la géolocalisation, il y a lassurance, donc cest 50 % de service, la valeur ajoutée dune voiture et pourtant, cest bien un produit ! Vous avez une montre connectée dedans, il y a la moitié de logiciels dintelligence dans ces nouveaux produits. Donc aujourdhui, lindustrie, on sait très bien quelle est complètement imbriquée avec les services et nous
PATRICK COHEN
Donc il y a un malentendu sur le mot en fait. Quand vous parlez dindustrie, vous parlez dindustrie au sens large, et pour parler, pour évoquer les objets du futur.
FLEUR PELLERIN
Oui, il y a un malentendu sur le mot « plan. » C'est-à-dire quon nest pas en train de dire, lEtat va mettre tant dargent et donner tant dargent à tel lobby pour quil développe une industrie qui na aucune chance de trouver un marché. Lidée, cest au contraire, dessayer didentifier des priorités pour justement moderniser lensemble de notre économie et laider à accomplir cette transition vers léconomie de la connaissance. Parce que cest facile de dire, il faut aller vers une industrie de service ou une économie de la connaissance, lEtat, ce quil fait, enfin le politique cest quil gère la transition, évidemment ! Moi, jaimerais bien dire aussi, il ny a quà, il faut quon, il faut quon soit une industrie à forte valeur ajoutée, ou une économie à forte valeur ajoutée, et quon créait des emplois dingénieurs et que la valeur soient créer par des emplois de cette nature-là. Oui, jaimerai bien dire ça, mais enfin, le politique, il a à gérer la transition, parce quon ne peut pas jeter les femmes et les hommes qui sont dans les usines et quon doit accompagner dans cette transition aussi, par de la formation continue, les reconversions etc. Donc voilà ! Les plans, ils ont juste, ils tracent juste une voix, pour léconomie quon souhaite créer pour lavenir. On voit bien que le laisser-faire du marché a conduit aujourdhui à ce quon nait plus finalement, un certain nombre, quon ne soit plus leader dans un certain nombre de domaines dans lesquels on était pourtant bien positionné. Aujourdhui, vous constatez quon na plus du tout de fabricant de Smartphone par exemple, alors quaujourdhui, on sait très bien, que dans léconomie numérique en particulier, la valeur sest beaucoup déplacée vers les Smartphones, vers le logiciel et vers les plates-formes aussi. Mais beaucoup moins vers les infrastructures et beaucoup plus vers les Smartphones. On nen fabrique plus un seul en France. Cest dommage, moi, je trouve que cest dommage. Et donc moi, je pense que lEtat stratège a un rôle à jouer pour éviter de nouvelles déconvenues de cette nature.
( )
PATRICK COHEN
Fleur PELLERIN vous répondez sur les Smartphones et puis sur la BPI, puisque vous êtes ministre des PME. Et puis ensuite, on marquera la pause et on reprendra le débat plus tard.
FLEUR PELLERIN
Sur les Smartphones, je citais cet exemple, pour moi désolé, mais enfin, vous constaterez tout à lheure et très prochainement, quil ny a pas de plan, justement pour dire, recréons un AIRBUS européen du Smartphone. On sait bien que cette bataille-là, elle est perdue. Donc on est très réaliste et très pragmatique dans notre approche. Ce quon essaie de faire aujourdhui, cest de bien se positionner sur des secteurs dans lesquels, il ny a pas encore dacteurs dominants. Les objets connectés, je le disais tout à lheure, le big data, le traitement massif des données, nous avons en France, dexcellents ingénieurs et une excellente école de mathématiques. On a de quoi former des analystes de données etc. donc ce sont des secteurs qui seront majeurs demain, pour léconomie, qui seront vraiment structurants et dans lesquels on peut prendre des positions dominantes. Donc cest là-dessus, cest vers ça quon soriente. Ce nest pas en se disant, recréons un AIRBUS des télécoms, enfin des équipements télécoms. On le sait très bien.
AUGUSTIN LANDIER
Vous voulez créer un AIRBUS du big data ?
FLEUR PELLERIN
Mais ce nest pas un AIRBUS du big data ! On essaie de faire en sorte que la formation, luniversité française, les grandes écoles françaises sorganisent pour apporter suffisamment de matières, dintelligence et de matières grises, à ce secteur pour quon ait de quoi alimenter cette filière.
AUGUSTIN LANDIER
Mais ça fait au moins 5 ans que tout le monde parle de big data, toutes les entreprises se sont positionnées sur ce sujet. Donc cest très bien de faire de la communication pour que les jeunes de 15 ans
FLEUR PELLERIN
Mais ce nest pas de la communication, les entreprises se positionnent, elles ne trouvent pas à recruter aujourdhui, danalyses de données, de data scientiste.
PATRICK COHEN
Donc cest un problème de formation alors ?
AUGUSTIN LANDIER
Ah ! Oui, cest dur dembaucher.
FLEUR PELLERIN
Cest un problème de formation, mais lEtat a un rôle à jouer en matière de formation monsieur LANDIER
AUGUSTIN LANDIER
Oui, bien sûr, ça je suis tout à fait de votre côté.
FLEUR PELLERIN
Voilà, cest ça la démarche. Cest ça la démarche. La démarche cest dessayer dorganiser et de créer le bon environnement pour que les filières puissent sorganiser et trouver la matière grise et trouver les moyens de se développer. Voilà !
PATRICK COHEN
Donc cest un plan daide aux universités essentiellement, dans ce qui va être annoncé aujourdhui ?
FLEUR PELLERIN
Ce nest pas un plan daide aux universités. Vous avez évoqué tout à lheure, le problème de financement, la BPI, vous savez que lEtat peut intervenir et vous savez parce que vous êtes économiste, lorsquil y a des défaillances de marché. Le financement de linnovation cest un problème de, cest un secteur qui pose un problème de défaillance des marchés, parce que cest risqué.
PATRICK COHEN
Mais cest pour créer de nouvelles écoles dingénieurs ?
FLEUR PELLERIN
Vous voyez bien que cest le petit bout de lorgnette, votre approche. Cest à la fois créer des écoles ou des formations adapter en tout cas, le système de formation aux besoins de léconomie de la connaissance et aux besoins de léconomie de demain, mais aussi réfléchir aux problèmes de financement. Cest essayer de faire, de mobiliser tous les leviers de croissance, qui aujourdhui, ne sont pas entièrement mobilisés dans des secteurs, dont nous pensons qui sont des secteurs davenir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2013