Déclaration de M. Kader Arif, ministre des anciens combattants, sur le 70e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, à Caen le 4 avril 2013.

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Circonstance : Installation du comité de pilotage élargi du 70e anniversaire du débarquement, à Caen (Calvados) le 4 avril 2013

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Monsieur le président du conseil régional,
Messieurs les présidents des conseils généraux,
Amiral,
Mesdames et messieurs les représentants d’associations du monde combattant,
Mesdames, messieurs,
Je tiens à vous remercier pour votre présence, si nombreux, pour cette réunion dont je ne peux que souligner l’importance.
Elle marque en effet le lancement de ce qui sera, à n’en pas douter, l’un des moments exceptionnels du cycle mémoriel du 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale.
Partout en France, mais aussi souvent à l’étranger, cette date du 6 juin 1944 résonne dans les mémoires. Elle fait écho à ces images bouleversantes, maintes fois reprises sur grand ou petit écran, et transmises de génération en génération : le récit du chaos, le récit du sacrifice, mais surtout le récit de la solidarité entre les peuples, pour lutter contre l’idéologie destructrice du nazisme.
L’histoire du débarquement de Normandie imprègne encore cette terre, et notamment ce mémorial, inauguré en 1988 par le Président François Mitterrand. Permettez-moi d’ailleurs de remercier son président, le député-maire de Caen Philippe Duron, et son directeur général, Stéphane Grimaldi, pour l’accueil chaleureux qui nous est fait en ce lieu unique.
Le 6 juin 1944 marque un tournant dans l’histoire de France, et au-delà dans le déroulement de la guerre.
Ce jour-là, 1 213 bateaux de guerre, 736 navires de soutien, 864 cargos et 4 126 engins et péniches débarquent 20 000 véhicules et 156 000 hommes sur les plages de Normandie. L’opération «Overlord» est sans précédent, par son ampleur et par sa portée.
Le Général De Gaulle, lui qui avait maintenu pendant les années noires la flamme d’une France libre et vivante, aura le 6 juin ces mots célèbres, prononcés à la BBC : « Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes, voici que reparaît le soleil de notre grandeur ».
Car c’est réellement le tournant de la guerre qui est amorcé le 6 juin. Avec la bataille de Normandie, les villes sont libérées les unes après les autres : le port de Cherboug le 26 juin, la ville de Caen le 10 juillet, puis peu à peu les troupes alliées progressent : Brest, Nantes, le Mans, Saint-Malo sont libérées début août, puis bien sûr Paris le 25 août.
Il nous faut toujours garder à l’esprit cette vision globale, plaçant dans la continuité le débarquement du 6 juin, la bataille de Normandie, et la libération du territoire qu’ils rendirent possible.
En Normandie, cette bataille engendre une exceptionnelle souffrance pour la population civile. 50 000 victimes normandes, 20 000 dans le seul Calvados, souvenons-nous de ces chiffres, et rendons toujours hommages à ceux qui furent sacrifiés.
Le 6 juin reste une date majeure, non seulement par sa force symbolique, mais aussi parce qu’elle s’inscrit dans un calendrier commémoratif unique. Il m’apparaît donc nécessaire, dans un premier temps, de replacer ce 6 juin 2014 dans le programme qu’a souhaité définir et coordonner l’État.
Ce cycle mémoriel sera structuré autour de deux dates butoirs :
- Le 27 mai 2013, 70e anniversaire de la création du Conseil National de la Résistance, du regroupement de tous ceux qui dirent non à l’occupation et au gouvernement de Vichy, sous l’autorité du général De Gaulle.
- Les 7, 8 et 9 mai 2015, pour la clôture de ce cycle, à la fois rappel historique – les 7 et 8 mai pour la signature de la capitulation des armées allemandes à Reims puis à Berlin, et rappel du temps présent avec le 9 mai – journée de l’Europe.
A l’intérieur de ces 23 mois, trois séquences sont individualisées :
- L’année de la résistance intérieure (2013)
- L’année de la libération (2014)
- L’année enfin des déportés, de la victoire et de la paix (2015)
Le 70e anniversaire du débarquement en Normandie s’intègre ainsi comme le point majeur de l’année 2014.
Aux côtés du 6 juin, 10 autres grandes cérémonies nationales structureront cette année commémorative :
- Trois cérémonies d’hommage aux maquisards (plateau des Glières, Vercors, Mont Mouchet)
- Deux libérations de villes (Paris et Strasbourg)
- Une grande bataille (la campagne d’Italie)
- Trois drames (Oradour-sur-Glane, Tulle, Maillé)
- Et l’autre débarquement (Provence)
Ce 70e anniversaire a une extrême importance.
Les derniers résistants du Vercors, les derniers déportés d’Auschwitz, les derniers combattants du 6 juin… tous ces héros seront parmi nous, et ce sont eux que nous aurons à coeur de célébrer. Eux et les valeurs qu’ils ont défendues et qu’ils incarnent.
Alors que le centenaire de la première guerre mondiale sera une commémoration de raison, où les lieux porteront la mémoire, le 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale sera une commémoration de l’émotion et de la transmission. Il s’agira de commémorations incarnées.
Ne nous trompons pas. Le 6 juin l’émotion sera au rendez-vous en Normandie, et au-delà à travers les images que la télévision diffusera en France et dans une partie importante du monde.
Permettez-moi de rappeler ici l’histoire de ces commémorations. Et de souligner l’action essentielle du Comité du Débarquement. C’est à cette structure, dirigée hier par le ministre Raymond Triboulet – l’un de mes illustres prédécesseurs, et aujourd’hui par l’Amiral Brac de la Perrière que je salue, que nous devons la mise en place des premières commémorations.
C’est elle qui a imaginé de regrouper les nations ayant eu des combattants le 6 juin pour partager les cérémonies, c’est elle qui a proposé de privilégier chaque année un secteur phare pour la commémoration, c’est elle enfin qui a su maintenir au sein de cette page de notre mémoire universelle, la présence de la France et en particulier l’hommage et le respect que nous devons à celui qui, chef de la France libre, fut l’homme du renouveau de la Nation – le Général De Gaulle.
Le temps de la Mémoire, cette période que découvre le monde occidental à partir des années 1980, a marqué un fort tournant dans les commémorations du D-Day.
1984, l’année du 40e anniversaire, fut illustrée par la création d’une cérémonie internationale organisée sur une plage et rassemblant les chefs d’État des nations ayant eu des soldats au combat. Elle fut marquée aussi par la volonté de donner à chaque nation la possibilité de rendre un hommage particulier à leurs soldats sur un lieu spécifique.
Les commémorations des 50e et 60e anniversaires ont approfondi le concept du 40e anniversaire.
Le nombre des chefs d’État invités s’élargit, la cérémonie internationale se densifia, les cérémonies bilatérales prirent davantage d’ampleur.
Mais au-delà même de cette seule journée du D-Day, une véritable politique mémorielle est née, autour de plusieurs acteurs :
- Les collectivités territoriales : le conseil régional, les conseils généraux, les communes
- Les associations mémorielles, si nombreuses et si diverses
- Et les grandes institutions, dont le Mémorial de Caen, qui nous accueille aujourd’hui et qui reste une référence.
Le D-Day apparaît aujourd’hui comme l’élément émergé d’une politique large, dense et forte, dont l’orientation pédagogique, culturelle et touristique est fondamentale.
Aujourd’hui c’est bien cela qui est au centre des réflexions. Aujourd’hui, en installant ce Comité de pilotage du 70e anniversaire du débarquement, c’est cette politique mémorielle globale que nous avons en ligne de mire.
Le 6 juin 1944, le débarquement a marqué un basculement de l’histoire du monde. Le 6 juin 2014, les commémorations du débarquement imposeront la Normandie comme le lieu de référence d’une mémoire universelle, et par là même comme un lieu central du tourisme de mémoire. Cette démarche trouvera sa pleine reconnaissance avec l’inscription des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’Unesco.
Voilà donc notre feuille de route. A travers l’hommage rendu aux derniers combattants du débarquement, imposer la Normandie comme le territoire d’une mémoire mondiale.
Ce défi nécessite la création de structures de gouvernance forte. A l’échelon national, le gouvernement a décidé de créer une mission interministérielle chargée de coordonner les deux grands cycles mémoriels du 70e anniversaire et du centenaire de la Grande Guerre. Cette mission, j’en assure la présidence. Elle est à l’oeuvre.
A l’échelon régional (en Normandie) j’ai souhaité que soit créé un comité de pilotage co-présidé par l’État (à travers le préfet de région) et par le conseil régional (à travers son président). Ce choix traduit l’engagement de l’État pour la Normandie, il traduit aussi un appel à la cohésion, à travers l’union de ces trois départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne.
Quatre ambitions doivent l’animer :
- Rendre un hommage exceptionnel aux derniers combattants de ce tournant de notre histoire universelle,
- Ne laisser aucun acteur mémoriel sur le bord du chemin,
- Rendre cohérent le message que nous souhaitons diffuser,
- Et réussir pleinement l’accueil de tous ceux que la Normandie hébergera en 2014 : chefs d’État, anciens combattants, touristes et jeunesse du monde.
Ensemble, nous devons réussir le grand défi du 70e anniversaire. Ensemble, nous le réussirons. Je vous remercie.
Source http://www.le70e-normandie.fr, le 17 septembre 2013