Déclaration de M. Kader Aif, ministre des anciens combattants, en hommage aux anciens combattants britanniques et français du débarquement du 6 juin 1944, à Ouistreham le 6 juin 2013.

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Circonstance : 69e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944-Cérémonie en hommage au commando Kieffer, à Ouistreham (Calvados) le 6 juin 2013

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs les députés,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Amiral,
Mesdames et messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Messieurs les membres du commando Kieffer et les fusiliers marins,
Mesdames, messieurs,
Je dois vous dire que c’est avec un immense plaisir et une profonde émotion que je suis ici parmi vous. Le débarquement de Normandie est un marqueur de notre histoire nationale et de l’histoire du monde.
Mélange de sable et de sang. Sang versé sur ces plages. Courage crié au-delà de la brume terrifiante de ce matin du 6 juin 1944. Fierté des soldats dont nous honorons aujourd’hui la mémoire.
Mémoire des alliés, Américains d’Omaha et d’Utah, Canadiens de Juno, Britanniques de Gold et de Sword, combattants de toutes les nations engagées contre l’armée hitlérienne, dont les destins furent à jamais liés ce jour-là.
La France en garde une reconnaissance éternelle pour ces soldats venus d’ailleurs. Ils avaient 20 ans. Ils étaient prêts à donner leur vie pour la France, pour l’Europe, pour que le monde soit débarrassé de la barbarie nazie.
De ces corps et de ces âmes meurtris par ces affrontements d’une violence extrême, allait naître une amitié sincère et durable, pilier des relations entre nos pays, pilier de la paix.
Je suis, vous le savez, comme vous tous, profondément attaché à cette mémoire, à la mémoire qui nous lie à ces pays, et à tous ceux qui ont participé au débarquement.
C’est pourquoi je suis fier, heureux et ému de vous annoncer que c’est sur la plage de Sword, en secteur britannique, que se tiendra l’an prochain la cérémonie internationale du 70e anniversaire du débarquement.
Nous avons fait le choix d’une plage, nous aurions pu les choisir toutes. Symboliquement n’en faire qu’une. Par le passé, d’autres plages ont été choisies.
Aujourd’hui c’est un hommage à nos amis britanniques, mais aussi une reconnaissance des hommes du commando Kieffer. Français parmi les Français.
Un hommage à la Grande-Bretagne, elle qui seule a tenu tête à l’Allemagne jusqu’en juin 1941. Nous rappellerons en particulier, comment, en dépit de pertes sévères, leur engagement et leur détermination permirent de percer à « La Brèche », et de prendre à revers le redoutable système défensif mis en place par l’ennemi devant Ouistreham.
Nous conterons l’histoire des vies brisées et des destins révélés, à l’image de Bill Millin, joueur de cornemuse personnel de Lord Lovat, qui le 6 juin n’hésita pas à traverser le champ de bataille, à découvert, sans autre arme que son instrument, pour entraîner ses camarades et leur donner le courage d’aller affronter l’ennemi.
Dans ce qui fut une mobilisation internationale sans précédent, deux nations occupent également une place particulière. Il s’agit, vous l’aurez compris, des États-Unis et du Canada. C’est pourquoi, parmi les cérémonies bilatérales qui seront organisées l’an prochain, le Président de la République proposera à nos amis deux cérémonies bilatérales de haut niveau, à Omaha et à Juno.
Nous savons ce que nous devons à nos Alliés, à nos frères d’armes, à nos amis venus combattre pour des valeurs qui nous dépassent et nous unissent : la liberté et la démocratie. Cette solidarité unique, inscrite en lettres de sang, sera mise à l’honneur lors des commémorations du 6 juin 2014.
Mais déjà ce matin, devant la flamme du commando Kieffer, je souhaite rendre hommage aux soldats français du débarquement. 177. Vous n’étiez que 177 Français à débarquer le 6 juin. Vous êtes aujourd’hui 11, dont 3 présents parmi nous, et c’est pour moi un honneur : Louis Gautier, Jean Morel et René Rosset.
Mobilisés, recrutés et entraînés grâce à la volonté d’un homme, Philippe Kieffer, qui en janvier 1942 mit sur pieds cette compagnie, qui ne comptait alors qu’une vingtaine de volontaires. Entraînés en Écosse, poussés au bout de vos capacités physiques et mentales, sélectionnés sur les critères les plus stricts, vous constituez un corps d’élite.
Le Commandant Kieffer aura ces mots, une semaine avant le jour J : « il n’y a peut-être pas dix d’entre vous qui reviendront. Celui qui ne veut pas y aller peut très bien ne pas débarquer, je ne lui en voudrai pas ». Vous êtes tous restés. Et nous sommes honorés, je suis profondément honoré, de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui.
Le 5 juin 1944, vos 450 compagnons des 3e et 4e bataillons du SAS, eux aussi Français, sont parachutés en Bretagne. Leur mission : bloquer, par tous les moyens, la progression des 150 000 soldats ennemis qui y sont stationnés. Cette mission fut pleinement remplie.
Le lendemain, vous débarquez. Permettez-moi, je viens de vous citer, de m’adresser à nouveau à vous, messieurs Léon Gautier, Jean Morel et René Rosset, parce que votre présence ici donne une force à cette cérémonie que rien ne peut égaler.
Je ne sais pas ce que j’aurais fait, mais je suis sûr d’une chose, c’est que mon rêve d’homme aurait été de vous ressembler.
Vous, messieurs, vous avez débarqué. Vous, commando Kieffer, avez été les premiers à toucher le sol français. L’on pourrait dire de vous que vous êtes un symbole, et même si votre modestie vous en empêche, vous êtes plus qu’un symbole, vous êtes une légende. Et l’histoire des hommes est construite sur des légendes comme vous.
Je ne reviendrai pas sur les détails de ces heures, qui furent peut-être parmi les plus brutales de la seconde guerre mondiale. Mais elles furent décisives pour la reconquête de la liberté.
Nos concitoyens ont à l’esprit cette date emblématique du 6 juin. Elle est marquante, déchirante, fascinante. Elle fut une épreuve mais elle fut aussi une espérance.
Mais ce qui était le débarquement de Normandie devint peu à peu la bataille de Normandie, se prolongeant sur de longs jours, de longues semaines. Entraînant avec elle, aux côtés de la souffrance des soldats, la souffrance d’une population civile tant oubliée et pourtant si touchée.
Vous, membres du commando Kieffer, vous êtes également l’incarnation de cette réalité, puisque vous avez participé à la totalité de la bataille de Normandie. 80 jours. Vous n’avez jamais été relevés.
Aux soldats valeureux que vous avez été, aux porteurs de mémoire que vous êtes aujourd’hui, aux défenseurs de la paix que vous serez toujours, je veux dire merci. Cet engagement, votre engagement, la France ne l’oublie pas.
Source http://www.le70e-normandie.fr, le 17 septembre 2013