Déclaration de M Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les grands domaines de coopération entre l'OTAN et la Russie (consultation sur la SFOR en Bosnie, opérations conjointes de maintien de la paix, volet militaire de la coopération, implication dans l'architecture européenne de sécurité), New York le 26 septembre 1997.

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Circonstance : Réunion du Conseil permanent OTAN-Russie à New York (Etats-Unis) le 26 septembre 1997

Texte intégral

Le 27 mai dernier, nos chefs d'Etat et de gouvernement ont signé à Paris l'Acte fondateur d'une nouvelle relation de coopération entre l'OTAN et la Russie. Ce faisant, nous reconnaissions à ce grand pays la place qui lui revenait dans la nouvelle architecture européenne.

Les perspectives tracées par cet accord sont larges et ne connaissent pas de limites préconçues. En mettant en place des mécanismes de concertation réguliers et à haut niveau, en définissant des domaines de coopération politique et militaire variés, nous avons en effet jeté les bases d'un véritable partenariat pour l'avenir.

Aujourd'hui, l'heure est à la mise en oeuvre des engagements souscrits dans l'Acte fondateur.

Mon pays souhaite que l'on traduise rapidement dans les faits les principes de coopération et de concertation inscrits dans cet accord. Car rien ne serait plus préjudiciable à l'avenir de la nouvelle relation OTAN-Russie que de cantonner les échanges à des discussions formelles et convenues sur la sécurité européenne.

Aujourd'hui, la signature de l'Acte fondateur a créé en Europe une réalité politique nouvelle.

Il nous revient dès lors de faire preuve d'imagination et d'ambition pour les travaux à venir.

Dans cet esprit, je suggère que nous nous concentrions en priorité sur quatre grands domaines de coopération et de concertation.

1)La Bosnie-Herzégovine tout d'abord.
Ce sujet est fondamental car pour la première fois depuis la création de l'Alliance, Américains, Européens et Russes ont oeuvré de concert au service de la paix de notre continent. Et c'est depuis qu'ils l'ont fait, exerçant ensemble des pressions sur tous les protagonistes, qu'on a avancé. Cet engagement commun en Bosnie-Herzégovine doit se poursuivre.

La coopération entre l'OTAN et la Russie s'est établie sur de bonnes bases. Toutefois, il me paraît nécessaire d'améliorer encore le processus d'information de notre partenaire russe.

Nous comprenons parfaitement le souci de la Russie d'être plus étroitement associée quand la mise en oeuvre du plan de paix implique des moyens militaires. J'y vois le signe d'une volonté de s'impliquer toujours plus dans le règlement des difficultés auxquelles se heurte le processus de paix.

C'est pourquoi la France est satisfaite que les consultations politiques sur la SFOR prévues jusqu'ici à 16 + 1 soient transférées dans le cadre du conseil conjoint, afin de donner à notre coopération au service de la paix en Bosnie une visibilité et une impulsion nouvelles.

2) Il faudrait ensuite développer une réflexion commune sur les modalités des opérations conjointes de maintien de la paix.

Celles-ci constitueront en effet le point central de l'avenir des relations entre l'Alliance et la Russie.

L'émergence de crises régionales est, en effet, susceptible d'engendrer une instabilité sur le continent. Des solutions à de telles crises ne peuvent être trouvées sans un engagement résolu de la communauté internationale.

Cela implique que nous ayons une vision commune de nos futures opérations conjointes qui, naturellement, continueront à s'exercer sous l'autorité de l'ONU ou de l'OSCE. Dans quelles conditions, et selon quelles modalités, mènerons-nous ces opérations conjointes ? Comment associer d'autres partenaires qui souhaiteraient se joindre à nous ? Quelles seront les structures adéquates de commandement ? Comment s'exercera le contrôle politique ?

A ces questions comme sans doute encore à d'autres, il nous faudra trouver des réponses appropriées.

3) Il faut également donner toute sa dimension au volet proprement militaire de la coopération entre l'OTAN et la Russie.

Ne sous-estimons pas en effet le poids du passé. Il nous faut dépasser définitivement les réflexes de méfiance et de repli sur soi qui pourraient subsister de part et d'autre.

L'objectif qui doit guider notre action est d'instaurer un réel climat de confiance et de transparence. A ce propos, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'en réponse à l'initiative du président Eltsine du 27 mai dernier au sujet du déciblage des armes nucléaires russes, le président de la République vient d'annoncer à Moscou qu'avec le démantèlement des missiles sol-sol du plateau d'Albion, aucun des moyens nucléaires de la Force française de dissuasion n'est désormais ciblé.

Pour créer les habitudes de travailler ensemble indispensables à cette confiance, l'Acte fondateur offre de nombreuses opportunités très concrètes. Je pense notamment à des formations et des exercices communs ou à la mise en place de missions militaires de liaisons. Je pense également à des domaines comme la sécurité aérienne militaire, où un renforcement de la coopération serait extrêmement efficace à court terme.

Cette coopération militaire est particulièrement importante dans le contexte des futures opérations de maintien de la paix dont je parlais plus haut. Nos soldats rempliront leur mission de façon d'autant plus efficace qu'au préalable auront été définis des procédures et des mécanismes communs.

4) Il est important enfin que nous menions un travail de réflexion approfondi sur la place et le rôle du Conseil conjoint OTAN-Russie dans la nouvelle architecture européenne de sécurité.

Cette réflexion est nécessaire pour assurer une insertion harmonieuse de cette nouvelle enceinte parmi les autres institutions européennes et euro-atlantiques.

Il faut veiller à la complémentarité de ces institutions dans la perspective de leur renforcement mutuel et du respect de leurs compétences respectives.

Nous devrons donc définir les domaines dans lesquels le Conseil conjoint sera à même d'apporter une valeur ajoutée significative à la sécurité européenne, et concrétiser ainsi les perspectives offertes par l'Acte fondateur./.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2001)