Texte intégral
Monsieur le Secrétaire général de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA),
Mesdames et Messieurs les participants,
Mesdames et Messieurs,
Votre assemblée vient de consacrer deux jours de discussions à un sujet essentiel : la sécurité juridique des affaires en Afrique.
Oui, essentiel et même nécessaire !
Car cette question concerne le continent de l'avenir : l'Afrique.
Cette Afrique francophone pour la liberté de laquelle nous nous sommes engagés au Mali. Cette Afrique où aura lieu le prochain Sommet des chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie, à Dakar en 2014.
Cette Afrique où a eu lieu le précédent Sommet de Kinshasa en 2013.
Ce sommet fut, pour la ministre de la francophonie, nouvellement nommée que j'étais, un moment décisif :
Je suis donc nommée en mai 2012, et le Sommet de l'OIF est prévu pour le mois d'octobre à Kinshasa. Mais de nombreuses questions étaient posées.
On m'a beaucoup interrogé sur : «Est-ce que la RDC est une démocratie permettant d'accueillir un Sommet de pays tournés vers la démocratie, la liberté ?», «Est-ce que la situation au Congo est stable ?», «Le pays est-il sécurisé ?»
À ce moment-là, le Sommet n'avait que très peu de chances d'avoir lieu à Kinshasa. Car toutes ces questions venaient du Luxembourg, du Canada, de la Belgique, de la France, des pays du Nord.
Je me suis rendue à Kinshasa pour rencontrer les Congolais (la société civile, les institutions, les hommes politiques, les artistes), et voir leur sentiment sur la tenue de ce sommet à Kinshasa.
Un chef d'État africain, un démocrate respecté, m'a dit : «Nous, chefs d'État africains francophones nous nous rendrons à Kinshasa. Si les États, si la France ne se rend pas à Kinshasa, ce sera non pas un camouflet à la République démocratique du Congo, mais un camouflet à l'Afrique centrale. Le président Kabila est notre petit frère. Il est au bord du chemin et nous devons l'accompagner pour l'amener au centre du chemin.»
Je prenais alors conscience d'une solidarité africaine qui existait quels que soient les balbutiements de la démocratie.
Il fallait les accompagner et non pas les condamner !
J'étais convaincue de ce nouveau regard, convaincue que cette Afrique était en pleine mutation, et pas comme les pays du nord le concevaient.
C'est avec leurs mots, ceux des Africains, et avec leur vision, que je suis allée porter cette parole au président de la République.
Le président a dit ce qu'il avait à dire sur les valeurs des droits de l'Homme et la démocratie. Il a parlé à hauteur d'homme.
Le Sommet de Kinshasa a eu lieu, la démocratie congolaise progresse.
Chers Amis,
Changez de regard !
Tel est le moteur de ma mission au sein du ministère de la Francophonie.
C'est avec ce nouveau regard que l'on pourra accompagner les changements.
Telle est la politique conduite par le gouvernement et par le chef de l'État qui a indiqué, concernant l'Afrique, vouloir «proposer une relation fondée sur l'égalité, la confiance et la solidarité».
C'est ce que nous faisons avec la francophonie.
C'est ce que vous faites avec l'OHADA.
Parce que nous, comme vous, optons pour la confiance en l'Afrique, aux Africains, à la capacité de changer, d'améliorer et sécuriser le développement du continent.
Il y a évidemment des difficultés, des écueils, mais c'est ensemble que nous avons décidé d'y apporter des solutions.
Depuis 20 ans (vous fêterez en octobre les 20 années de votre organisation), vous travaillez à la sécurisation du droit des affaires en Afrique.
L'OHADA apparaît plus que jamais, comme un outil clé du développement économique et social ainsi que de l'intégration régionale africaine.
Et partout où le climat des affaires est apaisé, l'investissement sécurisé, les indicateurs montrent une régression de la corruption, une élévation des données macro-économiques, un enrichissement de la population et un recul de la pauvreté.
N'est-ce pas cela que nous poursuivons ?
L'État français a notamment consacré, de 2006 à 2012, trois millions d'euros aux projets de l'OHADA. Deux experts techniques français, que je salue dans la salle, y sont déployés en appui au secrétariat permanent. Cet appui va se poursuivre.
Les enjeux pour votre organisation sont désormais, après les succès déjà enregistré dans la ratification de ses textes par les États, de veiller à la pleine application des dispositions prévues.
Certes des poches de résistances, des kleptocrates existent, mais soyons optimistes.
Je le suis, vous l'êtes.
Travaillons ensemble, renforçons la volonté de changement et de progrès exprimée par les populations et leurs dirigeants.
Il nous faut l'encourager,
Il nous faut l'accompagner.
En 2013, le taux de croissance du continent avoisine les 6 %. Le PIB cumulé de l'Afrique atteindra 2.000 milliards d'euros d'ici 2020. Après l'Asie émergente, l'Afrique est la région du monde qui connaît la plus forte croissance.
L'Afrique est le réservoir de la francophonie dans le monde pour les prochaines décennies. Cette Afrique et cette Francophonie sont au coeur du programme présidentiel de François Hollande.
Après son discours de «rupture» à Dakar, après l'opération SERVAL où, côte à côte, militaires africains et français ont combattu pour la liberté et les valeurs humanistes que nous portons, la France est devenue le partenaire, l'alliée du Mali et de l'Afrique.
Une nouvelle page de notre relation à l'Afrique s'est ouverte. Nous sommes à un tournant historique.
Une nouvelle génération de dirigeants (politiques, économiques, syndicaux, sociaux) est arrivée au pouvoir au Nord comme au Sud. Ceux-ci n'ont pas vécu le fait colonial,
Ceux-ci ne se sentent ni coupables, ni complexés, ni redevables.
La majorité de la population africaine a moins de 15 ans. Ces jeunes veulent se développer, commercer, dialoguer entre eux. Ils veulent inventer l'avenir.
Voilà ce que j'entends à Dakar, à Kinshasa, à Bujumbura, à Accra, à Abidjan mais aussi à Paris. Cela se passe loin des préjugés.
La France est le partenaire et l'allié des Africains.
Aujourd'hui alliés, nous devons accompagner l'émergence et la construction d'une nouvelle Afrique avec nos partenaires du continent. Les enjeux de paix et sécurité sont au coeur des priorités du gouvernement concernant l'Afrique.
La France et ses entreprises ont un rôle à jouer dans la reconstruction des économies des États que nous avons aidé à sortir de crises. Si nous ne le faisons pas, hélas, nos efforts pour la stabilisation seront anéantis sur l'autel des appétits économiques des BRICs.
À compétences égales et dans le respect des procédures de passation de marchés publics, les entreprises françaises ont un plus : le transfert de compétences, car les populations ont en partage la langue française. C'est un avantage indéniable face aux BRICs qui à notre différence, ne forment pas le capital humain local, n'emploient pas ou que très peu la main-d'oeuvre locale.
Si cette main-d'oeuvre ne participe pas à l'économie, cela sape les efforts de paix et de reconstruction économique. La révolte des populations ira alors grandissante. On l'a vu récemment dans certains pays. La France n'a de cesse que d'accompagner l'instauration de la démocratie avec les outils de l'OIF, mais le retour à la paix n'est consolidé que si des emplois sont créés, l'économie locale développée et la jeunesse épanouie. Si tel n'est pas le cas, la révolte grondera à nouveau.
Notre approche avec nos entreprises et nos valeurs francophones doit viser, une fois la paix revenue, à obtenir une priorité sur les appels d'offres et les marchés publics. Non pas au nom de la «compétitivité-prix» des offres, mais au nom de la qualité.
Les offres françaises ne tiennent pas seulement à l'économie et à l'investissement financier, elles tiennent également à l'accompagnement que nous apportons en termes de progrès sur les droits de l'homme, de consolidation de l'État de droit. Voilà où réside la plus-value française. Nous ne sommes pas uniquement des financiers, des bailleurs de fonds, nous sommes également des partenaires qui visons la construction de l'avenir des jeunesses africaines que nous formons, que nous employons.
Soyons inventif, soyons proactif, proposons à tous ces pays africains notre offre (celle directe de nos entreprises mais surtout celle indirecte et induite par notre présence et notre accompagnement).
Chers Amis,
La Francophonie est porteuse de valeurs,
Nous avons un avantage, c'est la réalité d'une francophonie économique.
Seuls, nous les Français, nous demandons si notre langue est un atout: le reste du monde en est certain.
Alors même que les pays d'Afrique connaissent des taux de croissance importants, il faut faire plaidoyer auprès des entreprises françaises pour qu'elles s'implantent en Afrique francophone, leur montrer tous les avantages d'une présence déjà forte de la France (20% du capital, 1er employeur dans le secteur formel) et d'une langue commune (avantages comparatifs en termes de communication, de systèmes juridiques et réglementaires, pénétration pour nos marques de marchés captifs, un retour sur investissement des entreprises du CIAN deux fois plus important que la moyenne française ).
Nous avons avec le français, qui est une langue d'émancipation économique, un impact positif sur les économies en Afrique.
L'étude que j'ai commandé à la Fondation pour les Études et Recherches sur le Développement International (FERDI) a confirmé ce que nous supputions tous :
- il y a un impact positif du français sur les flux commerciaux francophones : « les flux commerciaux entre deux pays de l'espace francophone sont supérieurs d'environ 22%...» ;
- D'autre part, il y a un impact positif du français dans l'accroissement du PIB par habitant : « les échanges induits par l'appartenance à l'espace francophone se traduisent, dans le long terme, par un accroissement du PIB par tête de 6%».
L'affaissement qu'a subi l'enseignement du français pendant des années doit être combattu car c'est bien cette langue qui est notre arme économique.
C'est pour cela que depuis 6 mois, j'ai enclenché la préparation d'un programme de coopération, un fond de solidarité prioritaire pour à destination de l'Afrique francophone. Il s'agit du FSP 100 000 professeurs de français de français que je lancerai en octobre à Brazzaville.
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Nos actions se rejoignent.
Vous, juristes, qui oeuvrez pour un droit des affaires efficace et respecté ; et nous, diplomates, dont la tâche est d'aider à établir les conditions de l'action.
Et pour moi, notre action commune doit se résumer désormais à : Vous et nous au coeur de la Francophonie économique !
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 septembre 2013